Émission Libre à vous ! du 21 février 2023
Titre : Émission Libre à vous ! du 21 février 2023
Intervenant·e·s : Gee - Frédric Toutain - Vincent Calame - Étienne Gonnu - Thierry Holleville à la régie
Lieu : Radio Cause Commune
Date : 21 février 2023
Durée : 1 h 30 min
Page des références de l'émission
Licence de la transcription : Verbatim
Illustration : Déjà prévue
NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.
Transcription[modifier]
Voix off : Libre à vous ! l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Étienne Gonnu : Bonjour à toutes, bonjour à tous et bienvenue dans Libre à vous !, l’émission qui vous raconte les libertés informatiques.
Le logiciel libre à l’Assemblée nationale. Pour notre sujet principal, j’aurai aujourd’hui plaisir à recevoir Frédric Toutain, ancien attaché parlementaire libriste, qui nous parlera des dessous de la fabrique de la loi. Il nous racontera comment, entre autres, la priorité au logiciel libre dans l’Enseignement supérieur est arrivée par erreur dans la loi. Également au programme, l’humeur de Gee sur les Intelligences Artificielles, ainsi qu’une Éloge de la lenteur. Nous parlerons de tout cela dans l’émission du jour.
Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, une émission proposée par l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Je suis Étienne Gonnu, chargé de mission Affaires publiques pour l’April.
Le site web de l’émission est libreavous.org. Vous pouvez y trouver une page consacrée à l’émission du jour, avec tous les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours ou à nous poser toute question.
Nous sommes mardi 21 février 2023. Nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.
À la réalisation de l’émission, Thierry. Salut Thierry.
Thierry Holleville : Bonjour à tous.
Étienne Gonnu : Nous vous souhaitons une excellente écoute.
[Jingle]
Chronique « Les humeurs de Gee », sur les Intelligences Artificielles[modifier]
Étienne Gonnu : Nous allons commencer par la chronique « Les humeurs de Gee ». Gee, auteur du blog-BD Grise Bouille, va nous exposer son humeur du jour : des frasques des GAFAM aux modes numériques, en passant par les dernières lubies anti-Internet de notre classe politique, il partage ce qui l’énerve, l’interroge, le surprend ou l’enthousiasme, toujours avec humour. L’occasion peut-être, derrière les boutades, de faire un peu d’éducation populaire au numérique.
La cible de sa plume aujourd’hui, les Intelligences Artificielles. Salut Gee.
Gee : Salut Étienne et salut à toi, public de Libre à vous !.
Ces derniers temps, il y a un petit logiciel qui fait le buzz sur Internet, tout le monde s'en sert et tout le monde en parle. Ce logiciel, c'est Chat j'ai Lâché une caisse ! Pardon, ChatGPT ! Oui, une petite blague de prout pour se mettre dans l'ambiance, c'est simple mais efficace.
ChatGPT, les trois lettres, G, P et T. ChatGPT est un chatbot, ou agent conversationnel en français, basé sur quelque chose qui est la source de tous les fantasmes d'un côté et de toutes les peurs de l'autre : l'intelligence artificielle.
Je ne peux pas prononcer cette expression sans faire une petite parenthèse : pour des raisons de simplicité, je vais utiliser le terme IA, pour « intelligence artificielle », pendant toute cette chronique, mais, en fait, je n'aime pas trop ce terme qui est assez trompeur. Oui, parce que l'IA n'a, en fait, rien d'intelligent ! On n'a pas encore découvert le secret de la conscience, ça reste des algorithmes qui ne sont pas fondamentalement différents de ceux des années 80 ; ils sont juste beaucoup plus flexibles, plus adaptables, et surtout plus rapides, avec des capacités d'absorption de données phénoménales. Mais l'IA, dans 99% des cas, ça reste des grosses statistiques, en gros. Oui, c'est un peu réducteur, mais je veux absolument déconstruire cette image de magie qu'on colle à l'IA dans la presse. D'ailleurs, la littérature scientifique utilise peu le terme d'IA mais plutôt celui de machine learning, c'est-à-dire d'apprentissage automatique.
Petite parenthèse dans la parenthèse : l'IA n'est pas intelligente, mais elle n'est pas toujours artificielle non plus, les grosses boîtes de la Silicon Valley n'hésitant pas à sous-traiter certaines réponses à des intelligences bien humaines, des travailleuses et travailleurs pauvres à l'autre bout du monde ! Tiens !, quelle surprise !
Parenthèses fermées.
Revenons donc à ChatGPT, l'IA conversationnelle du moment.
Si vous ne connaissez pas, pour faire simple, ChatGPT se présente comme une simple fenêtre de chat dans laquelle vous pouvez parler avec un assistant virtuel qui va répondre à vos questions.
Sauf que là, on a largement dépassé le stade de l'assistant virtuel à deux euros que vous avez sur certains sites de commerce en ligne, incapable de piger le moindre truc compliqué, et qui sert surtout à détecter un mot clef dans votre question pour vous renvoyer sur la bonne section du site.
Non ! Là on a quelque chose qui pourrait assez facilement passer le test de Turing, c'est-à-dire qui répond avec tellement de naturel et de pertinence qu'on a du mal à distinguer s'il s'agit bien d'une IA ou d'un véritable être humain qui écrit. Et, comme ChatGPT a été entraîné en absorbant de colossales quantités de données, il a une foule de connaissances monumentale et peut répondre à des questions compliquées avec une précision étonnante.
Demandez-lui de vous écrire un programme en langage Python pour calculer une approximation du nombre Pi via la méthode de Monte-Carlo, il vous créera quelque chose de fonctionnel ; demandez-lui les avantages et les inconvénients du logiciel libre, il vous listera des points pertinents ; demandez-lui d'écrire un scénario de film d'horreur, il vous pondra quelque chose qui a du sens ; demandez-lui d'imaginer un dialogue entre deux personnages, il vous écrira une conversation plausible. Bon !, une conversation parfois trop policée pour être plausible. Pour le pousser dans ses retranchements, je lui ai demandé d'imaginer un dialogue entre Adolf Hitler et Louise Michel, ça donne ça :
— Louise : Bonjour Monsieur Hitler, comment allez-vous ?
— Adolphe : Bonjour Madame Michel, je vais bien, merci. Et vous ?
— Louise : Moi aussi je vais bien, mais je suis en désaccord avec votre idéologie raciste. Elle va à l'encontre des valeurs de liberté et d'égalité que je chéris.
— Adolphe : Je comprends votre point de vue Mmadame Michel, mais je pense que vous ne voyez pas les choses du bon angle.
Adolf Hitler qui dit à Louise Michel « je comprends votre point de vue » ! ChatGPT s'est peut-être un peu trop entraîné sur des débats de politiciens de plateau télé soporifiques. De manière générale, ChatGPT est d'ailleurs très fort pour singer le ton lisse et monotone du communiquant insipide. Sciences Po a d'ailleurs interdit l'usage de ChatGPT, vous en tirez les conclusions que vous voulez.
ChatGPT est impressionnant, c'est évident. J'ai un ami qui est prof à l'université. Il me racontait qu'il avait fait passer un de ses examens à ChatGPT et que celui-ci avait eu une note supérieure aux 3/4 de ses élèves. Aïe !
Ceci étant dit, il faut rester prudent avec ce genre d'usage, car ChatGPT n'est pas réellement programmé pour donner des réponses exactes, mais bien des réponses qui ont l'air plausibles. En gros, c'est principalement un générateur de texte bien foutu, qui va essayer de deviner la réponse la plus statistiquement plausible à ce que vous lui demandez, selon ce qu'il a ingurgité comme données avant. Encore une fois, je me répète, l'IA, ce sont de grosses statistiques.
Dans le cas de ChatGPT, en pratique, ça veut dire qu'il va tomber souvent juste si vous lui demandez de recracher des connaissances, mais qu'il peut aussi raconter n'importe quoi avec le même ton péremptoire, notamment si vous lui parlez de choses qui n'existent pas mais qui ont l'apparence de la réalité.
Exemple ? Je lui ai demandé de m'expliquer le syndrome de l'alpiniste chez la loutre commune. Ça n'a aucun sens, c'est débile, ça n'existe pas, j'ai vérifié. Eh bien ChatGPT me brode ce truc : « Le Syndrome de l'Alpiniste (ou climbing bevahior en anglais) est un comportement observé chez certaines loutres qui consiste à grimper aux arbres ou aux structures artificielles. Cela peut être dangereux pour les loutres, car elles peuvent tomber et se blesser. Ce comportement a été observé chez les loutres communes, entre parenthèses (Lutra lutra), ainsi que d'autres espèces de loutres. Il a été suggéré que le Syndrome de l'Alpiniste pourrait être causé par des facteurs environnementaux, comme un manque de nourriture ou de refuges adéquats dans leur habitat naturel, ou par des facteurs comportementaux, comme un manque de stimulation mentale. » Pas mal ! Et en plus, si je lui demande des références sur ce sujet, il m'invente gentiment une bibliographie complètement imaginaire, comme « Tree-climbing behaviour in European otters Lutra lutra (2011) de J. Hernández-López et al. Les auteurs de cette étude ont examiné les observations de comportements d'escalade chez les loutres dans différentes régions d'Espagne, et ont conclu... », blablabla. Le pire, c'est que les scientifiques cité⋅es existent, mais n'ont jamais écrit ces articles totalement inventés.
Si vous doutez encore du fait que ChatGPT n'a en fait aucune logique naturelle et aucune vraie intelligence au-delà de la pure génération de textes qui ont l'air valides, essayez de le piéger avec des blagues d'enfant de cinq ans, vous allez voir, il se fait avoir à tous les coups !
Par exemple, si je lui demande innocemment « un avion s'écrase sur la frontière entre la France et la Belgique, où sont enterrés les survivants ? », ChatGPT me répond avec toute sa verve : « Il est difficile de répondre à cette question sans plus de contexte. Si les survivants sont des citoyens français ou belges, il est probable qu'ils soient enterrés dans leur pays d'origine, selon les souhaits de leur famille et blablabla ». Comme d'habitude, le texte fait trois kilomètres de long. Sur la forme, c'est bien dit, sur le fond il est aussi con qu'un enfant de cinq ans. Oui, parce qu'on n'enterre pas les survivants, en fait. C'est ça la blague. En plus, en général, ChatGPT persiste dans sa connerie.
Exemple avec cette petite devinette : « Dix oiseaux sont posés sur une branche, un chasseur tue l'un des oiseaux d'un coup de fusil, combien reste-t-il d'oiseaux sur la branche ? ». Que me répond ChatGPT ? Évidemment, il me répond : « Il reste neuf oiseaux ». Alors là je me dis, bon, je vais lui expliquer. Je lui demande : « Tu ne crois pas que les autres oiseaux se seraient envolés après le coup de fusil, gros bêta ? ». J'aime bien traiter les IA de gros bêta. Alors là ChatGPT, qui n'est pas contrariant, me dit : « Il est possible que les autres oiseaux aient pris peur et se soient enfuis en entendant le coup de fusil. En effet – attendez, là c'est drôle –, les oiseaux ont généralement un sens aigu de l'ouïe et peuvent détecter les bruits qui pourraient représenter un danger pour eux, comme le coup de fusil d'un chasseur ». Et c'est vrai qu'il faut un sens sacrément aigu de l'ouïe pour entendre un coup de fusil, effectivement !
Maintenant que je lui ai expliqué, je lui répète la question : « Sachant cela, dix oiseaux sont posés sur une branche, un chasseur tue l'un des oiseaux d'un coup de fusil, combien reste-il d'oiseaux sur la branche ? ». Il me répond : « Il reste neuf oiseaux ». Mais non ! ChatGPT, on l'a dit, je répète : si je tire un coup de fusil, les autres oiseaux s'envolent ! Tous ! Donc, « dix oiseaux sont posés na na na, combien reste-il d'oiseaux ? — Il reste neuf oiseaux ». Et merde ! Là j'ai laissé tomber, même un enfant de cinq ans est moins têtu que ça !
On rigole, mais malgré ces défauts – qui finiront par être comblés, n'en doutons pas –, il faut admettre que les IA comme ChatGPT vont mettre un sacré bazar dans pas mal d'endroits et bousculer pas mal de gens. Et je n'ai pas parlé de Dall-E ou de Midjourney, qui sont des IA de génération d'images artistiques, mais c'est tout aussi impressionnant et un peu flippant aussi.
Vous allez me dire, mais quel est le business model de ces IA ? Eh bien vous allez rire ! Comme pas mal de gens comme les profs d'université ont peur que les gens se mettent à les utiliser massivement, les boîtes d'IA vendent des logiciels pour détecter et identifier les textes qu'elles génèrent. Ah ! C'est pas beau ça ? Créer un problème et vendre la solution ? C'est comme si Marlboro vendait des chimios.
Après, si on analyse froidement les choses, sur la fiction par exemple, les métiers les plus en danger sont ceux les moins inventifs et qui produisent le plus à la chaîne : typiquement, les scénaristes d'Hollywood ou de Netflix. Eh bien oui, encore une fois grosses statistiques, l'IA absorbe toutes les données possibles – donc majoritairement des grosses productions pondues à la chaîne – et recrache les choses les plus plausibles, donc les plus communes. À la fin, quand on lui demande des scénarios de fiction, on a les histoires de voyages initiatiques et de mythes du héros déjà vues des millions de fois.
En plus, tout à l'heure, on a rigolé avec les inventions de ChatGPT sur les conversations entre Hitler et Louise Michel ou sur le syndrome de l'alpiniste, mais j'aime à croire que ce rire vient quand même pas mal de mes propres questions et de mon interaction, bien humaine elle.
Quant au risque de voir les IA prendre le travail de pas mal de métiers intellectuels, il est parfaitement réel, et oui, je le répète, ça va mettre un sacré bazar. Et, en même temps, ça fait des décennies que les ouvriers se font défoncer par l'automatisation et que des tas de prolos se retrouvent déclassés sans que ça n'émeuve plus que ça les cadres. Si les cadres sont mis en danger par l'évolution technologique, ça les rendra peut-être un peu plus sensibles à ce genre de problème. Oui, parce que pour la mécanisation comme pour l'IA, la disparition des emplois n'est un problème que lorsque les gains de productivité sont captés par les propriétaires et non redistribués à tout le monde.
Pour conclure : ami cadre qui sens ton emploi menacé par les IA, rejoins les anticapitalistes, tu verras ! Viens, on est bien !
Allez, salut !
Étienne Gonnu : Merci, Gee.
Une question de Marie-Odile : tu as bien fait le sacrifice d’utiliser ChatGPT pour réaliser cette chronique sans trucage ?
Gee : Oui.
Étienne Gonnu : Bravo à toi !
Gee : Je sais, j’ai nourri l’IA, ce n’est pas bien, mais bon !, il fallait savoir comment ça marche.
Étienne Gonnu : Quel sens de la dévotion pour la cause ! Bravo et merci Gee.
Je te dis au mois prochain, même à la semaine prochaine, je crois, puisque tu participes à une émission qui va être animée par Laurent Costy avec David Revoy, et vous allez parler de…
Gee : De bandes dessinées libres.
Étienne Gonnu : Super. Hâte d’écouter cette émission. Du coup je te dis à la semaine prochaine. Tu restes un peu en studio avec nous. Parfait.
Nous allons faire une pause musicale.
[Virgule musicale]
Étienne Gonnu : Après la pause musicale, nous recevrons par téléphone Frédéric Toutain, ancien attaché parlementaire libriste, qui partagera avec nous son expérience.
Avant cela nous allons écouter Sous Contrôle par Les Gueules Noires. On se retrouve juste après. Belle journée à l'écoute de Cause Commune, la voix des possibles.
Pause musicale : Sous Contrôle par Les Gueules Noires.
Voix off : Cause Commune, 93.1.
Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter Sous Contrôle par Les Gueules Noires, disponible sous licence libre Creative Commons Attribution, CC BY. Si vous voulez en savoir un peu plus sur Les Gueules Noires, j’avais eu le grand plaisir d’interviewer un de ses membres lors de l’émission du 21 juin 2022, j’ai oublié le numéro [148], vous le retrouverez facilement et je vous mettrai le lien en référence.
[Jingle]
Étienne Gonnu : Passons à présent à notre sujet suivant.
[Virgule musicale]
Échange avec Frédric Toutain, ancien attaché parlementaire d’Isabelle Attard, députée entre 2012 et 2017, notamment engagé sur les questions relatives au logiciel libre[modifier]
Étienne Gonnu : Pour notre sujet principal, j’ai le plaisir d’avoir avec moi par téléphone Frédric Toutain, ex-ingénieur informatique, ex-attaché parlementaire, formateur d’élus du personnel et défenseur syndical. Entre 2012 et 2017, il a été attaché parlementaire d’Isabelle Attard, élue écologiste bien connue des personnes qui défendent le logiciel libre. Il a notamment participé à pousser pour une meilleure prise en compte du logiciel libre justement à l’Assemblée nationale. Il va partager avec nous son témoignage sur les dessous de la fabrique de la loi.
N’hésitez pas à participer à notre conversation au 09 72 51 55 46 ou sur le salon web dédié à l’émission, sur le site causecommune.fm, bouton « chat».
Bonjour Frédric. Est-ce que vous êtes avec nous ?
Frédric Toutain : Bonjour Étienne.
Étienne Gonnu : Merci de nous avoir contactés pour nous proposer votre témoignage d’ancien attaché parlementaire libriste. Pour que nos auditeurs et auditrices sachent mieux d’où vous parlez, est-ce que vous pourriez vous présenter s’il vous plaît ? Notamment quel est votre parcours ?
Frédric Toutain : Rapidement mon parcours. J’ai fait des études d’informatique, des jobs de développeur et de chef de projet ensuite en SS2I [Société de services en ingénierie informatique] dans une usine d’électronique notamment de cartes à puces. Une réorientation après un plan social, des activités syndicales, des activités de formateur et, en 2011, je prends ma carte chez Europe Écologie Les Verts, un peu dans la suite de mon engagement syndical, pour avoir un engagement politique qui fasse progresser mes idées. Je me retrouve, début 2012, directeur de campagne aux élections législatives, victorieuses, à Bayeux, et ensuite attaché parlementaire. Donc je débarque à l’Assemblée nationale en juin 2012 en n’y ayant jamais mis les pieds, sans avoir envisagé d’y travailler un jour.
Étienne Gonnu : Entendu. Avant de rentrer dans cette période de votre vie, de ce que je comprends, le logiciel libre c’est quelque chose dans lequel vous étiez engagé, une conviction que vous aviez avant d’arriver à l’Assemblée nationale. Quelle est votre découverte du logiciel libre ? Que représente pour vous le logiciel libre ?
Frédric Toutain : Ma découverte c’est vraiment en arrivant à la fac en 1997, où les logiciels libres sont le choix par défaut, que ce soit pour concevoir, pour programmer. C’est là que je découvre les premiers navigateurs web, Mozilla Firefox est arrivé en cours de route, les premières install-parties de Linux ça devait être en 2000. C’était un usage au quotidien parce que, déjà, c’est moins cher quand on est étudiant, parce que c’est accessible et on peut faire avec tout ce qu’on a envie de faire. Je suis un peu tombé dedans quand j’étais petit !
Étienne Gonnu : Vous êtes donc arrivé à l’Assemblée nationale fort de ces convictions. Vous étiez l'attaché parlementaire – on entend aussi parfois l’expression collaborateur ou collaboratrice parlementaire – d’Isabelle Attard qui était une élue écologiste, vous l’avez dit. On rappelle aussi le contexte en 2012, élections législatives : une majorité du Parti socialiste mais aussi un groupe écologiste qui a été élu lors de cette élection.
Frédric Toutain : Oui. Il y avait un accord entre le Parti socialiste et Europe Écologie Les Verts : ils se désistaient en faveur les uns les autres dans un certain nombre de circonscriptions afin d’augmenter les chances d’obtenir une majorité à l’Assemblée, ce qui a été le cas. Le Parti socialiste avait malheureusement une majorité absolue qui faisait qu’il n’avait pas spécialement besoin de ses alliés des groupes de gauche à l’Assemblée et il faisait un peu ce qu’il voulait. C’est d’ailleurs ce qui s’est passé dans les cinq années de 2012 à 2017.
Étienne Gonnu : Effectivement, l’histoire a un peu confirmé ce que vous dites.
Vous êtes arrivé, vous nous l’avez dit, à l’Assemblée nationale, une institution que vous ne connaissiez pas ; je pense que tant qu’on n’y a pas travaillé, on peut difficilement se rendre compte de la réalité de ses rouages. Quelle est votre impression en arrivant là-bas ? Comment appréhendez-vous votre arrivée et ce début de votre travail d’attaché parlementaire ?
Frédric Toutain : Je vais glisser une petite pub : si vous voulez mieux comprendre l’Assemblée et ce qui s’y passe, je vous invite à vous intéresser au projet Arcadie qui est dirigé par Tris Acatrinei, une autre ex-attachée parlementaire. C’est un média qui vise à vulgariser l’activité de l’Assemblée et à commenter ce qui s’y déroule. Vous pouvez chercher en ligne. Si vous voulez vous renseigner sur vos parlementaires, allez voir le projet Arcadie et aussi l’indispensable site NosDéputés.fr et son jumeau NosSénateurs.fr qui vous donneront pas mal d’informations. Ils ont fait beaucoup, notamment pour que l’Assemblée publie ses données de manière accessible, que ça soit réutilisable derrière, il y a une API [Interface de programmation].
Donc oui, l’arrivée à l’Assemblée a quelque chose de très impressionnant parce que c’est quelque chose qu’on voit à la télé. De mon point de vue, j’avais 32 ans en arrivant, l’Assemblée c’était quelque chose que je voyais à la télé. Il a fallu découvrir le fonctionnement, les codes de ce système et, une fois qu’on a compris les codes, apprendre aussi à jouer avec et essayer de les utiliser à son avantage, parce que, malheureusement, le système est un peu dévoyé. La Constitution de la Ve République dit que c’est ici que se votent les lois et se contrôle l’action de l’État, or les lois sont en grande très majorité plutôt décidées par le pouvoir exécutif au mépris de la séparation des pouvoirs. Le gouvernement a le contrôle de 50 % du planning de l’Assemblée, c’est lui qui amène ses projets de lois. Il reste 25 % qui sont consacrés aux lois originaires de l’Assemblée, on parle de propositions de lois, et les 25 % restants sont consacrés au contrôle de l’action de l’État sous forme de débats.
Étienne Gonnu : On entend souvent parler de fait majoritaire, le fait qui a effectivement été amplifié à partir du moment où les élections présidentielle et législative ont été ramenées à une échéance très courte. D’ailleurs c’est intéressant : dans cette nouvelle législature actuelle, où il n’y a plus une majorité absolue seule, on voit un petit peu comment ça rebat les cartes des rapports de forces politiques.
En 2012, on voit bien que la majorité du Parti socialiste, la même que celle du président, fait qu’il n’y a pas besoin, comme vous le disiez plus tôt, d’entretenir les alliances et le gouvernement pouvait passer beaucoup plus facilement ses projets de lois. C’est effectivement un aspect important du travail que vous allez d’ailleurs pouvoir nous décrire par la suite, dans lequel vous vous êtes impliqué.
Frédric Toutain : Tout à fait. Si vous voulez en savoir plus, vous trouverez dans les archives de Pas Sage en Seine, le cycle de conférences annuelles, une conférence que nous avions réalisée appelée « Hacker le parlement », qui est toujours disponible en ligne, et je crois savoir que le lien sera placé en accès sur la page de l’émission.
Étienne Gonnu : Vous êtes très bien informé, elle y est même déjà, une conférence très intéressante que j’invite vraiment nos auditeurs et auditrices à consulter, d’ailleurs avec une autre conférence que vous pourrez peut-être mentionner plus tard. C’est assez rare, je trouve, que des députés fassent cet effort de transparence sur leur action et permettent de donner aussi aux citoyens et citoyennes un regard, une meilleure compréhension, faciliter la compréhension de ce qu’est le travail des parlementaires. Je vais en profiter aussi pour saluer le projet Arcadie et le travail de Regards Citoyens avec NosDéputés.fr et NosSénateurs.fr qui sont effectivement des outils extrêmement importants de démocratie, malheureusement parfois aussi décriés par les élus, presque paradoxalement. En tout cas un grand merci à eux pour ces travaux importants.
On a échangé un petit peu avant cette émission, et vous m’avez dit quelque chose d’intéressant : une des premières choses qui vous est tombée dessus, c’était le choix du système d’exploitation. C’est effectivement une réalité matérielle quand on arrive dans cette institution, il a fallu choisir son système d’exploitation. Je vais vous laisser raconter.
Frédric Toutain : Il y a eu la possibilité, ouverte lors de la précédente mandature, en 2007, de choisir, pour les parlementaires, soit que les deux ordinateurs attribués à leur bureau à l’Assemblée – un pour le député, un pour son attaché parlementaire – soient soit sous Windows, soit sous Linux. Cette nouveauté, lancée en 2007, se prolonge en 2012 et on nous offre le même choix quand on arrive en 2012. Par nature, par habitude, j’aurais répondu Linux. Sauf qu’on fait partie d’un groupe et, au sein du groupe Europe Écologie Les Verts à l’Assemblée, des gens qui étaient dans la mandature précédente – je pense notamment aux attachés parlementaires de Noël Mamère qui était député avant – nous disent « ne faites surtout pas ça, choisissez Windows parce que la maintenance système des ordinateurs sous Linux n’est pas au point. On a des problèmes tout le temps, on a des problèmes notamment de boîtes mail qui sont pleines, il faut supprimer des messages pour pouvoir continuer à en recevoir, ça arrive quasiment tous les mois, donc ne faites surtout pas ça. » C’est un peu la mort dans l’âme que nous optons pour des ordinateurs sous Windows. C’est finalement un choix de réalisme, pas entre le Libre et le propriétaire, mais entre le qui marche et le qui ne marche pas.
Étienne Gonnu : Précisons que ce n’est pas inhérent au fait que c’étaient des logiciels libres, c’était simplement dû au fait de la proposition de maintenance de l’Assemblée nationale, ce n’était pas intégré, malheureusement. Je sais que d’autres attachés parlementaires, dans la législature suivante, ont essayé de bouger ça. D’ailleurs je ne sais pas si vous avez des échos pour savoir où ça en est à présent, malheureusement j’imagine que ça n’a pas beaucoup bougé.
Frédric Toutain : J’ai des amis à l’Assemblée, mais pas dans ce niveau de détail. Pour les gens qui ça intéresse je renvoie à un article de Jonathan Chibois qui s’appelle « Du logiciel libre pour l’Assemblée nationale : Liberté du code versus liberté des usages », qui retrace cette histoire de l’arrivée du Libre pour le matériel de l’Assemblée.
Étienne Gonnu : Qui est également en lien, que vous pourrez retrouver sur la page de l’émission libreavous/168.
Ce serait peut-être intéressant de comprendre ce qu’est le travail d’un attaché parlementaire. Il y a effectivement les attachés parlementaires qui vont plutôt travailler au niveau de l’Assemblée, vraiment au niveau de la fabrique de la loi, d’autres qui vont plutôt travailler en circonscription. On entend souvent que chaque équipe parlementaire est comme une petite PME avec un budget à gérer et des salariés. Vous êtes donc salarié de la députée. En quoi consiste le travail d’un ou d’une attachée parlementaire ?
Frédric Toutain : Il y a effectivement cette séparation entre les activités en circonscription et les activités de l’Assemblée. La plupart des députés ont au moins un attaché à chaque endroit. Moi j’étais dans un cas un peu bâtard et peu courant qui était d’être à cheval sur les deux : le lundi j’étais en circonscription, le mardi matin on partait, avec la députée, à l’Assemblée et on rentrait généralement le jeudi pour faire le vendredi en circonscription, selon l’actualité à l’Assemblée. Il y a généralement, régulièrement, des débats qui débordent. Mon premier souvenir c’est « le mariage pour tous » où, là, ça avait duré énormément. On était sur un sujet controversé et le Parlement avait choisi d’y accorder le temps nécessaire pour que toutes les oppositions puissent s’exprimer. Je vous renvoie à l’actualité du moment où des projets de loi aussi engageants que la réforme des retraites sont traités en moins d’une semaine, ce qui est totalement aberrant quand on voit le nombre de personnes concernées et l’impact sur leur vie.
La première chose qui s’impose aux députés c’est le programme de l’Assemblée avec les projets de lois, les propositions de lois qui sont en débat. Il y a là tout un travail de compréhension, d’abord, de propositions d’amendements ensuite ; le parlementaire peut en être à l’origine et/ou son équipe, et/ou des citoyens ou des lobbies qui viennent le contacter en disant « pour telle loi, il faudrait prendre en compte tel sujet. «
Je vais quand même distinguer. Quand on parle de lobby, on peut considérer, par exemple, que l’April est un lobby. Mais je fais une différence majeure entre les lobbies qui sont constitués d’intérêts privés, je pense aux intérêts d’entreprises, notamment les GAFAM – on pourra revenir sur leur façon d’essayer d’influencer la rédaction de la loi –, et des collectifs citoyens qui œuvrent pour l’intérêt général et pas pour leur intérêt particulier. C’est là où je vais distinguer le lobbyiste des GAFAM qui vient proposer un amendement, du chargé de relations publiques de l’April, par exemple, qui vient expliquer en quoi ce serait une bonne chose pour la société que la loi change et prenne telle orientation.
Étienne Gonnu : Dans l’absolu on peut considérer qu’il est normal, pour des députés, de se tenir informés, de consulter des gens qui ont différentes perspectives à proposer. L’enjeu, en fait, est surtout, me semble-t-il, celui de la transparence : on doit savoir qui propose quoi et quels intérêts sont derrière, si on a accès effectivement à tout cela.
Frédric Toutain : Tout à fait. Ma députée, Isabelle Attard, avait notamment participé à une émission en caméra cachée pour Capital, sur les lobbyistes, accompagnée de la députée Laurence Abeille. Elles avaient accepté l’invitation d’un lobbyiste de la viande française. La vidéo ne montrait absolument pas les personnes. Le président de ce lobby tenait un discours « les Français n’en ont rien à faire de la traçabilité, de l’origine de la viande. Il faut arrêter de nous mettre des contraintes à ce sujet ». Que ce genre de chose soit révélé à la télévision les avait rendus assez furieux.
Étienne Gonnu : C’est quelque chose qui vous a frappé ? Souvent, en tant que citoyen ou citoyenne, on a une certaine vision, on se représente bien, effectivement, que les lobbies peuvent avoir un impact ou une présence assez forte. Ça vous a frappé quand vous êtes arrivé ? Ça a été très tangible très vite ou c’était plus subtil, on va dire ?
Frédric Toutain : Oui, c’est très tangible très vite parce que les lobbyistes savent que le début d’une mandature est quelque chose de très important. Ils connaissent ceux qui ont été réélus, ils vont se pencher sur tous les nouveaux pour voir ceux qui sont susceptibles de s’intéresser à leur sujet, qui sont bien placés pour avoir des choses qui soient votées ; par exemple, le lobbying est beaucoup plus important envers les gens de la majorité que de la minorité. Comme à l’époque, au début du mandat, on était dans la majorité, on a vu débarquer des invitations de Google, de Microsoft à des rencontres, à des déjeuners, des dîners, une fois qu’ils avaient identifié que ma députée s’occupait des questions du numérique. Nous sommes allés à ces repas pour découvrir ce dont il s’agit, comment ça marche. Il a suffi d’une visite des locaux de Google et une des locaux de Microsoft pour comprendre quel était l’objectif de la chose. C’était « on espère que vous voterez dans le sens qui nous arrange ».
Étienne Gonnu : Sans surprise, j’imagine bien !
Vous qui étiez sensibilisé aux questions des enjeux des libertés informatiques, en arrivant à l’Assemblée, comment avez-vous perçu, on va dire, la maîtrise de ces enjeux politiques par les autres députés, par leurs équipes ? Ça correspondait à ce que vous envisagiez ?
Frédric Toutain : La question des libertés informatiques fait partie du plus grand domaine de l’informatique en général. Ce qui m’a frappé sur le sujet c’est une totale incompétence de la représentation nationale sur ce qu’est le numérique, à quelques rares exceptions près. À part des discours bateaux à base de « le numérique c’est bien, c’est l’avenir » !
Je vais citer un exemple. Ça se passait dans le bureau des transports où les parlementaires pouvaient venir retirer des billets de train, des billets d’avion. Il y avait un bureau dédié pour leur faciliter leurs transports. Ma députée s’y trouvait, attendait derrière un autre député à qui on expliquait que les billets de train étaient maintenant dématérialisés et qu’il avait une carte SNCF, que ses billets étaient dedans, qu'il n’aurait donc plus qu’à présenter sa carte au contrôleur et plus à se préoccuper du papier. Ce député a répondu « ça ne me va pas du tout, je veux continuer au papier. — Ça n’existe plus ici Monsieur. Au pire, si vous voulez avoir des traces, vous pouvez imprimer le mail, une fois que vous avez fait votre réservation on vous envoie un mail. — Ah non !, je ne m’occupe pas des mails, c’est mon assistante ! ». On était en 2012 face à un député qui n’utilisait pas l’outil mail, et ce n’est pas parce qu’il utilisait des messageries instantanées, c’était hors de question pour lui, il fallait que son assistante lui imprime ses mails pour qu’il en prenne connaissance !
C’est un exemple peut-être un peu extrême, je ne sais pas à quel point il était représentatif, mais les députés qui, en 2012, étaient concernés par le numérique étaient très peu nombreux. J’ai le souvenir de Lionel Tardy, je vais me souvenir d’Anne-Laure de la Raudière et j’en oublie une du côté socialiste, qui venait de chez Orange je crois, qui était sensibilisée au sujet. Mais c’était vraiment très peu de gens.
Étienne Gonnu : C’était il y a dix ans, en 2012. Je suis arrivé à l’April en 2016, c’était il y a maintenant sept ans, dis donc !, de ma perspective il y a quand même eu quelques évolutions, même si on sent que la question des libertés informatiques et le fait que les questions liées aux technologies numériques soient profondément politiques, je pense qu’on peut encore dire que ça n’est pas évident pour la majorité des élus à l’Assemblée ou au Sénat. Je pense, malheureusement, que ça reste en partie vrai, même s’il y a vraiment une tendance d’amélioration de la compréhension de certains enjeux à une échelle, on va dire, plus globale, des élus, en tout cas c’est mon sentiment. En 2012, ça dresse quand même le contexte dans lequel vous arrivez à l’Assemblée.
Frédric Toutain : Il y a un autre critère : ces sujets-là ne semblent pas intéresser le grand public. En dehors de questions très pratiques genre « quand est-ce que j’aurai la fibre dans ma rue ? », la question des libertés numériques n’est pas un sujet électoraliste. Le parlementaire qui souhaite s’y intéresser sait que ce n’est pas quelque chose qu’il pourra valoriser utilement dans son bilan pour se faire réélire derrière.
Étienne Gonnu : Ça n’intéresse pas suffisamment pour être un poids.
Frédric Toutain : Une façon de peser serait, pour les citoyens, d’aller démarcher leurs parlementaires et leur dire que ça les intéresse, que c’est un sujet qu’ils regarderont pour voter, mais, en attendant, il faut comprendre qu’aujourd’hui la problématique de l’inflation passe devant, par exemple.
Étienne Gonnu : Après ce sont des rapports de forces qui se construisent dans le temps. L’April essaye modestement, à son niveau, de participer à cela, mais, effectivement, ça devrait partir des citoyens et citoyennes pour essayer d’influencer en ce sens.
Je vous propose de commencer à regarder un peu plus concrètement quels types d’actions vous avez pu mener, comment vous avez pu un petit peu vous investir pour pousser une meilleure prise en compte des libertés informatiques, du logiciel libre à l’Assemblée nationale et dans la loi.
Vous me rappeliez que peu de temps après l’élection, c’est-à-dire en septembre 2012, le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, publiait une circulaire pour le bon usage des logiciels libres dans l’administration française [Orientations pour l'usage des logiciels libres dans l'administration] qui avait fait un certain bruit, en tout cas pour les personnes qui s’intéressent à ce sujet ; vous retrouverez notamment le communiqué de l’April de l’époque sur la page de l’émission. Je crois savoir, vous allez me le confirmer, que vous vous êtes investi, vous vous êtes appuyé sur cette circulaire pour avancer, notamment avec un outil qu'est la question écrite. Pouvez-vous nous rappeler ce qu’est une question écrite de manière générale, l’utilité que ça peut avoir et, après, nous parler de la démarche que vous avez entreprise ?
Frédric Toutain : Je disais tout à l’heure que les parlementaires ont deux fonctions selon la Constitution : voter les lois et contrôler l’action de l’État. Un des outils de ce contrôle de l'action l’État ce sont les questions écrites qu’un parlementaire peut adresser à un ministère. Suite à la publication de cette directive du Premier ministre en faveur du logiciel libre dans l’administration, nous avions décidé de voir quel suivi était accordé à cette directive. Donc tous les ans, de 2013 à 2016, nous avons adressé à tous les ministères une demande de bilan sur l’application de la circulaire, notamment s’il y avait eu des études d’opportunité pour migrer des logiciels, intégrer ce critère du logiciel libre dans les appels d’offre, les projets de migration en cours, la mise à disposition des sources des logiciels développés en interne, ainsi que le montant des dépenses en logiciel. Vous retrouverez tout ça facilement sur le site NosDéputés.fr puisqu’ils archivent pour chaque mandature, donc vous pouvez retrouver ces questions et leurs réponses quand il y en a eu - quelques ministères ne répondaient pas.
Par exemple, en juillet 2013, on a eu une réponse du ministère en charge de la Réforme de l’État, de la décentralisation et de la Fonction publique, un ministère éminemment important pour tous les logiciels qui sont utilisés dans la fonction publique. On avait eu une longue réponse sur les orientations décidées par la Direction interministérielle des systèmes d’information et de communication, la DISIC, et enfin un petit récapitulatif des dépenses : en 2008, le ministère dépensait 241 millions d’euros en logiciels libres et, en 2011, c’était passé à 308 millions d’euros, donc plus 25 % en quatre ans, ce qui est quand même une belle progression, il faudrait voir quels sont les montants aujourd’hui. Dans ce cadre-là, on dénonçait aussi que Microsoft avait des contrats avec l’Éducation nationale et avec l’Armée, le fameux contrat « Open Bar », ça faisait partie des sujets sur lesquels on essayait d’attirer l’attention sur l’importance de passer au logiciel libre. Mais, à nouveau, quand on l’expliquait à d’autres députés, c’est un sujet qui ne leur parlait pas du tout, ils ne voyaient pas de quoi il s’agissait, ne serait-ce que la distinction logiciel libre et logiciel propriétaire.
Étienne Gonnu : Oui. Il y a tout un enjeu de cette sensibilisation.
Sur les questions écrites, on voit l’enjeu. Ça nous sert également en tant qu’association militante, en tant que société civile pour prendre un terme un peu plus large, ça nous aide à pousser nos actions. On propose aussi, régulièrement, des questions écrites à des parlementaires, dans un enjeu aussi de transparence. Ça nous aide à obtenir plus d’informations, éventuellement à faire des demandes d’accès à des documents administratifs aux administrations. En tout cas, c’est un outil vraiment très utile pour les députés, même, au-delà de ça, pour toute la société civile sur certains sujets.
D’ailleurs, en ce moment, on essaye de convaincre des députés de poser une question écrite similaire mais plus large, c’est-à-dire au-delà du logiciel libre, pour que les ministères fassent un audit sur leurs dépenses en logiciels selon différents critères, pour avoir cette transparence, pour avoir cette visibilité, ces données relatives à leur utilisation des logiciels, qu’ils soient libres ou pas. Ça paraît quand même assez nécessaire, voire indispensable, pour avancer, pour pouvoir développer des politiques publiques et des stratégies politiques vis-à-vis du logiciel libre qui soient un tant soit peu ambitieuses.
Frédric Toutain : Tout à fait. Effectivement, la quantité de responsables politiques qui ne réalisent pas qu’en faisant appel au logiciel propriétaire ils se retrouvent pieds et poings liés avec un prestataire qui peut monter ses prix, qui peut cesser les développements dont ils dépendent, alors que la même chose, la même commande, mais en imposant que ce soit en logiciel libre, permet une pérennité dans le temps, tout simplement, d’avoir accès aux sources, de pouvoir faire appel à d’autres prestataires, de pouvoir aussi faire les modifications en interne, le cas échéant, et d’assurer la compatibilité entre les systèmes, du moins de pouvoir faciliter les migrations d’un système à l’autre.
Étienne Gonnu : Tout à fait. C’est pour ça que vous défendez une priorité, que l’April défend historiquement et défend toujours une priorité au logiciel libre dans les administrations. Ce sont aussi des positions que vous avez pu défendre lorsque vous étiez attaché parlementaire de madame la députée Isabelle Attard.
On va d’ailleurs entrer dans des exemples de certaines actions. Avant ça, je vous propose de faire une pause musicale. Nous allons écouter Lavender and Merlot par Sawtooth. On se retrouve dans 3 minutes 30. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.
Pause musicale : Lavender and Merlot par Sawtooth.
Voix off : Cause Commune, 93.1.
Étienne Gonnu : Nous venons d'écouter Lavender and Merlot par Sawtooth, disponible sous licence libre Creative Commons Attribution, CC BY.
[Jingle]
Deuxième partie[modifier]
Étienne Gonnu : Vous êtes toujours sur Libre à vous !. Je suis Étienne Gonnu de l’April et j’échange actuellement avec Frédric Toutain, attaché parlementaire d’Isabelle Attard entre 2012 et 2017 et libriste.
Avant la pause, nous commencions à parler des actions que vous avez pu mener. Un projet de loi important sur lequel vous avez agi est une loi sur l’Enseignement supérieur et la Recherche qui a été adoptée avec deux mesures : une priorité aux formats libres d’accès dans les objectifs de partage et de diffusion des connaissances scientifiques et la priorité au logiciel libre pour les services et ressources pédagogiques numériques mises à disposition par le service public de l’Enseignement supérieur, ce qui semblait loin d’être gagné d’avance pour vous, vous m’avez même dit que c’était arrivé un peu par erreur dans la loi. Je pense qu’il serait intéressant d’avoir l’histoire qu’il y a derrière ces mesures.
Frédric Toutain : Tout à fait. On est en 2013, ça fait moins d’un an que nous sommes arrivés à l’Assemblée nationale quand arrive ce premier projet de loi du gouvernement. Le groupe écologiste dépose un grand nombre d’amendements pour améliorer le texte, du moins le tirer dans le sens que l’on voudrait.
Pour notre partie, la partie qui nous intéresse aujourd’hui, il y a un groupe appelé les Écologeeks, qui est une commission de travail du parti, qui participe à la réflexion et qui apporte un grand nombre de suggestions. Dans celles que j’amène personnellement, il y a l’idée de tenter la priorité aux formats libres d’accès et la priorité au logiciel libre en se disant que ce serait drôlement bien que, au lieu de former tout le monde à Microsoft Word qui est un logiciel payant, pendant les études, on soit formé à Open Office à l’époque, LibreOffice maintenant, qu’on soit formé à un logiciel qui est gratuit, auquel on a accès, qui ne nous enferme pas vers ce modèle propriétaire. Ça donne un certain nombre d’amendements.
Les étapes du travail parlementaire, c’est d’abord un passage dans une des huit commissions de l’Assemblée nationale, en l’occurrence c’était la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation, ça s’appelait culturelles et sociales avant. En commission la réponse des socialistes est non, on ne veut pas entendre parler de logiciel libre. Deux amendements sont refusés, un sur la priorité au logiciel libre, l’autre sur les formats libres d’accès. On arrive en séance et, sans surprise, le premier, sur la priorité au logiciel libre, est refusé. Arrivé à celui sur les formats libres, il ne se passe... ce n'est pas un incident de séance.
Il faut savoir comment se déroule le vote des amendements en séance, ce que vous pouvez regarder sur LCP ou sur le site de l’Assemblée nationale qui diffuse les débats en direct : vous avez un amendement qui est appelé, son auteur peut le défendre, d’autres députés ont le droit d’intervenir s’ils veulent exprimer leur soutien, leur opposition ou le fait qu’eux en ont un qui parle de la même chose mais qui est mieux, par exemple. Le rapporteur nommé par la commission rappelle le point de vue de la commission, en l’occurrence avis défavorable, puis le gouvernement donne son avis, pareil l’avis était défavorable, et là on passe au vote. La présidente de séance demande qui est pour, les mains se lèvent – c’est un vote à main levée –, qui est contre, les mains se lèvent. Généralement elle fait le total un peu à la louche parce que, visuellement, ça se voit, la majorité est bien présente dans l’hémicycle, elle a forcément la majorité des voix, donc ça passe comme ça.
Ce soir-là, on était quand même avec déjà quelques heures de débats, il y en avait eu dans l’après-midi et les députés ont un peu de mal à lever les mains parce que c’est un peu fatigant. Quand vous êtes là juste pour servir, pour montrer que vous êtes là et lever le bras quand on vous dit de lever le bras, ce n’est pas très motivant. La présidente de séance décide, pour une fois, de vraiment compter. Après avoir rappelé plusieurs fois « chers collègues, veuillez lever les bras », cette fois-là elle s’arrête et elle compte vraiment. Elle constate que pour la priorité aux formats libres d’accès il y a une majorité en faveur malgré l’opposition de la commission et du gouvernement.
Moi qui étais présent dans l’hémicycle à ce moment-là, il y a un petit coin à gauche qui est réservé aux attachés parlementaires, j’entends « avis défavorable de la commission, avis défavorable du gouvernement, veuillez voter, amendement adopté ». Et là j’ai un moment de bug. Non ! Enfin ! En commission il n’est pas passé ! Non ! Eh bien si ! Les mains ne se sont pas bien levées suivant la consigne et l’amendement est passé.
On en conclut que l’amendement va être supprimé plus loin dans la discussion. Le gouvernement a la possibilité de demander un deuxième vote à la fin des débats, généralement le mardi suivant, le mardi étant le jour où le plus de députés sont présents, il aurait pu demander un deuxième vote et le faire supprimer à ce moment-là, mais il ne le fait pas. Il faudrait trouver la personne qui était décisionnaire sur ce point-là, je ne sais pas qui c’est, soit elle n’en avait rien à faire, soit elle s’est dit que ce serait un petit cadeau aux écolos qui ne nous coûte pas grand-chose, et l’amendement qui donnait priorité aux formats libres d’accès passe.
Le texte part au Sénat. On transmet nos propositions d’amendements aux sénateurs écologistes qui décident de reprendre la priorité au logiciel libre et qui, eux, l’obtiennent. Dans cette loi-là, à la sortie du Sénat, dans l’article 6 il y a « les logiciels libres sont utilisés en priorité » et dans l’article 12 il y a « on donne priorité aux formats libres d’accès ».
La version de l’Assemblée et celle du Sénat étant différentes, a lieu une commission mixte paritaire. On prend sept députés et sept sénateurs qui se réunissent à huis-clos, malheureusement c’est caché, ils débattent entre eux de ce qu’on garde de chaque version, entre l’Assemblée et le Sénat, et ils aboutissent, ou pas, à une version finale qui est proposée au vote aux deux chambres. Si les deux votent le texte, il est définitivement adopté, ce qui a été le cas pour celui-là. Lors de la CMP, les sénateurs ont obtenu que la priorité au logiciel libre soit maintenue.
Étienne Gonnu : On sait que la CMP est une étape souvent très importante, même parfois pour un peu de réécriture. En regardant un peu dans les archives, je sais qu’initialement l’amendement qui avait été adopté au Sénat parlait d’une priorité aux logiciels libres de droit, ce qui est, en fait, une mauvaise manière de l’exprimer. Le travail a continué en CMP, il y a eu des échanges pour que la formulation correcte, c’est-à-dire logiciel libre puisque ça ne veut pas dire la même chose, soit retenue. C’est une étape vraiment importante, on peut effectivement regretter qu’elle se fasse à huis clos.
Je trouve que c’est intéressant, ça montre plusieurs choses, déjà la réalité des débats à l’Assemblée qui peuvent durer tard dans la nuit, durer très longtemps. On a parfois tendance à critiquer des hémicycles vides mais c’est normal que tous les députés ne puissent pas être là en permanence. Il peut y avoir moins de monde, des gens effectivement un peu moins motivés, c’est une question de rapport de forces et de nombre, ça montre aussi tout cela.
Est-ce que vous vous souvenez des arguments qui étaient opposés, à l’époque, aux amendements sur une priorité au logiciel libre, pour lesquels ça avait été refusé ?
Frédric Toutain : Non, pas vraiment. Sur tous les sujets, que ce soit le logiciel libre, que ce soit les licences libres dans la culture par exemple, tout ce qui relève du domaine public, il y avait très peu d’arguments opposés. Par contre, quand il y en avait et c’était généralement plutôt des débats en dehors de l’hémicycle, quand on discutait avec d’autres parlementaires, il y avait surtout une grande incompréhension. Par exemple, je considère que les termes « logiciel libre » et « logiciel propriétaire » sont mal choisis, même si ce sont aussi des traductions de termes anglo-saxons. Ils sont mal choisis parce que j’ai constaté, face aux parlementaires, qu’ils ne leur donnent pas du tout la bonne idée. Quand on leur parlait de logiciel libre, la réponse était le plus souvent « je ne veux pas que n’importe qui ait accès à mon logiciel », il y a cette notion de liberté d’accès, que ce qu’on fait dedans n’importe qui pourra le voir. À l’inverse, « le logiciel propriétaire c’est bien parce que c’est le logiciel dont je suis propriétaire », ce qui, dans les faits, est l’inverse de la réalité. On sait que la sécurité est mieux assurée dans le logiciel libre puisque la sécurité passe aussi par le contrôle par des tiers et pas par les méthodes d’offuscation type « si mon code est secret personne ne pourra le pirater », et le fait que quand on parle de logiciel propriétaire, ce n’est pas l’usager qui en est propriétaire, justement, mais c’est l’idée qui est transmise chez le commun des mortels, j’ai envie de dire, notamment chez les parlementaires qui ne connaissent pas.
Étienne Gonnu : C’est vrai qu’il y a toute une partie importante du travail des associations comme l’April et de beaucoup d’autres, de rendre plus clairs les enjeux sous-jacents, de rendre plus clairs les termes, de sensibiliser et d’informer aussi, que ce soit les élus, en tout cas toutes les personnes qui ont un pouvoir politique, un pouvoir public ; il y a tout cet enjeu-là. C’est vrai qu’il n’est peut-être pas anodin que ce soit le terme « propriétaire » qui ait été choisi. À l’April on aime bien, et nous ne sommes pas les seuls, préférer le terme « privateur » dans cette idée qu’en réalité il prive de droits les utilisateurs et utilisatrices. Je pense que le terme n’est pas encore suffisamment connu lui-même, il y a un travail important à mener en termes de formation des élus, qu’on continue à mener, en tout cas à l’April.
Frédric Toutain : Sur la formation des élus, il y avait déjà eu des événements sur le sujet. Je pense à un évènement qui s’appelait « On vous explique Internet », aux ???[58 min 40], où on a rencontré beaucoup de monde. J’ai d’ailleurs une pensée émue pour Laurent Séguin et Philippe Aigrain qui nous ont quittés depuis. Pour nous, ça a été l’occasion de rencontrer de nombreux acteurs, notamment l’April, la FDN [French Data Network], qui nous ont beaucoup aidés dans le travail parlementaire et nous ont signalé les chausse-trapes.
Là où, pour nous, la démarche était transparente, on disait avec qui on travaillait, on n’avait pas à le cacher, les arguments du gouvernement ne parlaient qu'assez rarement des GAFAM qui, à mon sens, devaient avoir portes ouvertes pour faire leur lobbying auprès des ministères. L’opposition au logiciel libre c’est aussi en faveur des énormes entreprises multinationales du numérique.
Étienne Gonnu : C’est intéressant. Ça m’évoque un autre sujet. Vous aviez également participé à ce projet de loi, on avance dans le temps, en 2015/2016, le projet de loi pour une République numérique, qui a une particularité : je pense que c’est le premier, de manière très importante, à s’appuyer sur une consultation publique qui a été conduite en ligne qui avait révélé un fort engouement vis-à-vis du logiciel libre. L’April avait d’ailleurs soumis une proposition pour une priorité au logiciel libre dans le secteur public qui était arrivée la quatrième la plus soutenue. Il y avait aussi la question de ce qu’on appelle le domaine public, je crois que c’est un sujet sur lequel vous vous étiez également investi, dont vous pourrez nous parler si vous le souhaitez, qui était un autre sujet très soutenu dans la proposition. Ça m’évoque ça parce que, dans les débats qui ont suivi, on a pu, grâce à des oppositions – je crois qu’Isabelle avait participé, était une des député·es à avoir déposé un amendement pour une priorité au logiciel libre parce que ça n’avait pas été repris par le gouvernement –, grâce un fort effort fait notamment par la société civile puis par les députés de l’opposition pour proposer, avoir une analyse détaillée et argumentée de leur position. Il y avait un petit peu un fait du prince pour refuser le logiciel libre, nous expliquant effectivement que ce n’était pas réalisable ou réaliste d’avoir une priorité au logiciel libre, que ce serait contraire, nous disait-on, au code des marchés publics, ce qui est d’ailleurs faux, et nous venions avec des arguments pour tenir notre position. De mémoire, on invoquait une note de l’administration sans jamais la montrer, sans jamais la donner, et cette asymétrie des argumentaires et de la transparence pèse, rend notamment plus difficile, il est vrai, de faire avancer cette cause.
Frédric Toutain : Nous nous étions effectivement beaucoup impliqués dans ce projet de loi gouvernemental. Un peu avant, on avait déjà fait une proposition sur le sujet du numérique : on avait proposé en novembre 2014 que la TVA à taux réduit, dont bénéficient les livres, soit réservée, pour ce qui est des livres numériques, aux livres en format libre par opposition aux e-books avec DRM [Digital Rights Management], avec droits qui limitent l’accès type Amazon.
J’ai encore vu cette semaine je crois, sur Mastodon, quelqu’un qui témoignait qu’il avait acheté des livres sur sa liseuse Kindle, enfin lui pensait avoir acheté des lives, mais ils avaient disparu, Amazon lui avait retiré le droit d’accès. Quand j’achète quelque chose, je ne considère pas que quelqu’un peut me retirer le droit d’accès. Mais pareil, cette proposition qui permettait de distinguer les livres numériques dont on est réellement propriétaire de ceux dont on est, au mieux, locataire avec des conditions très compliquées, n’avait pas été acceptée.
Dans le projet de loi Lemaire, pour une République numérique, on avait repris une grande partie d’une proposition de loi qui était la première proposée par Isabelle à l’Assemblée.
Étienne Gonnu : Je précise qu’il s’agit d’Axelle Lemaire qui était à l’époque secrétaire d’État en charge notamment des questions numériques. Il ne s’agit pas de Bruno Le Maire.
Frédric Toutain : Effectivement. Je n’avais pas fait le lien, le risque de confusion entre les deux.
On avait publié une proposition de loi visant à consacrer le domaine public, à élargir son périmètre pour garantir son intégrité, qui était inspirée des travaux de Lionel Maurel, alias Calimaq, du collectif SavoirsCom1, donc on a réutilisé un certain nombre de choses là-dedans.
Je ne me souviens plus de la hauteur dans les propositions, mais, de mémoire, il était bien placé et le sujet avait totalement été écarté. Ce qui n’est pas sans me rappeler la Convention Citoyenne pour le Climat du président Emmanuel Macron qui devait être reprise telle quelle et qui a vu ses travaux, qui étaient pourtant très intéressants, totalement sabrés avant d’arriver à l’Assemblée et être réduite à pas grand-chose, y compris réduite à des aberrations genre une nouvelle taxation sur tous les produits électroniques reconditionnés.
Étienne Gonnu : Pour être complètement transparent, c’est vrai qu’il n’y avait pas d’engagement à l’époque de reprendre l’ensemble des propositions, mais il aurait été intéressant de jouer le jeu jusqu’au bout, d’avoir des débats ouverts sur les différentes propositions et faire confiance à la capacité de la société civile d’avoir une intelligence et d’être capable de se saisir d’enjeux politiques. Le fait qu’il n’y ait pas eu une volonté de conduire des débats transparents et entiers sur les différents sujets est clairement à regretter.
Frédric Toutain : Oui. Je trouverais que ce soit une très bonne idée qu’on ait des collectifs citoyens tirés au sort qui interviennent dans la création de la loi, mais il faudrait qu’ils soient vraiment intégrés dans notre Constitution et que leurs droits ne soient pas limités à une promesse du président qui dit « je reprendrai tout » et que ce soit ignoré quand il ne reprend pas tout.
Dans la même idée, dans le programme à la présidentielle socialiste il y avait la suppression de la Hadopi, la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet. Que fait François Hollande une fois qu’il arrive au pouvoir ? Il délègue une mission de réflexion à Pierre Lescure, ancien parton de Canal~+. La mission Lescure est chargée de réfléchir à ce qu’il faut faire, alors que la réflexion avait déjà eu lieu en amont puisque c’était dans le programme. La Hadopi est maintenue telle quelle avec des raisons totalement aberrantes alors que le bilan, dix ans plus tard, est très clair, la Hadopi n’a rien protégé du tout, le nombre d’amendes est ridiculement faible. On a bien vu que la seule chose qui a fait bouger la question du piratage des œuvres numériques, ce n’est pas la Hadopi, c’est leur accessibilité en ligne. Le meilleur exemple a été l’arrivée de Netflix. Je ne fais pas de la pub pour Netflix, ils ont beaucoup de tort, mais, à partir du moment où les œuvres étaient facilement accessibles à tarif raisonnable, les gens préféraient s’abonner que de pirater.
Étienne Gonnu : On pourrait parler de ces sites de piratage, Copier n’est pas voler pour reprendre le titre d’une chanson, mais ce n’est pas le sujet ; on défend la libre diffusion des connaissances sous toutes leurs formes, mais ce n’est pas le sujet ici. On pense clairement savoir que voter des rapports, créer des commissions, des missions d’information, etc., c’est une bonne manière, parfois et malheureusement, d’enterrer des sujets. Ça tend parfois à se confirmer.
Frédric Toutain : Tout à fait.
Étienne Gonnu : Je vois le temps qui avance très vite. Il y a peut-être une dernière chose, une action que vous avez pu conduire, un sujet sur lequel vous vous êtes engagé pendant votre temps en tant qu’attaché parlementaire, que vous souhaiteriez partager.
Frédric Toutain : Je vais revenir sur le domaine public parce que c’est vraiment un sujet qui a existé.
Étienne Gonnu : Et le définir s’il vous plaît.
Frédric Toutain : Le domaine public n’existe pas en droit français. On appelle ainsi les œuvres qui ne sont plus couvertes par la protection du droit patrimonial.
Très rapidement, quand vous créez une œuvre, vous obtenez immédiatement deux droits dessus : le droit moral et le droit patrimonial qui recouvre plusieurs choses. Vous pouvez vendre le droit patrimonial, ou le céder temporairement, par exemple à un éditeur qui va publier votre livre. Vous gardez le droit moral à vie. On parle d’œuvre dans le domaine public lorsqu’elles ne sont plus protégées par le droit patrimonial. On en connaît tous : globalement tout ce qu’on étudie à l’école et qui remonte à avant le 20e siècle, c’est dans le domaine public et tout le monde a le droit d’en faire ce qu’il veut.
Sauf que ce domaine public est attaqué par plusieurs biais, notamment le fait que le droit d’auteur est étendu de plus en plus longtemps, maintenant on est à 70 ans après le décès, ce qui fait une durée moyenne de protection de 140 ans. De nombreux problèmes sont liés à ça. On a tenté de pousser pour protéger le domaine public, ne serait-ce qu’il soit défini dans la loi, parce qu’il est, de plus, mangé par le droit des marques, par le droit des bases de données, par un certain nombre de droits administratifs.
Pour en savoir plus, puisque, si j’ai bien compris, on approche du mot de la fin, vous pouvez trouver sur le site de l’émission un lien vers une conférence qu’on avait donnée dans le cadre du Premier festival du domaine public [« Politique au niveau national, retour sur la proposition de loi et perspectives des lois création et numérique »].
Étienne Gonnu : Qui est effectivement référencée sur la page de l’émission. Du coup vous avez mené une action.
Frédric Toutain : Je dirais que l’action la plus marquante était autour du Journal d'Anne Frank. J’ai peur de me tromper dans les dates, de mémoire Anne Frank est décédée en 1945, son journal est entré dans le domaine public le 1er janvier 2016. Malheureusement, la Fondation Anne-Frank, qui gère les droits, avait tenté des acrobaties juridiques pour expliquer que non, Le Journal d'Anne Frank n’était pas dans le domaine public, que son père était le coauteur. Avec le soutien, j’ai son pseudo, c’est affordance, j’ai oublié le nom de cet universitaire, allez sur affordance.framasoft.org.
Étienne Gonnu : Olivier Ertzscheid.
Frédric Toutain : C’est ça. Il avait signalé cette aberration et lancé l’idée de libérer Le Journal d'Anne Frank en le mettant disponible en ligne. On l’avait soutenu, donc, sur le site isabelleattard.fr, au 1er janvier 2016, on avait publié le manuscrit original du Journal d'Anne Frank en néerlandais. On avait reçu un courrier d’intimidation de juristes qui menaçaient d’un procès si on ne retirait pas le journal. Il n’a pas été retiré et il n’y a jamais eu de procès parce que Le Journal d'Anne Frank est bien dans le domaine public. L’image aurait été très laide, parce qu’Anne Frank partageait, en tant qu’autrice, une particularité avec un autre auteur tout aussi célèbre, malheureusement. Elle n’a écrit qu’une œuvre, elle est morte en 1945, tout ça c’était en 2016, et c’est un statut qu’elle partageait avec un seul triste auteur qui lui aussi est entré dans le domaine public, qui est Adolf Hitler. On trouvait très dommage que Mein Kampf entre dans le domaine public, que n’importe qui puisse en faire n’importe quoi, et que Le Journal d'Anne Frank ne soit pas librement diffusable à tous ceux qui veulent en faire une adaptation en BD, en série, en film. On s’est battus pour garantir sa liberté. Et, effectivement aujourd’hui, Le Journal d'Anne Frank est bien totalement libre, je parle bien de la version néerlandaise qui ouvre, par exemple, la possibilité à n’importe qui de faire une traduction, une nouvelle traduction.
Étienne Gonnu : Merci pour cet exemple très intéressant.
Je vais me permettre une correction qu’on a remontée sur le webchat. Je reviens un petit peu en arrière dans notre échange. Vous avez parlé de l’aller-retour autour de la loi sur l’Enseignement supérieur et la Recherche. En réalité c’est un amendement des communistes qui a réintroduit une priorité au logiciel libre, vu qu’on défend l’importance de la juste attribution de l’autorat, pour corriger ceci.
Frédric Toutain : Merci de la correction. Les écologistes l’avaient déposé, mais peut-être que c’est celui des communistes qui a été effectivement adopté. Il y avait une belle communauté d’esprit là-dessus entre les différents groupes.
[Vérification faite après l'émission : seul le groupe communiste avait effectivement déposé un amendement de priorité au logiciel libre au Sénat [cf https://ameli.senat.fr/recherche/recherche.jsp?session=2012-2013&texte=660&type_texte=S&senateur=ALL&groupe=ALL&commission=ALL&article=ALL&contenu=%22logiciel+libre%22&sort=ALL&ordre=depot#resultats], Note d'Étienne Gonnu.
Étienne Gonnu : C’est vrai qu’historiquement on sait que les écologistes et également les communistes font partie de ces groupes politiques souvent alliés lorsqu’on essaye de pousser pour une meilleure prise en compte du logiciel libre.
Notre échange arrive vers sa fin. On propose parfois à nos invités de faire une recommandation soit de lecture ou de visionnage à nos auditeurs et auditrices.
Frédric Toutain : J’en ai trouvé une depuis que vous m’avez posé la question. Je sais que vous avez mis en ligne les liens vers mes propres œuvres qui sont disponibles sur le site wattpad sous licence libre. Puisque je l’ai entendu au début de l’émission, je vais recommander un roman du camarade Gee qui s’appelle Working Class Heroic Fantasy. Je le recommande chaudement, comment mettre de la lutte des classes dans de la fantaisie, c’est un bonheur à lire. Voilà ma recommandation de lecture libre.
Étienne Gonnu : Est-ce que tu veux réagir Gee ?
Gee : Merci, c’est super gentil.
Étienne Gonnu : Au-delà de ça, on invite tout le monde à aller faire un tour sur la page, j’ai un trou de mémoire.
Gee : Il y a en plein, il y a Tipeee, uTip ou Liberapay ; si on veut la version la plus libre je crois que c’est Liberapay.
Étienne Gonnu : Gee produit énormément sur son blog des BD, des romans, tout étant diffusé sous licence libre. C’est aussi une manière de soutenir cette démarche éthique.
Merci beaucoup Frédric, c’était un échange très intéressant. Je vous souhaite une excellente fin de journée et au plaisir d’échanger à nouveau.
Frédric Toutain : Merci pour l’invitation et à une prochaine peut-être, même si je pense avoir fait le tour de tout ce que j’avais à dire sur la question. Merci à vous.
Étienne Gonnu : C’est parfait. Bon après-midi. Au revoir.
Frédric Toutain : Au revoir.
Étienne Gonnu : Nous allons à présent faire une pause musicale.
[Virgule musicale]
Étienne Gonnu : Après la pause musicale nous aurons le plaisir de recevoir Vincent Calame pour une nouvelle chronique « L’éloge à la lenteur ». Avant cela nous allons faire une pause musicale, nous allons écouter Down the Road par Cud Eastbound. On se retrouve dans environ trois minutes. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.
Pause musicale : Down the Road par Cud Eastbound.
Voix off : Cause Commune, 93.1.
Étienne Gonnu : Nous venons d’écouter Down the Road par Cud Eastbound, disponible sous licence libre Creative Commons Partage dans les mêmes conditions, CC BY SA.
[Jingle]
Étienne Gonnu : Je suis Étienne Gonnu de l’April. Nous allons passer à notre sujet suivant.
[Virgule musicale]
Chronique « Le libre et la sobriété énergétique » de Vincent Calame, bénévole à l’April, sur « L’éloge à la lenteur »[modifier]
Étienne Gonnu : Pour finir, je vous propose une exploration de la contribution du Libre à un enjeu politique, social et environnemental, c’est la chronique « Le libre et la sobriété énergétique » de Vincent Calame.
Salut Vincent.
Vincent Calame : Salut Étienne.
Dans ma chronique précédente, je vous avais parlé du concept de « low-tech ». En faisant mes recherches sur le sujet, j’étais tombé sur un concept proche, la slow.tech développé notamment sur le site greenit.fr. Je ne vais pas entrer dans le détail ni me lancer dans un long développement sur le distinguo entre « low-tech » et « slow.tech », ce ne serait pas, de mon point de vue, très pertinent, les définitions de ces concepts changeant d’une publication à l’autre. Surtout que j’avais promis, à la fin de ma chronique précédente, de revenir au thème central du logiciel libre et de la sobriété énergétique.
En fait, si je vous parle aujourd’hui en introduction de slow.tech, c’est que, lorsque j'ai découvert ce concept, cela a fait tout de suite écho à une des idées que j’avais listées lorsque j’avais préparé cette nouvelle saison de chroniques, à savoir qu’un des apports du logiciel libre à la sobriété énergétique serait sa plus grande lenteur de développement.
La sobriété énergétique passe par un ralentissement général. C’est évident dans le domaine des transports : aller un peu plus vite consomme beaucoup plus. Limiter, par exemple, la vitesse à 110 km par heure sur les autoroutes, plutôt que 130, serait une source d’économie non négligeable. On sait que ce type de mesure aurait du mal à passer socialement, mais il suffit de le pratiquer volontairement, comme il m’arrive de le faire les quelques fois où je prends la voiture, pour constater son impact sur la consommation pour un rallongement du temps de parcours somme toute assez faible. Mais ce ralentissement ne concerne pas que les transports. Travailler sur la sobriété, c’est aussi lutter contre l’accélération du monde, contre la satisfaction immédiate de ses désirs, contre la tentation de se doter du modèle dernier cri. Bref !, c’est prendre son temps comme le rappelle cette définition que j’ai glanée dans un ouvrage qui vient de paraître, Sobriété (la vraie), mode d’emploi aux éditions Tana : « Devenir sobre, c’est d’abord réorganiser sa vie et son temps, et redevenir le maître de sa propre horloge. On est riche de son temps. Ne le gaspillons pas ».
Étienne Gonnu : Mais n’est-ce pas un peu injuste de parler de lenteur pour le logiciel libre ?
Vincent Calame : Je ne voulais pas lancer un troll, et on pourrait tout à fait discuter de mon affirmation que le logiciel libre est plus lent dans son développement que le logiciel propriétaire, surtout en voyant tout ce qu’a produit le logiciel libre en une quarantaine d’années. Cependant, il y a un fait objectif quand on regarde les moyens mis en œuvre : un logiciel développé par des bénévoles ne peut pas rivaliser avec les millions levés par une startup. Même quand le logiciel libre est développé par un éditeur qui a pu mettre en place un modèle économique pour assurer ce développement, cet éditeur atteint rarement la taille des gros éditeurs de logiciels privateurs.
L’important, c’est mettre de côté l’image négative que l’on peut associer au terme « lenteur » et voir tout ce qu’il a de positif si on regarde sous l’angle de la stabilité et de la sécurité. Un ami empaqueteur pour la distribution Debian, à qui on posait récemment la question « à quand la prochaine version ? », a fait cette réponse bien connue dans le monde du libre : « Ce sera prêt quand ce sera prêt ».
Rappelons que la distribution GNU/Linux Debian est un des plus importants projets communautaires du monde du logiciel libre. Sa philosophie, telle que présentée sur son wiki — j’ai mis la page dans les références — c’est de ne sortir une nouvelle distribution que quand celle-ci est prête, que toute l’infrastructure est en place et que le nombre d’erreurs critiques est nul. Ce qui est amusant, c’est que cette philosophie n’empêche pas une sortie régulière, presque tous les deux ans depuis 2005. Comme quoi, ne pas se fixer une échéance peut parfois être le meilleur moyen de tenir ses délais !
Tout logiciel libre possède une feuille de route et doit évoluer, ne serait-ce que parce que son environnement évolue et qu’il lui faut s’adapter, mais chaque projet a son propre rythme, dicté par les personnes qui y contribuent, et c’est une bonne chose. En plaisantant, je dirais qu’il ne faut pas brusquer un logiciel libre, les personnes qui l’utilisent et en profitent doivent faire preuve de patience quand une amélioration tarde à venir.
À titre personnel, j’ai d’ailleurs pu remarquer que lorsqu’une demande émerge, par exemple une nouvelle fonction, ce n’est pas plus mal de ne pas y répondre tout de suite, car il faut laisser un temps de maturation pour que cette demande se précise avant d’y apporter une solution technique. Réagir trop rapidement, ou avec trop d’enthousiasme, fait courir le risque de se rendre compte, après coup, qu’on a répondu à côté du besoin réel.
Bref, les logiciels libres sont les tortues de la fable : rien ne sert de courir, il faut partir à point nous rappelle la morale. Et pour la sobriété énergétique, nous devons être du côté des tortues plutôt que des lièvres.
Étienne Gonnu : Belle allégorie. Je pense aussi que c’est un vrai défi, en tant qu’utilisateur et utilisatrice de technologies, qu’elles soient numériques ou pas, d’accepter qu’on ne va pas toujours être dans la meilleure performance, ou plus de vitesse, ou plus de nouveautés, surtout face à la toute-puissance mise en œuvre pour nous convaincre de toujours plus consommer, que ce nouveau dispositif est vraiment indispensable. Du coup, comme tu le dis bien, je trouve que se réapproprier cette lenteur comme une chose positive et non pas comme quelque chose de subi, c’est vraiment aussi reprendre du pouvoir sur nos usages, et ça apparaît finalement comme une nécessité importante.
En tout cas merci Vincent pour ce bel et salutaire éloge à la lenteur. Et au mois prochain !
Vincent Calame : Oui, au mois prochain.
Étienne Gonnu : Nous approchons de la fin de notre émission, nous allons terminer par quelques annonces.
[Virgule musicale]
Quoi de Libre ? Actualités et annonces concernant l'April et le monde du Libre[modifier]
Étienne Gonnu : Avant de passer aux annonces en elles-mêmes, je ne vous apprendrai rien en vous disant qu’un mouvement social d’envergure est en cours contre la réforme des retraites. Et même si ce mouvement social ne concerne pas le logiciel libre, cela a impacté notre capacité à vous proposer des émissions inédites ces dernières semaines. D’une part, car des personnes membres de l’équipe Libre à vous ! ont pu être amenées à prendre part à titre personnel à cette mobilisation, de même que des personnes invitées, et, d’autre part, car la radio Cause Commune a pu être amenée à réserver le créneau du mardi après-midi pour couvrir les manifestations à Paris.
Nous pourrons vraisemblablement vous proposer une nouvelle émission mardi prochain, le 28 février. Mais, selon toute vraisemblance, il n'y aura pas d’émission le 7 mars et possiblement d’autres mardis, en fonction de l’évolution de la mobilisation, il est bien difficile de le dire dès aujourd’hui.
Maintenant, pour les annonces en elles-mêmes.
La troisième édition des Journées des libertés numériques va bientôt démarrer, en mars et avril 2023, dans les Bibliothèques Universitaires de Nantes et de La Roche-sur-Yon. Des spécialistes, des chercheurs, des chercheuses, des artistes, des militants et militantes proposeront une diversité d’activités ouvertes à toutes et tous pour comprendre les enjeux des technologies et culture numérique. La plupart de ces activités seront gratuites. Vous pourrez d’ailleurs retrouver dans ce cadre les panneaux de l’Expolibre de l’April qui seront exposés du 1er au 14 mars à la Bibliothèque Universitaire de Nantes et du 16 au 31 mars à la Bibliothèque Universitaire de Saint-Nazaire.
À Rennes, le 2 mars, comme tous les premiers jeudis de chaque mois, l’association Actux organise un temps convivial autour d’un verre pour discuter et échanger entre personnes utilisatrices et curieuses de logiciels libres et de culture libre. Bookynette, la nouvelle présidente de l’April, y sera. N’hésitez pas à passer lui dire bonjour, elle en sera ravie. Rendez-vous donc le 2 mars 2023 à partir de 19 heures, au Papier timbré, 39 rue de Dinan, à Rennes.
À Lyon maintenant, les 1er et 2 avril, se dérouleront les Journées du Logiciel Libre sur le thème « Cultures en partage ». L’équipe en charge de l’organisation a accepté nos propositions de conférences et d’ateliers, un grand merci pour leur confiance. Ainsi, ma collègue Isabella animera un atelier autour du jeu du Gnou, un projet en cours du groupe Sensibilisation de l’April ; je présenterai avec elle une conférence sur Libre à vous ! et, enfin, je ferai une présentation de l’action institutionnelle de l’April. Les horaires n’ont pas encore été définis, plus d’informations à venir.
Je vous invite à consulter, comme d’habitude, le site de l’Agenda du Libre, agendadulibre.org, pour trouver des événements en lien avec le logiciel libre ou la culture libre près de chez vous, ainsi que des associations du logiciel libre.
Notre émission se termine.
Je remercie les personnes qui ont participé à cette émission : Gee, Frédric Toutain, Vincent Calame.
Aux manettes de la régie aujourd’hui, Thierry Holleville.
Merci également aux personnes qui s’occupent de la post-production des podcasts : Samuel Aubert, Élodie Déniel-Girodon, Lang1, Julien Osman, bénévoles à l’April, et Olivier Grieco, le directeur d’antenne de la radio.
Merci aussi à Quentin Gibeaux, bénévole à l’April, qui découpera le podcast complet en podcasts individuels par sujet.
Vous trouverez sur notre site web, libreavous.org, toutes les références utiles ainsi que sur le site de la radio, causecommune.fm.
N’hésitez pas à nous faire des retours pour indiquer ce qui vous a plu, mais aussi des points d’amélioration.
Vous pouvez également nous poser toutes questions, nous y répondrons directement ou lors d’une prochaine émission. Toutes vos remarques et questions sont les bienvenues à l’adresse contact@libreavous.org.
Si vous préférez nous parler, vous pouvez nous laisser un message sur le répondeur de la radio, pour réagir à l’un de nos sujets, pour partager un témoignage, vos idées, vos suggestions, vos encouragements ou pour nous poser une question. D’ailleurs, le sujet du jour a été proposé par l’invité lui-même, via Mastodon. Le numéro du répondeur est 09 72 51 55 46.
Nous vous remercions d’avoir écouté l’émission. Si vous avez aimé cette émission, n’hésitez pas à en parler le plus possible autour de vous et à faire connaître également la radio Cause Commune, la voix des possibles.
La prochaine émission aura lieu en direct mardi 28 février 2023 à 15 heures 30 toujours. Il sera question de bandes dessinées et de culture libre avec David Revoy et Gee.
Nous vous souhaitons de passer une très belle fin de journée. On se retrouve mardi 28 et d’ici là, portez-vous bien.
Générique de fin d’émission : Wesh Tone par Realaze.