Interview Adrienne Charmet - Médias, le mag - 17 octobre

De April MediaWiki
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Titre : Le combat pour la neutralité du Net.

Intervenante : Adrienne Charmet - La Quadrature du Net

Date : Octobre 2014

Durée : 5 min

Lien vers la vidéo : [1]

transcrit MO, relu avec le son Cpm[modifier]

L'interview numérique

Journaliste : Bonjour. Bienvenue dans L'interview numérique, le rendez-vous de Media LeMag en partenariat avec Le Monde. Cette semaine, je reçois Adrienne Charmet de la Quadrature du Net[1], une association de défense des internautes. Bonjour.

Adrienne : Bonjour.

Journaliste : Cette année, c'est 2014, le recul des libertés numériques. On pense à l'affaire Snowden l'année dernière, la neutralité du Net menacée. Également, le projet de loi antiterroriste actuellement en France. On est dans une mauvaise année ?

Adrienne : Ce n'est pas une année très bonne effectivement. On a eu l'affaire Snowden l'année dernière qui a révélé, un peu, au grand public, l’ampleur de la surveillance. En fin d'année dernière, la loi de programmation militaire en France aussi, qui a été une très mauvaise réponse à l'affaire Snowden, en légalisant les pratiques de surveillance qui étaient a-légales, qui n'existaient pas officiellement. Et puis, on a eu quelques espoirs, au début de l'année, avec un vote très intéressant sur la neutralité du Net au Parlement européen, qui consacre ce principe qui est de ne pas discriminer les différents contenus sur Internet en fonction de leur nature et d'avoir vraiment l'égalité de traitement.

Journaliste : L'idée, c'est d'avoir accès à tous les contenus à la même vitesse quel que soit l'opérateur.

Adrienne : Voilà. D'avoir une très grande ouverture du réseau.

Journaliste : Néanmoins, en France, elle est quand même menacée ; ce principe est menacé. On a eu Olivier Schrameck, le président du CSA, qui plaide pour, en gros, un ralentissement de Netflix au profit d'acteurs français. C'est un combat qui semble...

Adrienne : Oui et pas que.

Journaliste : C'est un exemple.

Adrienne : Aux États-Unis et en Europe, on a des menaces assez claires. Netflix est un exemple emblématique. Netflix, c'est énormément de trafic, il faut qu'il paye, etc. Mais la neutralité du Net, c'est aussi d'avoir des opérateurs qui disent « Moi, je ne veux pas qu'on puisse installer Skype sur mon smartphone parce que ce n'est pas bon pour mes propres trafics ».

Journaliste : Parce que mon opérateur. Par exemple sur Orange qui fait de l'argent autrement.

Adrienne : Qui fait de l'argent avec la téléphonie. Il y a tout un aspect très technique et légal de se dire à quel point nous, on défend le fait de pouvoir avoir des services qui soient équivalents et qui ne soient pas discriminés, qui soient vraiment ouverts, qu'on puisse garder un Internet décentralisé, ouvert, où toutes les potentialités sont là.


Journaliste : Mais vous êtes en train de le perdre ce combat. Ça ne fonctionne pas très bien. Vous n’êtes pas écoutés.

Adrienne : On n'est pas totalement en train de le perdre. Au niveau européen, le Parlement européen a voté une bonne définition de la neutralité du Net au mois d'avril 2014, qui doit maintenant être consacrée par la Commission européenne et le Conseil de l'Union européenne. Ce sont des institutions un peu compliquées, mais en gros ça veut dire qu'il faut que les États, et la Commission européenne, rejoignent le Parlement européen, et là c'est effectivement mal parti parce que la France, notamment, ne défend pas la conception de la neutralité du Net qu'on voudrait voir défendue. Elle écoute peut-être un petit peu trop les opérateurs qui oublient que c'est aussi parce qu'on peut diffuser tous les contenus.

Journaliste : Qu’est-ce que vous pouvez faire pour vous faire entendre ?

Adrienne : Il faut arriver à faire suffisamment pression entre les citoyens, les associations de défense des libertés, les politiques, etc., pour que le gouvernement soit obligé, se sente obligé de défendre ce qui va dans l’intérêt des citoyens, de ses électeurs. Donc, on a besoin, en tant qu'association de défense des libertés, que les internautes comprennent bien où est leur intérêt, où est l’intérêt général et l’intérêt commun, et que le gouvernement sente qu'il est meilleur pour lui et meilleur pour le bien commun de défendre la neutralité du Net.

Journaliste : Parlons maintenant des photos dénudées de ces actrices américaines qui se sont retrouvées en ligne. Je pense notamment à celles qui ont été très célébrées, enfin célébrées, c'est un mauvais mot, mais dont on a beaucoup parlé de Jennifer Lawrence. Est-ce que la technologie, finalement, elle ne s'est pas retournée contre nous ?

Adrienne : Ce qui est intéressant dans cette affaire ce n'est pas que la technologie se soit retournée contre nous, c'est qu'on a l'impression d’être dépassé par la technologie. Ce qui est important de comprendre et de prendre conscience dans cette affaire-là, c'est qu'on doit pouvoir garder le contrôle de la technologie qu'on utilise.

Journaliste : Mais comment le faire ? Finalement, on est dépassé. Parfois, on ne sait pas très bien comment utiliser toutes les ressources de ses écrans, de ses smartphones, ses tablettes. Comment on peut s'en sortir ?

Adrienne : Il y a deux aspects. Il y a un aspect contraignant pour les entreprises Apple, Google, Microsoft, etc., qui gèrent ces énormes réservoirs de données et de contenus, qui ne sont pas toujours suffisamment transparents, qui ont besoin d’être forcés, y compris légalement, à avoir des pratiques qui soient saines, des conditions générales d'utilisation qui ne fassent pas quarante-cinq pages illisibles, et qu'on sache réellement ce qu'on fait quand on met nos contenus chez eux. Et puis, pour l’internaute moyen, il faut qu'on arrive, tous ensemble, à faire mieux comprendre le fonctionnement technologique, arrêter de dire que c'est « in-maitrisable » et que c'est pour les geeks, etc. Il y a un moyen de comprendre, de connaître, de s'approprier les outils et ça c'est un gros travail des médias, des associations, pourquoi pas des pouvoirs publics, de pédagogie.

Journaliste : Ça va prendre des années et entre temps beaucoup de photos vont se retrouver en ligne, effectivement, au détriment de particuliers.

Adrienne : Entre temps, il faut, en tant qu'internaute, essayer de choisir des solutions qui sont les plus protectrices et puis de faire un petit peu attention à ce qu'on partage sur Internet.

Journaliste : Merci beaucoup d’être venue pour cette interview. On retrouve l'interview numérique sur france5.fr et lemonde.fr. Merci. Au revoir.