Vous êtes la bonne personne

De April MediaWiki
Aller à la navigationAller à la recherche


Titre : Vous êtes la bonne personne !

Intervenantes : Khrys - Bookynette

Lieu : École nationale supérieure d’électrotechnique, d’électronique, d’informatique, d’hydraulique et des télécommunications - Toulouse - capitole du libre 2023

Date : 18 novembre 2023

Durée : 26 min 10

Vidéo

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration : À prévoir

NB : Transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Description

Khrys, présidente de FDN et Bookynette, présidente de l'April, vous proposent d'échanger autour de la diversité et de la légitimité au sein du monde des libristes. Parce que nous avons un rôle à jouer, qui que nous soyons, confiant·es ou hésitant·es, débutante·es ou expert·es.

Transcription

Bookynette : … Et je suis devenue dernièrement présidente de l’April, lourde charge, mais un truc passionnant. Khrys, à toi de te présenter.

Khrys : Ton téléphone sonne.

Bookynette : Mais pas du tout ! Jamais je n’oserais faire un truc pareil !

Khrys : Je me suis fait avoir parce que Bookynette m’a dit « tu es la bonne personne », donc je suis là ! Je suis krys, je fais le Khrys’presso sur le Framablog je suis présidente de Parinux, un GULL d’Île-de-France et de FDN, un FAI associatif depuis 92.

Bookynette : Tu es présidente depuis 92 ?

Khrys : Non ! Je suis présidente depuis 2019, si mes souvenirs sont bons.

Bookynette : Quand même !

Khrys : On fait cette conférence parce qu’il y a eu pas mal de problématiques avec le Capitole du Libre, l’année dernière, comme quoi il n’y avait pas cette femme, je vois que cette année ce n’est pas du tout le cas, puisqu’ils ont accepté toutes mes conférences, les irresponsables !

Bookynette : D’ailleurs, à peu près la moitié de femmes font des présentations, cette année, comme vous avez pu le remarquer.

Khrys : Je rassure toutes celles qui ont proposé des confs, elles n’ont pas été acceptées parce que vous avez des boobs. Elles ont été acceptées parce que ce que vous proposiez était intéressant. Il n’y a pas forcément de quotas qui ont été mis en place, même si c’est bien qu’il y ait des femmes. J’étais dans une des réunions, on était plus en train de discuter de qui propose quoi, est-ce que c’est intéressant, pas intéressant, et non pas sur le genre des propositions, je tiens à le dire. Il y a des femmes motivées pour parler, plus elles sont motivées, mieux c’est !
Pourquoi ce titre, « Vous êtes la bonne personne », je ne sais pas si vous connaissez les forums ouverts. Non ! Ça vous dit rien. En gros, vous êtes invité à un événement, vous ne savez pas ce qu’il va se passer et c’est vous qui allez faire le programme. Vous arrivez, vous êtes plusieurs, chacun fait une proposition d’atelier, on négocie à quel horaire on les fait et le programme est vraiment ouvert. On se dit toujours « à tel horaire, c’est telle personne », on fait l’atelier ensemble, s’il n’y a personne, on fait quand même l’atelier, parce que, peut-être, que les gens viendront entre-temps, et tous les gens qui sont là sont les bonnes personnes pour faire cet atelier-là. L’avantage, avec ce principe-là, c’est que les gens qui sont là sont des gens motivés, donc, déjà, le travail est en partie réalisé.
J’ai trouvé ce principe extraordinaire « Vous êtes la bonne personne », je trouve que c’est rassurant, ça donne de la légitimité et c’est ouvert à tout le monde.
Je trouve que cette manière de faire est un excellent exemple, dans le logiciel libre, puisqu’on est ouvert à tout le monde, si ça ne vous intéresse pas, vous êtes libre de partir et d’aller ailleurs.
Voilà pourquoi ça s’appelle « Vous êtes la bonne personne ».

Khrys : C’est un bon principe. On est là peut-être juste parce qu’on avait envie de s’asseoir, on ne savait pas trop quoi faire à cette heure-ci, et puis, si ça commence à nous embêter, on peut s’en aller, il n’y a pas de souci à s’en aller et puis on peut arriver aussi.
Après, on n’a pas beaucoup de temps, on a 25 minutes, à priori, ça devrait aller.

Bookynette : Ce n’est pas une conf habituelle, parce que je n’aime pas les confs où je parle toute seule, c’est plutôt une conf où je vais vous demander de réagir et de participer. Je voulais parler de diversité, mais je vais aussi donner le témoignage des associations qui font des efforts pour mettre en place cette diversité, donc je vais forcément parler de l’April puisque je suis présidente de l’April, Krys, qui est présidente de FDN, va sûrement nous parler FDN.

Khrys : Non ! Je suis là juste parce que je suis une meuf et que je suis une présidente !

Bookynette : Je n’ai pas invité toutes les présidentes, j’ai repéré des gens d’associations que je connais, qui pourraient aussi donner leur avis et j’espère que ceux qui sont un peu timides arriveront à donner leur avis aussi.

Khrys : En termes de quotas, on n’est pas mal quand même ! Nous sommes deux meufs !

Bookynette : En plus, nous avons été accueillies par deux meufs, là-bas ! Après, il y a peut-être d’autres choses en mode diversité dont on pourrait parler, qui ne sont pas que juste le sexe, le genre.

Khrys : Par exemple, en termes de couleur de peau, c’est vrai qu’il n’y a pas énormément de diversité. On pourrait s’interroger sur la diversité aussi sur d’autres critères. Pour l’instant, au niveau femmes, on est pas mal représentées, ça tombe bien.

Bookynette : Tu as le droit de partir !
C’est vrai que quand on parle diversité, on parle souvent du genre et c’est vrai que si on s’arrête à ça, les femmes, dans le logiciel libre, c’est 6 %, en tout cas, à l’April, c’est 6 % d’adhérentes, ce n’est pas beaucoup, c’est toujours mieux que rien, mais ce n’est pas beaucoup. Si on part sur les bénévoles actives, forcément, il y en a beaucoup, j’en veux beaucoup. Donc forcément, ça se remarque.
Après, il n’y a pas que ça comme diversité, et je sais qu’à l’April nous avons tendance à le travailler. Nous sommes en train de refaire les statuts de l’association pour qu’il n’y ait pas juste écrit « un président », mais « un président ou une présidente », on passe en mode écriture inclusive, sans point médian, parce que nous ne sommes pas fans du point médian.

Khrys : Bon courage !

Bookynette : C’est une aventure passionnante. En gros, on a refait un règlement intérieur avec un code de bonne conduite pour que tout le monde puisse se sentir accepté.
[Bienvenue, enchantée, vous êtes les bonnes personnes, prenez place avec nous.]
Donc, à l’April, on a commencé plein de petites choses pour devenir plus inclusifs, quel que soit le genre, etc., pour que les gens viennent à nos événements en se sentant accueillis.
J’avoue que le la charte de bonne conduite est quelque chose qui est vraiment à la mode depuis six ou sept ans, il était temps qu’on s’y mette, ça y est, on s’y est mis. On a discuté, ça nous a pris quand même un an. On ne se rend pas compte à quel point ce genre de document est hyper important et doit être travaillé et réfléchi parce que ça a des conséquences et il faut pouvoir assumer ces conséquences. Ça ne sert à rien de dire « il y a quelqu’un pour vous accueillir », si la personne n’est pas prête à accueillir les gens et à écouter les autres.

Khrys : Chez nous, c’est assez rigolo, parce que, on va dire, ça s’est fait un petit peu dans le sens quasiment inverse. Déjà, chez FDN, le problème est assez particulier. Si on veut avoir effectivement une bonne proportion de femmes, on a quand même beaucoup d’admin-sys [administrateurs système], ce sont plutôt des postes qui peuvent être, on va dire, assez techniques. Le problème, c’est qu’on a beau vouloir faire de l’inclusion ou de l’inclusivité, il faut aussi qu’il y ait des femmes dans les métiers de l’admin-sys et cela ne dépend pas de nous, ça dépend plutôt de toutes les années auparavant, depuis la petite enfance où les filles ne vont pas forcément être dirigées tout à fait vers le même type de métier ou, en tout cas pas, ne vont pas être encouragées vers le même type de métier. Après on arrive. Si on a que des gars prêts à faire de l’admin-sys, comment fait-on pour qu’il y ait quand même aussi quelques femmes ?
En ce qui concerne l’écriture inclusive, c’était très drôle. J’avais connu les statuts de la Fédération FDN, la fédération qui regroupe une trentaine de FAI associatifs, c’était initié par FDN, parce qu’on commençait à se trouver trop gros – maintenant on est encore plus gros, c’est un autre problème. Ils avaient écrit leurs statuts en inclusive, donc je me suis dit « on va faire pareil chez FDN », pour moi c’était un non-sujet, c’était vraiment « on va juste réécrire nos statuts en inclusive. ». Et on s’est pris un shitstorm pendant plusieurs mois ! On avait vraiment l’impression que c’était le sujet le plus important de la terre, juste parce qu’on allait rendre nos textes plus inclusifs. Et là, je me suis dit « OK, il y a visiblement un problème » et c’est là où je me suis mis à lire de la littérature féministe, je n’étais pas du tout au fait de ces questions-là avant et c’est ce qui m’a amenée à ça.
Après, du coup, on a fait un code de conduite parce que là aussi, sur les listes mails, à un moment ça devenait vraiment très violent et c’est la violence des réactions qui m’a fait comprendre l’importance du sujet.

Bookynette : J’ai vu une main se lever. C’est toi qui as le micro, soit tu tends le micro soit on répète la question.

Public : Bonjour.

Bookynette : Bonjour.

Public : Je voudrais revenir sur la charte de bonne conduite, Khrys y est revenue, c’est évidemment une chose importante. Je voudrais savoir comment vous la faites respecter quand il y a une déviation de cette charte de bonne conduite, des insultes ou bien un comportement déplacé. Comment cette charte se fait-elle respecter ? Comment prenez-vous le sujet quand la personne refuse de respecter la charte ? C’est-à-dire qu’il y a la déviation « merde, j’ai dit un truc qu’il ne fallait pas, pardon je ne recommencerai pas », c’est la première question. La deuxième question c’est comment gérez-vous une personne qui vous dit « fuck you, ta charte je n’en ai rien à foutre, je m’assois dessus ». Merci.

Khrys : On lui dit : « fuck you, sors de mon asso. C’est écrit très clairement : si tu ne respectes pas le code de conduite, on peut on peut te virer. Après, ça ne s’est pas encore vraiment posé ; bizarrement, depuis qu’on a un code de conduite, il n’y a eu plus trop de problèmes. Mais, si jamais il commence à y avoir un souci, on dit « attention au code de conduite », et si la personne s’en contrefiche, à ce moment-là, on prend les mesures on va dire associées.

Public : Qui fait respecter cette charte ?

Bookynette : Pour l’April, j’ai suivi une formation anti-discrimination, deux jours assez intenses sur la façon de gérer ce genre de situation en tant que présidente. Les événements de l’April sont souvent des apéros au local et je suis celle qui y est toujours – je vais avoir une réputation d’alcoolique ! Non, je ne bois que du jus d’orange.

Khrys : C’est moi l’alcoolique !

Bookynette : OK ! Donc j’ai suivi une formation et, dans cette formation, on m’a dit : « La première chose à faire c’est isoler la victime s’il y a une victime ». Il ne faut pas dire « oh, mon Dieu, tu as eu un énorme problème, est-ce que tu pourras réagir ? ». Non, juste isoler et vérifier que tout va bien. La deuxième chose, c’est aller parler discrètement à la personne, à l’agresseur, en disant « ça serait bien que tu ne refasses pas ce que tu as fait pas » et s’il vous dit fuck, à un moment donné, il faut savoir dire fuck aussi. On n’est pas là pour perdre du temps avec des gens qui n’ont rien à faire de notre charte de bonne conduite. Si tu ne respectes pas la charte, logiquement tu n’as rien à faire là.
Je touche du bois, du singe, n’importe quoi, ma tête, merci, parce que, pour l’instant, on n’a pas eu ce genre de problème là, ou, s’il y a eu des réflexions un peu désobligeantes, il y a eu tout de suite rétractation de la personne et ainsi de suite. Je crois qu’on a la chance d’être avec des gens intelligents, qui réfléchissent, qui ont un esprit critique et, même à l’apéro bien arrosé, en fin de soirée, on n’a pas eu ce genre de problème. Peut-être que la charte y est pour quelque chose ou peut-être qu’on a eu de la chance jusqu’à présent.

Khrys : C’est vrai que, pour nous, c’est plutôt en ligne, pour le coup, et c’est toujours difficile pour les choses un peu borderlines, ce qui va être de l’ordre de la blague un peu sexiste. Où mettre la limite ? Dès que je constate un truc, j’ai tendance à dire à dire les choses.
Après, en termes de décision, côté FDN, on essaie, on va dire, de fonctionner de plus en plus à l’horizontale, on est passé d’un fonctionnement où il y avait vraiment un bureau ; il y a toujours un bureau on n’a rien changé dans les textes, mais c’est plus en réunion mensuelle qu’on va essayer de discuter des choses et, si jamais un problème se posait, je pense que c’est en réunion mensuelle qu’on en discuterait.
Ce qui est assez drôle, c’est qu’en fait on n’a pas du tout changé, on n’a rien changé dans le dernier texte, on a rien changé dans le fonctionnement, on a juste renommé la réunion qui s’appelait « Réunion buro » et encore, c’était buro avec un « o », qui était ouverte à tout le monde, y compris les non adhérents et adhérentes, on l’a juste appelée « Réunion mensuelle ». Depuis qu’on l’a appelée réunion mensuelle, il y a beaucoup plus de monde qui participe et, du coup, les gens mettent aussi un pied, en tant que bénévoles dans l’asso.

Bookynette : Comme quoi tout monde ne vient pas pour boire !

Khrys : Après, je ne sais pas ce qu’ils font chacun derrière leur clavier, parce que ce sont des réunions en ligne.
Tu voulais parler d’autre chose ? Moi je suis là, je suis la bonne personne, mais c’est toi qui as réfléchi à ta conf.

13’ 20

Bookynette : Mon but