Richard Stallman conf Paris 30 ans GNU

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Titre : Anniversaire des 30 ans du projet GNU

Intervenant : Richard Stallman

Lieu : Paris, Université Paris 8, Vincennes- Saint-Denis

Date : Septembre 2013

Durée : 2 heures 10 min 28

Lien vers la vidéo : [1]


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Association April : Présentation de la conférence.


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Richard Stallman : Je vous prie de deux choses : ne mettez pas de photos de moi dans Facebook, ni dans Instagram. Ce sont des moteurs de la surveillance des gens e et si vous mettez une photo de quelqu'un dans Facebook vous lui donnez une manière en plus de le surveiller, ce qui n'est pas bon. Ne mettez pas de photos de moi.

Si vous voulez enregistrer cette conférence et en diffuser des copies, prière de le faire uniquement dans les formats et de manière favorable au logiciel libre, c’est-à-dire dans les formats Ogg ou WebM, jamais dans les formats MP quoi que ce soit, jamais en Flash et jamais en Windows Media Player ni Quick Time. Donc pas dans Youtube. Il faut aussi s'assurer que l'exécution d'un programme privateur en JavaScript n'est pas nécessaire pour l'accès au fichier, pour décharger le fichier, donc pas dans Youtube. Prière de mettre sur le fichier la licence Creative Commons Non Dérivées parce que c'est une présentation d'un point de vue.

Il y a beaucoup de projets qui visent l'inclusion numérique pour promouvoir la participation de tout le monde dans la société numérique. Mais est-ce que ce but est bon ou mauvais ? Ça dépend si la société numérique est juste ou injuste. Si la société numérique est injuste, il faut lutter pour notre extraction numérique et pas pour l'inclusion numérique, pas pour l'inclusion dans l'injustice. Quelles sont les menaces à la liberté dans la société numérique actuelle et qu'est-ce que nous pouvons faire pour protéger les libertés ? Dans cette conférence je traiterai plusieurs menaces distinctes mais avec des relations entre elles.

D’abord la surveillance. L'internet est devenu un système de surveillance massive de tout le monde, ce qui est une injustice énorme. La majorité de l'utilisation de l'internet fait de la surveillance des entreprises. Je refuse d’utiliser les sites qui font cette surveillance. Il faut refuser. Souvent ils surveillent les utilisateurs à travers leurs produits dans leurs ordinateurs. C'est-à-dire quand les ordinateurs tournent des programmes privateurs, c'est-à-dire pas libres, souvent les programmes surveillent leurs utilisateurs. Ils transmettent des données personnelles sur l'utilisation de la machine à des serveurs. Beaucoup de programmes privateurs le font parce qu'ils sont sous le contrôle non pas de leurs utilisateurs mais plutôt des propriétaires. Les propriétaires veulent surveiller les gens. Et c'est le propriétaire qui décide avec un programme privateur. Donc une manière d'éviter cette forme de surveillance est de refuser les logiciels privateurs et c'est ce que je fais. C'est ce qu'il faut faire pour être libre dans l'informatique. Il faut noter que la surveillance vraiment dangereuse est celle de l'État. Mais quand une entreprise accumule des données personnelles c'est vraiment une rame de la surveillance de l'État parce que toutes les données de l’entreprise sont disponibles facilement pour l'État. Donc une fois que les données sont accumulées quelque part, c'est déjà dangereux.

Nous pouvons nous protéger contre la surveillance à travers nos logiciels, mais il y a aussi la surveillance qui se fait par des systèmes qui ne nous appartiennent pas. Par exemple les fournisseurs d'accès à internet font de la surveillance. Ils font des dossiers de tous les contacts internet de chaque client. Les entreprises de téléphonie font de la surveillance. Elles prennent note de tous les appels et quand il s'agit d'un téléphone portable, aussi de la position géographique du téléphone. Elles font cette surveillance à travers normalement du logiciel privateur dans le téléphone, parce que ce logiciel privateur transmet la position GPS sur commande à distance, que l'utilisateur le veule ou pas. Il n'y pas de façon d'ordonner que le téléphone ne transmette pas, même si le téléphone n'a pas de GPS, même si tu trouves du logiciel libre pour faire ce travail dans le téléphone, elles savent localiser le téléphone sans sa coopération parce que quand le téléphone transmet un signal, ce signal arrive à plusieurs tours et chaque tour prend note du moment, du temps exact de l’arrivée du signal et en comparant les temps, l'entreprise peut déterminer où se trouve ce téléphone à ce moment-là.

Nous ne pouvons pas nous protéger contre la surveillance faite par des systèmes qui ne sont pas à nous, pas directement, uniquement par l'organisation politique. Il faut lutter pour diminuer la surveillance. Mais il y a aussi des systèmes spécifiques pour la surveillance, faits pour la surveillance. Par exemple en Angleterre ils ont mis des caméras sur toutes les routes pour reconnaître les immatriculations, pour suivre les mouvements de chaque voiture. L'État crée des dossiers sur chaque voiture et peut garder cette information pendant des décennies, pourquoi pas, c'est facile ! Et peut aussi suivre n'importe quelle voiture en temps réel. Ce système a déjà été utilisé plusieurs fois pour arrêter des dissidents supposés être en route vers une manifestation. Évidemment la surveillance est incompatible avec la démocratie. La surveillance était une des injustices de l'Union Soviétique. Maintenant nous sommes plus surveillés que les habitants de l'Union Soviétique. Il faut réduire le niveau d'accumulation de données personnelles, parce qu'une fois accumulées, il y aura ds abus. Je n'ai pas de téléphone portable. Voici le rêve de Staline. Quelque chose pour suivre et écouter tout le monde quand on veut. Ça suffit sur la surveillance pour l'instant.

Il y a aussi la censure. La censure n'est pas nouvelle. Il y a quinze ans il semblait que l'internet vaincrait la censure, que censurer l'internet serait trop difficile. Maintenant nous savons qu'un état peut censurer l'internet s'il veut payer le prix en argent et en haine du public. Ce ne sont pas uniquement les états évidemment tyranniques qui le font. Oui bien sûr la Chine censure l'internet, l'Iran censure l'internet, mais aussi la France censure l'internet, la Finlande censure l'internet. La Finlande a un projet de filtre sur l’accès à internet. En 2007 un finlandais voulait informer le peuple au sujet de cette surveillance donc il a fait des expériences. Il a essayé de contacter plusieurs sites pour savoir quels étaient les sites bloqués. Il a publié une liste et l'état a bloqué l'accès à son site, bien que la loi ne le dise pas. Il a lancé un procès, mais il y a quelques semaines le tribunal suprême de Finlande a indiqué que c'est légal de bloquer l'accès à son site, c'est-à-dire au site qui parle aux sites journalistes, qui présente les faits sur la censure que l'état fait.

Il y a quatre ans, l’état turc annonçait la politique que chaque internaute en Turquie devrait choisir entre quatre niveaux possibles de censure, mais l'accès au vrai internet ne serait plus une option. Les défenseurs de la liberté ont manifesté dans les rues, mais l'état continue sur ce chemin.

En Australie il n'y a pas de filtre. Le gouvernement a proposé d'imposer des filtres, mais grâce à l'opposition le plan a été rejeté. Mais il y a une autre forme de censure en Australie, la censure des liens. Il y a des sites à qui on interdit de faire des liens. L'organisation Electronic Frontier Foundation Australia, qui défend les libertés des internautes en Australie a été sanctionnée par une amende onze mille dollars par jour si elle ne supprimait pas un lien vers un site politique étranger, un lien qu'elle a mis seulement pour essayer de défendre la liberté de faire des liens. Et c’est quoi ce site ? Terroriste ? Non. C'est presque aussi injuste. C'est un site contre le droit à l'avortement. Mais ils ont le droit de présenter leur point de vue, même en Australie !

Dans beaucoup de pays ils ferment des sites web même pour le sujet de ce qu'ils disent, même sans procès souvent. Par exemple en Inde n'importe quel site qui offense la religion de quelqu'un peut être fermé pour ça, sans procès je crois. On a très peu de droits dans l'internet en Inde. En France aussi, par la loi LOPPSI, je crois que l'état peut fermer un site web sans procès. Qui sait? Frédéric ? Est-ce que tu le sais ?


Frédéric : Je n'ai pas entendu la question.


RS : Si selon LOPPSI l'état peut fermer un site web sans procès.


Frédéric : C'est un peu plus compliqué que ça mais ça fait partie des risques possibles. Oui !


RS : Merci. En Espagne aussi. Aux États-Unis, ils ferment un site et le propriétaire doit faire un procès pour annuler la fermeture, peut-être un an plus tard. Donc c'est évidemment injuste. Il faut lutter contre la censure et la liberté de parole comprend jusqu’à la liberté d'insulter n'importe qui ou n'importe quel point de vue ou n'importe quelle activité. Il n'y a rien qui doit être au-dessus de toute critique, ni même le Président de la République.


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Une autre menace à la liberté dans la société numérique se trouve dans les formats de fichiers, de données qui restreignent les utilisateurs, souvent parce qu'ils sont secrets. Il y a des formats secrets qui sont gardés secrets pour restreindre les utilisateurs. Cela s'appelle les logiciels menottes ou les menottes numériques parce que ce sont des programmes qui agissent comme des menottes dans le monde physique. Il y a des applications, des programmes qui écrivent les données de l'utilisateur, que l'utilisateur entre dans le programme, dans des formats secrets, pour interdire, pour bloquer l'utilisation lds données dans d'autres programmes. Quand le propriétaire se trouve dans une position de dominance sur le marché, il pense « Si je peux éliminer toute possibilité de concurrence avec moi je serai dominant à jamais ! » Donc il change le programme pour écrire les données dans un format secret et comme ça n'importe quel concurrent n'a plus la possibilité d’offrir aux utilisateurs la possibilité d'utiliser leurs données dans d'autres programmes. C'est nocif aussi au logiciel libre parce que nous sommes des concurrents pour n'importe quel programme privateur. Nous voulons le remplacer par un programme libre. Mais comment faire si les données sont écrites dans un format secret ?

D’autres formats secrets sont utilisés souvent pour distribuer des copies des œuvres, des œuvres de musique, des vidéos, des livres et c'est le même problème. Une œuvre distribuée dans un format secret ne peut pas être utilisée sauf par des programmes privateurs qui sont construits pour restreindre ce que l'utilisateur peut faire. Donc c'est injuste !

Évidemment les programmes construits pour restreindre l'utilisateur sont privateurs. Si le programme est libre, le format n'est plus secret. Le code source du programme révèle le format et les utilisateurs peuvent le changer. On ne peut pas restreindre l'utilisateur. Si quelqu'un veut te restreindre il peut te mettre des menottes, mais pas des menottes d'argile molle, tu peux les rompre, donc il faut utiliser un matériau assez fort pour te restreindre. Si la forme des menottes est sous ton contrôle, tu peux t’échapper, donc ils utilisent des programmes privateurs pour restreindre les gens.

Il y a aussi les formats brevetés qui ne sont pas secrets. Par exemple les formats MP quoi que ce soit ne sont pas secrets. Les standards sont publiés. Il y a des programmes libres capables de gérer ces formats, mais beaucoup de distributeurs du système Gnu et Linux n'osent pas y mettre ces programmes libres parce qu'ils craignent d'avoir un procès pour le brevet. Ils le craignent avec raison. Ils ont deux options : ou distribuer leur système sans programme capable de gérer ces formats et l'utilisateur dit « Ce système est nul. J'ai des fichiers MP3, je veux les jouer et je ne peux pas ! » parce que le système ne sait rien de ce format ; ou ils distribuent des programmes privateurs dont ils ont payés l'utilisation et comme ça l'utilisateur n'est plus libre. Donc deux options mauvaises ou injustes. Mais pourquoi est-ce que c'est un problème ? C'est un problème parce qu'il y a beaucoup d'utilisation de ces formats. C'est pour cela que j'exige de ne pas distribuer mes conférences dans les formats MP quoi que ce soit, les formats brevetés, parce que la création de fichiers dans ces formats augmente le problème, augmente la pression pour pouvoir gérer ces formats qui imposent le choix entre les mauvaises options. Tout le monde doit refuser de créer des fichiers dans les formats brevetés.

Il y a aussi le cas unique de Flash. Flash n'est ni secret ni breveté. C'est quoi le problème ? Adobe change souvent ce format. Nous avons le support pour la version 8 de Flash mais Adobe a fait la version 10 et c'est complètement différent. Il est dit que c'est une autre version, mais ça veut dire qu'il a remplacé à partir de zéro le format binaire. Donc nous n'avons pas pu arriver à être au courant dans le support pour Flash. Donc il ne faut pas distribuer des fichiers en Flash. C'est une pratique qui provoque des problèmes.

Une autre menace à la liberté se trouve dans les programmes pas libres, les programmes privateurs. Ils s'appellent privateurs parce qu'ils privent leurs utilisateurs de leur liberté. Mais c'est quoi le logiciel libre ? Je peux l’expliquer en trois mots : liberté, égalité, fraternité. Liberté parce qu'un programme libre respecte la liberté de ses utilisateurs. Égalité parce qu'à travers un programme libre, personne n'a de pouvoir sur personne. Et fraternité parce que nous encourageons la coopération entre les utilisateurs du programme. Donc il s'agit de liberté et pas de prix. Quand je dis en anglais free soft, je dois expliquer que free signifie libre et pas gratuit, parce que le prix est un détail pratique, ce n'est pas une question importante de morale. Mais les droits de l'Homme sont une question importante de morale.

La liberté c'est d'avoir le contrôle de sa propre vie et pour en avoir le contrôle si on utilise une œuvre pratique pour faire quelque chose dans sa vie on a besoin du contrôle de l’œuvre. Le logiciel est une œuvre pratique, conçue pour être utilisée, pas pour être apprécier comme l'art. Donc les utilisateurs doivent avoir le contrôle des programmes qu'ils utilisent. Mais pour avoir ce contrôle il faut les quatre libertés essentielles. La liberté 0 est celle d'exécuter le programme comme on veut dans n'importe quel but. La liberté numéro 1 est celle d'étudier le code source du programme et de le changer pour que le programme fasse son informatique comme on veut.

Avec ces deux libertés chaque utilisateur a le contrôle individuel du programme. Mais le contrôle individuel ne suffit pas parce que la grande majorité des utilisateurs ne savent pas programmer, ils ne savent pas exercer la liberté numéro 1, donc il faut quelque chose de plus. Il faut le contrôle collectif du programme, ce qui veut dire que n'importe quel groupe d'utilisateurs peut coopérer dans l'exercice du contrôle du programme. Le contrôle collectif requiert deux libertés en plus.

La liberté numéro 2 est celle de distribuer des copies exactes du programme aux autres quand on veut et liberté numéro 3 est celle de distribuer des copies de ces versions modifiées aux autres quand on veut. Avec ces deux libertés ceux qui participent dans le groupe peuvent collaborer. Donc ces deux libertés permettent l'entraide entre les gens. Les membres du groupe peuvent aussi offrir des copies aux autres, au public. Donc avec le contrôle individuel de chaque utilisateur à la fois et le contrôle collectif de n'importe quel groupe, grand et petit, d'utilisateurs, les utilisateurs ont le contrôle du programme au niveau au maximum possible. Comme cela c'est juste. Mais si les utilisateurs n'ont pas le contrôle du programme, c'est le programme qui a le contrôle des utilisateurs et le propriétaire qui a le contrôle du programme. Donc ce programme est un instrument du pouvoir du propriétaire sur ses utilisateurs. Donc n'importe quel programme pas libre génère un système de pouvoir injuste, la liberté d'avoir le contrôle de sa propre vie. Le pouvoir est d'avoir le contrôle des vies des autres. Donc le pouvoir et la liberté sont incompatibles. Un programme privateur est un instrument du pouvoir. Un pouvoir que personne ne doit avoir. Donc notre but est la libération de l'informatique et de tous les utilisateurs de l'informatique. Tout programme doit être libre pour que ses utilisateurs soient libres.

Aujourd'hui le propriétaire habituel est très conscient de son pouvoir sur les utilisateurs et cherche toujours des façons pour utiliser ce pouvoir pour obtenir plus de pouvoir ou plus d'avantages sur les utilisateurs. Donc il cherche des façons pour abuser de ce pouvoir en introduisant des fonctionnalités malveillantes dans le programme, sachant que les utilisateurs d'un programme privateur, n'ayant pas le contrôle du programme, ne peuvent pas supprimer la fonctionnalité malveillante, ne peuvent pas la corriger. Ils sont, comment dit-on, ???, ils sont sans défense devant n'importe quelle fonctionnalité malveillante que le propriétaire veut introduire.

J'ai déjà mentionné des fonctionnalités de surveillance qui se trouvent dans beaucoup de programmes privateurs. Il y a aussi les menottes numériques, un autre type de fonctionnalité malveillante dans beaucoup de programmes privateurs. Mais il y a une troisième chose, les portes dérobées. Cela veut dire que le programme reçoit des commandes de quelqu'un d'autre, en général depuis le propriétaire du programme, pour faire quelque chose à l’utilisateur sans lui demander son autorisation, sans l'informer de ce qu'il a fait, qu'il le veuille ou non.

Ces trois types de fonctionnalités malveillantes se trouvent souvent ensemble. Par exemple un paquet privateur qui contient les trois types de malveillance, que vous connaissez peut-être de nom, s'appelle Microsoft Windows. Donc Windows est malvare, littéralement. Un programme développé pour faire mal à l'utilisateur. Mais il est encore pire parce qu'une porte dérobée, dont la présence dans Windows a été établie, est universelle. Ça veut dire que Microsoft a le pouvoir d'imposer à distance des changements de logiciel, n'importe quel changement de logiciel dans Windows, sans demander la permission du propriétaire théorique de l’ordinateur dans lequel tourne Windows. Cela veut dire que n'importe quelle fonctionnalité malveillante qui n'est pas présente actuellement dans Windows, aujourd’hui, peut être imposée à distance demain. Windows est donc malware universel. Mais il n'est pas le seul.


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Les systèmes d'exploitation d'Apple sont malwares.