Que reste-t-il du logiciel libre

De April MediaWiki
Aller à la navigationAller à la recherche


Titre : 39 min Que reste-t-il du logiciel libre ?

Intervenants : Amaelle Guiton - Bernard Ourghanlian - Pierre-Yves Gosset - Hervé Gardette

Lieu : émission Du grain à moudre - France Culture

Date : juin 2018

Durée : 39 min

Podcast :ici ou ici

Licence de la transcription : Verbatim

NB : transcription réalisée par nos soins. Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas forcément celles de l'April.

Statut : Transcrit MO

Description

Microsoft vient de racheter la plateforme de création collaborative de logiciels Github. Est-ce vraiment une bonne nouvelle pour le logiciel libre ? Et quelles conséquences pour les utilisateurs ? La philosophie du libre a-t-elle gagné ou s’est-elle fait manger ?


Transcription

Hervé Gardette : Bonsoir à toutes et à tous. Bienvenue dans Du Grain à moudre. Ce soir « Que reste-t-il du logiciel libre ? ». Si vous n’êtes pas vous-même développeur informatique sans doute n’avez vous jamais entendu parler de GitHub. GitHub c’est une plateforme à laquelle participent des millions de développeurs ; sa particularité : elle appartient au monde du logiciel libre, c’est-à-dire qu’elle est collaborative ; chaque projet qui y est développé peut être étudié, modifié, copié en toute liberté. Plus qu’un outil technique, une véritable philosophie.

Or il se trouve que GitHub va être racheté et pas par n’importe qui, par Microsoft ; le géant mondial de l’informatique l’a annoncé la semaine dernière ; la vente n’est pas encore finalisée, mais le prix est connu : 7 milliards et demi de dollars. Dans le monde du logiciel libre cette annonce suscite l’inquiétude car s’il est une entreprise qui symbolise la démarche inverse, à savoir des logiciels fermés, propriétaires, c’est bien Microsoft ; sa suite Windows en est l’exemple le plus emblématique.

Ce rachat est-il le signe d’un rapprochement entre deux mondes antagonistes, désormais complémentaires ou plutôt celui de la fin d’une utopie ? Que reste -il du logiciel libre ? C’est la question du soir, en compagnie de trois invités. Bernard Ourghanlian, bonsoir.

Bernard Ourghanlian : Bonsoir.

Hervé Gardette : Vous êtes le directeur technique et sécurité à Microsoft France. Microsoft qu’on ne présente plus si ce n’est peut-être pour rappeler que c’est l’entreprise qui a été créée par Bill Gates, c’était en 1975 ; il n’était pas seul d’ailleurs, avec Paul Allen. Pour discuter avec vous ce soir Pierre-Yves Gosset. Bonsoir.

Pierre-Yves Gosset : Bonsoir.

Hervé Gardette : Directeur général de Framasoft ; Framasoft est une association, un réseau d’éducation populaire dédié au logiciel libre. Et puis notre troisième invitée, Amaelle Guitton, bonsoir.

Amaelle Guitton : Bonsoir.

Hervé Gardette : Journaliste à Libération, vous êtes la correspondante du journal dans le cyberespace ; c’est comme ça que vous vous présentez sur Twitter.

Amaelle Guitton : C’est à peu près ça.

Hervé Gardette : Vous avez publié, c’était il y a quelques années, Au diable vauvert, Hackers au cœur de la résistance numérique un livre qui est peut-être en open access aujourd’hui.

Amaelle Guitton : À l’époque la version numérique était gratuite et sans DRM, sans verrous numériques. Et c’était voulu, y compris par l’éditeur.

Hervé Gardette : Et ma question aussi était voulue. Si j’évoque l’open access c’est parce que je voudrais peut-être qu’on commence par faire un petit peu de pédagogie, d’explication de vocabulaire. Open accessdonc c’est l’accès ouvert.

Amaelle Guitton : Oui.

Hervé Gardette : Est-ce que c’est la même chose que de parler de logiciel libre ? Et de quoi on parle quand on utilise ces termes-là ?

Amaelle Guitton : Dans les faits, les logiciels dits libres et les logiciels dits open source, c’est-à-dire ceux dont le code est ouvert, le plus souvent ça se recoupe. En revanche, il y a derrière une différence d’approche. C’est-à-dire le mouvement du logiciel libre tel qu’il a été fondé par Richard Stallman, qui est donc un informaticien américain au milieu des années 80, si mes souvenirs sont bons, l’idée c’était une approche très politique. C’est-à-dire la devise, en fait, c’était liberté, égalité, fraternité, je crois qu’il le dit comme ça, et il insistait beaucoup sur la notion de liberté pour l’utilisateur, donc liberté d’utiliser un logiciel, liberté de l’étudier, liberté de le distribuer et liberté de le modifier.

L’open source, qui est un mouvement on va dire dissident, d’une certaine manière, insistait beaucoup plus sur les aspects techniques et de développement. Là, pour le coup, c’était quelqu’un qui s’appelle Eric Raymond qui, dans les années 90, a théorisé ça en disant que c’était la méthode de développement la plus efficace d’avoir le code ouvert et que, justement, il puisse être en permanence amélioré par une communauté. En fait c’est vraiment une différence d’approche, une vision politique versus une vision plus technique de développement.

Hervé Gardette : Chez Framasoft, Pierre-Yves Gosset, vous êtes plutôt du côté politique, philosophique, ou plutôt du côté de l’approche technique ?

Pierre-Yves Gosset : Clairement du côté de l’approche politique. Nous on définit le logiciel libre – quand on parle de logiciel libre d’ailleurs ce n’est pas tant le logiciel qui est libre ; nous on dit que c’est l’utilisateur, l’utilisatrice qui est libre – quand on parle de logiciel libre pour nous c’est l’équation, en fait, le logiciel libre c’est l’open source plus des valeurs. Ça ne veut pas dire pour autant que les gens qui font de l’open source n’ont pas de valeur, mais clairement, ce qu’on souhaite mettre en avant, ce sont non seulement les qualités techniques dont parlait Amaelle, mais aussi le côté mouvement social qu’il peut y avoir derrière et, finalement, de pourquoi est-ce qu’on veut essayer d’émanciper les utilisateurs et les utilisatrices en leur donnant la maîtrise des logiciels, quand bien même ces logiciels auraient été développés en open source donc avec le fait que le code, la recette de cuisine du logiciel soit accessible à tous et à toutes ; ce qui nous nous intéresse c’est ce que les gens peuvent en faire. Et on ne veut pas globalement leur fournir quelque chose de tout cuit ; on veut aussi leur apprendre à s’en servir, mais aussi apprendre potentiellement à ce qu’ils puissent contribuer à ce logiciel.

Hervé Gardette : Bernard Ourghanlian, je rappelle, donc vous êtes à Microsoft France, le directeur technique et sécurité, si on parle de logiciel libre, c’est parce que forcément, c’est par opposition à ce que serait un logiciel, alors logiciel non libre, on parle de logiciel propriétaire. Est-ce que c’est comme ça qu’on pourrait définir les logiciels qui sont développés par Microsoft ?

Bernard Ourghanlian : On pourrait mais ça serait un raccourci. Au sens où c’est vrai que Microsoft a fondé sa culture originelle sur le logiciel dit propriétaire, donc un logiciel à code source fermé, dont finalement les utilisateurs n’ont pas accès en termes de code source. C’est vrai que Microsoft s’est créée sur cette base culturelle, mais il est vrai aussi que c’est un sujet sur lequel Microsoft a beaucoup évolué. Il y a une transformation culturelle très profonde de Microsoft qui est encore à l’œuvre aujourd’hui, qui a été insufflée notamment par Satya Nadella qui est donc le nouveau président de Microsoft qui, en fait, a une vision très différente du monde, à la fois parce que culturellement il n’est pas Américain d’origine, il est Indien et donc en fait il a forcément il a une vision qui est un petit peu différente culturellement, mais aussi parce qu’on se rend compte que pour répondre presque au thème de l’émission par rapport au fait que c’est ou non la fin de l’open source.

En fait moi je considère aujourd’hui que dans une très large mesure l’open source a gagné au sens où, en fait, cette opposition qui a pu exister et qui a entretenu la polémique pendant des années et des années, est aujourd’hui caduque au sens où, certes il y a des modèles d’affaires qui peuvent être le cas échéant différents, mais ce qui fait la richesse du logiciel c’est finalement la communauté des développeurs qui se trouvent autour, qui la possibilité de participer à son élaboration. Et donc on a pris conscience, probablement un peu tard chez Microsoft, que c’était important de pouvoir collaborer, d’être à plusieurs sur le développement d’un logiciel, de permettre d’avoir un accès aux sources du logiciel, peut-être pas pour les modifier même si ça peut dépendre des cas, mais en tout cas on se rend compte que la richesse naît de la confrontation des expertises, des cerveaux, des connaissances, des compétences, et pas simplement d’une vision totalement fermée et restreinte du logiciel.

Hervé Gardette : Pour quelles raisons est-ce qu’au départ justement c’était l’approche qui avait été privilégiée, celle de logiciels fermés ? Est-ce que ça pouvait par exemple correspondre à quelque chose – alors qui est très français, en tout cas très défendu par la France – par exemple cette politique des brevets, l’idée que quand on crée quelque chose il fut d’abord le protéger ?

Bernard Ourghanlian : Oui les brevets ont certainement joué un rôle, mais pour être honnête je pense qu’au départ il y a une volonté de faire en sorte que le logiciel puisse évoluer de manière contrôlée. C’est-à-dire qu’à partir du moment où un logiciel est ouvert et qu’on a effectivement la possibilité de faire évoluer son code, on peut imaginer d’en cloner des milliers de versions et donc, la question qui se pose derrière, c’est comment est-ce qu’on assure vis-à-vis des utilisateurs, dont il ne fait pas oublier qu’au départ les utilisateurs étaient à la fois étaient très peu au courant de ce qu’était le logiciel, ce que c’était que le code, ce que c’était que même l’informatique au sens le plus clair du terme. Et ce qu’était la vision originelle de Microsoft c’était en gros un PC dans chaque bureau, dans chaque maison, etc. Donc en fait il y a avait une volonté de démocratisation, mais derrière cette volonté de démocratisation, il y avait une volonté de standardiser des usages et faire en sorte que finalement, l’usage s’imposant, les gens apprennent à utiliser l’informatique et à travers ces usages, plutôt qu’à travers la vision de « je peux accéder au code », en sachant qu’il y a une personne sur 1 000, 10 000, 100 000, je ne sais pas, qui est capable effectivement de lire le code source correspondant.

Hervé Gardette : J’ai quand même l’impression que le discours de Microsoft et le discours de Framasoft sont assez proches. Amaelle Guitton, est-ce que vous êtes d’accord avec ce qui vient d’être dit, notamment sur le fait que l’open source et peut-être aussi le Libre, même si vous nous avez expliqué les différences qu’il pouvait y avoir, en tout cas les nuances qu’il pouvait y avoir entre ces deux notions ? Est-ce que finalement ça a gagné ? En tout cas que ceux qui défendaient une approche plus fermée, plus propriétaire, ont fini par se ranger à la question du Libre ?

9’ 42

Amaelle Guitton : Je ne suis pas certaine en fait. La polémique n’est plus ce qu’elle était mais les termes du débat ont changé. Parce que pourquoi on fait du logiciel propriétaire aussi ? C’est une question de business modèle ; c’est parce que c’est un produit donc on le vend et on vend des licences. Et c’est là-dessus que s’est construit Microsoft. C’est aussi dessus que s’est construit Apple, et d’ailleurs Apple, historiquement, vient de la culture hacker : Jobs et Wozniak bidouillaient du logiciel dans un garage au départ. Et puis quand il a fallu gagner des sous, eh bien on a commencé à refermer dans le code.

Hervé Gardette : C’est-à-dire qu’on est pour le Libre jusqu’au moment où ça commence à marcher et où là on devient plutôt pour un système fermé ?

Amaelle Guitton : Oui, historiquement c’est quand même comme ça que ça s’est fait. C’est-à-dire qu’à un moment donné il fallait commercialiser un produit. Là où ça change, c’est qu’on n’est plus dans la période où Steve Ballmer par exemple parlait de cancer concernant le logiciel libre.

Hervé Gardette : L’ancien patron de Microsoft.

Amaelle Guitton : L’ancien patron de Microsoft et je crois même que Bill Gates avait traité Richard Stallman de communiste. On était quand même dans un affrontement effectivement extrêmement fort.

Hervé Gardette : Grosse insulte aux États-Unis.

Amaelle Guitton : Tout à fait. Ce qui s’est passé c’est que même dans les milieux du logiciel propriétaire, d’abord je pense qu’il y a eu probablement une espèce d’aggiornamento culturel avec les recrutements parce qu’on a beaucoup de jeunes développeurs qui ont l’habitude de travailler de manière collaborative donc ça change aussi un peu aussi les manières de faire. Et puis ils se sont tout simplement rendu compte que pour les aspects on va dire non différenciants, pour les briques de base, eh bien effectivement l’open source c’est plutôt une bonne affaire, parce que justement tout le monde participe, ça permet d’aller vite, etc. Et donc en fait, on se retrouve dans la situation où on a effectivement du Libre et de l’open source dans plein d’endroits, c’est ça qui fait tourner des serveurs web, ce sont les briques d’Android, d’ailleurs Android est en grande partie open source mais pas totalement, donc on va dire effectivement les matériaux sont de plus en plus ouverts, on a de plus en plus de Libre et d’open source. En revanche, dès qu’on est dans le produit fini, c’est là que ça se referme et donc dire que l’open source et le Libre ont gagné, c’est très trompeur ; ça a effectivement gagné dans plein d’endroits y compris parce que les fabricants eux-mêmes, les éditeurs, se sont rendu compte que c’était rentable, et dès qu’on arrive à l’utilisateur, c’est-à-dire en bout de chaîne, c’est là que tout se referme petit à petit.

Hervé Gardette : Pierre-Yves Gosset.

Pierre-Yves Gosset : Oui. Concrètement moi je ne peux pas dire que je suis d’accord sur le fait que l’open sourceait gagné. L’open source se porte bien, c’est sûr. Microsoft a fait une très belle acquisition en rachetant GitHub. Maintenant moi je ne peux pas m’en réjouir et les militants du logiciel libre ne peuvent pas s’en réjouir parce que la différence qu’il y a entre nous, concrètement, c’est une différence, je veux dire de vision du monde, c’est presque une vision sociétale qui est assez différente. Vous avez d’un côté des entreprises, les GAFAM, on parle souvent des GAFAM, on rajoute le « M » de Microsoft dedans ; ça ne veut pas dire que Microsoft soit le mal incarné, ce n’est pas du tout de ça dont il est question. Par contre c’est une certaine vision du monde où on dit souvent que le logiciel dévore le monde. On a de plus en plus de logiciels partout et du coup le sociologue Antonio Casilli parle de « colonialité » des GAFAM et donc c’est une vision du monde qui vise, petit à petit, à être partout. C’est-à-dire que le logiciel on le retrouve dans nos téléphones, dans nos ordinateurs, mais on le retrouve dans nos frigos ; on le retrouve bientôt dans les voitures autonomes et des sociétés comme les GAFAM ne sont pas des philanthropes – encore une fois ce n’est pas une insulte, on peut bien nous se faire traiter de communistes, on peut dire qu’ils ne sont pas des philanthropes. Et concrètement, aujourd’hui Microsoft est une entreprise qui est capitalisée à plus de 700 milliards de dollars, troisième capitalisation boursière du monde il me semble, ce n’est pas rien ! 73 Millions de dollars en fonds propres, c’est 30 fois le budget du ministère de la Culture.

Hervé Gardette : Est-ce que ça veut dire que pour vous, directeur général de Framasoft, Pierre-Yves Gosset, quand Microsoft décide de racheter cette plateforme de création de logiciels libres GitHub, c’est une façon, justement, de dévorer ce monde du logiciel libre ? Je vais évidemment demander ce qu’il en pense à Bernard Ourghanlian.

Pierre-Yves Gosset : Tout à fait. Il y a quelques années Microsoft avait dû subir un procès suivant une loi antitrust et le département de la Justice américain avait qualifié la politique de Microsoft sur trois verbes : embrace, extend and extinguish, ce qui veut dire adopter, étendre et étouffer et qui est une vraie politique appliquée par Microsoft, qui est une stratégie commerciale qui est de dire on prend ce qui marche bien – et l’open source marche bien, l’open source est efficace donc c’est normal que Microsoft s’y intéresse – et une fois qu’on a adopté l’open source on va y rajouter des fonctionnalités qui peuvent être plus refermées. Moi je n’exclus pas – je n’ai pas de boule de cristal et on verra bien ce qu’en fait Microsoft –, mais je n’exclus qu’à un moment donné GitHub voit des choses apparaître qui soient développées Microsoft et qui ne soient plus libres et qui, à un moment donné, marginaliseraient les développeurs et développeuses du logiciel libre qui souhaitent eux porter, on va dire un monde et une vision du monde qui soit différente où le logiciel appartienne à tous et à toutes.

Hervé Gardette : Bernard Ourghanlian est-ce que vous comprenez déjà les craintes que peut avoir Pierre-Yves Gosset et comment est-ce que vous y répondez ?

Bernard Ourghanlian : Les craintes, je peux les comprendre dans la mesure où l’histoire de Microsoft est ce qu’elle est, donc cette histoire il est difficile de la réécrire. Pour autant on ne vit pas dans un monde figé, le monde se transforme en permanence, et donc Microsoft, comme un certain nombre d’entreprises et puis d’une manière générale comme la totalité du monde qui nous entoure, se transforme et donc il est évident que racheter une plateforme telle que GitHub avec comme objectif de privatiser la plateforme, de la rendre inaccessible et, d’une manière ou d’une autre, de la fermer, c’est la garantie pour nous que la totalité des développeurs qui y sont aujourd’hui hébergés fuiront la plateforme. Donc ça n’a absolument aucun sens d’imaginer qu’une telle chose se passe.

Hervé Gardette : C’est-à-dire que pour vous si elle vaut aussi cher, c’est-à-dire 7 milliards et demi de dollars, c’est du fait de ses développeurs qui y travaillent ?

Bernard Ourghanlian : Incontestablement ; il y doit y avoir à peu près 28 millions de développeurs qui utilisent la plateforme aujourd’hui, donc évidemment ça a une certaine forme de valeur. Au-delà de ça, GitHub est aujourd’hui une plateforme qui est utilisée par un certain nombre d’entreprises privées, à la fois pour y déposer de l’open source mais aussi pour leurs propres besoins. C’est-à-dire qu’en fait, quelque part, il y a une certaine forme de privatisation ou d’internalisation de la plateforme pour répondre à ses propres besoins puisqu’en l’occurrence la plateforme est excellente sur le plan technique et donc elle permet effectivement à des grosses entreprises d’y développer leurs logiciels ; typiquement Microsoft utilise aujourd’hui un dépôt de code source pour Windows qui est probablement parmi les logiciels les plus gros de la planète, ce qui prouve qu’il est possible d’utiliser cette plateforme à une échelle extrêmement vaste avec de très nombreux développeurs.

Hervé Gardette : Mais vous pouviez continuer en être l’utilisateur sans en être forcément le propriétaire. C’est-à-dire c’est quoi l’intérêt pour Microsoft de racheter cette plateforme ?

Bernard Ourghanlian : En fait il n’y a pas mal d’intérêts qui sont autour déjà d’une capacité finalement à mieux connaître ces communautés de développeurs, parce qu’on n’a pas non plus la prétention de connaître les besoins de l’ensemble des développeurs de la planète. Or, d’une manière générale, Microsoft est une entreprise qui a été fondée sur une capacité à se mettre à la portée du développeur donc pour nous ça a évidemment beaucoup d’intérêt. Au-delà de ça, il y a aussi énormément de tâches du développement logiciel qui sont des tâches, on va dire, pas forcément très créatives. Il y a beaucoup d’opérations qui sont réalisées par les développeurs qui sont des tâches relativement fastidieuses, qui consistent, pour une large part, à prendre du code qui a été développé par d’autres, à l’adapter à son besoin et à être capable, ensuite, de l’utiliser dans un logiciel plus complet.

Donc aujourd’hui il y a plein de fonctions qui manquent à GitHub, pour prendre cet exemple-là, pour permettre de manière très simple, en utilisant l’intelligence artificielle, de pouvoir prendre des morceaux de logiciels qui existe dans l’ensemble des bases de données qui composent GitHub et pouvoir, potentiellement, sans effort ou en tout cas avec encore moins d’effort qu’aujourd’hui, l’adapter à ses propres besoins.

Et donc ça, ça fait partie des choses qu’on peut parfaitement imaginer de mettre à la disposition de l’ensemble des utilisateurs de GitHub et donc de rendre encore plus populaire la plateforme telle qu’elle existe aujourd’hui.

Hervé Gardette : Amaelle Guitton.

Amaelle Guitton : Effectivement ça vaut le coup de rappeler que GitHub n’héberge pas que du code ouvert. Il héberge aussi effectivement du code fermé. Il y a des services payants et c’était d’ailleurs plus ou moins, c’était leur modèle économique, mais la question que ça soulève est intéressante.

Hervé Gardette : Pardonnez-moi, juste je fais une petite incise par rapport à ça : si c’est ouvert c’est forcément gratuit ? Si c’est fermé c’est forcément payant ?

Amaelle Guitton : Oui. En gros c’était ça. C’est-à-dire il fallait payer pour y mettre du code fermé. En revanche l’hébergement de code ouvert, lui, était gratuit, je crois dans une certaine limite de taille au-delà de laquelle, là de nouveau il fallait payer.

La question que ça soulève est intéressante. J’ai vu passer cet argument que Microsoft pourrait, effectivement, améliorer GitHub. Et c’est fort possible ! Mais la question que ça pose c’est pourquoi est-ce que tout le monde met son code au même endroit ? Moi on m’a posé la question sur Twitter au moment du rachat, on m’a demandé ce que j’en pensais, parce que je voyais effectivement pas mal de développeurs de logiciels libres qui commençaient à s’inquiéter, mon premier réflexe ça a était de dire : j’ai du mal à m’émouvoir parce que GitHub, au départ, est effectivement un acteur privé et c’était déjà une plateforme centralisée. Donc on en revient toujours au même point qui est celui de la centralisation. Et c’est d’ailleurs assez étonnant que des libristes, comme on dit, aient jugé pour le coup parfaitement normal de tous mettre leur code au même endroit.

Pierre-Yves Gosset : Pas tous !

Hervé Gardette : Et comment est-ce que vous répondez, justement, à cette bizarrerie ?

Amaelle Guitton : Eh bien je crois que c’est juste effectivement parce qu’il y a un outil, parce qu’il fonctionne, parce qu’il est facile à utiliser et parce qu’il n’y a pas d’alternatives décentralisées. Enfin si ! Pour le coup je vais laisser Pierre-Yves Gosset en parler parce que Framasoft propose une alternative qui, elle, est décentralisée.

Hervé Gardette : GitHub ce n’est peut-être pas, du coup, un symbole du logiciel libre comme j’ai pu le lire moi dans un certain nombre d’articles ?

19’ 55

Pierre-Yves Gosset : Ça a été un symbole de la façon