Différences entre les versions de « Que reste-t-il du logiciel libre »

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<b>Hervé Gardette : </b>Bonsoir à toutes et à tous. Bienvenue dans <em>Du Grain à moudre</em>. Ce soir « Que reste-t-il du logiciel libre ? ». Si vous n’êtes pas vous-même développeur informatique sans doute n’avez vous jamais entendu parler de GitHub. GitHub c’est une plateforme à laquelle participent des millions de développeurs ; sa particularité : elle appartient au monde du logiciel libre, c’est-à-dire qu’elle est collaborative ; chaque projet qui y est développé peut être étudié, modifié, copié en toute liberté. Plus qu’un outil technique, une véritable philosophie.
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Or il se trouve que GitHub va être racheté et pas par n’importe qui, par Microsoft ; le géant mondial de l’informatique l’a annoncé la semaine dernière ; la vente n’est pas encore finalisée, mais le prix est connu : 7 milliards et demi de dollars. Dans le monde du logiciel libre cette annonce suscite l’inquiétude car s’il est une entreprise qui symbolise la démarche inverse, à savoir des logiciels fermés, propriétaires, c’est bien Microsoft ; sa suite Windows en est l’exemple le plus emblématique.
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Ce rachat est-il le signe d’un rapprochement entre deux mondes antagonistes, désormais complémentaires ou plutôt celui de la fin d’une utopie ? Que reste -il du logiciel libre ? C’est la question du soir, en compagnie de trois invités. Bernard Ourghanlian, bonsoir.
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<b>Bernard Ourghanlian : </b>Bonsoir.
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<b>Hervé Gardette : </b>Vous êtes le directeur technique et sécurité à Microsoft France. Microsoft qu’on ne présente plus si ce n’est peut-être pour rappeler que c’est l’entreprise qui a été créée par Bill Gates, c’était en 1975 ; il n’était pas seul d’ailleurs, avec Paul Allen. Pour discuter avec vous ce soir Pierre-Yves Gosset. Bonsoir.
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<b>Pierre-Yves Gosset : </b>Bonsoir.
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<b>Hervé Gardette : </b>Directeur général de Framasoft ; Framasoft est une association, un réseau d’éducation populaire dédié au logiciel libre. Et puis notre troisième invitée, Amaelle Guitton, bonsoir.
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<b>Amaelle Guitton : </b>Bonsoir.
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<b>Hervé Gardette : </b>Journaliste à <em>Libération</em>, vous êtes la correspondante du journal dans le cyberespace ; c’est comme ça que vous vous présentez sur Twitter.
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<b>Amaelle Guitton : </b>C’est à peu près ça.
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<b>Hervé Gardette : </b>Vous avez publié, c’était il y a quelques années, Au diable vauvert,<em> Hackers au cœur de la résistance numérique</em> un livre qui est peut-être en <em>open access</em> aujourd’hui.
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<b>Amaelle Guitton : </b>À l’époque la version numérique était gratuite et sans DRM, sans verrous numériques. Et c’était voulu, y compris par l’éditeur.
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<b>Hervé Gardette : </b>Et ma question aussi était voulue. Si j’évoque l’<em>open access</em> c’est parce que je voudrais peut-être qu’on commence par faire un petit peu de pédagogie, d’explication de vocabulaire. <em>Open access</em>donc c’est l’accès ouvert.
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<b>Amaelle Guitton : </b>Oui.
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<b>Hervé Gardette : </b>Est-ce que c’est la même chose que de parler de logiciel libre ? Et de quoi on parle quand on utilise ces termes-là ?
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<b>Amaelle Guitton : </b>Dans les faits, les logiciels dits libres et les logiciels dits <em>open source</em>, c’est-à-dire ceux dont le code est ouvert, le plus souvent ça se recoupe. En revanche, il y a derrière une différence d’approche. C’est-à-dire le mouvement du logiciel libre tel qu’il a été fondé par Richard Stallman, qui est donc un informaticien américain au milieu des années 80, si mes souvenirs sont bons, l’idée c’était une approche très politique. C’est-à-dire la devise, en fait, c’était <em>liberté, égalité, fraternité</em>, je crois qu’il le dit comme ça, et il insistait beaucoup sur la notion de liberté pour l’utilisateur, donc liberté d’utiliser un logiciel, liberté de l’étudier, liberté de le distribuer et liberté de le modifier.
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L’<em>open source</em>, qui est un mouvement on va dire dissident, d’une certaine manière, insistait beaucoup plus sur les aspects techniques et de développement. Là, pour le coup, c’était quelqu’un qui s’appelle Eric Raymond qui, dans les années 90, a théorisé ça en disant que c’était la méthode de développement la plus efficace d’avoir le code ouvert et que, justement, il puisse être en permanence amélioré par une communauté. En fait c’est vraiment une différence d’approche, une vision politique versus une vision plus technique de développement.
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<b>Hervé Gardette : </b>Chez Framasoft, Pierre-Yves Gosset, vous êtes plutôt du côté politique, philosophique, ou plutôt du côté de l’approche technique ?
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<b>Pierre-Yves Gosset : </b>Clairement du côté de l’approche politique. Nous on définit le logiciel libre – quand on parle de logiciel libre d’ailleurs ce n’est pas tant le logiciel qui est libre ; nous on dit que c’est l’utilisateur, l’utilisatrice qui est libre – quand on parle de logiciel libre pour nous c’est l’équation, en fait, le logiciel libre c’est l’<em>open source</em> plus des valeurs. Ça ne veut pas dire pour autant que les gens qui font de l’<em>open source</em> n’ont pas de valeur, mais clairement, ce qu’on souhaite mettre en avant, ce sont non seulement les qualités techniques dont parlait Amaelle, mais aussi le côté mouvement social qu’il peut y avoir derrière et, finalement, de pourquoi est-ce qu’on veut essayer d’émanciper les utilisateurs et les utilisatrices en leur donnant la maîtrise des logiciels, quand bien même ces logiciels auraient été développés en <em>open source</em> donc avec le fait que le code, la recette de cuisine du logiciel soit accessible à tous et à toutes ; ce qui nous nous intéresse c’est ce que les gens peuvent en faire. Et on ne veut pas globalement leur fournir quelque chose de tout cuit ; on veut aussi leur apprendre à s’en servir, mais aussi apprendre potentiellement à ce qu’ils puissent contribuer à ce logiciel.
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<b>Hervé Gardette : </b>Bernard Ourghanlian, je rappelle, donc vous êtes à Microsoft France, le directeur technique et sécurité, si on parle de logiciel libre, c’est parce que forcément, c’est par opposition à ce que serait un logiciel, alors logiciel non libre, on parle de logiciel propriétaire. Est-ce que c’est comme ça qu’on pourrait définir les logiciels qui sont développés par Microsoft ?
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<b>Bernard Ourghanlian : </b>On pourrait mais ça serait un raccourci. Au sens où c’est vrai que Microsoft a fondé sa culture originelle sur le logiciel dit propriétaire, donc un logiciel à code source fermé, dont finalement les utilisateurs n’ont pas accès en termes de code source. C’est vrai que Microsoft s’est créée sur cette base culturelle, mais il est vrai aussi que c’est un sujet sur lequel Microsoft a beaucoup évolué. Il y a une transformation culturelle très profonde de Microsoft qui est encore à l’œuvre aujourd’hui, qui a été insufflée notamment par Satya Nadella qui est donc le nouveau président de Microsoft qui, en fait, a une vision très différente du monde, à la fois parce que culturellement il n’est pas Américain d’origine, il est Indien et donc en fait il a forcément il a une vision qui est un petit peu différente culturellement, mais aussi parce qu’on se rend compte que pour répondre presque au thème de l’émission par rapport au fait que c’est ou non la fin de l’<em>open source</em>.
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En fait moi je considère aujourd’hui que dans une très large mesure l’<em>open source</em> a gagné au sens où, en fait, cette opposition qui a pu exister et qui a entretenu la polémique pendant des années et des années, est aujourd’hui caduque au sens où, certes il y a des modèles d’affaires qui peuvent être le cas échéant différents, mais ce qui fait la richesse du logiciel c’est finalement la communauté des développeurs qui se trouvent autour, qui la possibilité de participer à son élaboration. Et donc on a pris conscience, probablement un peu tard chez Microsoft, que c’était important de pouvoir collaborer, d’être à plusieurs sur le développement d’un logiciel, de permettre d’avoir un accès aux sources du logiciel, peut-être pas pour les modifier même si ça peut dépendre des cas, mais en tout cas on se rend compte que la richesse naît de la confrontation des expertises, des cerveaux, des connaissances, des compétences, et pas simplement d’une vision totalement fermée et restreinte du logiciel.
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<b>Hervé Gardette : </b>Pour quelles raisons est-ce qu’au départ justement c’était l’approche qui avait été privilégiée, celle de logiciels fermés ? Est-ce que ça pouvait par exemple correspondre à quelque chose – alors qui est très français, en tout cas très défendu par la France – par exemple cette politique des brevets, l’idée que quand on crée quelque chose il fut d’abord le protéger ?
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<b>Bernard Ourghanlian : </b>Oui les brevets ont certainement joué un rôle, mais pour être honnête je pense qu’au départ il y a une volonté de faire en sorte que le logiciel puisse évoluer de manière contrôlée. C’est-à-dire qu’à partir du moment où un logiciel est ouvert et qu’on a effectivement la possibilité de faire évoluer son code, on peut imaginer d’en cloner des milliers de versions et donc, la question qui se pose derrière, c’est comment est-ce qu’on assure vis-à-vis des utilisateurs, dont il ne fait pas oublier qu’au départ les utilisateurs étaient à la fois étaient très peu au courant de ce qu’était le logiciel, ce que c’était que le code, ce que c’était que même l’informatique au sens le plus clair du terme. Et ce qu’était la vision originelle de Microsoft c’était en gros un PC dans chaque bureau, dans chaque maison, etc. Donc en fait il y a avait une volonté de démocratisation, mais derrière cette volonté de démocratisation, il y avait une volonté de standardiser des usages et faire en sorte que finalement, l’usage s’imposant, les gens apprennent à utiliser l’informatique et à travers ces usages, plutôt qu’à travers la vision de « je peux accéder au code », en sachant qu’il y a une personne sur 1 000, 10 000, 100 000, je ne sais pas, qui est capable effectivement de lire le code source correspondant.
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<b>Hervé Gardette : </b>J’ai quand même l’impression que le discours de Microsoft et le discours de Framasoft sont assez proches. Amaelle Guitton, est-ce que vous êtes d’accord avec ce qui vient d’être dit, notamment sur le fait que l’<em>open source</em> et peut-être aussi le Libre, même si vous nous avez expliqué les différences qu’il pouvait y avoir, en tout cas les nuances qu’il pouvait y avoir entre ces deux notions ? Est-ce que finalement ça a gagné ? En tout cas que ceux qui défendaient une approche plus fermée, plus propriétaire, ont fini par se ranger à la question du Libre ?
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<b>Amaelle Guitton : </b>Je ne suis pas certaine en fait.

Version du 21 juin 2018 à 06:56


Titre : 39 min Que reste-t-il du logiciel libre ?

Intervenants : Amaelle Guiton - Bernard Ourghanlian - Pierre-Yves Gosset - Hervé Gardette

Lieu : émission Du grain à moudre - France Culture

Date : juin 2018

Durée : 39 min

Podcast :ici ou ici

Licence de la transcription : Verbatim

NB : transcription réalisée par nos soins. Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas forcément celles de l'April.

Statut : Transcrit MO

Description

Microsoft vient de racheter la plateforme de création collaborative de logiciels Github. Est-ce vraiment une bonne nouvelle pour le logiciel libre ? Et quelles conséquences pour les utilisateurs ? La philosophie du libre a-t-elle gagné ou s’est-elle fait manger ?


Transcription

Hervé Gardette : Bonsoir à toutes et à tous. Bienvenue dans Du Grain à moudre. Ce soir « Que reste-t-il du logiciel libre ? ». Si vous n’êtes pas vous-même développeur informatique sans doute n’avez vous jamais entendu parler de GitHub. GitHub c’est une plateforme à laquelle participent des millions de développeurs ; sa particularité : elle appartient au monde du logiciel libre, c’est-à-dire qu’elle est collaborative ; chaque projet qui y est développé peut être étudié, modifié, copié en toute liberté. Plus qu’un outil technique, une véritable philosophie.

Or il se trouve que GitHub va être racheté et pas par n’importe qui, par Microsoft ; le géant mondial de l’informatique l’a annoncé la semaine dernière ; la vente n’est pas encore finalisée, mais le prix est connu : 7 milliards et demi de dollars. Dans le monde du logiciel libre cette annonce suscite l’inquiétude car s’il est une entreprise qui symbolise la démarche inverse, à savoir des logiciels fermés, propriétaires, c’est bien Microsoft ; sa suite Windows en est l’exemple le plus emblématique.

Ce rachat est-il le signe d’un rapprochement entre deux mondes antagonistes, désormais complémentaires ou plutôt celui de la fin d’une utopie ? Que reste -il du logiciel libre ? C’est la question du soir, en compagnie de trois invités. Bernard Ourghanlian, bonsoir.

Bernard Ourghanlian : Bonsoir.

Hervé Gardette : Vous êtes le directeur technique et sécurité à Microsoft France. Microsoft qu’on ne présente plus si ce n’est peut-être pour rappeler que c’est l’entreprise qui a été créée par Bill Gates, c’était en 1975 ; il n’était pas seul d’ailleurs, avec Paul Allen. Pour discuter avec vous ce soir Pierre-Yves Gosset. Bonsoir.

Pierre-Yves Gosset : Bonsoir.

Hervé Gardette : Directeur général de Framasoft ; Framasoft est une association, un réseau d’éducation populaire dédié au logiciel libre. Et puis notre troisième invitée, Amaelle Guitton, bonsoir.

Amaelle Guitton : Bonsoir.

Hervé Gardette : Journaliste à Libération, vous êtes la correspondante du journal dans le cyberespace ; c’est comme ça que vous vous présentez sur Twitter.

Amaelle Guitton : C’est à peu près ça.

Hervé Gardette : Vous avez publié, c’était il y a quelques années, Au diable vauvert, Hackers au cœur de la résistance numérique un livre qui est peut-être en open access aujourd’hui.

Amaelle Guitton : À l’époque la version numérique était gratuite et sans DRM, sans verrous numériques. Et c’était voulu, y compris par l’éditeur.

Hervé Gardette : Et ma question aussi était voulue. Si j’évoque l’open access c’est parce que je voudrais peut-être qu’on commence par faire un petit peu de pédagogie, d’explication de vocabulaire. Open accessdonc c’est l’accès ouvert.

Amaelle Guitton : Oui.

Hervé Gardette : Est-ce que c’est la même chose que de parler de logiciel libre ? Et de quoi on parle quand on utilise ces termes-là ?

Amaelle Guitton : Dans les faits, les logiciels dits libres et les logiciels dits open source, c’est-à-dire ceux dont le code est ouvert, le plus souvent ça se recoupe. En revanche, il y a derrière une différence d’approche. C’est-à-dire le mouvement du logiciel libre tel qu’il a été fondé par Richard Stallman, qui est donc un informaticien américain au milieu des années 80, si mes souvenirs sont bons, l’idée c’était une approche très politique. C’est-à-dire la devise, en fait, c’était liberté, égalité, fraternité, je crois qu’il le dit comme ça, et il insistait beaucoup sur la notion de liberté pour l’utilisateur, donc liberté d’utiliser un logiciel, liberté de l’étudier, liberté de le distribuer et liberté de le modifier.

L’open source, qui est un mouvement on va dire dissident, d’une certaine manière, insistait beaucoup plus sur les aspects techniques et de développement. Là, pour le coup, c’était quelqu’un qui s’appelle Eric Raymond qui, dans les années 90, a théorisé ça en disant que c’était la méthode de développement la plus efficace d’avoir le code ouvert et que, justement, il puisse être en permanence amélioré par une communauté. En fait c’est vraiment une différence d’approche, une vision politique versus une vision plus technique de développement.

Hervé Gardette : Chez Framasoft, Pierre-Yves Gosset, vous êtes plutôt du côté politique, philosophique, ou plutôt du côté de l’approche technique ?

Pierre-Yves Gosset : Clairement du côté de l’approche politique. Nous on définit le logiciel libre – quand on parle de logiciel libre d’ailleurs ce n’est pas tant le logiciel qui est libre ; nous on dit que c’est l’utilisateur, l’utilisatrice qui est libre – quand on parle de logiciel libre pour nous c’est l’équation, en fait, le logiciel libre c’est l’open source plus des valeurs. Ça ne veut pas dire pour autant que les gens qui font de l’open source n’ont pas de valeur, mais clairement, ce qu’on souhaite mettre en avant, ce sont non seulement les qualités techniques dont parlait Amaelle, mais aussi le côté mouvement social qu’il peut y avoir derrière et, finalement, de pourquoi est-ce qu’on veut essayer d’émanciper les utilisateurs et les utilisatrices en leur donnant la maîtrise des logiciels, quand bien même ces logiciels auraient été développés en open source donc avec le fait que le code, la recette de cuisine du logiciel soit accessible à tous et à toutes ; ce qui nous nous intéresse c’est ce que les gens peuvent en faire. Et on ne veut pas globalement leur fournir quelque chose de tout cuit ; on veut aussi leur apprendre à s’en servir, mais aussi apprendre potentiellement à ce qu’ils puissent contribuer à ce logiciel.

Hervé Gardette : Bernard Ourghanlian, je rappelle, donc vous êtes à Microsoft France, le directeur technique et sécurité, si on parle de logiciel libre, c’est parce que forcément, c’est par opposition à ce que serait un logiciel, alors logiciel non libre, on parle de logiciel propriétaire. Est-ce que c’est comme ça qu’on pourrait définir les logiciels qui sont développés par Microsoft ?

Bernard Ourghanlian : On pourrait mais ça serait un raccourci. Au sens où c’est vrai que Microsoft a fondé sa culture originelle sur le logiciel dit propriétaire, donc un logiciel à code source fermé, dont finalement les utilisateurs n’ont pas accès en termes de code source. C’est vrai que Microsoft s’est créée sur cette base culturelle, mais il est vrai aussi que c’est un sujet sur lequel Microsoft a beaucoup évolué. Il y a une transformation culturelle très profonde de Microsoft qui est encore à l’œuvre aujourd’hui, qui a été insufflée notamment par Satya Nadella qui est donc le nouveau président de Microsoft qui, en fait, a une vision très différente du monde, à la fois parce que culturellement il n’est pas Américain d’origine, il est Indien et donc en fait il a forcément il a une vision qui est un petit peu différente culturellement, mais aussi parce qu’on se rend compte que pour répondre presque au thème de l’émission par rapport au fait que c’est ou non la fin de l’open source.

En fait moi je considère aujourd’hui que dans une très large mesure l’open source a gagné au sens où, en fait, cette opposition qui a pu exister et qui a entretenu la polémique pendant des années et des années, est aujourd’hui caduque au sens où, certes il y a des modèles d’affaires qui peuvent être le cas échéant différents, mais ce qui fait la richesse du logiciel c’est finalement la communauté des développeurs qui se trouvent autour, qui la possibilité de participer à son élaboration. Et donc on a pris conscience, probablement un peu tard chez Microsoft, que c’était important de pouvoir collaborer, d’être à plusieurs sur le développement d’un logiciel, de permettre d’avoir un accès aux sources du logiciel, peut-être pas pour les modifier même si ça peut dépendre des cas, mais en tout cas on se rend compte que la richesse naît de la confrontation des expertises, des cerveaux, des connaissances, des compétences, et pas simplement d’une vision totalement fermée et restreinte du logiciel.

Hervé Gardette : Pour quelles raisons est-ce qu’au départ justement c’était l’approche qui avait été privilégiée, celle de logiciels fermés ? Est-ce que ça pouvait par exemple correspondre à quelque chose – alors qui est très français, en tout cas très défendu par la France – par exemple cette politique des brevets, l’idée que quand on crée quelque chose il fut d’abord le protéger ?

Bernard Ourghanlian : Oui les brevets ont certainement joué un rôle, mais pour être honnête je pense qu’au départ il y a une volonté de faire en sorte que le logiciel puisse évoluer de manière contrôlée. C’est-à-dire qu’à partir du moment où un logiciel est ouvert et qu’on a effectivement la possibilité de faire évoluer son code, on peut imaginer d’en cloner des milliers de versions et donc, la question qui se pose derrière, c’est comment est-ce qu’on assure vis-à-vis des utilisateurs, dont il ne fait pas oublier qu’au départ les utilisateurs étaient à la fois étaient très peu au courant de ce qu’était le logiciel, ce que c’était que le code, ce que c’était que même l’informatique au sens le plus clair du terme. Et ce qu’était la vision originelle de Microsoft c’était en gros un PC dans chaque bureau, dans chaque maison, etc. Donc en fait il y a avait une volonté de démocratisation, mais derrière cette volonté de démocratisation, il y avait une volonté de standardiser des usages et faire en sorte que finalement, l’usage s’imposant, les gens apprennent à utiliser l’informatique et à travers ces usages, plutôt qu’à travers la vision de « je peux accéder au code », en sachant qu’il y a une personne sur 1 000, 10 000, 100 000, je ne sais pas, qui est capable effectivement de lire le code source correspondant.

Hervé Gardette : J’ai quand même l’impression que le discours de Microsoft et le discours de Framasoft sont assez proches. Amaelle Guitton, est-ce que vous êtes d’accord avec ce qui vient d’être dit, notamment sur le fait que l’open source et peut-être aussi le Libre, même si vous nous avez expliqué les différences qu’il pouvait y avoir, en tout cas les nuances qu’il pouvait y avoir entre ces deux notions ? Est-ce que finalement ça a gagné ? En tout cas que ceux qui défendaient une approche plus fermée, plus propriétaire, ont fini par se ranger à la question du Libre ?

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Amaelle Guitton : Je ne suis pas certaine en fait.