Logiciel libre enjeu politique et social - Étienne Gonnu

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Titre : Le logiciel libre : un enjeu politique et social. Discussion autour de l’action institutionnelle de l’April.

Intervenant : Étienne Gonnu, cChargé de mission affaires publiques pour l’April.

Lieu : Rencontres Mondiales du Logiciel Libre

Date : Juillet 2017

Durée : 1 h 08 min 26

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Licence de la transcription : Verbatim

Statut : Transcrit MO

Description

Par les libertés qu’elles offrent, les licences des logiciels libres sont d’une certaine manière la traduction informatique des éléments structurant d’une démocratie, notamment exprimé dans la devise : liberté, égalité, fraternité À l’inverse, un logiciel privateur - conçu verticalement comme une « boite noire » imposant des usages aux utilisateurs - s’apparente dans la continuité de cette analogie à de l’autocratie. Loin d’une réflexion de pure technique, ou d’une quelconque forme de dogmatisme comme cela est trop souvent entendu, cette distinction représente la manière dont nous entendons les notions de progrès, de vivre ensemble, et in fine de liberté, dans une société informatisée. Des interrogations qui font du logiciel libre un enjeu fondamentalement politique et social.

Transcription

Bonjour. Étienne Gonnu, comme c’est écrit là, moi je suis chargé de mission affaires publiques pour l’April. L’April, je pense que tout le monde connaît. Il y a des apriliens ici, des membres de l’April ? Donc je pense que je n’ai pas besoin de vous rappeler dans les détails ce qu’est l’April. L’April c’est vraiment l’action nationale française, militante sur les questions du logiciel libre, promotion et défense du logiciel libre et on est avant tout une association à vocation politique pour faire avancer la société pour plus de liberté et une meilleure reconnaissance de l’importance des libertés informatiques.

On est trois permanents. Il y a Frédéric Couchet, membre fondateur et qui est délégué général de l’April. Isabella Vanni qui s’occupe de toute la coordination de la vie associative, elle s’occupe des projets, elle est vraiment sur le volet sensibilisation. Si ces sujets vous intéressent, il y a une liste Sensibilisation qui est assez active et je sais qu’elle est preneuse de toutes les bonnes volontés. Et donc moi qui m’occupe des dossiers institutionnels pour l’April.

Juste pour me présenter très rapidement, savoir qui parle. Moi j’ai une formation de juriste de base, j’ai fait du droit comparé pour ceux qui connaissent un peu ces sujets-là. Ensuite j’ai fait des choses diverses et variées et pas du tout liées au droit ni au numérique, et ensuite j’ai repris mes études en droit du numérique ; c’est très fourre-tout comme terme. C’est là où j’ai commencé à me sensibiliser aux questions du logiciel libre notamment, à faire des ponts avec mes propres réflexions sur l’importance des libertés fondamentales, comment on vit ensemble, toutes ces bonnes considérations. J’ai commencé à travailler à l’April en janvier 2016. Je ne suis pas du tout informaticien, mais c’est une chose que j’aime bien dire aussi, revendiquer, parce que pour moi le logiciel libre n’est pas du tout qu’une question d’informaticien ; c’est une question vraiment sociale, politique, philosophique, toutes choses essentielles dans ce sens-là.

Ce que je vais vous proposer. Je vous présenterai rapidement nos principaux dossiers. On pourra échanger ensuite plus en détails dessus et aussi sur des dossiers qui vous intéressent mais que je n’aurais pas mentionné. Et avant ça, pour mettre en perspective, je vais échanger avec vous, vous donner mon impression, ma compréhension de pourquoi le logiciel libre est un message aussi politique et aussi fondamental et finalement partager avec vous, après un an et demi, on va dire, de militantisme salarié à l’April, l’état de mes réflexions et je serai ravi d’échanger avec vous ensuite, d’avoir vos retours.

Je pense que tout le monde sait ce qu’est le logiciel libre, mais ça ne fait jamais de mal de le rappeler, notamment parce qu’il y a une captation vidéo, si jamais il y a des gens qui s’intéressent au sujet pour la première fois.

Les logiciels libres, essentiellement, se construisent autour de ces quatre libertés :

  • la capacité d’utiliser le logiciel à toutes fins ;
  • de pouvoir en étudier le fonctionnement, donc le code source, la recette de cuisine ;
  • de pouvoir le modifier, l’adapter à ses besoins ;
  • et puis de pouvoir le partager. C’est aussi l’essence, c’est ce qui permet la collaboration autour de projets.

Ces quatre libertés sont vraiment les éléments structurants et elles se construisent donc autour de licences libres. Il y a toutes sortes de familles de licences libres. Les plus grandes bien sûr, enfin bien sûr, sont la copyleft qui impose de maintenir le logiciel, après modifications, sous la même licence et en gros, c’est comme ça qu’on construit, finalement, un commun informationnel qu’est le logiciel libre et d’autres dites permissives qui considèrent que la liberté c’est que chacun peut ensuite rediffuser sous une autre licence. Ce sont vraiment les deux mouvements, on va dire philosophiques, autour du logiciel libre. C’est ça, c’est cette licence qui va garantir que le logiciel reste bien libre et qui garantit les libertés des utilisateurs.

Logiciel libre, société libre.

On part sur mon beau tee-shirt 20 ans. Moi je pense que c’est vraiment une phrase, alors qui est inspirée de la phrase de la Free Software Foundation : Free Software, Free Society. Moi je porte fièrement ce tee-shirt ; au-delà du fait que je travaille à l’April, je trouve qu’elle symbolise bien le message du Libre.

Richard Stallman qui est donc un peu le premier vraiment penseur de ces questions-là, des libertés informatiques, c’est vrai qu’il parle souvent, qu’il fait souvent un lien entre Liberté, égalité, fraternité, donc la devise française et exprime que le logiciel libre en serait l’incarnation. Donc liberté, liberté des utilisateurs. Égalité parce que personne n’a le pouvoir sur personne ; on travaille sur un pied d’égalité, de manière horizontale. Fraternité, donc solidarité, on collabore autour d’un projet.

J’aime bien aussi faire un parallèle avec, finalement, les éléments structurants qui définissent une démocratie. On peut avoir plein de définitions de ce qu’est une démocratie. Il me semble qu’il y a quelques éléments extrêmement essentiels au cœur de ce qu’est la démocratie, c’est-à-dire la capacité d’abord de connaître et d’avoir accès aux règles qui s’imposent à nous, qui conditionnent notre manière d’être dans la société, nos relations aux autres, ce qu’on peut faire ou ne pas faire. Et donc, finalement, le logiciel libre permet ça en nous donnant accès au code source, donc cette capacité de connaître les règles.

La capacité, ensuite, de pouvoir agir sur ces règles. Après il y a plein de processus différents ; il y en a qui considèrent que le vote est une bonne manière ; il y a des idées autour du tirage au sort ; l’autogestion ; enfin il y a plein de manières de s’organiser pour permettre aux membres de la société d’agir sur les règles qui s’imposent à eux.

Et enfin philosophiquement, dans la démocratie, il y a presque cette idée d’un droit voire d’un devoir d’insurrection. C’est-à-dire à partir du moment où on considère que le contrat social est rompu, qu’on n’est plus libres que, finalement, le système nous oppresse, la capacité de dire stop, de pouvoir se révolter et exiger de retrouver sa liberté. Ce que le logiciel libre permet en faisant ce qu’on appelle le fork, on peut reproduire le logiciel par ailleurs. On n’est plus content, quelle que soit la raison, on n’est plus satisfait du fonctionnement du projet libre dans lequel on est, on a tout à fait la possibilité de quitter ce projet-là, de repartir à zéro, de prendre les briques qui nous intéressent et de remonter quelque chose ailleurs. On peut le faire seul et de se planter seul ; on peut trouver des gens qui vont partager nos avis et recréer quelque chose de cet ordre-là.

Moi, pour être taquin, je pense que si on considère que le logiciel libre, dans ce sens-là, est l’incarnation informatique de la démocratie, on peut se dire que logiciel, nous on dit privateur — puisque le logiciel libre garantit nos libertés, le logiciel privateur nous prive de libertés — le logiciel privateur qui fonctionne autour d’une boîte noire, on ne connaît pas les règles, ou très difficilement, les règles qui s’imposent à nous, les usages nous sont imposés ; on a très peu de moyens voire aucun de capacité d’action sur les règles qui s’imposent à nous et on est généralement assez captifs. En plus, si on considère les questions de formats, d’interopérabilité, etc., on est coincé. Finalement, dans la suite de l’analogie, ça s’apparente plutôt à de l’autoritarisme, à une forme d’autocratie.

Finalement ça c’est c’est un premier élément, niveau de réflexion, autour de ce beau slogan qu’est « logiciel libre, société libre », donc l’incarnation informatique de la liberté.

Ensuite concrètement, finalement, de plus en plus on voit que les libertés informatiques sont des conditions d’exercice presque de libertés fondamentales. Parce que dans notre société des pans de plus en plus nombreux de nos existences sont informatisés, que ce soit dans nos relations entre nous, la manière dont on échange, nos relations avec l’administration, la manière dont on est dans cette société. Typiquement ça va conditionner, alors on peut penser aux deux grands exemples que sont la liberté d’expression. On peut penser ce qu’on veut de Facebook, mais c’est un des miroirs importants, d’une certaine manière, c’est un des endroits importants où on va échanger dans un monde informatique. Sauf qu’on n’a pas la maîtrise de comment fonctionne ce logiciel, donc ça pose des questions.

L’autre ça va être, dans la même suite logique, les questions de vie privée et de la maîtrise de ce qu’on va vouloir garder dans notre intimité de notre vie privée et ce qu’on va pouvoir rendre public. En ça, finalement la liberté informatique conditionne réellement l’exercice des libertés fondamentales.

Enfin, moi je pense que le logiciel libre, vraiment, est un modèle d’une société pour nous qu’on va construire plus juste et plus solidaire.

Je pense qu’en ce moment on entend très régulièrement parler d’innovation par exemple. Qu’est-ce que ça veut dire innovation ? On parle sans cesse d’innovation, mais pour qui ? Comment on fait ? Qui décide ? Qu’est-ce qu’une innovation ? On ne parle jamais de progrès, même si la définition reste un peu floue aussi, mais ça porte quand même quelque chose d’un peu plus positif, je trouve. Et le logiciel libre, finalement, permet par toutes ses garanties, par ce modèle qui est un modèle démocratique, tout simplement, il n’apporte pas forcément la réponse à qu’est-ce que l’innovation, mais il met en place un système qui va nous permettre collaborativement, horizontalement, de manière transparente, de définir, donc collectivement, ce qu’on va considérer être de l’innovation. Qu’est-ce qui nous importe ? Ça peut être des questions environnementales, ça peut être des questions sociales ; on va mettre en avant ce qui nous importe, de manière collaborative et transparente, et permettre à chacun aussi de participer.

Et pour revenir à cette idée que ce n’est pas qu’une question d’informaticien parce que, bien sûr, tout le monde ne peut pas aller jeter un coup d’œil dans le code source, comprendre comment il fonctionne, en plus il y a différents langages, différents niveaux de technicité, mais moi, dans une démocratie, je prends souvent cet exemple de la liberté de la presse. La liberté de la presse c’est une condition essentielle pour une démocratie qui fonctionne à peu près correctement ; on n’est pas tous journalistes, mais on a tous besoin de cette liberté de la presse parce qu’on a besoin d’une société où on peut avoir accès à l’information, on peut avoir confiance. C’est essentiel de ce point de vue-là.

Donc comment on agit ?

Parce que là, c’est vrai, je vous parle de belles théories, ce sont des idéaux et c’est extrêmement important d’en avoir, ça fixe un cap, mais comment on fait ? C’est ça, un peu, la mission que se fixe l’April dans son slogan « promouvoir et défendre le logiciel libre ». C’est finalement traduire ces idéaux dans des actions militantes.

[Excusez-moi je retrouve mon fil.]

On a différents dossiers.

9’ 45

Là je vais vous parler très raidement la civic tech.