Différences entre les versions de « Libre à vous ! Radio Cause Commune - Transcription de l'émission du 15 décembre 2020 »

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==Présentation de la Fondation pour le logiciel libre (<em>Free Software Foundation</em>, FSF) avec Geoffrey Knauth, président de la Fondation et Odile Bénassy, développeuse de logiciels libres, administratrice de la FSF depuis quelques mois==
 
==Présentation de la Fondation pour le logiciel libre (<em>Free Software Foundation</em>, FSF) avec Geoffrey Knauth, président de la Fondation et Odile Bénassy, développeuse de logiciels libres, administratrice de la FSF depuis quelques mois==
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<b>Frédéric Couchet : </b>Nous allons poursuivre par notre sujet principal qui va porter sur la Fondation pour le logiciel libre avec Geoffrey Knauth, président de la Fondation, Odile Bénassy, développeuse de logiciels libres et administratrice de la FSF depuis quelques mois, FSF voulant dire <em>Free Software Foundation</em>, Fondation pour le logiciel libre.<br/>
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On va vérifier que nous avons nos invités au téléphone. Est-ce que Odile est au téléphone ?
  
<b>Frédéric Couchet : </b>Nous allons poursuivre par notre sujet principal qui va porter sur Fondation pour le logiciel libre avec Geoffrey Knauth, président de la Fondation, Odile Bénassy, développeuse de logiciels libres et administratrice de la FSF depuis quelques mois, FSF voulait dire Free Software Foundation, Fondation pour le logiciel libre.<br/>
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<b>Odile Benassy : </b>Bonjour Frédéric.
On va vérifier que nous avons nos invités au téléphone. Est-ce que Odile est au téléphone.
 
  
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<b>Frédéric Couchet : </b>Bonjour Odile. Geoffrey, est-ce que tu es au téléphone ?
  
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<b>Geoffrey Knauth : </b>Bonjour.
  
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<b>Frédéric Couchet : </b>Bonjour. Super.<br/>
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Je précise que les personnes sont invitées, évidemment, à participer à l’émission en posant des questions, des réactions, sur le site de la radio, causesommune.fm, bouton « chat » et vous nous rejoignez sur le salon #libreavous.<br/>
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Le but de l’émission aujourd’hui c’est de faire un petit peu mieux connaissance avec la Fondation historique pour le logiciel libre qui vient de fêter ses 35 ans avec Geoffrey Knauth qui est le président de la Fondation depuis quelques mois et Odile Bénassy qui est administratrice de la Fondation également depuis quelques mois. Geoffrey est présent à la Fondation depuis très longtemps.<br/>
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Première question, une présentation personnelle, pour un petit peu mieux vous connaître : en quelques mots qu’est-ce que vous faites à titre professionnel ? Quand et comment avez-vous découvert le logiciel libre ? Quel a été votre premier contact avec la FSF, la Fondation pour le logiciel libre. Trois questions en une. On va commencer par Geoffrey.
  
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<b>Geoffrey Knauth : </b>Maintenant, actuellement, je travaille en tant que programmeur pour AccuWeather, c’est de la météorologie. En ce qui concerne le logiciel libre, je connais Richard Stallman, le fondateur, depuis 1985 quand il a écrit le <em>GNU Manifesto</em>. Je travaillais sur les logiciels libres de tout temps ???. [J’ai toujours travaillé sur les logiciels libres]
  
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<b>Frédéric Couchet : </b>D’accord. J’en profite aussi pour remercier Geoffrey. Comme vous l’entendez, il intervient en français mais le français n’est pas sa langue naturelle, donc je le remercie d’intervenir ainsi et c’est une bonne continuité avec Richard Stallman qui parle lui-même très bien le français. On reviendra tout à l’heure sur la succession de Richard Stallman, évidemment.<br/>
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Odile, mêmes questions ; qu’est-ce que tu fais à titre professionnel ? Quand as-tu découvert le logiciel libre et quand as-tu été pour la première fois en contact avec la Fondation pour le logiciel libre ?
  
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<b>Odile Benassy : </b>Je développe des interfaces pour un logiciel pour les mathématiciens. Je fais du logiciel libre depuis de très nombreuses années maintenant, mais j’ai fait d’autres choses avant dans ma vie.<br/>
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J’ai découvert le logiciel libre très vite. Dès que j’ai voulu faire des logiciels, ça m’a paru impossible de fonctionner avec des interfaces propriétaires. Très vite je suis tombée dedans, d’ailleurs ça a même commencé par un voyage aux États-Unis, tellement l’enthousiasme était grand.<br/>
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Quant à la <em>Free Software Foundation</em>, eh bien quand on rentre un petit peu dans l‘univers du logiciel libre, on entend vite parler de cette Fondation. Elle est là pour garder, conserver et faire vivre les valeurs du logiciel libre, ce qui est très important.
  
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<b>Frédéric Couchet : </b>Merci pour cette introduction. Effectivement le point essentiel de cet échange c’est de faire connaître, évidemment, la Fondation, notamment les points clefs, son rôle unique qu’on va un petit peu décrire. On ne va présenter tout ce que fait la Fondation pendant l’émission parce qu’elle fait beaucoup de choses, mais on va vraiment insister sur ce rôle unique.<br/>
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Déjà première question, dans l’émission <em>Libre à vous !</em>, on parle très souvent de logiciel libre, on parle assez souvent de la Fondation pour le logiciel libre. Vous rencontrez quelqu’un dans une soirée – aujourd’hui il n’y a plus beaucoup de soirées, mais imaginons – comment résumeriez-vous en quelques mots, ce qu’est la Fondation pour le logiciel libre ? Geoffrey
  
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<b>Geoffrey Knauth : </b>La question est quelle est la fonction de la Fondation ?
  
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<b>Odile Benassy : </b>Un résumé.
  
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<b>Frédéric Couchet : </b>En une phrase ou deux, quel est le but de la Fondation pour le logiciel libre ?
  
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<b>Geoffrey Knauth : </b>C’est pour garder la liberté des logiciels libres pour tout le temps.
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<b>Frédéric Couchet : </b>D’accord. Odile.
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<b>Odile Benassy : </b>Oui, c’est ça. C’est faire vivre, faire connaître les valeurs, les principes du logiciel libre et aussi faire comprendre pourquoi c’est important.
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<b>Frédéric Couchet : </b>D’accord. J’ai dit tout à l’heure que la Fondation a été créée en 1985. On va juste faire un petit point historique pour que les gens comprennent bien. Le logiciel libre est de plus en plus connu depuis, on va dire 10/15 ans, mais existe depuis beaucoup plus longtemps. Si on fait un court résumé, l’un des moments fondateurs du mouvement du logiciel libre c’est 1983/1984 avec Richard Stallman qui lance le projet GNU visant à créer un système d’exploitation entièrement libre. En 1985 il crée une fondation, la Fondation pour le logiciel libre qui a donc, en tout cas à priori, deux grands objectifs : promouvoir et défendre les valeurs du logiciel libre et développer des logiciels libres. Est-ce que ce sont les deux axes d’action de la Fondation  Geoffrey Knauth.
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<b>Odile Benassy : </b>Si j’ai bien compris, la FSF en fait a été créée au départ pour soutenir le projet GNU qui était donc un projet de logiciel libre, pour apporter des billes, apporter une artillerie juridique et pour faire en sorte que le projet GNU puisse vivre correctement, des billes juridiques et financières. C’est ce que je comprends, parce que je n’étais pas là au tout début de la fondation de la <em>Free Software Foundation</em>. Est-ce que je réponds à ta question ?
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<b>Frédéric Couchet : </b>On va demander à Geoffrey si ça correspond, vu que Geoffrey a dit qu’il connaît Richard depuis 1985. Est-ce que la création de la Fondation c’était pour apporter des billes juridiques, c’est-à-dire pour apporter un contexte juridique et du soutien pour le développement notamment du projet GNU ?
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<b>Geoffrey Knauth : </b>On a des licences juridiques, si c’est votre question.
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<b>Frédéric Couchet : </b>Oui.
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<b>Geoffrey Knauth : </b>Des licences GNU et <em>copyleft</em>. Odile, vous pouvez expliquer quelles sont les licences ?
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<b>Odile Benassy : </b>Oui. C’est la FSF qui a créé les licences, la GPL, la <em>GNU Public licence</em> qui est la licence libre la plus employée. C’est sans doute de cette manière que la FSF a contribué à solidifier le projet GNU, mais aussi en cherchant des fonds, de l’argent, pour que le projet GNU puisse continuer à exister. D’ailleurs la FSF fournit des moyens à pas mal de projets de ce genre.
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<b>Frédéric Couchet : </b>D’accord. Vu qu’on parle de l’aspect juridique, on va rester sur cet aspect quelques minutes, même si après on va revenir sur les campagnes menées actuellement de la FSF. C’est intéressant que les gens comprennent.<br/>
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Geoffrey a utilisé le mot <em>copyleft</em> qu’on traduit généralement en France par « gauche d’auteur » parce que c’est un jeu de mots avec droit d’auteur. C’est une licence de logiciel libre qui a une spécificité : à partir du moment où on utilise un code qui est sous cette licence-là, qu’on fait des modifications et qu’on le redistribue, on doit le redistribuer avec les mêmes conditions, ce qui garantit la conservation de la liberté initialement accordée par le développeur ou par la développeuse. C’est aujourd’hui encore l’une des licences les plus utilisés dans le monde. Ce qui est intéressant, ce qui est un point important dans le rôle de la FSF, de la Fondation pour le logiciel libre, c’est que la Fondation est responsable de l’évolution de cette licence. Il y a eu plusieurs versions de cette licence. De mémoire, la première ça devait être 1989, la deuxième 1991 et la dernière 2007 si je me souviens bien. La FSF joue un rôle très particulier parce qu’elle est l’éditrice de cette licence et de ses évolutions. S’il y a une GPL version 4 c’est la FSF qui va la faire et ça va, évidemment, avoir un impact considérable sur le monde du logiciel libre. Est-ce que je résume bien ce qu’est la GPL, la GNU GPL et le <em>copyleft</em> ? Geoffrey.
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<b>Geoffrey Knauth : </b>Je n’ai pas tout compris parce que la qualité de la transmission n’est pas très bonne. Odile pouvez-vous m’aider ?
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<b>Odile Benassy : </b>Je pense que c’est ça, oui. Le <em>copyleft</em> est bien une façon de renverser le droit d’auteur pour faire en sorte qu’il soit au service des utilisateurs et non pas pour restreindre leurs droits. La FSF est responsable, dès le départ, de l’établissement de cette licence GPL, de son évolution et également de la faire respecter. C’est-à-dire qu’il faut de temps en temps faire des courriers ou même des procès à des entités qui ne respectent pas la licence.
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<b>Frédéric Couchet : </b>Comme il y a une obligation lorsqu’on redistribue, comme je l’ai expliqué, c’est ce qu’on appelle le travail de mise en conformité. Effectivement généralement les gens respectent cette obligation, mais il y a toujours des gens qui décident de ne pas le faire, donc une des actions de l’équipe juridique de la FSF, je pense que c’est, si je me souviens bien, de mémoire, Donald Robertson, qui s’occupe de ça au sein de la FSF, est en charge de faire respecter ce fonctionnement de la GNU GPL, donc des libertés, principalement par la discussion avec les gens qui ne respectent pas la licence et éventuellement avec des poursuites si nécessaire. Donc c’est un rôle très important. Est-ce qu’il y a une équipe juridique au sein de la FSF ou une seule personne qui s’occupe de cette mise en conformité ?
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<b>Geoffrey Knauth : </b>Il y a des juristes (???) dans l’équipe.
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<b>Odile Benassy : </b>Est-ce qu’il y a une équipe qui est chargée de faire respecter la licence ?
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<b>Geoffrey Knauth : </b>Oui. On a ça dans la Fondation.
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<b>Frédéric Couchet : </b>J’ai une question : comment ça fonctionne ? Est-ce que ce sont des gens qui vous contactent ou est-ce que c’est vous qui vous rendez compte qu’il y a peut-être un problème quelque part ?
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<b>Geoffrey Knauth : </b>Les deux.
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<b>Frédéric Couchet : </b>D’accord. Sans rentrer forcément dans les détails, est-ce qu’il y a beaucoup de cas par an que vous traitez ?
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<b>Geoffrey Knauth : </b>Ça dépend. De temps en temps oui.
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<b>Odile Benassy : </b>Combien y a-t-il de cas chaque année, à peu près ?
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<b>Geoffrey Knauth : </b>Des dizaines.
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<b>Odile Benassy : </b>Plusieurs dizaines.
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<b>Frédéric Couchet : </b>C’est quand même beaucoup ! C’est un sujet très juridique, donc on ne va pas rentrer dans le détail. Comme je l’ai dit dans une précédente émission, en 2021 on va refaire une émission sur la partie licences logiciel libre avec notamment Olivier Hugot, avocat français, qui a déjà traité des mises en conformité de la GNU GPL en France par rapport au droit. On rentrera dans le détail à ce moment-là, mais c’était important d’aborder ce point-là, ce rôle essentiel. Dans les licences libres il y a une licence particulière qui est encore aujourd’hui, je pense, la plus utilisée, c’est la GNU GPL. La Fondation est l’éditrice de cette licence, donc responsable de ses évolutions. Elle a une équipe qui fait en sorte que les gens respectent cette licence quand des gens ne veulent pas la respecter, avec l’objectif, finalement, c’est la liberté des utilisateurs et utilisatrices. Est-ce que tu voulais ajouter quelque chose Odile ?
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<b>Odile Benassy : </b>Juste une petite chose au sujet des licences. La GPL est effectivement la licence la plus utilisée, ce n’est pas la seule possible. D’ailleurs la FSF, ou le projet GNU, édite une liste de licences avec des commentaires sur chacune des licences. Il y a effectivement toute une panoplie de licences possibles, certaines sont plus ou moins recommandables parce qu’elles sont faciles à utiliser ou pas du tout faciles à utiliser ou dangereuses pour certaines raisons ou au contraire très bonnes. C’est bon de lire la liste des licences qui est publiée par le projet GNU pour se faire une idée.
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<b>Frédéric Couchet : </b>C’est une excellente remarque. Effectivement, il y a beaucoup de licences dans le monde du logiciel libre. Le terme de « licence libre », en fait, ne veut pas dire grand-chose, parce qu’il y en beaucoup avec des impacts différents. Les personnes qui sont intéressées à savoir si une licence est vraiment libre et quelles sont les conditions de son utilisation vont sur le site gnu.org, il y a une liste de licences reconnues comme libres et aussi une liste de licences reconnues comme non libres. Voilà pour les gens intéressés par ce sujet-là. On reviendra en détail en 2021 sur cette thématique, on va dire juridique, qui est passionnante mais qui est complexe, en tout cas qui est importante pour les personnes qui développent des logiciels libres. C’est un des rôles de la Fondation et c’est un rôle historique, comme je le dis, la GNU GPL, je pense que la première version date de 1989, mais on vérifiera. Évidemment on mettra les références sur le site de la radio et sur le site de l’April, causecommune.fm et april.org.<br/>
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On va revenir sur d’autres activités de la FSF. La FSF a des campagnes parce que le but c’est la promotion et la sécurisation des libertés informatiques pour tous et toutes, donc la Fondation mène des campagnes. On va aborder quelques campagnes de la Fondation. Je renvoie, évidemment, sur le site de la FSF pour l’ensemble des campagnes, le site c’est fsf.org, comme <em>Free Software Foundation</em>. On va commencer par une petite campagne, enfin petite, par un thème qui est important qui est celui des sites web et du code JavaScript qui n’est, en général, pas libre. Geoffrey, déjà est-ce que tu peux nous expliquer un petit peu ce qu’est JavaScript et quel est le problème que pose ce code JavaScript qui n’est pas libre ?
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<b>Geoffrey Knauth : </b>OK. La campagne JavaScript libre, Free JavaScript, est un effort continu pour persuader les organisations de faire fonctionner leurs sites web sans que exiger que les utilisateurs exécutent des logiciels non libres. Il faut que l’utilisateur ait le droit de changer, d’examiner le code source et de comprendre ce qui passe dans son ordinateur et dans son <em>browser</em>.
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<b>Odile Benassy : </b>Il faut peut-être commencer par préciser que quand on fait tourner un site sur son ordinateur, quand on visite un site web sur Internet, on utilise un logiciel qui s’appelle un navigateur et le site d’une manière générale, la plupart des sites font maintenant tourner du code sur votre ordinateur. C’est du code JavaScript. Vous ne voyez pas ce que fait ce code, vous ne voyez pas ce qui se passe, vous ne voyez pas qui l’a écrit ni rien du tout et quelquefois vous ne pouvez même pas lire ce code si vous le souhaitez, tellement il est plus ou moins caché. Ce code peut faire toutes sortes de choses. La FSF a mis en évidence le fait que le code JavaScript pouvait vous reconnaître à la façon dont vous tapez au clavier. On peut avoir des informations sur vous et vous reconnaître sur cette manière de taper. C’est pour dire qu’il peut faire toutes sortes de choses sans qu’on le sache, donc on est vraiment dans une problématique de logiciel libre et un des buts que s’est donné la FSF c’est d’essayer de convaincre les développeurs de sites, les fournisseurs de sites web de faire se conformer leur code JavaScript aux principes du logiciel libre.
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<b>Frédéric Couchet : </b>D’accord. Donc quand une personne va sur un site web, il y a une partie du code qui est exécutée sur le serveur sur lequel elle se connecte, auquel on n’a pas accès, mais le navigateur exécute aussi un code directement sur l’ordinateur de la personne, qui est écrit dans un langage qui s’appelle JavaScript. Comme tu le dis, en fait ce code peut avoir du code malveillant, ça peut être du logiciel privateur c’est-à-dire qu’on ne peut pas le modifier. Donc la campagne de la FSF vise, si je comprends, bien à deux choses : la première, c’est informer sur les dangers potentiels de l’exécution de ce code privateur et potentiellement malveillant sur l’ordinateur de la personne et, deuxième chose, encourager les développeurs et développeuses de code à le mettre en logiciel libre et à permettre à chacun et chacune de le modifier. C’est bien ça le but de cette campagne, enfin les deux buts de cette campagne ?
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<b>Odile Benassy : </b>C’est ça Geoffrey ?
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<b>Geoffrey Knauth : </b>Oui. Odile, vous permettez, parce que je n’ai pas tout entendu.
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<b>Odile Benassy : </b>J’ai l’impression que la liaison n’est pas facile. Quelquefois on n’entend pas bien Geoffrey ou même Fred.
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<b>Frédéric Couchet : </b>Je précise effectivement que les conditions techniques, en plus Geoffrey est aux États-Unis, ne sont pas du tout évidentes, on a des fois des coupures. Vraiment on présente des excuses auprès des personnes qui nous écoutent. On va quand même essayer de continuer, malgré tout.
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<b>Odile Benassy : </b>Je crois que tu as bien résumé si j’en juge par ce que je sais.
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<b>Frédéric Couchet : </b>Je voulais juste rajouter peut-être un petit point sur la partie JavaScript, la campagne JavaScript. L’une des actions que la Fondation a menée c’est de proposer un plugin, un greffon aux navigateurs web, Firefox et autres, qui s’appelle LibreJS qui permet, en fait, d’identifier le code JavaScript privateur sur une page, de le désactiver, de gérer des listes blanches. Ce plugin LibreJS fait partie de la campagne menée par la Fondation. Geoffrey.
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<b>Geoffrey Knauth : </b>Oui, c’est vrai. On doit utiliser ce plugin LibreJS pour savoir si JavaScript est libre ou non.
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<b>Frédéric Couchet : </b>D’accord. Ce plugin permet quand même de gérer des listes blanches parce que, aujourd’hui, il y a plein de sites, notamment des sites sur lesquels on est quasiment obligés d’aller, de banques ou autres, qui ne fonctionnent pas sans JavaScript, donc de temps en temps il faut pouvoir activer une liste blanche, c’est-à-dire permettre l’exécution de ce code.
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<b>Odile Benassy : </b>Oui, c’est possible, Frédéric. Quand on l’utilise ce plugin on se rend compte que la situation est catastrophique. D’ailleurs c’est une difficulté qu’on a dans les batailles du Libre c’est qu’en fait on a à peine gagné quelque chose sur un terrain que ce sont de nouveaux terrains qui posent problème. Évidemment, actuellement ce sont les données personnelles, le <em>cloud</em> et donc JavaScript. Ce sont des nouveaux terrains qui nécessitent de nouvelles campagnes.
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<b>Frédéric Couchet : </b>Tu viens de dire un point intéressant. Il me semble que dans le rôle de la FSF, c’est ce rôle un peu, je ne sais pas si c’est unique, en tout cas qui me semble assez unique, d’être capable d’anticiper, en tout cas de voir les problèmes qui vont arriver ou qui arrivent et d’essayer de proposer à la fois des actions de sensibilisation et des actions correctives. Pour moi, c’est un des rôles uniques de la Fondation, c’est-à-dire cette capacité, un peu comme Richard en 1983/1984 quand il lance le projet GNU il voit bien que les pratiques de partage de l’époque sont en train de disparaître et qu’il faut faire quelque chose ; la Fondation est toujours un petit peu à la réflexion des problèmes qu’il peut y avoir. Ça me fait penser notamment à la liste des projets prioritaires à soutenir, que maintient la Fondation, par rapport à l’ensemble des projets qu’il faut maintenir. C’est un rôle qui me semble assez unique dans le monde du logiciel libre. Je ne sais pas ce que vous en pensez.
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<b>Odile Benassy : </b>Qui gagnerait, il me semble, à être plus relayé, ne serait-ce que cette campagne JavaScript. Comme il s’agit de s’adresser à des fournisseurs de sites web, c’est quelque chose qu’on peut faire chacun dans sa langue et on gagnerait à regarder un peu ce que fait la FSF et voir si on peut l’adapter, si on peut l’amplifier ou le faire savoir, tout simplement.
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<b>Frédéric Couchet : </b>D’accord. Est-ce que vous souhaitez ajouter quelque chose sur cette partie, cette campagne JavaScript Libre ?
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<b>Geoffrey Knauth : </b>Odile.
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<b>Odile Benassy : </b>Non, ça va.
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<b>Frédéric Couchet : </b>Je pense qu’en plus il y a un délai de latence entre nous, donc ce n’est pas évident. Encore une fois ce sont les conditions particulières d’intervention. On espère qu’en 2021 ce sera plus simple.<br/>
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On va aborder un autre dossier, une autre campagne menée par la FSF, ça va être aussi un petit peu technique, mais je vous fais confiance pour le rendre compréhensible, c’est ce qu’on appelle le <em>Secure Boot</em>. Est-ce que l’un de vous veut déjà expliquer la problématique et ce que fait la FSF sur cette problématique de ce qu’on appelle en anglais <em>Secure Boot</em> ? Peut-être Geoffrey.
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<b>Geoffrey Knauth : </b>Le problème avec <em>Secure Boot</em> c’est que la compagnie qui a fabriqué l’ordinateur a tous les droits. Vous n’avez pas le droit de changer l’<em>operating system</em>. On appelle de temps en temps <em>Secure Boot</em> <em>Restricted Boot</em>. Ce que nous voulons c’est que les utilisateurs aient le droit de changer ce qu’ils veulent changer dans leurs ordinateurs, c’est très simple, pour rendre les droits et le pouvoir aux utilisateurs.
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<b>Frédéric Couchet : </b>Odile, est-ce que tu peux peut-être compléter ?
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<b>Odile Benassy : </b>Vous le savez, tous les auditeurs doivent le constater aussi, quand on vous livre un matériel quel qu’il soit, quand on vous donne entre les mains des outils informatiques, eh bien on vous dit : « Oui, oui, on s’occupe de tout, on s’occupe de votre sécurité. Tout est bien configuré, vous ne risquez rien » et, en particulier, là, c’est une façon, pour les fabricants d’ordinateurs et de logiciels, de garder pour eux la possibilité de vendre quelque chose qu’ils ont décidé de vendre et de ne pas laisser les utilisateurs mettre quelque chose qui pourrait mieux répondre à leurs besoins ou qui pourrait être moins cher, va savoir, ou tout simplement qu’ils veulent avoir parce qu’ils en ont besoin.<br/>
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Le <em>Secure Boot</em> : au moment de lancer le système d’exploitation, le BIOS de l’ordinateur vérifie que le système d’exploitation en question est bien, comme ils disent, <em>secure</em>. En tout cas, ça veut plutôt dire qu’il est conforme à ce que le vendeur de l’ordinateur et du logiciel veulent que ce soit. Il ne s’agit pas du tout, forcément ,de protéger. Ils se réfugient derrière le prétexte de protéger votre sécurité, mais, en réalité, ils vous empêchent de faire autre chose qu’utiliser ce qu’ils vous ont vendu.
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<b>Frédéric Couchet : </b>Pour bien comprendre, pour les auditeurs et auditrices, imaginez que quand vous démarrez un ordinateur, en fait, ce qui va démarrer au départ, c’est ce qu’on appelle un logiciel de <em>boot</em>, de démarrage. Il y avait des versions il y a quelques années, si vous vous souvenez, vous tapiez la touche F12 et vous pouviez configurer des trucs. Aujourd’hui ces outils, ces logiciels qui démarrent avant même le système d’exploitation, avant même Microsoft Windows, Mac ou Linux, sont devenus de plus en plus performants et, il y a quelques années, des gens ont poussé cette fonctionnalité connue sous le nom de <em>Secure Boot</em>, donc « démarrage sécurisé » avec des clefs qui vont dire que tel système va être autorisé à démarrer – évidemment Microsoft Windows sera autorisé à démarrer mais les autres systèmes ne seront pas autorisés à démarrer. C’est pour ça que Geoffrey a utilisé tout à l’heure le terme de <em>Restricted Boot</em> c’est-à-dire de « démarrage restreint », c’est-à-dire qu’on restreint la capacité à démarrer des systèmes. En français, en général, nous employons le terme d ’ « informatique déloyale », c’est-à-dire que, comme le dit Odile, sous prétexte de sécuriser un démarrage de machine, en fait on installe un contrôle d’usage, c’est-à-dire qu’on décide quel système d’exploitation pourra démarrer derrière. Donc <em>de facto</em> c’est un frein au développement du logiciel libre, parce que, évidemment, ça pose des problèmes techniques. Est-ce que je résume la situation ?
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<b>Geoffrey Knauth : </b>Oui.
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<b>Odile Benassy : </b>À mon avis oui. Frédéric tu la connais tout aussi bien que nous. Ce qui est peut-être intéressant c’est de savoir ce que la FSF fait en ce moment. En fait, ils sont en train de faire des choses pour compléter. Il y a déjà tout un dossier qui est disponible sur le site fsf.org, mais ils sont en train de faire tout un travail technique pour améliorer ça. Je ne sais si Geoffrey peut nous en donner la primeur, peut nous expliquer un peu ce qu’ils ont en train de faire.
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<b>Geoffrey Knauth : </b>On fait des efforts chaque année pour améliorer la situation parce que ça change chaque année.
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<b>Odile Benassy : </b>Oui. Améliorer la documentation sur la question du démarrage en question.
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<b>Frédéric Couchet : </b>D’accord. Si je me souviens bien, une des actions c’est de développer des alternatives à ces fameux outils de démarrage, notamment de développer Libreboot qui serait une version respectueuse des libertés des utilisateurs et des utilisatrices, qu’on pourrait potentiellement installer sur des ordinateurs et qui pourrait même être préinstallé sur des ordinateurs du commerce. Est-ce que ça fait partie des objectifs, enfin du travail de la FSF de proposer une alternative à ce <em>Secure Boot</em> ?
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<b>Geoffrey Knauth : </b>Oui, bien sûr. Oui.
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<b>Frédéric Couchet : </b>D’accord. OK. J’imagine que c’est aujourd’hui un travail qui est techniquement complexe, qui prend du temps. Ça me fait penser qu’après la pause musicale on parlera peut-être un petit peu de l’organisation de la Fondation. Est-ce que ce sont des bénévoles qui travaillent dessus ? Est-ce que ce sont des gens qui sont payés pour travailler sur Libreboot ?
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<b>Geoffrey Knauth : </b>Les deux. Des bénévoles et des personnes payées.
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<b>Frédéric Couchet : </b>D’accord. Je vois le temps qui avance. On va faire une petite pause musicale. Geoffrey et Odile vous restez connectés sur le pont téléphonique le temps de la pause musicale. Je retrouve ma petite fiche pour savoir ce qu’on va écouter. On va continuer notre voyage avec Darren Curtis. On va écouter <em>The Death March</em> par Darren Curtis. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.
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<b>Pause musicale : </b><em>The Death March</em> par Darren Curtis.
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<b>Voix off : </b>
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==Deuxième partie==
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<b>Frédéric Couchet : </b>Nous venons d’écouter <em>The Death March</em>
  
 
==Chronique « Le libre fait sa comm' » d'Isabella Vanni, coordinatrice vie associative et responsable projets à l'April, sur l'importance de ne rien lâcher face à une commune se vantant de distribuer gratuitement des logiciels non libres aux élèves de l'école primaire==
 
==Chronique « Le libre fait sa comm' » d'Isabella Vanni, coordinatrice vie associative et responsable projets à l'April, sur l'importance de ne rien lâcher face à une commune se vantant de distribuer gratuitement des logiciels non libres aux élèves de l'école primaire==

Version du 17 décembre 2020 à 09:31


Titre : Émission Libre à vous ! diffusée mardi 15 décembre 2020 sur radio Cause Commune

Intervenant·e·s : Isabella Vanni - Frédéric Couchet- Étienne Gonnu à la régie

Lieu : Radio Cause Commune

Date : 15 décembre 2020

Durée : 1 h 30 min

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Page des références utiles concernant cette émission

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration :

NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Transcription

Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Frédéric Couchet : Bonjour à toutes. Bonjour à tous.
La Fondation pour le logiciel libre, c’est le sujet principal de l’émission du jour. Avec également au programme la chronique d’Éric Fraudain qui nous présentera l’artiste Darren Curtis et aussi la chronique d’Isabella Vanni qui va nous parler de ses actions de sensibilisation. Nous allons parler de tout cela dans l’émission du jour.

Vous êtes sur la radio Cause Commune, la voix des possibles, 93.1 et en DAB+ en Île-de-France et partout dans le monde sur le site causecommune.fm.

Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre. Je suis Frédéric Couchet, le délégué général de l’April.
Le site web de l’April c’est april.org, vous pouvez y trouver une page consacrée à cette émission avec tous les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours ou nous poser toute question.

Nous sommes mardi 15 décembre 2020, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.

À la réalisation de l’émission aujourd’hui, le retour de Patrick Creusot. Bonjour Patrick.

Patrick Creusot  : Bonjour tout le monde et bonne émission.

Frédéric Couchet : Si vous voulez réagir, poser une question pendant ce direct, n’hésitez pas à vous connecter sur le salon web de la radio. Pour cela rendez-vous sur le site de la radio, causecommune.fm, cliquez sur « chat » et retrouvez-nous sur le salon dédié à l’émission.

Nous vous souhaitons une excellente écoute.

Tout de suite place au premier sujet.

[Virgule musicale]

Chronique « Le fil rouge de la musique libre » par Éric Fraudain, créateur du site Au Bout Du Fil. Éric nous présente l'artiste Darren Curtis

Frédéric Couchet : « Le fil rouge de la musique libre ». Dans cette chronique Éric Fraudain, créateur du site Au Bout Du Fil va nous faire découvrir des artistes ayant opté pour la libre diffusion de leurs œuvres musicales. Aujourd’hui Éric nous fait découvrir l’artiste Darren Curtis.
Bonjour Éric.

Éric Fraudain : Bonjour Frédéric.

Frédéric Couchet : Je te laisse la parole.

Éric Fraudain : Merci.
Aujourd’hui j’aimerais vous faire découvrir un artiste autodidacte, américain, Darren Curtis, originaire du Maryland. Cet artiste est également connu sous le nom de DesperateMeasurez et il publie chaque année une collection de titres sous licence Creative Commons By Attribution 3.0.
Je vous propose de revenir sur son album Royalty Free Fantasy: The Beginning Years. Écoutons ensemble Journey's Reflection, le premier titre de cet album et on se retrouve juste après pour la <emrevue.

Journey's Reflection de l’album Royalty Free Fantasy: The Beginning Years de Darren Curtis.

Éric Fraudain : Vous venez d’écouter Journey's Reflection de Darren Curtis, un titre sous licence Creative Commons By, Attribution 3.0. Un morceau qui nous plonge instantanément dans l‘univers héroïque fantastique. L’orchestration est sublime, on se voit dévaler la contrée en compagnie de Frodon et Sam. Je regrette simplement que la musique soit coupée quelques secondes à la fin, c’est peut-être intentionnel. Dans tous les cas, ça n’enlève rien à la qualité de cette musique.
Ce morceau est donc le premier titre issu de l’album Royalty Free Fantasy: The Beginning Years composé de 22 musiques. Cest tout simplement impressionnant ! Je vous invite à vous rendre sur la page Bandcamp de l’artiste pour découvrir les musiques de l’album, mais également les autres albums mis à disposition.

Depuis son adolescence, Darren a toujours eu un coup de cœur pour les musiques instrumentales et les bandes originales de films ou de jeux vidéo. Souvent ce sont des musiques qui, sans avoir besoin de mots, arrivent à exprimer encore plus d’émotion qu’une musique ordinaire avec des paroles. C’est cette idée-là qui a séduit Darren Curtis très jeune et lui a donné envie d’apprendre à jouer du piano. Il s’est lancé dans la musique de manière complètement autodidacte et aujourd’hui il compose et produit ses propres morceaux sans se restreindre à un seul genre musical.
Darren a composé Royalty Free Fantasy: The Beginning Years de 2013 à 2016 au tout début de sa carrière de compositeur. Malgré tout, on ressent une étonnante forme de maturité émanent de cet opus.
Vous aurez l’occasion de le constater par vous-même, car vous allez écouter d’autres titres comme <em<A time forgotten, The Death March et peut-être Dreamscape dans cette émission, des musiques toujours issues de ce premier album instrumental.

Si vous souhaitez en savoir plus sur Darren Curtis, rendez-vous sur son site internet www.darrencurtismusic.com.
Vous pouvez également le soutenir avec des donations sur Patreon, patreon.com/darrencurtismusic.
Voilà. J’en ai terminé

Frédéric Couchet : Merci Éric pour cette découverte et, comme tu le dis, toutes les pauses musicales du jour seront de Darren Curtis. La page Bandcamp de Darren Curtis c’est darrencurtis.bandcamp.com, à Darren, il y a deux « r » et nous mettrons également les références sur le site de l’April et le site de la radio. Ces musiques sont sous licence Creative Commons attribution, CC By, qui permet la réutilisation, la modification, la diffusion, le partage de la musique pour toute utilisation y compris commerciale, à condition de créditer l’artiste, d’indiquer la licence et d’indiquer si des modifications ont été effectuées.
Je te remercie pour cette chronique musicale qui va bien conclure la dernière émission de l’année 2020. On se retrouve en janvier 2021. Je te souhaite de passer d’agréables fêtes, les plus chaleureuses possible malgré le contexte.

Éric Fraudain : Merci. À vous aussi.

Frédéric Couchet : À bientôt Éric.

Éric Fraudain : À bientôt.

Frédéric Couchet : Nous allons faire une pause musicale.

[Virgule musicale]

Nous allons faire une pause musicale, mais je n’ai pas noté le nom du morceau. On va l’écouter. En tout cas c’est un autre morceau de Darren Curtis et on se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : A time forgotten par Darren Curtis .

Voix off :

Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter A time forgotten par Darren Curtis, disponible sous licence libre Creative Commons Attribution, CC By. Nous poursuivons la découverte de Darren Curtis, proposée aujourd’hui par notre programmateur musical Éric Fraudain.

Nous allons passer au sujet principal.

[Virgule musicale]

Présentation de la Fondation pour le logiciel libre (Free Software Foundation, FSF) avec Geoffrey Knauth, président de la Fondation et Odile Bénassy, développeuse de logiciels libres, administratrice de la FSF depuis quelques mois

Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre par notre sujet principal qui va porter sur la Fondation pour le logiciel libre avec Geoffrey Knauth, président de la Fondation, Odile Bénassy, développeuse de logiciels libres et administratrice de la FSF depuis quelques mois, FSF voulant dire Free Software Foundation, Fondation pour le logiciel libre.
On va vérifier que nous avons nos invités au téléphone. Est-ce que Odile est au téléphone ?

Odile Benassy : Bonjour Frédéric.

Frédéric Couchet : Bonjour Odile. Geoffrey, est-ce que tu es au téléphone ?

Geoffrey Knauth : Bonjour.

Frédéric Couchet : Bonjour. Super.
Je précise que les personnes sont invitées, évidemment, à participer à l’émission en posant des questions, des réactions, sur le site de la radio, causesommune.fm, bouton « chat » et vous nous rejoignez sur le salon #libreavous.
Le but de l’émission aujourd’hui c’est de faire un petit peu mieux connaissance avec la Fondation historique pour le logiciel libre qui vient de fêter ses 35 ans avec Geoffrey Knauth qui est le président de la Fondation depuis quelques mois et Odile Bénassy qui est administratrice de la Fondation également depuis quelques mois. Geoffrey est présent à la Fondation depuis très longtemps.
Première question, une présentation personnelle, pour un petit peu mieux vous connaître : en quelques mots qu’est-ce que vous faites à titre professionnel ? Quand et comment avez-vous découvert le logiciel libre ? Quel a été votre premier contact avec la FSF, la Fondation pour le logiciel libre. Trois questions en une. On va commencer par Geoffrey.

Geoffrey Knauth : Maintenant, actuellement, je travaille en tant que programmeur pour AccuWeather, c’est de la météorologie. En ce qui concerne le logiciel libre, je connais Richard Stallman, le fondateur, depuis 1985 quand il a écrit le GNU Manifesto. Je travaillais sur les logiciels libres de tout temps ???. [J’ai toujours travaillé sur les logiciels libres]

Frédéric Couchet : D’accord. J’en profite aussi pour remercier Geoffrey. Comme vous l’entendez, il intervient en français mais le français n’est pas sa langue naturelle, donc je le remercie d’intervenir ainsi et c’est une bonne continuité avec Richard Stallman qui parle lui-même très bien le français. On reviendra tout à l’heure sur la succession de Richard Stallman, évidemment.
Odile, mêmes questions ; qu’est-ce que tu fais à titre professionnel ? Quand as-tu découvert le logiciel libre et quand as-tu été pour la première fois en contact avec la Fondation pour le logiciel libre ?

Odile Benassy : Je développe des interfaces pour un logiciel pour les mathématiciens. Je fais du logiciel libre depuis de très nombreuses années maintenant, mais j’ai fait d’autres choses avant dans ma vie.
J’ai découvert le logiciel libre très vite. Dès que j’ai voulu faire des logiciels, ça m’a paru impossible de fonctionner avec des interfaces propriétaires. Très vite je suis tombée dedans, d’ailleurs ça a même commencé par un voyage aux États-Unis, tellement l’enthousiasme était grand.
Quant à la Free Software Foundation, eh bien quand on rentre un petit peu dans l‘univers du logiciel libre, on entend vite parler de cette Fondation. Elle est là pour garder, conserver et faire vivre les valeurs du logiciel libre, ce qui est très important.

Frédéric Couchet : Merci pour cette introduction. Effectivement le point essentiel de cet échange c’est de faire connaître, évidemment, la Fondation, notamment les points clefs, son rôle unique qu’on va un petit peu décrire. On ne va présenter tout ce que fait la Fondation pendant l’émission parce qu’elle fait beaucoup de choses, mais on va vraiment insister sur ce rôle unique.
Déjà première question, dans l’émission Libre à vous !, on parle très souvent de logiciel libre, on parle assez souvent de la Fondation pour le logiciel libre. Vous rencontrez quelqu’un dans une soirée – aujourd’hui il n’y a plus beaucoup de soirées, mais imaginons – comment résumeriez-vous en quelques mots, ce qu’est la Fondation pour le logiciel libre ? Geoffrey

Geoffrey Knauth : La question est quelle est la fonction de la Fondation ?

Odile Benassy : Un résumé.

Frédéric Couchet : En une phrase ou deux, quel est le but de la Fondation pour le logiciel libre ?

Geoffrey Knauth : C’est pour garder la liberté des logiciels libres pour tout le temps.

Frédéric Couchet : D’accord. Odile.

Odile Benassy : Oui, c’est ça. C’est faire vivre, faire connaître les valeurs, les principes du logiciel libre et aussi faire comprendre pourquoi c’est important.

Frédéric Couchet : D’accord. J’ai dit tout à l’heure que la Fondation a été créée en 1985. On va juste faire un petit point historique pour que les gens comprennent bien. Le logiciel libre est de plus en plus connu depuis, on va dire 10/15 ans, mais existe depuis beaucoup plus longtemps. Si on fait un court résumé, l’un des moments fondateurs du mouvement du logiciel libre c’est 1983/1984 avec Richard Stallman qui lance le projet GNU visant à créer un système d’exploitation entièrement libre. En 1985 il crée une fondation, la Fondation pour le logiciel libre qui a donc, en tout cas à priori, deux grands objectifs : promouvoir et défendre les valeurs du logiciel libre et développer des logiciels libres. Est-ce que ce sont les deux axes d’action de la Fondation  Geoffrey Knauth.

Odile Benassy : Si j’ai bien compris, la FSF en fait a été créée au départ pour soutenir le projet GNU qui était donc un projet de logiciel libre, pour apporter des billes, apporter une artillerie juridique et pour faire en sorte que le projet GNU puisse vivre correctement, des billes juridiques et financières. C’est ce que je comprends, parce que je n’étais pas là au tout début de la fondation de la Free Software Foundation. Est-ce que je réponds à ta question ?

Frédéric Couchet : On va demander à Geoffrey si ça correspond, vu que Geoffrey a dit qu’il connaît Richard depuis 1985. Est-ce que la création de la Fondation c’était pour apporter des billes juridiques, c’est-à-dire pour apporter un contexte juridique et du soutien pour le développement notamment du projet GNU ?

Geoffrey Knauth : On a des licences juridiques, si c’est votre question.

Frédéric Couchet : Oui.

Geoffrey Knauth : Des licences GNU et copyleft. Odile, vous pouvez expliquer quelles sont les licences ?

Odile Benassy : Oui. C’est la FSF qui a créé les licences, la GPL, la GNU Public licence qui est la licence libre la plus employée. C’est sans doute de cette manière que la FSF a contribué à solidifier le projet GNU, mais aussi en cherchant des fonds, de l’argent, pour que le projet GNU puisse continuer à exister. D’ailleurs la FSF fournit des moyens à pas mal de projets de ce genre.

Frédéric Couchet : D’accord. Vu qu’on parle de l’aspect juridique, on va rester sur cet aspect quelques minutes, même si après on va revenir sur les campagnes menées actuellement de la FSF. C’est intéressant que les gens comprennent.
Geoffrey a utilisé le mot copyleft qu’on traduit généralement en France par « gauche d’auteur » parce que c’est un jeu de mots avec droit d’auteur. C’est une licence de logiciel libre qui a une spécificité : à partir du moment où on utilise un code qui est sous cette licence-là, qu’on fait des modifications et qu’on le redistribue, on doit le redistribuer avec les mêmes conditions, ce qui garantit la conservation de la liberté initialement accordée par le développeur ou par la développeuse. C’est aujourd’hui encore l’une des licences les plus utilisés dans le monde. Ce qui est intéressant, ce qui est un point important dans le rôle de la FSF, de la Fondation pour le logiciel libre, c’est que la Fondation est responsable de l’évolution de cette licence. Il y a eu plusieurs versions de cette licence. De mémoire, la première ça devait être 1989, la deuxième 1991 et la dernière 2007 si je me souviens bien. La FSF joue un rôle très particulier parce qu’elle est l’éditrice de cette licence et de ses évolutions. S’il y a une GPL version 4 c’est la FSF qui va la faire et ça va, évidemment, avoir un impact considérable sur le monde du logiciel libre. Est-ce que je résume bien ce qu’est la GPL, la GNU GPL et le copyleft ? Geoffrey.

Geoffrey Knauth : Je n’ai pas tout compris parce que la qualité de la transmission n’est pas très bonne. Odile pouvez-vous m’aider ?

Odile Benassy : Je pense que c’est ça, oui. Le copyleft est bien une façon de renverser le droit d’auteur pour faire en sorte qu’il soit au service des utilisateurs et non pas pour restreindre leurs droits. La FSF est responsable, dès le départ, de l’établissement de cette licence GPL, de son évolution et également de la faire respecter. C’est-à-dire qu’il faut de temps en temps faire des courriers ou même des procès à des entités qui ne respectent pas la licence.

Frédéric Couchet : Comme il y a une obligation lorsqu’on redistribue, comme je l’ai expliqué, c’est ce qu’on appelle le travail de mise en conformité. Effectivement généralement les gens respectent cette obligation, mais il y a toujours des gens qui décident de ne pas le faire, donc une des actions de l’équipe juridique de la FSF, je pense que c’est, si je me souviens bien, de mémoire, Donald Robertson, qui s’occupe de ça au sein de la FSF, est en charge de faire respecter ce fonctionnement de la GNU GPL, donc des libertés, principalement par la discussion avec les gens qui ne respectent pas la licence et éventuellement avec des poursuites si nécessaire. Donc c’est un rôle très important. Est-ce qu’il y a une équipe juridique au sein de la FSF ou une seule personne qui s’occupe de cette mise en conformité ?

Geoffrey Knauth : Il y a des juristes (???) dans l’équipe.

Odile Benassy : Est-ce qu’il y a une équipe qui est chargée de faire respecter la licence ?

Geoffrey Knauth : Oui. On a ça dans la Fondation.

Frédéric Couchet : J’ai une question : comment ça fonctionne ? Est-ce que ce sont des gens qui vous contactent ou est-ce que c’est vous qui vous rendez compte qu’il y a peut-être un problème quelque part ?

Geoffrey Knauth : Les deux.

Frédéric Couchet : D’accord. Sans rentrer forcément dans les détails, est-ce qu’il y a beaucoup de cas par an que vous traitez ?

Geoffrey Knauth : Ça dépend. De temps en temps oui.

Odile Benassy : Combien y a-t-il de cas chaque année, à peu près ?

Geoffrey Knauth : Des dizaines.

Odile Benassy : Plusieurs dizaines.

Frédéric Couchet : C’est quand même beaucoup ! C’est un sujet très juridique, donc on ne va pas rentrer dans le détail. Comme je l’ai dit dans une précédente émission, en 2021 on va refaire une émission sur la partie licences logiciel libre avec notamment Olivier Hugot, avocat français, qui a déjà traité des mises en conformité de la GNU GPL en France par rapport au droit. On rentrera dans le détail à ce moment-là, mais c’était important d’aborder ce point-là, ce rôle essentiel. Dans les licences libres il y a une licence particulière qui est encore aujourd’hui, je pense, la plus utilisée, c’est la GNU GPL. La Fondation est l’éditrice de cette licence, donc responsable de ses évolutions. Elle a une équipe qui fait en sorte que les gens respectent cette licence quand des gens ne veulent pas la respecter, avec l’objectif, finalement, c’est la liberté des utilisateurs et utilisatrices. Est-ce que tu voulais ajouter quelque chose Odile ?

Odile Benassy : Juste une petite chose au sujet des licences. La GPL est effectivement la licence la plus utilisée, ce n’est pas la seule possible. D’ailleurs la FSF, ou le projet GNU, édite une liste de licences avec des commentaires sur chacune des licences. Il y a effectivement toute une panoplie de licences possibles, certaines sont plus ou moins recommandables parce qu’elles sont faciles à utiliser ou pas du tout faciles à utiliser ou dangereuses pour certaines raisons ou au contraire très bonnes. C’est bon de lire la liste des licences qui est publiée par le projet GNU pour se faire une idée.

Frédéric Couchet : C’est une excellente remarque. Effectivement, il y a beaucoup de licences dans le monde du logiciel libre. Le terme de « licence libre », en fait, ne veut pas dire grand-chose, parce qu’il y en beaucoup avec des impacts différents. Les personnes qui sont intéressées à savoir si une licence est vraiment libre et quelles sont les conditions de son utilisation vont sur le site gnu.org, il y a une liste de licences reconnues comme libres et aussi une liste de licences reconnues comme non libres. Voilà pour les gens intéressés par ce sujet-là. On reviendra en détail en 2021 sur cette thématique, on va dire juridique, qui est passionnante mais qui est complexe, en tout cas qui est importante pour les personnes qui développent des logiciels libres. C’est un des rôles de la Fondation et c’est un rôle historique, comme je le dis, la GNU GPL, je pense que la première version date de 1989, mais on vérifiera. Évidemment on mettra les références sur le site de la radio et sur le site de l’April, causecommune.fm et april.org.
On va revenir sur d’autres activités de la FSF. La FSF a des campagnes parce que le but c’est la promotion et la sécurisation des libertés informatiques pour tous et toutes, donc la Fondation mène des campagnes. On va aborder quelques campagnes de la Fondation. Je renvoie, évidemment, sur le site de la FSF pour l’ensemble des campagnes, le site c’est fsf.org, comme Free Software Foundation. On va commencer par une petite campagne, enfin petite, par un thème qui est important qui est celui des sites web et du code JavaScript qui n’est, en général, pas libre. Geoffrey, déjà est-ce que tu peux nous expliquer un petit peu ce qu’est JavaScript et quel est le problème que pose ce code JavaScript qui n’est pas libre ?

Geoffrey Knauth : OK. La campagne JavaScript libre, Free JavaScript, est un effort continu pour persuader les organisations de faire fonctionner leurs sites web sans que exiger que les utilisateurs exécutent des logiciels non libres. Il faut que l’utilisateur ait le droit de changer, d’examiner le code source et de comprendre ce qui passe dans son ordinateur et dans son browser.

Odile Benassy : Il faut peut-être commencer par préciser que quand on fait tourner un site sur son ordinateur, quand on visite un site web sur Internet, on utilise un logiciel qui s’appelle un navigateur et le site d’une manière générale, la plupart des sites font maintenant tourner du code sur votre ordinateur. C’est du code JavaScript. Vous ne voyez pas ce que fait ce code, vous ne voyez pas ce qui se passe, vous ne voyez pas qui l’a écrit ni rien du tout et quelquefois vous ne pouvez même pas lire ce code si vous le souhaitez, tellement il est plus ou moins caché. Ce code peut faire toutes sortes de choses. La FSF a mis en évidence le fait que le code JavaScript pouvait vous reconnaître à la façon dont vous tapez au clavier. On peut avoir des informations sur vous et vous reconnaître sur cette manière de taper. C’est pour dire qu’il peut faire toutes sortes de choses sans qu’on le sache, donc on est vraiment dans une problématique de logiciel libre et un des buts que s’est donné la FSF c’est d’essayer de convaincre les développeurs de sites, les fournisseurs de sites web de faire se conformer leur code JavaScript aux principes du logiciel libre.

Frédéric Couchet : D’accord. Donc quand une personne va sur un site web, il y a une partie du code qui est exécutée sur le serveur sur lequel elle se connecte, auquel on n’a pas accès, mais le navigateur exécute aussi un code directement sur l’ordinateur de la personne, qui est écrit dans un langage qui s’appelle JavaScript. Comme tu le dis, en fait ce code peut avoir du code malveillant, ça peut être du logiciel privateur c’est-à-dire qu’on ne peut pas le modifier. Donc la campagne de la FSF vise, si je comprends, bien à deux choses : la première, c’est informer sur les dangers potentiels de l’exécution de ce code privateur et potentiellement malveillant sur l’ordinateur de la personne et, deuxième chose, encourager les développeurs et développeuses de code à le mettre en logiciel libre et à permettre à chacun et chacune de le modifier. C’est bien ça le but de cette campagne, enfin les deux buts de cette campagne ?

Odile Benassy : C’est ça Geoffrey ?

Geoffrey Knauth : Oui. Odile, vous permettez, parce que je n’ai pas tout entendu.

Odile Benassy : J’ai l’impression que la liaison n’est pas facile. Quelquefois on n’entend pas bien Geoffrey ou même Fred.

Frédéric Couchet : Je précise effectivement que les conditions techniques, en plus Geoffrey est aux États-Unis, ne sont pas du tout évidentes, on a des fois des coupures. Vraiment on présente des excuses auprès des personnes qui nous écoutent. On va quand même essayer de continuer, malgré tout.

Odile Benassy : Je crois que tu as bien résumé si j’en juge par ce que je sais.

Frédéric Couchet : Je voulais juste rajouter peut-être un petit point sur la partie JavaScript, la campagne JavaScript. L’une des actions que la Fondation a menée c’est de proposer un plugin, un greffon aux navigateurs web, Firefox et autres, qui s’appelle LibreJS qui permet, en fait, d’identifier le code JavaScript privateur sur une page, de le désactiver, de gérer des listes blanches. Ce plugin LibreJS fait partie de la campagne menée par la Fondation. Geoffrey.

Geoffrey Knauth : Oui, c’est vrai. On doit utiliser ce plugin LibreJS pour savoir si JavaScript est libre ou non.

Frédéric Couchet : D’accord. Ce plugin permet quand même de gérer des listes blanches parce que, aujourd’hui, il y a plein de sites, notamment des sites sur lesquels on est quasiment obligés d’aller, de banques ou autres, qui ne fonctionnent pas sans JavaScript, donc de temps en temps il faut pouvoir activer une liste blanche, c’est-à-dire permettre l’exécution de ce code.

Odile Benassy : Oui, c’est possible, Frédéric. Quand on l’utilise ce plugin on se rend compte que la situation est catastrophique. D’ailleurs c’est une difficulté qu’on a dans les batailles du Libre c’est qu’en fait on a à peine gagné quelque chose sur un terrain que ce sont de nouveaux terrains qui posent problème. Évidemment, actuellement ce sont les données personnelles, le cloud et donc JavaScript. Ce sont des nouveaux terrains qui nécessitent de nouvelles campagnes.

Frédéric Couchet : Tu viens de dire un point intéressant. Il me semble que dans le rôle de la FSF, c’est ce rôle un peu, je ne sais pas si c’est unique, en tout cas qui me semble assez unique, d’être capable d’anticiper, en tout cas de voir les problèmes qui vont arriver ou qui arrivent et d’essayer de proposer à la fois des actions de sensibilisation et des actions correctives. Pour moi, c’est un des rôles uniques de la Fondation, c’est-à-dire cette capacité, un peu comme Richard en 1983/1984 quand il lance le projet GNU il voit bien que les pratiques de partage de l’époque sont en train de disparaître et qu’il faut faire quelque chose ; la Fondation est toujours un petit peu à la réflexion des problèmes qu’il peut y avoir. Ça me fait penser notamment à la liste des projets prioritaires à soutenir, que maintient la Fondation, par rapport à l’ensemble des projets qu’il faut maintenir. C’est un rôle qui me semble assez unique dans le monde du logiciel libre. Je ne sais pas ce que vous en pensez.

Odile Benassy : Qui gagnerait, il me semble, à être plus relayé, ne serait-ce que cette campagne JavaScript. Comme il s’agit de s’adresser à des fournisseurs de sites web, c’est quelque chose qu’on peut faire chacun dans sa langue et on gagnerait à regarder un peu ce que fait la FSF et voir si on peut l’adapter, si on peut l’amplifier ou le faire savoir, tout simplement.

Frédéric Couchet : D’accord. Est-ce que vous souhaitez ajouter quelque chose sur cette partie, cette campagne JavaScript Libre ?

Geoffrey Knauth : Odile.

Odile Benassy : Non, ça va.

Frédéric Couchet : Je pense qu’en plus il y a un délai de latence entre nous, donc ce n’est pas évident. Encore une fois ce sont les conditions particulières d’intervention. On espère qu’en 2021 ce sera plus simple.
On va aborder un autre dossier, une autre campagne menée par la FSF, ça va être aussi un petit peu technique, mais je vous fais confiance pour le rendre compréhensible, c’est ce qu’on appelle le Secure Boot. Est-ce que l’un de vous veut déjà expliquer la problématique et ce que fait la FSF sur cette problématique de ce qu’on appelle en anglais Secure Boot ? Peut-être Geoffrey.

Geoffrey Knauth : Le problème avec Secure Boot c’est que la compagnie qui a fabriqué l’ordinateur a tous les droits. Vous n’avez pas le droit de changer l’operating system. On appelle de temps en temps Secure Boot Restricted Boot. Ce que nous voulons c’est que les utilisateurs aient le droit de changer ce qu’ils veulent changer dans leurs ordinateurs, c’est très simple, pour rendre les droits et le pouvoir aux utilisateurs.

Frédéric Couchet : Odile, est-ce que tu peux peut-être compléter ?

Odile Benassy : Vous le savez, tous les auditeurs doivent le constater aussi, quand on vous livre un matériel quel qu’il soit, quand on vous donne entre les mains des outils informatiques, eh bien on vous dit : « Oui, oui, on s’occupe de tout, on s’occupe de votre sécurité. Tout est bien configuré, vous ne risquez rien » et, en particulier, là, c’est une façon, pour les fabricants d’ordinateurs et de logiciels, de garder pour eux la possibilité de vendre quelque chose qu’ils ont décidé de vendre et de ne pas laisser les utilisateurs mettre quelque chose qui pourrait mieux répondre à leurs besoins ou qui pourrait être moins cher, va savoir, ou tout simplement qu’ils veulent avoir parce qu’ils en ont besoin.
Le Secure Boot : au moment de lancer le système d’exploitation, le BIOS de l’ordinateur vérifie que le système d’exploitation en question est bien, comme ils disent, secure. En tout cas, ça veut plutôt dire qu’il est conforme à ce que le vendeur de l’ordinateur et du logiciel veulent que ce soit. Il ne s’agit pas du tout, forcément ,de protéger. Ils se réfugient derrière le prétexte de protéger votre sécurité, mais, en réalité, ils vous empêchent de faire autre chose qu’utiliser ce qu’ils vous ont vendu.

Frédéric Couchet : Pour bien comprendre, pour les auditeurs et auditrices, imaginez que quand vous démarrez un ordinateur, en fait, ce qui va démarrer au départ, c’est ce qu’on appelle un logiciel de boot, de démarrage. Il y avait des versions il y a quelques années, si vous vous souvenez, vous tapiez la touche F12 et vous pouviez configurer des trucs. Aujourd’hui ces outils, ces logiciels qui démarrent avant même le système d’exploitation, avant même Microsoft Windows, Mac ou Linux, sont devenus de plus en plus performants et, il y a quelques années, des gens ont poussé cette fonctionnalité connue sous le nom de Secure Boot, donc « démarrage sécurisé » avec des clefs qui vont dire que tel système va être autorisé à démarrer – évidemment Microsoft Windows sera autorisé à démarrer mais les autres systèmes ne seront pas autorisés à démarrer. C’est pour ça que Geoffrey a utilisé tout à l’heure le terme de Restricted Boot c’est-à-dire de « démarrage restreint », c’est-à-dire qu’on restreint la capacité à démarrer des systèmes. En français, en général, nous employons le terme d ’ « informatique déloyale », c’est-à-dire que, comme le dit Odile, sous prétexte de sécuriser un démarrage de machine, en fait on installe un contrôle d’usage, c’est-à-dire qu’on décide quel système d’exploitation pourra démarrer derrière. Donc de facto c’est un frein au développement du logiciel libre, parce que, évidemment, ça pose des problèmes techniques. Est-ce que je résume la situation ?

Geoffrey Knauth : Oui.

Odile Benassy : À mon avis oui. Frédéric tu la connais tout aussi bien que nous. Ce qui est peut-être intéressant c’est de savoir ce que la FSF fait en ce moment. En fait, ils sont en train de faire des choses pour compléter. Il y a déjà tout un dossier qui est disponible sur le site fsf.org, mais ils sont en train de faire tout un travail technique pour améliorer ça. Je ne sais si Geoffrey peut nous en donner la primeur, peut nous expliquer un peu ce qu’ils ont en train de faire.

Geoffrey Knauth : On fait des efforts chaque année pour améliorer la situation parce que ça change chaque année.

Odile Benassy : Oui. Améliorer la documentation sur la question du démarrage en question.

Frédéric Couchet : D’accord. Si je me souviens bien, une des actions c’est de développer des alternatives à ces fameux outils de démarrage, notamment de développer Libreboot qui serait une version respectueuse des libertés des utilisateurs et des utilisatrices, qu’on pourrait potentiellement installer sur des ordinateurs et qui pourrait même être préinstallé sur des ordinateurs du commerce. Est-ce que ça fait partie des objectifs, enfin du travail de la FSF de proposer une alternative à ce Secure Boot ?

Geoffrey Knauth : Oui, bien sûr. Oui.

Frédéric Couchet : D’accord. OK. J’imagine que c’est aujourd’hui un travail qui est techniquement complexe, qui prend du temps. Ça me fait penser qu’après la pause musicale on parlera peut-être un petit peu de l’organisation de la Fondation. Est-ce que ce sont des bénévoles qui travaillent dessus ? Est-ce que ce sont des gens qui sont payés pour travailler sur Libreboot ?

Geoffrey Knauth : Les deux. Des bénévoles et des personnes payées.

Frédéric Couchet : D’accord. Je vois le temps qui avance. On va faire une petite pause musicale. Geoffrey et Odile vous restez connectés sur le pont téléphonique le temps de la pause musicale. Je retrouve ma petite fiche pour savoir ce qu’on va écouter. On va continuer notre voyage avec Darren Curtis. On va écouter The Death March par Darren Curtis. On se retrouve juste après. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : The Death March par Darren Curtis.

Voix off :

Deuxième partie

Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter The Death March

Chronique « Le libre fait sa comm' » d'Isabella Vanni, coordinatrice vie associative et responsable projets à l'April, sur l'importance de ne rien lâcher face à une commune se vantant de distribuer gratuitement des logiciels non libres aux élèves de l'école primaire

Frédéric Couchet : Parler d’actions de type sensibilisation menées par l’April ou d’autres structures. Annoncer des événements libristes à venir avec éventuellement des interviews des personnes qui organisent ces événements, c’est la chronique « Le libre fait sa comm’ » de ma collègue Isabella Vanni, qui est coordinatrice vie associative et responsable projets à l’April. Bonjour Isa.

Isabella Vanni : Bonjour Fred. Bonjour tout le monde.

Frédéric Couchet : Aujourd’hui, ta chronique propose de revenir sur un évènement personnel qui va permettre de mieux comprendre comment réagir face à une commune qui propose la distribution gratuite de logiciels non libres aux élèves de l’école primaire.

Isabella Vanni : Merci Fred.
En effet, il y a quelques semaines, une personne de mon entourage m'a transmis un courriel qui lui avait été adressé par sa commune en tant que parent d'un enfant en école maternelle. Je souhaite lire le contenu du message : « Chers parents, nous proposons à tous les élèves de la ville un accès gratuit à une licence Office 365 Pro pendant la durée de leur scolarisation maternelle et élémentaire. Le pack proposé permettra l'installation de tous les logiciels de la suite Office dans leur dernière version, sur cinq terminaux différents. Il comprend par ailleurs un espace de stockage dans le cloud.
Cette offre complétera, pour ceux et celles qui le souhaitent, l'accès aux solutions de bureautique libre, par ailleurs installées sur les équipements de la ville.
Dans ce cadre, nous sollicitons votre accord pour créer, au nom de votre enfant, un compte Microsoft qui vous servira uniquement à activer auprès de Microsoft la licence Office 365. Cette offre est facultative.
Souhaitant que ces propositions d'équipements pédagogiques sauront pleinement répondre aux attentes de vos enfants et de vous-même. »

Prenons le positif dans cet horrible courriel.
« Des solutions de bureautique libre sont déjà disponibles sur les équipements de la ville ! » Le courriel ne retient pas nécessaire d'expliquer en quoi ces solutions consistent. Devons-nous en déduire qu'il prend pour acquis le fait que la population de la ville en question les connaît ? LibreOffice serait aussi connu au point de ne plus avoir besoin de présentation. Si c’est comme ça, c’est génial !
L'enthousiasme, bien évidemment, s'arrête là, car, pour utiliser une métaphore très utilisée par les libristes, cette ville est, de fait, en train de proposer la « première cigarette » aux enfants de 3 à 11 ans.

La personne de mon entourage qui, je précise, est sensible à la cause du logiciel libre sans être non plus militante, ne peut pas s'empêcher de demander à la ville la raison de cette proposition alors que des solutions libres existent.

Frédéric Couchet : Quelle a été la réponse de la ville ?

Isabella Vanni : La voilà : « Sachez, en premier lieu, que la ville n'entend pas prescrire l'utilisation de tel ou tel logiciel dans le cadre des travaux pédagogiques menés par les enseignants. LibreOffice est d'ailleurs installé par défaut sur les matériels qui leur sont fournis, ils ont donc l'entière possibilité de préférer cet outil plutôt qu'un autre.
L'objectif de la ville est toutefois d'œuvrer, à son niveau, pour réduire autant que possible la fracture numérique. Or, si les logiciels libres – c’est dur de lire ça !– ne posent pas de problème d'accessibilité financière, par définition ils sont gratuits – raté, dommage ! –, ce n'est pas le cas de la solution bureautique Microsoft, souvent préférée par les enseignants.
Cette licence permet par ailleurs l'installation de la suite Office sur cinq terminaux familiaux et nous espérons que cela puisse également bénéficier, le cas échéant, aux parents des élèves, à une sœur ou un frère plus âgés pour lesquels l'accès à cette licence peut représenter un enjeu professionnel. En effet, et que nous soyons ou non d'accord, la maîtrise de la suite bureautique Office, et non LibreOffice, est souvent l'un des prérequis à l'accès à l'emploi. »
Ça c’est le courriel du représentant de la ville.

Le parent d'enfant que je connais est bien sûr déçu par cette réponse, voire démoralisé. J'ai donc voulu tout de suite le féliciter pour sa démarche, le soutenir, le rebooster et partager avec lui un certain nombre d'éléments à évoquer dans une éventuelle contre-réponse. J’en profite pour remercier notre administrateur Christian Momon qui avait si bien résumé ces éléments à une précédente occasion.

Frédéric Couchet : Quels sont ces éléments ?

Isabella Vanni : Il s'agit d'évoquer les dangers auxquels s'expose la ville et auxquels la ville expose ses habitants les plus jeunes :
pour commencer, il y a le danger juridique dérivant de l'infraction au RGPD, le Réglement général sur la protection des données : la ville ne peut rien garantir de ce qu'il sera fait par Microsoft des données des utilisateurs et utilisatrices ;
au-delà de ce danger juridique, il y a, bien sûr, tous les dangers sur la confidentialité des données : collecte, analyse, fichage, revente, transmission aux agences gouvernementales américaines ;
sans compter toute une série de dangers éthiques comme l'optimisation fiscale que fait Microsoft via l'Irlande ; l'abus de position dominante ; le fait de faire l'argent avec les données personnelles des gens et plus particulièrement des enfants dans ce cas ; la stratégie commerciale Embrace, extend and extinguish, « adopte, étend et étouffe », c'est-à-dire adopter des standards, puis y ajouter des extensions propriétaires dans le but de créer de nouveaux standards de facto et exclure les concurrents.

J'ai également voulu partager des ressources philosophiques qu’il pourrait transmettre à son correspondant :
la récente intervention de notre présidente Véronique Bonnet aux États généraux du numérique libre et des communs pédagogiques ;
le texte de Richard Stallman « Pourquoi les écoles doivent utiliser exclusivement du logiciel libre », traduit en français par notre merveilleux groupe de travail Trad-GNU dont nous avons parlé tout à l’heure ;
la chronique de Véronique Bonnet commentant justement ce texte mentionné dans l'émission de radio Libre à vous ! du 9 avril 2019.

Par la suite, j'ai voulu parler ce retour d'expérience personnelle dans le cadre d'une réunion Sensibilisation et d'une réunion informelle des membres April et personnes actives. D'autres éléments sont ainsi ressortis, des angles d'attaque que je me suis bien sûr empressée de partager avec le parent d'élève.

Frédéric Couchet : Quels sont ces angles d’attaque dont tu parles ?

Isabella Vanni : Il s'agit de questions à adresser au représentant de la ville :
sur la base de quoi dit-il que la solution bureautique Microsoft est « souvent préférée par les enseignants » ? A-t-il fait un sondage ?
Si c'est vraiment ainsi, pourquoi ne pas envisager, justement, de sensibiliser le corps enseignant à des logiciels qui respectent les utilisateurs et utilisatrices, qui ne les espionnent pas, qui garantissent la pérennité de leurs documents grâce aux standard ouverts, etc. ?
Est-il au courant qu'il y a plein de collectivités qui se font un point d'honneur de progresser dans l'utilisation et la promotion des logiciels libres auprès de leurs habitants ? Je fais bien évidemment référence au label Territoire Numérique Libre.
Quant à l’argument « Libre-Office, est souvent l'un des prérequis à l'accès à l'emploi », fait-il référence au fait que la suite Office serait demandée dans beaucoup d'annonces d'offre d'emploi ? Est-il au courant que ce qui compte vraiment c'est la connaissance et la maîtrise d'une « fonctionnalité » ? Une personne qui connaît et maîtrise une fonctionnalité dans LibreOffice pourra la maîtriser aussi dans Microsoft Office.
Pour ce qui est de l’argument financier, qui payera la licence quand cette version ne sera plus maintenue ou quand il n'y aura plus que la version en ligne d'Office ? Le représentant de la ville se rend-il compte qu'en proposant cette offre il fait les intérêts d'une boîte, américaine de surcroît, et non les intérêts de ses plus jeunes concitoyens et concitoyennes ?

Je ne sais pas si l'échange entre la personne que je connais et le représentant de la ville a continué. J'attends des nouvelles. Quoi qu'il en soit, c'était fondamental, pour moi, de soutenir l’action de ce parent d’enfant, de lui donner de la matière, des arguments, de l'outiller pour qu'il ne se laisse pas faire.
À chaque fois que nous donnons des billes à une personne qui est dans une démarche de promotion et de défense des libertés informatiques, il y a potentiellement d’autres personnes qui utiliseront ces arguments ou qui en profiterons.
Donc, en termes de logiciel libre, j’invite à faire exactement l'inverse que pour le covid : surtout, n’interrompons pas la chaîne de sensibilisation !

Frédéric Couchet : Très belle conclusion Isabella. Merci pour cette chronique dont le texte sera disponible lors de la transcription.
C’était la chronique « Le libre fait sa comm' » d'Isabella Vanni, coordinatrice vie associative et responsable projets à l’April

Nous allons passer aux annonces de fin.

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Frédéric Couchet : Je vais vous rappeler que la radio