La Neutralité du Net, c’est le principe d’hyper-égalité du réseau - Benoît Thieulin

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Titre : Benoît Thieulin, sur France Info : « La Neutralité du Net, c’est le principe d’hyper-égalité du réseau »

Intervenants : Benoît Thieulin - Journaliste

Lieu : France info

Date : 14 décembre 2017

Durée : 4 min 17

Écouter le podcast

Licence de la transcription : Verbatim

Statut : Transcrit MO

Transcription

France Info

Journaliste : C’est une décision à priori très technique mais qui pourrait avoir des répercussions bien concrètes sur le quotidien des internautes, le principe de la neutralité du Net est remis en cause aux États-Unis. La Commission fédérale des communications va se prononcer aujourd’hui sur son éventuelle abrogation. Bonjour Benoît Thieulin.

Benoît Thieulin : Bonjour.

Journaliste : Merci d’être avec nous dans le 14/17 de France Info. Vous êtes directeur de l’innovation du groupe Open, ancien président du Conseil national du numérique et vous estimez, vous, que la neutralité du Net, eh bien c’est un principe fondamental. Est-ce que vous pouvez nous expliquer concrètement ce que ça implique ?

Benoît Thieulin : Oui. On pourrait dire que la neutralité du Net c’est le principe d’hyper-égalité du réseau qu’est internet. On se souvient du Minitel ; le Minitel c’était le réseau d’avant-hier, de grand-papa, où il y avait un opérateur, France Télécom, qui avait droit de vie ou de mort sur ce réseau.

Internet c’est un peu l’inverse. C’est un réseau, il n’y a pas de centre. Il n’y a pas un seul chef. Mais par contre il y a des principes d’organisation qui font que quand vous vous connectez, que vous soyez la boulangère du coin de la rue qui poste une vidéo sur son blog ou que vous soyez une major hollywoodienne, eh bien vous allez être traitées de la même manière. Le tuyau qu’est Internet ne va pas regarder qui vous êtes pour, on va dire, véhiculer l’information, les contenus, sur ce réseau. Et c’est ça qui est important. Et la neutralité du Net c’est le principe qui gouverne cette réalité-là.

Journaliste : Quand on dit que ce principe d’égalité est remis en cause, qu’est-ce que ça veut dire concrètement ? Qu’est-ce qui va changer ? Qu’est-ce qui pourrait changer ?

Benoît Thieulin : Concrètement, ça veut dire que tout d’un d’un coup les opérateurs télécoms qui au, fond, n’ont jamais vraiment accepté ce principe d’un réseau hyper distribué parce qu’ils aimeraient bien pouvoir y mettre des péages sur cette autoroute, qu’ils ont contribué à construire par ailleurs. Ils aimeraient bien y mettre des péages et d’une certaine manière contrôler le trafic et pouvoir dire : « Eh bien là vous consommez un peu plus, on va vous faire payer un peu plus. Et puis peut-être que vous pourriez prendre la voiture qu’on a fabriquée pour rouler dessus et puis, pourquoi pas, tel type de contenu quand vous écoutez la radio dans votre voiture. » C’est un peu cet équivalent-là, si vous voulez, d’une certaine manière que la neutralité du Net empêche et que, du coup, son abrogation permettrait.

Journaliste : Donc ça veut dire, si je suis un internaute, je veux aller voir des vidéos sur Internet et ça, ça pourrait devenir payant, par exemple ?

Benoît Thieulin : Ça pourrait devenir payant et selon que vous êtes chez Bouygues, chez Orange, chez un autre, eh bien on va vous proposer les vidéos de Bouygues ou les vidéos préférentielles qu’on trouve chez SFR ou autre. Si vous voulez, tout d’un coup, ça veut dire qu’un opérateur technique va avoir un pouvoir qui va être bien supérieur à celui, d’une certaine manière, de vous connecter à Internet et qu’il va commencer un peu à s’intéresser à la taille des tuyaux, à ce qui se véhicule à l’intérieur de ces tuyaux et donc au contenu.

Et donc vous voyez que ça pose des problèmes absolument gigantesques, à la fois de liberté d’expression et aussi de liberté économique. C’est-à-dire que ce qui fait aujourd’hui qu’on a Airbnb, Google, Facebook ou autres, c’est précisément parce que le réseau était ouvert et que ces petites start-ups, qui étaient toutes petites, elles se sont battues à armes avec les géants de l’époque des télécoms et elles ont gagné. La neutralité du Net, si elle n’était pas là, elle ne permettrait pas au futur Google, au futur Facebook de demain d’émerger.

Journaliste : Et en même temps les fournisseurs d’accès répondent : « Ça nous permettra d’avoir davantage de moyens pour innover, pour améliorer aussi ce qu’on propose. »

Benoît Thieulin : Oui, mais si vous voulez il y a d’autres moyens de faire en sorte que les opérateurs télécoms puissent s’y retrouver économiquement et puissent, par ailleurs, investir dans, par exemple, le très haut débit. Si vous regardez quand même, très honnêtement en Europe, on a beaucoup d’investissement ces dernières années et pour autant on avait la neutralité d’Internet puisque, comme vous le savez, en Europe depuis maintenant plusieurs années, la neutralité du Net est protégée. Donc on trouve ça un peu paradoxal que, alors même qu’il y a beaucoup d’investissements télécoms en Europe, on dise aux États-Unis on va l’abroger parce qu’il faut donner un peu d’oxygène aux opérateurs américains.

Journaliste : Ça veut dire concrètement qu’en France ce principe ne peut pas être remis en cause ?

Benoît Thieulin : Il ne peut pas être remis en cause. Il est doublement protégé et par le droit européen et par le droit français puisque, dans la Loi pour une République numérique, la neutralité du Net a été inscrite dans le droit.

Journaliste : Merci beaucoup pour toutes vos précisions en tout cas Benoît Thieulin directeur de l’innovation du groupe Open, ancien président du Conseil national du numérique.