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Version du 6 octobre 2017 à 11:42


Titre : L'April, Microsoft et les logiciels de l'éducation nationale

Intervenant : Étienne Gonnu, April - - Héloïse Pierre, etikya.fr - Marion Bourget, journaliste pour Radio Alto

Lieu : Émission TIC éthique- Radio Alto

Date : Septembre 2017

Durée : 39 min 12

Écouter l'enregistrement

Licence de la transcription : Verbatim


Transcription

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Marion : Dans les années 80 on avait ça et on savait que nos enfants allaient vivre heureux.

[Chanson Les bisous des Bisounours]

Moi à mon Bisounours Je lui fais des bisous Des gentils, des tout doux Des géants, des tout fous Un bisou sur la joue Un bisou dans le cou Car mon p'tit Bisounours Il adore les bisous

Marion : En 2017, on a ça :

Voif off : Une école cherchait une solution efficace pour aider les enseignants et les élèves à collaborer, à innover et améliorer leurs résultats d’apprentissage. Ils testèrent des solutions Windows 10. De l’école maternelle à l’université, au travail et à la maison, Windows 10 accompagne les élèves et s’adapte aux usages pour les aider à atteindre des étapes clefs dans leur apprentissage sur une seule plate-forme. Conformément à l’engagement de Microsoft dans l’éducation pour tous, l’école a obtenu gratuitement l’offre Cloud Office 365 Éducation. Grâce aux avantages qu’offre Microsoft Éducation aux élèves, aux enseignants et aux administrateurs informatiques, l’école a trouvé la solution qui répond à ses besoins. C’est le moment idéal pour apprendre.

Marion : Microsoft serait donc le Bisounours des temps modernes. Soyons rassurés, le géant de l’informatique s’occupe de nos bouts de choux et leur vend du rêve, main dans la main avec l’Éducation nationale. À moins que la raison principale soit celle évoquée par ce reportage de Sept à huit

Voif off : Depuis la rentrée, les écrans tactiles sont même utilisés en maternelle. Avec 50 000 écoles primaires en France, le marché est potentiellement gigantesque.

Marion : À TIC éthique, on a un peu arrêté de croire aux Bisounours. Alors on a voulu savoir ce qu’il en était et Héloïse a échangé sur cette thématique avec Étienne Gonnu, salarié de l’April, la principale association de promotion et de défense du logiciel libre dans l’espace francophone.

Héloïse : Avec toi, j’avais envie d’aborder un dossier que tu as suivi il y a quelque temps dans ta mission à l’April, qui est celui du cas de Microsoft et de l’Éducation nationale. On avait su, on avait appris par les médias, qu’ils avaient passé un partenariat. On avait vu la belle photo de la ministre de l’époque avec Microsoft. Donc ça paraissait très positif : l’informatique rentre à l’école. Toi, est-ce que tu peux nous expliquer ?

Étienne : Déjà juste pour réagir. On dit l’informatique entre dans l’école. Une vision, la vision de Microsoft de l’informatique entre dans l’école et c’est un peu là tout l’enjeu.

Ce partenariat a été conclu en novembre 2015, pour 18 mois ; donc si je compte bien, normalement, il est arrivé à son terme. Ce partenariat, en réalité, c’est un accord de mécénat. C’est un accord non-exclusif. En gros Microsoft, bien sûr par pur altruisme, offrait pour 13 millions d’euros – alors c’est un chiffre qu’ils ont donné, mais ce sont eux qui estiment cette valeur-là – 13 millions de matériel et de formation à leurs outils à l’Éducation nationale. Donc après, l’Éducation nationale, les écoles pouvaient en disposer ou non. J’imagine que si on leur donne du matériel gratuit dans une période de restrictions budgétaires, ils vont avoir tendance à le prendre ; ça peut s’entendre.

Héloïse : Quel type de matériel c’était ?

Étienne : C’était surtout des tablettes. Donc les tablettes, en plus, niveau informatique on est quand même dans le degré zéro. C’est-à-dire que c’est extrêmement passif, on n’apprend pas comment fonctionne l’objet. Finalement au lieu d’écrire au stylo, on va écrire sur des tablettes, mais on n’apprend pas l’informatique ; on n’apprend pas ce que c’est que de vivre dans une société informatisée, numérisée. On apprend juste à appuyer, cliquer du doigt, donc on est très passif.

En plus, ce partenariat, ils l’ont appelé partenariat, c’est par l’action d’un collectif qui s’est monté contre ça, le collectif Edunathon. Donc c’était quatre ou cinq associations, je n’ai plus les noms en tête, ça fait quelque temps.

Héloïse : Oui. Il y a avait des associations qui, justement, ont réagi face à ce partenariat pour dire que eux n’étaient pas d’accord.

Étienne : Ça posait beaucoup de problèmes. Déjà, ce qu’il faut dire c’est sur la notion d’éducation ; comment on éduque nos enfants à l’informatique à notre époque, enfin à notre époque ! Comment on permet à des enfants de devenir des adultes autonomes, émancipés, dans une société informatisée qui est omniprésente et on s’y dirige de plus en plus. Ça, ça passe par éduquer, en fait, partout. Ce n’est pas juste apprendre à utiliser un outil. C’est-à-dire que c’est apprendre à écrire en ligne, publiquement, être lu par d’autres ; c’est apprendre ce qu’est un outil informatique, comment ça tourne, un peu comme une science. C’est-à-dire qu’à l’école moi je me rappelle avoir étudié un peu un circuit électrique. Je ne suis pas du tout électricien, je ne me rappelle plus trop, mais c’est comprendre le monde qui m’entoure.

Héloïse : Voir ce qu’il y a derrière.

Étienne : Voir ce qu’il y a derrière. Comprendre le monde qui m’entoure. Le monde qui m’entoure est très largement informatisé, donc c’est bien d’avoir quand même quelques outils pour moi-même, après, construire ma pensée dessus.

Héloïse : Dis-moi avant que tu développes, c’était pour quel âge, pour quelle tranche d’âge, étaient ces tablettes ? C’était le collège, le primaire, le lycée ?

Étienne : Je n’ai plus en tête. Je pense que ça allait de la primaire au lycée, pas études supérieures du moins. De la primaire au lycée. En plus, ce sont les âges où on se forme, notamment en primaire, où on commence à se former. Et c’est là où on voit l’enjeu pour Microsoft, Microsoft ou les autres vendeurs de solutions informatiques privées. C’est, finalement, de donner goût à leurs outils. Parce qu’on n’apprend pas l’informatique avec Microsoft ; on apprend à utiliser les outils de Microsoft. On apprend à utiliser avec leurs formats, qui ne sont pas des formats ouverts mais spécifiques. Donc il faudra utiliser, des logiciels Microsoft pour pouvoir les lire. Ça veut dire que quand ils seront en âge de s’acheter un ordinateur avec un logiciel, ils choisiront le logiciel Microsoft ; sachant qu’à côté de ça il est très difficile d’acheter dans le marché grand public des ordinateurs sans Microsoft ; c’est ce qu’on appelle la vente forcée. Mais ça c’est encore un autre sujet. Mais c’est une stratégie globale, on le voit.

Héloïse : En fait, ils voient encore plus loin, on va dire.

Étienne : Ils habituent. Et comme on est très sédentaires dans nos usages et l’informatique c’est compliqué, par aspect, donc on sait que quand on est le premier qui va développer des usages, qui va développer des habitudes, on va rester dessus parce que c’est difficile parfois de changer. Et donc au lieu d’apprendre aux élèves à comprendre l’informatique, à comprendre comment évoluer dans un monde informatisé, à gérer aussi leur intimité, leur vie privée, qu’on ne met pas n’importe quoi sur Facebook, qu’on ne devrait d’ailleurs pas utiliser Facebook, un autre problème. Au lieu de ça, on leur met un outil entre les mains, on leur apprend voilà, il faut que tu utilises ça, parce que quand tu seras employé quelque part on va te donner ça. Et on leur apprend à appuyer sur les boutons ; on revient à la tablette ; on leur apprend à appuyer sur le bouton qui va bien.

Voix off : Appuyez sur le bouton !

Héloïse : Là c’est intéressant. Tu as bien fait de me reprendre tout à l’heure quand j’ai dit ça, mais je l’ai dit exprès parce que c’était la manière dont traitaient les médias, ce partenariat et cet évènement. C’est-à-dire ils disaient : « Chouette l’informatique rentre à l’école ! » Et là en fait, ce que toi tu me dis, c’est qu’il ne faut pas confondre l’informatique ou la technologie avec, justement, des habitudes d’utiliser telle ou telle solution, donc là Microsoft. En fait, on utilise un environnement graphique, ergonomique, etc., qui habitue les enfants. Ça va plutôt les enfermer que les ouvrir à ce qui est l’informatique, aux enjeux et, comme tu disais, de comment ça marche, etc. ; mais aussi comment eux, en tant qu’enfants et futurs ados et adultes ensuite, comment ils peuvent protéger leur vie privée, quels enjeux il y a, d’avoir un peu de recul, peut-être par rapport justement à toute l’informatique. Donc au lieu d’avoir du recul, de la conscience, on leur met entre les mains une tablette qui, par essence, les rend plutôt passifs et donc plutôt inertes au niveau de la pensée et de l’action.

Voix off : Mais alors, la tablette est-elle vraiment un outil d’apprentissage efficace pour les enfants ? Serge Tisseron est pédopsychiatre. Il prépare pour 2013 un rapport sur l’enfant et les écrans. Ces derniers temps, ses confrères, dans les colloques, lui rapportent les mêmes anecdotes au sujet des jeux sur tablette.

Le problème du puzzle assisté par ordinateur, c’est que l’ordinateur fait les trois quarts du travail. On voit des mamans qui viennent avec leur bébé et qui disent : « Regardez, vous allez voir docteur comme mon bébé est fort, il fait de puzzles sur mon téléphone mobile ; il entasse des cubes sur mon téléphone mobile. » Alors le pédiatre dit : « Montrez-moi madame. » Le bébé fait la construction et le pédiatre dit : « Très bien ! Alors on va voir maintenant qu’est-ce qu’il fait avec des vrais cubes ou avec un vrai puzzle. » Le pédiatre sort la boîte de cubes ou la boîte de puzzles et le jeune enfant est incapable de rien faire.

Pour Serge Tisseron, attention donc à ne pas laisser la tablette prendre le pas sur la manipulation de jouets traditionnels en trois dimensions, essentielLE au développement de l’enfant.

9’ 05

Étienne : Tout à fait. On leur met un outil fini