Jeunes et écrans : quelles pistes pour échapper à la captation de l'attention

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Titre : Jeunes et écrans : quelles pistes pour échapper à la captation de l'attention ?

Intervenant·e·s : Célia Zolynski - Jean Cattan - Karl Pineau - Juliette Devaux - François Saltiel

Lieu : Émission Le Meilleur des mondes - Radio France

Date : 3 mai 2024

Durée : 1 h 00 min 45

Podcast

Présentation du podcast

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration : À prévoir

NB : Transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.


Description

Mardi 30 avril, les experts de la commission "écrans" ont remis leur rapport sur l’impact de l’exposition des jeunes aux écrans au président de la République Emmanuel Macron. Quelles en sont les conclusions ? Quelles mesures envisagées pour rendre les plateformes moins addictives ?

Transcription

François Saltiel : Bonsoir et bienvenue à toutes et à tous dans Le Meilleur des mondes, l’émission de France Culture qui s’intéresse aux bouleversements suscités par le numérique et les nouvelles technologies.
Il était attendu, il est enfin arrivé le rapport de la commission écran initiée en janvier par Emmanuel Macron. Son objectif : analyser les risques de l’exposition des jeunes aux écrans dans un contexte de panique morale, alors autant dire que la tâche était lourde tant les usages de ces écrans sont protéiformes. Que retenir de ces travaux menés pendant plusieurs mois ? Les experts se sont-ils accordés sur un consensus scientifique ? L’approche simplement médicale ou pathologisante du sujet a-t-elle été dépassée ? Et si les recommandations les plus reprises font état d’une interdiction des réseaux sociaux avant 15 ans, celle-ci est-elle applicable et même souhaitable ? Et au-delà des interdits, comment mieux comprendre les mécanismes de captation de l’attention et de marchandisation des jeunes sur les plateformes ? Que peut-on attendre de la régulation pour rendre ces espaces moins toxiques ? Comment, aussi, harmoniser les ambitions nationales avec les directives européennes ? Enfin quelles pourraient être les pistes pour repenser des réseaux sociaux en favorisant des acteurs éthiques qu’il conviendra de bien définir ? Beaucoup de questions et ce soir trois invités pour y répondre.
Célia Zolynski, bonsoir.

Célia Zolynski Bonsoir

François Saltiel : Vous êtes professeur de droit à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et coautrice de l’ouvrage Pour une nouvelle culture de l’attention – Que faire de ces réseaux sociaux qui nous épuisent ? qui vient de paraître aux Éditions Odile Jacob. Vous êtes également l’une des membres de cette commission vous pourrez donc revenir sur l’élaboration des travaux et l’approche écosystémique nécessaire pour alerter sur la marchandisation des mineurs.
À vos côtés Jean Cattan. Bonsoir.

Jean Cattan : Bonsoir.

François Saltiel : Vous êtes secrétaire général du Conseil national du numérique, le CNNum et auteur, avec Serge Abiteboul, de Nous sommes les réseaux sociaux paru en 2022 chez Odile Jacob. Vous pourrez analyser les dérives de l’économie de l’attention à l’ère des réseaux sociaux et évoquer le fonctionnement des réseaux sociaux dits éthiques. Vous appelez d’ailleurs à une ouverture de ces fameux réseaux sociaux.
Enfin, Karl Pineau complète ce trio. Bonsoir.

Karl Pineau : Bonsoir.

François Saltiel : Vous êtes directeur du Media Design Lab de l’École de Design de Nantes Atlantique et membre des Designers Éthiques Vous pourrez donc nous expliquer les mécanismes du design persuasif avec, notamment, les dark patterns qu’on pourra donc définir avec vous, et nous détailler aussi les pistes pour tenter de redonner la main à l’utilisateur.
Au programme, également, une chronique de Marie Turcan rédactrice en chef à Numerama. Marie nous parlera de The Phone, une initiative française censée œuvrer pour une déconnexion salutaire. On verra donc ce qui se cache derrière cette belle promesse. Quant à Juliette Devaux elle nous livrera les nouvelles d’un monde meilleur.
Le Meilleur des mondes s’écoute à la radio, évidemment en podcast sur l’application Radio France, n’hésitez pas à vous abonner, et se regarde sur la chaîne Twitch de France Culture. C’est parti.

Diverses voix off : Sur la base de recommandations, nous déterminerons le bon usage des écrans pour nos enfants dans les familles à la maison comme en classe.
Eh bien les scientifiques sont catégoriques, c’est dangereux, et leur recommandation : interdire les écrans avant trois ans et les smartphones avant onze ans.
Seulement 13 % des parents disent appliquer la recommandation de l’OMS : pas d’écran avant deux ans. De plus en plus de familles sont donc aujourd’hui confrontées à des addictions précoces qu’il est parfois difficile de diagnostiquer.
Au début, j’ai commencé à mettre des comptines et petites comptines avec des chiffres, parfois des petites comptines avec des danses. On ne pense pas que ça peut altérer le développement d’un enfant.
Comment on interdit dans les familles les écrans ? C’est juste impossible !
C’est juste impossible, sans doute, en tout cas on peut faire prendre conscience à tout le monde des choses.
Facebook, YouTube, Snapchat, Instagram, TikTok, toutes ces plateformes sont en compétition permanente pour extraire le temps d’attention des enfants et des adultes.
Ça, c’est une pompe à dopamine et je l’ai avec moi 24 heures sur 24.
La dopamine surgit dans notre cerveau et nous vivons une expérience très agréable. Les gens veulent savoir ce qu’il y a de nouveau, la nouveauté excite notre cerveau.
Donc tout l’enjeu, aujourd’hui, c’est d’avoir et de penser une éducation au numérique, aux écrans, avoir peut-être une position qui soit moins simpliste, ce n’est pas « pas d’écran » ou « oui, tous les écrans que vous voulez », c’est réellement d’essayer d’expliquer à l’enfant quels sont les effets de l’utilisation des écrans sur son cerveau et sur son comportement.

François Saltiel : Célia Zolynski, on commence avec vous. Vous faites partie des dix membres de cette commission qui, au moment de sa constitution, a d’ailleurs fait l’objet de certaines critiques, car elle a été présidée par un addictologue et une neurologue. Certains ont vu une approche un peu trop pathologisante du sujet et de la question. Quel est votre avis sur ces critiques qui ont été formulées au début et, surtout, sur les conclusions de ce rapport qui ont peut-être réussi à sortir uniquement de ce prisme-là ?

Célia Zolynski La commande qui nous avait été confiée par le président de la République, par Emmanuel Macron, était, comme vous l’avez dit en introduction, de faire un état des lieux des connaissances scientifiques sur les conséquences des écrans sur la santé des jeunes en premier lieu. Ça explique peut-être d’avoir confié cette coprésidence à deux représentants du monde de la santé.
Cette mission était constituée également de spécialistes de l’épidémiologie, de neurosciences, de droit, c’était mon cas, également des acteurs du secteur du monde associatif. Les travaux que nous avons menés pendant trois mois et demi, de façon très intense je dois bien vous l’avouer, se sont conduits en toute collégialité et ont été enrichis à deux niveaux.
Tout d’abord et surtout, j’allais dire, on a eu à cœur d’aller à la rencontre et à l’écoute des jeunes, des premiers concernés, et, à cet égard, on a pu échanger avec différentes classes de collégiens, de lycéens, qui nous ont fait part de l’intérêt, pour eux, d’utiliser ces réseaux sociaux.

François Saltiel : C’est vrai que, souvent, on a tendance à parler à leur place. On parle beaucoup des jeunes sans forcément toujours leur donner la parole. Là, vous nous dites « ces jeunes », et encore faudrait-il dire quels jeunes, quel milieu, de quel âge, avec quelles pratiques, mais vous avez été attentive et soucieuse de pouvoir recueillir, justement, leur parole.

Célia Zolynski Il était fondamental d’aller dialoguer avec eux, d’aller les écouter, d’aller les entendre. D’ailleurs, on retrouve dans nos recommandations, la nécessité, dans une instance que l’on appelle de nos vœux, d’aller constituer un collège des jeunes, je sais pas si l’expression est heureuse, pour donner toute leur place à ces utilisateurs, les premiers concernés, c’est d’ailleurs ce que fait le eSafety Commissioner, en Australie, pour adapter les mesures qui seront prises tant sur le fond, mais aussi sur la forme, et puis être à l’écoute de tout l’imaginaire, de toutes les propositions que ces publics plus jeunes que nous, en tout cas que moi, peuvent nous formuler. C’est un point véritablement central et j’insiste particulièrement.
Et puis la commission a été également enrichie d’un grand nombre d’auditions, les plus diverses, pour écouter le plus grand nombre possible d’acteurs du monde académique, des services numériques, des administrations, des ministères, des ONG, donc nous avons ici pu enrichir nos différentes analyses de l’ensemble de ces missions.

François Saltiel : Voilà. Une dizaine de membres et également beaucoup de personnes auditionnées dont vous, Jean Cattan, vous avez été auditionné en tant que secrétaire général du CNNum. Juste sur cette question de santé publique telle qu’elle a été abordée dans le cadre de cette commission, une question qui est complexe parce que c’est difficile de la traiter sans plonger dans une certaine forme de manichéisme.

Jean Cattan : Ce qui était très intéressant dans la constitution de cette mission, c’est justement qu’il y avait des points de vue, à priori différents, qui se réunissaient autour de la table et nous, en tant que Conseil national du numérique, nous sommes toujours très heureux de voir ce genre de collège se constituer, y compris, et c’est très bien, en dehors du conseil lui-même, évidemment, puisque, à chaque question, il nous faut, justement, réunir un pool d’acteurs qui va être pertinent pour parvenir, ici, à un consensus qui va porter sur un point de vue scientifique ou sur d’autres questions.

François Saltiel : Justement, vous parlez de consensus scientifique, c’était la mission première. On parle beaucoup d’addiction et c’est un addictologue, je le rappelle, qui était coprésident, qui lui, d’ailleurs, n’hésitait pas à employer le terme d’addiction pour spécifier la relation des jeunes. Or, est-ce qu’il y a vraiment un consensus scientifique sur ce terme d’addiction ? Qu’est ce qui ressort du rapport sur cette question qui est une question qui convoque, finalement, tout un tas d’imaginaires, de fantasmes, de peurs et puis aussi un intérêt médiatique qui est fort ?

Célia Zolynski Le point sur lequel on peut considérer qu’il y a aujourd’hui une certaine forme de consensus, ce n’est peut-être pas sur la définition de l’addiction qui résulte d’une définition scientifique que l’on peut caractériser pour certaines drogues, voire pour les jeux vidéo, pour les réseaux sociaux, ça demeure, en l’état, débattu, tant en France que, d’ailleurs, aux États-Unis. En revanche, ce qui semble le plus facilement identifiable, en l’état actuel, c’est l’existence de processus addictogènes ou addictifs. D’ailleurs le Parlement européen, dans une résolution de décembre dernier, entend que l’Union européenne se saisisse de ces processus addictifs qu’il nous faut mieux identifier. On parle, par exemple, des scrolls infinis, de mécanismes d’AutopPlay et de comportements possiblement compulsifs qui seraient encouragés par différentes fonctionnalités de services numériques. Certains en font d’ailleurs la une de l’actualité, je pense par exemple à TikTok Lite qui a fait l’objet d’une enquête formelle de la Commission européenne par rapport à ce nouveau service qui semblait caractériser, en tout cas fortement réunir des indices dans le sens d’une potentialité addictive mise en place par le service.

François Saltiel : On pourra justement reparler un peu plus tard de cette version de TikTok, peut-être pour mieux comprendre quel était son objectif premier. Mais, pour revenir sur vos termes de processus addictogène, Karl Pineau, vous qui analysez, décortiquez aussi par le design tous ces mécanismes qui peuvent justement susciter une dépendance, déjà, êtes-vous à l’aise avec ce terme de « processus addictogène » ?

Karl Pineau : Je ne me situe pas trop dans une perspective de santé où on va, effectivement, parler d’addiction, moi je parle plutôt de persuasion, parce que, en fait, ce qu’on cherche à décrire c’est ce que les interfaces produisent ou cherchent à produire sur leurs utilisateurs, c’est-à-dire à les persuader de réaliser une action. En fait, ce que décrit Célia, c’est un ensemble de composants qui ont pour objectif de persuader les utilisateurs de réaliser des actions, ça va être de continuer à regarder des vidéos quand on regarde Netflix, ça va être continuer à scroller quand on est sur Instagram, ça va être remplir son panier de consommateur quand on est sur Amazon. Bref, c’est tout un ensemble de méthodes qui ont pour objectif de faire réaliser, par l’utilisateur, les actions qui sont souhaitées par la plateforme.

François Saltiel : Ce que vous nous dites c’est que c’est compliqué d’arriver à retrouver l’intentionnalité de la plateforme. On peut se dire, effectivement, que là il y a un effet qui est produit, parfois ça nous paraît un peu évident, mais lorsqu’on va nous pousser à l’achat ou nous pousser à un comportement, or, il faut quand même le prouver. Il faut se demander si, vraiment, le designer, derrière, voulait nous induire vers tel ou tel comportement.

Karl Pineau : Exactement et c’est tout l’enjeu qu’on a aujourd’hui sur ce champ de travail, c’est d’être capable de se dire : est-ce que c’était véritablement intentionnel ? Est-ce que l’objectif c’est de persuader l’utilisateur ? Ou est-ce que c’est juste d’être dans un usage facilitant pour l’utilisateur ? Si on prend un exemple : nos téléphones portables, quand on veut faire un selfie, eh bien généralement le bouton d’augmentation/diminution du volume va servir à déclencher les photos. Est-ce que ça a été fait pour faciliter la vie des utilisateurs ou est-ce que ça a été fait pour les pousser à prendre des selfies, parce que c’est dans l’intérêt des marques de smartphones qui nous vendent ces smartphones ?

François Saltiel : Après, on peut quand même avoir des éléments de réponse à cet enjeu lorsqu’on sait que ces réseaux sociaux fonctionnent sur une économie, en l’occurrence l’économie de l’attention, que c’est donc un moteur, donc plus on arrive à glaner du temps de cerveau disponible, plus on arrive à maintenir l’attention de l’utilisateur, plus, quelque part, on fait fonctionner la machine.

Karl Pineau : Complètement, mais ça c’est valable pour les services qui dépendent d’une économie d’attention, or, il y a plein de services numériques qui ne dépendent pas d’une économie d’attention. Je citais Amazon. À priori, Amazon se fiche de savoir si vous passez cinq minutes ou une demi-heure sur la plateforme, ce qui compte c’est vous achetiez quelque chose. C’est pareil si vous allez acheter un billet d’avion ou un billet de train ou n’importe quoi. Sur ce type de plateforme, la question de l’attention n’est pas vraiment un sujet, par contre la question de : est-ce que vous allez acheter quelque chose ?, est un sujet. D’où l’intérêt de ne pas parler de design de l’attention ou du sujet de l’attention, mais bien de parler de persuasion et du design persuasif qui cherche à pousser l’utilisateur à réaliser une action.

François Saltiel : Tout cela c’est ce qu’on peut donc potentiellement appeler les dark patterns en partie ?

Karl Pineau : Le dark pattern, c’est vraiment une facette visuelle persuasive, c’est quand la persuasion se fait vraiment au détriment de l’utilisateur et qu’il n’en a souvent pas conscience.

François Saltiel : Un exemple ?

Karl Pineau : Par exemple quand vous êtes sur le tunnel d’achat d’Amazon, vous avez un écran qui est « inscrivez-vous à Amazon Prime, vous allez voir, c’est super, vous allez recevoir votre colis beaucoup plus rapidement », eh bien le bouton de souscription à cet abonnement Prime est situé exactement au même endroit que tous les autres boutons du parcours utilisateur, donc, en fait, tout le monde clique dessus par erreur, alors que la plupart du temps on voulait juste dire non, mais le bouton « non », lui, change tout le temps d’endroit sur la page, c’est extrêmement compliqué de le trouver ; ça c’est vraiment fait pour pousser l’utilisateur à souscrire à Amazon Prime.

François Saltiel : Tout cela fait effectivement l’objet d’études, d’analyses, même de textes qui sont censés les réglementer, les réguler, on aura l’occasion d’en reparler.
Pour revenir justement à ce rapport qui s’intitule « À la recherche du temps perdu », au-delà de la sympathique référence littéraire à Proust, qui était, d’ailleurs, à son époque un grand amateur de nouvelles technologies, on en a fait une émission entière du Meilleur des mondes, c’est tout de même une vision assez négative, Jean Cattan, « À la recherche du temps perdu », ça veut dire que les écrans ne peuvent pas nous permettre d’en gagner ?

Karl Pineau : Déjà, je pense que dans le rapport il y a ces éléments de consensus sur certains aspects de santé publique qui sont, en effet, très importants à prendre en compte, mais il y a aussi d’autres perspectives qui sont apportées dans le rapport et qui sont de l’ordre du champ des possibles, peut-être aussi en dehors des écrans, et c’est là-dessus aussi que l’on peut insister. C’est dire que, en fait, on ne pourra pas aborder cette relation des enfants aux écrans uniquement en abordant la question de l’enfant aux écrans. Il nous faut aborder l’espace, il nous faut aborder l’espace public, il nous faut aborder l’espace relationnel, il nous faut aborder notre relation à nous en tant qu’adultes au travail et, là, je trouve qu’un effort a été fait pour nous fournir des pistes qui sont quand même très heureuses, en fait, sur les politiques qui sont à mener, en rapport avec le numérique, mais qui le dépassent très largement.

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François Saltiel : C’est effectivement un point important du rapport qui est d’établir un effet miroir entre l’espace physique et l’espace numérique en se disant que si, finalement, ces jeunes sont de plus en plus sur ces espaces numériques, quid de nos espaces physiques ? Sont-ils suffisamment accueillants ? Est-ce que la population, même, a une tolérance pour les enfants bruyants, les enfants qui vivent leur expérience de la jeunesse ? Et on a tendance à croire qu’aujourd’hui le déplacement se fait plutôt dans un espace numérique parce que le déplacement d’un espace physique devient contraint.

Karl Pineau : Interrogeons-nous sur la construction de nos villes. Il y avait ce très bel article du Monde dans lequel, d’ailleurs, était intervenu, Serge Tisseron, qui était intitulé « Où sont passés les enfants des villes ? » et c’est une vraie question en réalité. Si on se penche sur la configuration nos rues, en fait on a une partie de la réponse.
Le rapport invite aussi à se pencher sur le travail d’associations comme Les Cafés des Enfants, comme les Rues aux enfants, etc., et aussi sur la façon dont on interagit les uns les autres à la maison mais, du coup, par répercussion, au travail. Je trouve qu’une réflexion doit être menée, et je crois que le rapport y invite aussi, c’est comment est-ce qu’on passe d’un droit à la déconnexion au travail qui est individuel, possiblement – et là j’extrapole peut-être aussi – à un devoir collectif de déconnexion. Et là on se rend compte que la question est éminemment collective. On ne peut pas faire l’impasse de ce travail collectif et je crois que le rapport met ça bien en place.

François Saltiel : C’est pour cela que pour boucler par rapport à la question présupposée d’une approche un peu trop pathologisante, effectivement, lorsqu’on regarde le contenu du rapport, on s’en affranchit puisqu’on a une vision un peu protéiforme et c’était intéressant d’analyser soit l’espace physique soit, aussi, les technoférences dont vous parliez, c’est-à-dire comment la technologie interfère dans les relations, notamment les relations parents-enfants. Loin de culpabiliser tout le monde, nous sommes loin d’être tous irréprochables et, dans un effet mimétique, on sait très bien que nous pouvons également participer à entretenir un phénomène que l’on critique.
Tout de même, ce rapport, lorsqu’on regarde les points saillants, du moins ceux qui ont été repris, il est quand même beaucoup question d’interdictions, des interdictions, d’ailleurs, qui sont largement reprises aussi par le pouvoir exécutif, je vais en donner juste quelques-unes qui me paraissent, quand même, assez complexes à mettre en place, mais vous allez nous le dire, Célia Zolynski.
Donc, à partir de 11 ans, un téléphone oui, mais sans connexion à Internet ; à partir de 13 ans, un téléphone connecté sans accès aux réseaux sociaux ni aux contenus ??? [16 min 45] et, à partir de 15 ans, un accès complémentaire aux réseaux sociaux dits éthiques. On reviendra sur la définition des réseaux sociaux éthiques, moi j’entends juste qu’on ne peut pas, à 15 ans, utiliser TikTok, Instagram et Facebook. Je ne sais pas si vous avez des adolescents ou adolescentes autour de vous, Célia Zolynski, mais dire à un adolescent qu’il peut utiliser un téléphone à 15 ans sans aller sur Internet, ça ne me paraît pas très réaliste en fait.

Célia Zolynski J’ai deux adolescents au quotidien autour de moi et je peux vous dire que j’ai aussi observé, même si je ne suis pas sociologue, l’ensemble de leurs usages et regardé avec eux la possibilité d’articuler un point qui semble essentiel et qui fait aussi un écho au titre du rapport « À la recherche du temps perdu ». C’est aussi un hommage à l’enfance. On a souhaité placer l’enfant au cœur de notre attention et construire, enfin, pour la première fois, un ensemble de dispositifs pour redonner toute sa place à l’enfant, avec les écrans, mais aussi au sein de la société. C’est aussi ce qui expliquait le choix de ce titre, qui s’expliquait également par ce temps perdu, peut-être en termes de régulation, pour se saisir de l’ensemble de ces enjeux qui sont nombreux et qui sont éminemment complexes.

François Saltiel : Alors sur les interdictions et sur vos enfants.

Célia Zolynski C’est tout à fait lié. On a finalement voulu penser cet échelonnement des mesures au regard d’un point qui nous semble essentiel qui est cette double articulation entre la protection nécessaire des enfants – aujourd’hui on ne peut pas ne pas considérer une exposition forte à des contenus éminemment délétères, des contenus pornographiques, des contenus ultra-violents, par exemple les challenges mexicains que l’on peut visualiser dès le plus jeune âge sur Telegram et nombreux ont été les collégiens, et mes enfants, à témoigner de cela, des discours haineux, des problématiques de discrimination très forte à l’égard de certaines communautés –, mais, dans le même temps aussi, à côté de la protection, il est aussi fondamental, et là j’insiste, de prendre en compte l’autonomie des enfants et cette autonomie se fait de façon progressive en fonction de l’âge avançant des enfants. Un usage numérique est radicalement différent avant 11 ans et, ensuite, va évoluer selon ces différentes tranches d’âge qu’on a pensées à l’aune de l’évolution de l’autonomie des enfants qu’il faut accompagner. On aurait pu aussi, dans une lecture ultra paternaliste, aller vers des interdictions plus fortes qui auraient pu être attendues.

François Saltiel : Je trouve que ce sont déjà des interdictions quand même assez fortes : dire qu’à 15 ans on ne peut pas utiliser les réseaux sociaux, en gros, ou alors éthiques, mais, encore une fois, il faut évacuer tous ceux qui sont utilisés aujourd’hui par la jeunesse. Les jeunes sont sur TikTok, ils sont sur Instagram, ils sont sur Snapchat et, encore une fois, vous savez qu’aujourd’hui l’usage qui est fait par les adolescents d’un smartphone ce n’est plus pour téléphoner, c’est évidemment une fenêtre sur le monde aussi. Vous avez pointé du doigt des effets négatifs qui existent, or c’est aussi, aujourd’hui, un instrument de la sociabilité, de l’expérience adolescente d’être sur un réseau social.

Célia Zolynski C’est un instrument déterminant de leur sociabilité, c’est un point qu’on a largement pris en compte et, en aucun cas, qu’on entend remettre en cause. C’est pour cela que l’on a souhaité conserver des usages de messagerie qui sont beaucoup utilisés à ces âges, typiquement à celui de 13 ans qu’on a évoqué. L’accès à Internet est évidemment un champ considérable d’accès aux connaissances qui doit être impérativement défendu pour les plus jeunes. Et puis pour ces réseaux sociaux éthiques, on va en discuter avec Karl un peu plus tard, l’objectif c’est d’avoir une approche dynamique, donc, peut-être, de faire la promotion de contre-modèles, de favoriser ces contre-modèles et d’inciter fortement, par une volonté politique franche, à faire évoluer certains grands réseaux sociaux qui sont largement utilisés par les jeunes aujourd’hui vers des pratiques qui ne seraient pas celles, et là j’insiste sur ce terme qui peut être fort mais qui est réel, de la marchandisation de nos enfants. C’est ainsi que, mais finalement dans le prolongement du Règlement sur les services numériques, l’on pourrait ici les enjoindre de s’écarter de certaines fonctionnalités délétères pour les enfants pour accompagner leurs usages sociaux de ces services. C’est sur point-là qu’il va falloir maintenant, tous ensemble, réfléchir : comment identifier les fonctionnalités qu’on estime favorables, conformes aux intérêts des utilisateurs – je crois que c’est le sens de nos travaux – et proscrire, en revanche, celles qui sont éminemment délétères, y compris pour la santé mentale des plus jeunes.

François Saltiel : Vous avez évoqué, justement, la parole politique. Je vous propose d’écouter une en la personne de Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État chargée de la Citoyenneté et de la Ville.

Sabrina Agresti-Roubache, voix off : Je veux revenir sur quelque chose qui me frappe ces dernières années, c’est de penser qu’un adolescent a une vie privée. Un adolescent est un mineur, donc, les parents ont le droit de fouiller dans le téléphone, de chercher quelque chose dans la chambre, si jamais il y a des stupéfiants, par exemple.

Journaliste, voix off : Ils doivent se mêler plus de la vie de leurs enfants.

Sabrina Agresti-Roubache, voix off : Ils doivent s’occuper plus, non seulement se mêler plus pour les protéger. Ce n’est pas se mêler pour se mêler. Bien sûr, que chacun a droit à son petit jardin secret. On parle de jardin secret.

Journaliste, voix off : Vous fouillez le portable de votre ado, ou pas ?

Sabrina Agresti-Roubache, voix off : Non seulement je surveille, non seulement je me mêle, non seulement je protège et non seulement je sanctionne s’il y a un problème. Ce qui est dingue c’est qu’on a voulu démissionner les parents aussi en disant « attention, ils ont le droit à avoir leur vie privée ». Non ! Je crois qu’il va falloir protéger, vous le voyez bien, cette jeunesse des réseaux sociaux. Je l’avais dit avant tout le monde : les réseaux sociaux sont une arme de destruction massive de la jeunesse.

François Saltiel : De la jeunesse. C’étaient donc les derniers mots de Sabrina Agresti-Roubache, sur le plateau de Télématin il y a quelques jours.
Je trouve que ces propos sont intéressants, déjà parce que, à mon sens, c’est assez radical comme prise de parole et puis ça témoigne, finalement, de la dialectique entre des mesures et puis du respect de la liberté. Lorsqu’on revient, justement, dans les recommandations, lorsque vous dites « pas de téléphone avant tel l’âge, pas de réseaux sociaux avant tel autre », ça pose aussi la question de comment on arrive à mettre ça en application au sein d’un espace domestique, donc d’un espace de l’intime, comme on arrive à harmoniser tout ça. Une réaction, Jean Cattan, sur les propos qu’on vient d’entendre ?

Jean Cattan : C’est un petit peu compliqué parce que ça nous met dans une situation, en tant que parents ou autres, en fait de vigie permanente sur ce qui est fait sur le téléphone d’un enfant et cette relation individuelle-là est assez compliquée à entretenir, en réalité. C’est possible d’avoir une relation de dialogue et il faut nourrir ce dialogue-là. Après, il y a toute cette dimension collective qui doit nous permettre de nous réconforter un petit peu et de nous assurer que, finalement, même si on ne peut pas, parce que, comme vous le disiez tout à l’heure, on n’est pas parfait, eh bien les enfants ne seront pas le fruit d’une économie qui va les amener vers une forme de marchandisation d’eux-mêmes. Et c’est là où l’approche collective, l’approche légale, l’approche régulatoire est essentielle parce que, en fait, elle est le prolongement de cette volonté collective qui nous permet d’assurer l’évolution, justement libre, parce que je n’ai pas envie, non plus, d’être en mode vigilante sur mes enfants et me dire que je vais être quand même assez tranquille, c’est-à-dire qu’ils évoluent dans un environnement où leur volonté ne va pas être complètement manipulée par une volonté économique et ça c’est fondamental.

François Saltiel : Karl Pineau, peut-être une réaction par rapport à cette question que l’on entend finalement entre interdictions, prévention, respect des libertés. C’est aussi cela le débat que nous sommes en train de mener.

Karl Pineau : C’est le débat qui est profondément au cœur de tous les enjeux numériques qui se posent aujourd’hui.
Moi, je prône un numérique qui se veut émancipateur, qui se veut autonomisant, l’empowerment qu’on défend généralement chez les pionniers du numérique. C’est sûr que si on en vient à une interdiction formelle du numérique et au contrôle des enfants sur leurs usages du numérique en permanence, ça va être probablement relativement compliqué d’aller, justement, vers l’émancipation des individus. Ça me paraît compliqué que ce soit vraiment une interdiction, en tout cas une surveillance par les parents, qui soit extrêmement proche, en tout cas pas à partir d’un certain âge.

François Saltiel : Célia Zolynski, que vous souhaitiez réagir ?

Célia Zolynski : Oui. Par rapport à ce numérique autonomisant, ces mécanismes d’empowerment figurent également au sein du rapport et puis peut-être aussi dans l’ouvrage que vous avez cité en introduction.
L’objectif, c’est aussi de permettre aux enfants, dans un dialogue avec les parents ou seuls, pour certains usages, afin de protéger leur liberté, leur intimité qui est fondamentale, de pouvoir paramétrer leurs réseaux sociaux conformément à leurs intérêts. Donc là, dans cette perspective d’autonomie, on fait appel à la consécration d’un droit au paramétrage qui permettrait, de façon granulaire, de pouvoir identifier quels sont ses intérêts, éventuellement, c’est ce qu’on avait déjà proposé avec la Commission nationale consultative des droits de l’homme dans un avis sur la haine en ligne, de pouvoir définir sa sphère de réception, sa sphère d’émission. C’est donc une proposition importante qui doit être relayée et qui doit aussi être prolongée par d’autres propositions, sur lesquelles on reviendra possiblement également, d’ouvrir à plus de pluralisme jusqu’à aller jusqu’au dégroupage des réseaux sociaux.

François Saltiel : Karl Pineau.

Karl Pineau : Sur le paramétrage, c’est effectivement quelque chose qui me paraît essentiel. Un point qui va avec et qui est tout aussi essentiel, c’est le fait que le paramétrage par défaut respecte ce qui est le plus protecteur, parce que les plateformes numériques sont expertes, là encore, pour cacher les paramètres déjà existants sous une couche incommensurable de sous-menus, ce qui les rend extrêmement compliqués à trouver et, après, on peut se protéger derrière le fait que « si, ça existe mais les gens ne le mettent pas en œuvre. »

François Saltiel : Vous avez raison et on sait à quel point, lorsque leurs intérêts sont prioritaires, elles peuvent tout à fait faire l’inverse : mettre des paramètres par défaut qui vont dans le sens de leurs objectifs et ce n’est pas tout le temps le cas, lorsque, justement, on essaye de mettre en place des outils de protection.
Juste pour, peut-être finir, sur cette question de liberté, sur cette question aussi d’interdiction, on a beaucoup parlé de la majorité numérique à 15 ans qui a été notamment évoquée par Gabriel Attal, qui est complexe, aussi, à mettre en œuvre par rapport à une inadéquation, finalement, avec la législation européenne. Votre point de vue là-dessus, Jean Cattan.

Jean Cattan : En effet, le législateur français a voulu être particulièrement offensif, sachant que c’était déjà des mesures qui faisaient écho à des choses qui existaient en matière notamment de protection des données personnelles. Normalement, on n’est pas censé pouvoir donner son consentement avant l’âge de 15 ans, sans les parents, donc, nécessairement, on a besoin du consentement du parent pour aller sur un réseau social lorsque celui-ci autorise un usage généralement à partir de 13 ans.
Je pense qu’il ne faut absolument pas viser l’absolu, je pense qu’il ne faut absolument pas viser la généralité des services, ça c’est certain, moi je ne parlerai pas de majorité numérique de manière générale. Je pense, en effet, que l’approche qui vise à distinguer les services entre eux est particulièrement pertinente parce qu’on va arriver, en fait, à une forme de concurrence positive possiblement entre services. Et puis, oui, il faut reconnaître qu’il y a des architectures techniques qui sont plus à la source d’éveil que d’autres. Il y a donc des architectures techniques de communication possiblement des réseaux sociaux, ou d’autres sites, qui peuvent nous permettre de nous épanouir si on a des pratiques, par exemple, d’attention conjointe.

François Saltiel : Attention conjointe, on est d’accord, c’est, par exemple, on va avoir un regard d’un tiers – un parent, un professeur, même un groupe – et on va pouvoir, justement, partager ce qui est en train d’être vu, d’être regardé ; ça évite déjà ce côté isolement que l’on peut ressentir et, en plus, l’écran ne fait pas écran à la relation et devient une interface d’échange.

Jean Cattan : Exactement. L’archétype qu’on utilise tout le temps : si vous faites une page Wikipédia en classe avec vos camarades, ce n’est pas du tout la même chose, évidemment, que de regarder une vidéo tout seul dans votre lit jusqu’à deux heures du matin.

François Saltiel : C’est là où je trouve qu’il y a aussi un problème, je ne dis pas que j’ai la solution, mais lorsqu’on parle de « commission écrans », encore une fois, qu’est-ce qui se cache derrière les écrans ? Quels usages ? Comment définir un écran ? Vous parlez de Wikipédia qui est quand même l’incarnation d’un phénomène vertueux du numérique et, en même temps, tout à l’heure, vous parliez TikTok Lite qui est peut-être ce qu’on a fait de pire en termes de marchandisation de l’attention ces derniers temps.

Jean Cattan : Pour provoquer un peu la commission, je disais que ce n’est ni un problème d’écran, ni un problème d’enfant. En même temps, je pense que c’est un point de départ, comme dans tout narratif, sur lequel, je pense, la commission a su bâtir un récit qui est beaucoup plus complexe que ça. Il y a cette notion de réseaux sociaux éthiques ou autres, peu importe le nom que l’on pourra mettre sur certaines fonctionnalités, il faut reconnaître qu’on doit avoir au moins une capacité à choisir, dans le prolongement de ce que disait Célia Zolynski, dans les différentes fonctionnalités qui nous sont offertes, et qu’il y en a d’autres qu’il nous faut collectivement reconnaître comme étant potentiellement néfastes.

François Saltiel : On va justement définir ces réseaux sociaux éthiques dans un instant. On reviendra aussi sur un point fort de ce rapport, cette marchandisation de la jeunesse qui a été assez bien pointée.
Mais avant je vous propose d’écouter Aldebert et Thomas Dutronc qui vont nous chanter un titre qui est très en adéquation et en corrélation avec notre sujet du soir puisqu’il s’agit de Écrans, rendez-nous nos parents.

Voix off : France Culture – Le Meilleur des Mondes – François Saltiel.

/b>Pause musicale : Écrans, rendez-nous nos parents par Aldebert et Thomas Dutronc.

François Saltiel : Voilà, un zeste d’Instagram et surtout de beaucoup de doses, des grandes doses du Meilleur des mondes. On remercie Aldebert et Thomas Dutronc pour cette chanson Écrans rendez-nous nos parents. Et là, c’est Juliette Devaux qui se rend dans notre studio.
Bonsoir Juliette.

Juliette Devaux : Bonsoir.

François Saltiel : Et vous allez aussi nous livrer votre journal, vos nouvelles, dans un monde meilleur. Allez c’est parti.

Voix off : Les nouvelles d’un monde meilleur

Juliette devaux : Et l’on débute ce journal avec des nouvelles de l’Europe. La Commission a annoncé, dans un communiqué, ce lundi 30 avril, le lancement de plateformes d’alerte, à destination des citoyens, pour faire remonter les manquements des plateformes vis-à-vis du DSA et du DMA. L’idée, derrière ces plateformes d’alerte : permettre à n’importe quel individu de signaler et de faire remonter des informations qui prouveraient que les plateformes et les moteurs de recherche, visés par le DSA et le DMA, contourneraient leurs nouvelles obligations. Pensés, notamment, pour les salariés, les ex-salariés des firmes concernées, l’Union européenne indique que ces outils garantiront un anonymat total aux lanceurs d’alerte qui pourront transmettre toutes sortes de documents pour étayer leurs allégations – rapports, échanges de courriels, documents internes. De nouveaux outils utiles pour accroître la transparence des plateformes qui pourraient, par exemple, permettre de vérifier les efforts de modération des réseaux sociaux en cette période électorale chargée.

François Saltiel : Et l’on poursuit ce journal avec de l’intelligence artificielle au service des athlètes pour les Jeux olympiques qui, je crois, se déroulent à Paris. C’est ça ?

Juliette devaux : Oui, Tout à fait, qui vont s’ouvrir dans quelques mois, le 26 juillet. L’instance chargée de leur organisation, le CIO, a annoncé vouloir s’appuyer sur l’intelligence artificielle pour protéger les athlètes du cyberharcèlement, pour lutter contre les campagnes de haine qui pourraient déstabiliser des athlètes pendant les jeux. L’institution a ainsi annoncé mettre à disposition, de tous les athlètes qui le souhaitent, un outil basé sur l’intelligence artificielle chargé de détecter et de supprimer, de manière automatique, les contenus haineux sur les réseaux sociaux associés à leurs noms. Conscient des limites de la modération automatique, que beaucoup d’internautes contournent aujourd’hui sans difficulté, le CIO a également prévu la présence de psychologues dans le village qui pourront être sollicités par les quelque 15 000 athlètes attendus pour l’événement. Un dispositif nécessaire, alliant humain et technologique contre le cyberharcèlement, qui permet de rappeler les conséquences, dans la vie réelle, des violences en ligne.

François Saltiel : Et l’on termine ce journal avec une autre bonne nouvelle, du moins, celle-ci, pour les défenseurs des libertés sur Internet.

Juliette devaux : On apprenait, ce jeudi 25 avril, que l’autorité américaine des télécoms, la FCC, avait voté pour le rétablissement du principe de neutralité sur Internet. Pour comprendre l’enjeu derrière cette décision, il faut savoir qu’en 2017, la même FCC, sous l’influence de la présidence de Trump, avait décidé d’abolir ce principe historique en donnant tout pouvoir aux fournisseurs d’accès à Internet. Ceux-ci disposaient ainsi de la capacité d’accélérer, de réduire et même de bloquer l’accès des internautes à certains services et applications en ligne. Une décision vivement critiquée, à l’époque, sur laquelle revient aujourd’hui la FCC avec ce vote. Ce sera désormais l’autorité des télécoms, une instance publique, donc, qui garantira l’accès de tous les internautes à un Internet rapide, ouvert et équitable. Une bonne nouvelle pour tous les défenseurs des libertés sur Internet et la preuve que même outre-Atlantique la puissance publique s’affirme de plus en plus contre mes velléités de privatisation du Net.

36’ 06

François Saltiel : C’est effectivement