Intertice Logiciel libre Circulaire Ayrault

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Titre : Intertice 2014 - Comment appliquer la circulaire du premier ministre Jean-Marc Ayrault sur le logiciel libre ?

Intervenants : Isabelle Attard (Députée du Calvados, Guy Daroles (Chef de projet du projet OpenENT de la Région Île-de-France), Olivier Pla (Chef d’établissement, Geoffrey Gékière (Enseignant, Rémi Boulle (Enseignant et vice-président de l’April chargé des questions d’éducation)

Lieu : Versailles

Date : Mars 2014

Durée : Isabelle Attard, 8 min 29 -

Lien vers les vidéos : [1]


Isabelle Attard

Usage du logiciel libre dans l'administration

On a posé la question à tous les ministères pour savoir où ils en étaient sur l'application de la circulaire d'Ayrault de septembre 2012, en leur demandant le budget dépensé sur les logiciels libres depuis 2008, 2008 - 2012. Il y a eu six ministères seulement qui ne nous ont pas répondu, je ne sais pas pourquoi : soit parce qu'ils n'ont personne dans leur service pour faire la différence entre le libre et le logiciel propriétaire, soit parce qu'ils n'en voient pas l’intérêt ou ils n'ont pas le temps, ils ont autre chose à faire. Bon. Ça c'est une première chose. Il y a eu l'analyse des réponses qui a été faite, c'est bien je n'ai eu besoin de le faire toute seule. Ce qui est intéressant c'est de voir qu'il y a quand même des ministères qui sont à des niveaux complètement différents, entre le ministère de l’Intérieur par exemple et le ministère de la Défense ; l'Intérieur est quand même nettement plus évolué, la gendarmerie s'est équipée de logiciels libres, par contre au ministère de la Défense, là c'est Open Bar Microsoft.

Alors il y a plusieurs points. Quand on se demande pourquoi ça n'évolue pas plus, pas plus vite, il y a plusieurs éléments. Premièrement la moyenne d'âge de l’Assemblée, peut-être, un élément de réponse, je suis navrée, mais c'est vrai. Et même si vous avez dans les nouveaux élus des députés qui sont dans la tranche trente-cinq, quarante-cinq, il n'ont pas forcément été sensibilisés aux avantages du logiciel libre, n'en voient pas l’intérêt. Quand j'essaye d'expliquer l’intérêt dans l'hémicycle, j'essaie quand même de faire preuve d'énormément de pédagogie, mais ce n'est pas évident, alors peut-être que je manque d'exemples. Il y a un exemple que j'utilise et que je vais continuer d'utiliser le plus possible, c'est tout simplement une métaphore avec le bâtiment public. Quand on explique, on s'aperçoit que tout le monde trouverait ça totalement inconcevable d'avoir un architecte qui vous construit une maison, et puis qui se barre avec les plans, et surtout, qui vous empêche d'utiliser n'importe quelle entreprise pour la maintenance du bâtiment. Je pense qu'avec ce genre d'exemple très simple, très imagé, on peut faire passer certains messages ; bon, même ça j'ai un doute parfois !

Autre chose, je m'en suis rendue compte quelques semaines après élection, le poids des lobbies. On parle beaucoup des lobbies au Parlement européen mais j'aimerais qu'on parle aussi des lobbies puissants à l’Assemblée nationale. J'ai été invitée par Microsoft, dès le début, donc j'y suis allée parce je me suis dit pourquoi pas, il faut voir. Je n'y suis pas retournée, si c'est la question qui rode après dans la salle, non je n'y suis jamais retournée. Mais c'est intéressant de décrypter une méthode, une méthode des lobbies. Les pressions, les chantages à l'emploi, c'est-à-dire qu'ils vont venir vous voir en vous disant « Vous vous rendez compte madame Attard, mais si vous empêchez Microsoft de se développer c'est tant de milliers d'emplois que vous supprimerez en France », donc en espérant vous ayez la larme à l’œil. Je parle de Microsoft souvent parce qu'évidemment ce sont les plus violents dans ce secteur-là auprès des parlementaires, il faut juste savoir, connaître les méthodes. Donc j'ai essayé, avec une collègue, de dénoncer les pratiques des lobbies, en acceptant d'aller en caméra cachée dans un célèbre restaurant à côté de l'Assemblée, avec Laurence Abeille, et à partir de ce moment-là nous avons eu des menaces de la part de Christian Jacob, qui a fait planer les rumeurs que nous avions touché de l'argent, touché des pots de vin de M6 pour l'émission Capital dans le but de dénoncer les modes d'action des lobbies. Si je dis ça c'est, parce que je pense, un des éléments majeurs pour comprendre pourquoi le logiciel libre ne perce pas, pourquoi on n'en comprend pas les enjeux au plus haut échelon de l’État, c'est-à-dire à l'endroit où on devrait légiférer et inciter à l’utilisation des logiciels libres.

J'ai réussi par un énorme miracle, je pense que c'est une erreur d'attention des mes collègues parlementaires, parce qu'il était très tard dans la nuit, j'ai réussi à faire passer un amendement pour privilégier l'utilisation des logiciels libres dans l'Enseignement supérieur et la Recherche. Encore une fois je considère que c'est parce qu'ils étaient tous en train de dormir, c’était deux heures du matin, ils n'ont pas fait très attention à comment ils levaient la main, et coup de bol, personne n'est revenu là-dessus. Parfois la chance arrive. Par contre j'ai eu moins de chance avec un amendement sur la TVA différenciée, avec les livres avec ou sans DRM, je pense que vous avez dû en entendre parler dans la salle. La chance ne se produit pas toujours. Donc, plusieurs solutions, parce là il faut quand même arriver au concret, c'est comment on fait pour sensibiliser les autres députés. Premièrement ce n'est pas la peine de venir me voir moi, mais d'aller voir les autres, députés et sénateurs, parce que parfois ça avance beaucoup plus au Sénat qu'à l'Assemblée ; c'est comme ça, il faut le savoir. C'est à chacun d'entre nous d'aller frapper à la porte de ses élus et d'expliquer les enjeux, le pourquoi, le comment, le côté sécuritaire et s’ils ne comprennent que l'aspect financier, eh bien tant pis ce n'est pas grave, attaquer par l'aspect financier du libre. D'aller les sensibiliser sur l'affaire Snowden, sur la NSA, sur la surveillance généralisée et les avantages du libre en la matière, peut-être que là ils vont comprendre. C'est à chacun de se bouger et de frapper à la porte des élus.

Ensuite, j'ai un micro dans la main, et puis il y a beaucoup de monde à l'extérieur, mais je peux quand même ne pas vous conseiller de hacker le Parlement, c'est une méthode, ça a pu marcher un petit peu au Parlement européen, juste pour que mes collègues comprennent ce qui se passe quand on se fait piquer toutes ses données et surtout quand on les distribue et qu'on les livre au monde entier. Ça pourrait servir de, comment dire, de déclencheur. Voila !

Je voulais terminer avec deux petits exemples, parce que vous avez parlé de situations d'académies, dans les académies de situations très différentes, sensibilisations différentes, de radicalité. J'ai eu d'autres vies avant d’être députée, j'étais chef de service dans une collectivité où le responsable informatique a décidé de passer tous les services en libre. Ça a duré six mois et ensuite il est revenu à Microsoft. C'est dommage et c'est dommage parce qu'on avait la chance d’avoir un informaticien responsable, un ingénieur territorial qui avait envie de faire avancer le schmilblick, mais il s'est heurté à la réticence de tous les utilisateurs, peut-être manque de formation, mauvaise volonté, enfin vous mettez ce que vous voulez derrière, mais il a dû revenir aux logiciels propriétaires. Peut-être qu'il ne faut pas désespérer. La même chose s'est passée à l'Assemblée. C'est-à-dire que dans nos bureaux, il y a eu la tentative d'installer le logiciel libre, et puis ils sont revenus. Donc aujourd'hui, je n'en ai pas, enfin, dans le bureau de l'Assemblée. Mais peut-être que, là aussi, il y a un problème d'éducation, d’utilisation, de moyenne d'âge j'y reviens, d'habitudes prises depuis longtemps et peut-être que nous pourrions redemander, réinsister pour ce soient des logiciels libres qui soient installés sur les postes des parlementaires et là peut-être qu'ils comprendraient. Il y a quand même des moyens d'action. Je vais essayer de terminer là-dessus et de voir si vous avez des questions, mais sachez tout de même que par rapport aux questions que nous avons posées à tous les ministères, nous les reposerons au bout d'un an. Donc ça arrive vite. Reposer la question pour savoir où ils en sont sur la migration des logiciels. Comme ça, plus ce sera transparent, plus ce sera publié, plus ils se sentiront finalement obligés d'appliquer leurs propre circulaire.