Différences entre les versions de « Google menace nos libertés individuelles Adrienne Charmet Europe 1 »

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'''Maxime Switek :''' Pourquoi ?
 
'''Maxime Switek :''' Pourquoi ?
  
'''Adrienne Charmet :''' Parce que Google est une entreprise qui fait son commerce sur mes données personnelles, sur ma vie privée, donc je ne souhaite continuer à lui servir de fonds de commerce.
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'''Adrienne Charmet :''' Parce que Google est une entreprise qui fait son commerce sur mes données personnelles et sur ma vie privée, donc je ne souhaite pas continuer à lui servir de fonds de commerce.
  
 
'''Maxime Switek :''' Alors pour qu'on s’entende bien, qu'on comprenne bien ce dont on parle, nos données privées, nos données personnelles, qu'est-ce que c'est exactement ?
 
'''Maxime Switek :''' Alors pour qu'on s’entende bien, qu'on comprenne bien ce dont on parle, nos données privées, nos données personnelles, qu'est-ce que c'est exactement ?
  
'''Adrienne Charmet :''' Alors il y a les données personnelles, les informations qu'on peut mettre, c'est tout ce que vous allez écrire sur Internet, tout ce qui concerne vos informations qui peuvent vous identifier, votre nom, votre numéro de téléphone, votre adresse mél. Il y a plein d'autres données personnelles qu'on ne met pas sur Internet, le numéro de sécu, etc. Mais ce que vous allez en général poser sur Internet ça va être tout ce qui permet de vous identifier, votre adresse, etc. Et puis, de plus en plus, ce qu'on fait rentrer dans les données personnelles, c'est votre profil d’internaute : ce que vous achetez, ce que vous allez visiter.
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'''Adrienne Charmet :''' Alors il y a les données personnelles, les informations qu'on peut mettre, c'est tout ce que vous allez écrire sur Internet, tout ce qui concerne vos informations qui peuvent vous identifier : votre nom, votre numéro de téléphone, votre adresse mél. Il y a plein d'autres données personnelles qu'on ne met pas sur Internet, le numéro de sécu, etc. Mais ce que vous allez en général poser sur Internet ça va être tout ce qui permet de vous identifier, votre adresse, etc. Et puis, de plus en plus, ce qu'on fait rentrer dans les données personnelles, c'est votre profil d’internaute : ce que vous achetez, ce que vous allez visiter.
  
 
'''Maxime Switek :''' Nos habitudes.
 
'''Maxime Switek :''' Nos habitudes.
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'''Maxime Switek :''' Et tout ça Google les aspire ?
 
'''Maxime Switek :''' Et tout ça Google les aspire ?
  
'''Adrienne Charmet :''' Google les aspire parce que c'est comme ça qu'il fonctionne. Sa manière de se rémunérer, c'est de vous profiler, de cibler ce que vous aimez, ce que vous voulez, ce que vous désirez, commencer à connaître vos habitudes. Et puis, à partir de ça, il va construire un Internet qui va '''vous''' convenir, enfin selon Google, c'est-à-dire vous proposer des publicités vers ce que vous voulez, vous orienter vers les résultats de recherche que vous voulez.
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'''Adrienne Charmet :''' Google les aspire parce que c'est comme ça qu'il fonctionne. Sa manière de se rémunérer, c'est de vous profiler, de cibler ce que vous aimez, ce que vous voulez, ce que vous désirez. Il commence à connaître vos habitudes, et puis, à partir de ça, il va construire un Internet qui va '''vous''' convenir, enfin selon Google, c'est-à-dire vous proposer des publicités vers ce que vous voulez, vous orienter vers les résultats de recherche que vous voulez.
  
 
'''Maxime Switek :''' J'imagine que vous avez lu la Une de l'Obs cette semaine, « Faut-il avoir peur de Google », vous répondez quoi ?
 
'''Maxime Switek :''' J'imagine que vous avez lu la Une de l'Obs cette semaine, « Faut-il avoir peur de Google », vous répondez quoi ?
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'''Adrienne Charmet :''' Moi je pense que soit on a une saine peur, soit on n'a pas peur. Moi je n'ai pas peur de Google, je sais qu'il faut que je m'en débarrasse et je sais qu'il y a d'autres alternatives qui me respectent mieux et qui respectent mieux ma vie privée. On peut dire qu'on peut en avoir peur dans le sens où ça doit nous faire changer d'habitudes. Mais en réalité on n'a pas besoin d'en avoir peur parce qu'on a tout ce qu'il faut pour pouvoir fonctionner avec des alternatives beaucoup plus respectueuses.
 
'''Adrienne Charmet :''' Moi je pense que soit on a une saine peur, soit on n'a pas peur. Moi je n'ai pas peur de Google, je sais qu'il faut que je m'en débarrasse et je sais qu'il y a d'autres alternatives qui me respectent mieux et qui respectent mieux ma vie privée. On peut dire qu'on peut en avoir peur dans le sens où ça doit nous faire changer d'habitudes. Mais en réalité on n'a pas besoin d'en avoir peur parce qu'on a tout ce qu'il faut pour pouvoir fonctionner avec des alternatives beaucoup plus respectueuses.
  
'''Maxime Switek :''' On va parler des alternatives dans un instant. Mais d'abord est-ce que Google ne fait pas office de bouc-émissaire parce que c'est le plus gros, donc vous le critiquez, vous lui tombez dessus, mais les autres font pareil !
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'''Maxime Switek :''' On va parler des alternatives dans un instant. Mais d'abord est-ce que Google ne fait pas office de bouc émissaire parce que c'est le plus gros, donc vous le critiquez et vous lui tombez dessus, mais les autres font pareil !
  
 
'''Adrienne Charmet :''' Alors on va tomber sur les autres aussi ! Ce n'est pas un problème !
 
'''Adrienne Charmet :''' Alors on va tomber sur les autres aussi ! Ce n'est pas un problème !
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'''Maxime Switek :''' Voilà. On est d'accord.
 
'''Maxime Switek :''' Voilà. On est d'accord.
  
'''Adrienne Charmet :''' Vous pouvez tomber sur Amazon qui fait exactement la même chose et qui vous profile. Alors c'est très agréable d'avoir des suggestions qui vous conviennent, mais Google vous profile exactement de la même façon. Apple est un monde complètement fermé, Microsoft également. Toutes les entreprises qui ont pour principe de faire commerce et de vivre avec vos données, en vous gardant enfermé dans leur monde, sont, par principe, à questionner et, si on peut, à éviter, à remettre en question, d'autant plus qu'on sait depuis les révélations de Snowden qu'elles ont des portes. La NSA, les services secrets américains peuvent brancher directement leurs tuyaux dessus pour aller espionner à peu près tout le monde
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'''Adrienne Charmet :''' Vous pouvez tomber sur Amazon qui fait exactement la même chose et qui vous profile. Alors c'est très agréable d'avoir des suggestions qui vous conviennent, mais Google vous profile exactement de la même façon. Apple est un monde complètement fermé, Microsoft également. Toutes les entreprises qui ont pour principe de faire commerce et de vivre avec vos données, en vous gardant enfermé dans leur monde, sont, par principe, à questionner et, si on peut, à éviter, à remettre en question, d'autant plus qu'on sait, depuis les révélations de Snowden, qu'elles ont des portes. La NSA, les services secrets américains peuvent brancher directement leurs tuyaux dessus pour aller espionner à peu près tout le monde.
  
'''Maxime Switek :''' Est-ce que la première chose ce n'est pas de se méfier de notre propre comportement sur Internet ? En réalité cette question des données personnelles, on va se la poser cinq minutes, on va se demander ce que notre ordinateur envoie comme infos, et puis après on oublie, on surfe ! On ne lit jamais, par exemple, les conditions d'utilisation de Google.
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'''Maxime Switek :''' Est-ce que la première chose à faire ce n'est pas de se méfier de notre propre comportement sur Internet ? En réalité cette question des données personnelles, on va se la poser cinq minutes, on va se demander ce que notre ordinateur envoie comme infos, et puis après on oublie, on surfe ! On ne lit jamais, par exemple, les conditions d'utilisation de Google.
  
 
'''Adrienne Charmet :''' Oui parce qu'elles sont aussi faites pour qu'on ne les lise pas !
 
'''Adrienne Charmet :''' Oui parce qu'elles sont aussi faites pour qu'on ne les lise pas !
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'''Maxime Switek :''' Pas autant !
 
'''Maxime Switek :''' Pas autant !
  
'''Adrienne Charmet :''' Oui, on doit remettre en cause nos propres comportements, en revanche je ne pense pas qu'on puisse dire que c'est toujours la faute de l'internaute. Il y a aussi des pratiques de ces entreprises qui ne sont pas saines, qui font qu'on est resté sur un modèle économique qui part de l'utilisateur et de tout ce qu'on va pouvoir vendre à l'utilisateur, alors qu'il y a probablement d'autres méthodes de se rémunérer qui sont plus respectueuses de son client.
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'''Adrienne Charmet :''' Oui, on doit remettre en cause nos propres comportements. En revanche, je ne pense pas qu'on puisse dire que c'est toujours de la faute de l'internaute. Il y a aussi des pratiques de ces entreprises qui ne sont pas saines ; on est resté sur un modèle économique qui part de l'utilisateur et de tout ce qu'on va pouvoir vendre à l'utilisateur, alors qu'il y a probablement d'autres méthodes de se rémunérer qui sont plus respectueuses de son client.
  
 
'''Maxime Switek :''' Comme quoi ?
 
'''Maxime Switek :''' Comme quoi ?
  
'''Adrienne Charmet :''' Les méthodes pour se rémunérer ? Ca peut être, de plus en plus dans les alternatives, l'internaute comprend qu'il va devoir payer pour avoir accès à un service. S'il veut s'héberger lui-même et ne pas héberger toutes ses données chez Google, il va payer, etc. L'illusion que tout est gratuit est une mauvaise illusion ; c'est le modèle de la publicité classique qui ne peut pas forcément continuer sur Internet.
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'''Adrienne Charmet :''' Les méthodes pour se rémunérer ? Ça peut être, de plus en plus dans les alternatives, l'internaute comprend qu'il va devoir payer pour avoir accès à un service, s'il veut s'héberger lui-même et ne pas héberger toutes ses données chez Google, il va payer, etc. L'illusion que tout est gratuit est une mauvaise illusion ; c'est le modèle de la publicité classique qui ne peut pas forcément continuer sur Internet.
  
'''Maxime Switek :''' Les alternatives ? Vous vous réussissez aujourd'hui à vivre sans Google et, j'allais dire, sans les autres géants américains d'Internet ?
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'''Maxime Switek :''' Les alternatives ? Vous, vous réussissez aujourd'hui à vivre sans Google et, j'allais dire, sans les autres géants américains d'Internet ?
  
 
'''Adrienne Charmet :''' Oui, globalement. Alors il y a tout ce qui concerne le logiciel libre qui prend de multiples formes. C'est beaucoup moins simple que de dire il y a Google ou il y a Apple.
 
'''Adrienne Charmet :''' Oui, globalement. Alors il y a tout ce qui concerne le logiciel libre qui prend de multiples formes. C'est beaucoup moins simple que de dire il y a Google ou il y a Apple.
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'''Maxime Switek :''' C'est ça.
 
'''Maxime Switek :''' C'est ça.
  
'''Adrienne Charmet :''' On est du coup dans une multitude, une myriade de projets.
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'''Adrienne Charmet :''' On est, du coup, dans une multitude, une myriade de projets.
  
 
'''Maxime Switek :''' Il faut être un peu plus formé.
 
'''Maxime Switek :''' Il faut être un peu plus formé.
  
'''Adrienne Charmet :''' Il faut être peut-être plus formé plus informé, aller chercher l’information pour le coup. Si on dit qu'on est responsable, si on se laisse avoir par Google, eh bien on va être responsable si on va chercher des informations. On va avoir, si on passe à côté des logiciels libres, on a toutes des alternatives décentralisables d'à peu près tous les réseaux sociaux. Les moteurs de recherche, également, il y en a qui ne vous pistent pas, qui ne vous traquent pas.
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'''Adrienne Charmet :''' Il faut être, peut-être, plus formé plus informé, aller chercher l’information pour le coup. Si on dit qu'on est responsable, si on se laisse avoir par Google, eh bien on va être responsable si on va chercher des informations. On va avoir, si on passe à côté des logiciels libres, on a toutes des alternatives décentralisables d'à peu près tous les réseaux sociaux. Les moteurs de recherche, également, il y en a qui ne vous pistent pas, qui ne vous traquent pas.
  
 
'''Maxime Switek :''' Mais comment on le sait ça ?
 
'''Maxime Switek :''' Mais comment on le sait ça ?
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'''Adrienne Charmet :''' De la même façon que pour Google, vous avez des conditions d'utilisation qui sont censées respecter votre vie privée.
 
'''Adrienne Charmet :''' De la même façon que pour Google, vous avez des conditions d'utilisation qui sont censées respecter votre vie privée.
  
'''Maxime Switek :''' Google fait des efforts. On vient de Google, le droit à l'oubli par exemple. On peut demander aujourd'hui à retirer à certaines pages d'Internet qui nous gênent.
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'''Maxime Switek :''' Google fait des efforts. On revient à Google, le droit à l'oubli par exemple. On peut demander aujourd'hui à retirer certaines pages d'Internet qui nous gênent.
  
'''Adrienne Charmet :''' Oui. Ça pose d'autres problèmes, avec un Google à 90 % de parts de marché, ça veut dire que sans jugement, sans intervention judiciaire et sans aucun contre-pouvoir, c'est Google qui décide de ce qui doit apparaître ou pas sur Internet et ce qui reste ou pas dans la mémoire humaine. C'est probablement une grosse erreur de la justice européenne d'avoir demandé aux moteurs de recherche de faire ça. On a maintenant un Google juge de la mémoire.
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'''Adrienne Charmet :''' Oui. Ça pose d'autres problèmes, avec un Google à 90 % de parts de marché, ça veut dire que, sans jugement, sans intervention judiciaire et sans aucun contre-pouvoir, c'est Google qui décide de ce qui doit apparaître ou pas sur Internet et ce qui reste ou pas dans la mémoire humaine. C'est probablement une grosse erreur de la justice européenne d'avoir demandé aux moteurs de recherche de faire ça. On a maintenant un Google juge de la mémoire.
  
 
'''Maxime Switek :''' Et l'Europe qui met du temps aussi. On sait que la loi, le texte européen sur les données personnelles ne sera prêt qu'à la fin de l'année prochaine, fin 2015. Merci Beaucoup Adrienne Charmet. Merci à vous. Je rappelle que vous êtes porte-parole de la Quadrature du Net. Merci d’être venue en direct ce matin sur Europe 1.
 
'''Maxime Switek :''' Et l'Europe qui met du temps aussi. On sait que la loi, le texte européen sur les données personnelles ne sera prêt qu'à la fin de l'année prochaine, fin 2015. Merci Beaucoup Adrienne Charmet. Merci à vous. Je rappelle que vous êtes porte-parole de la Quadrature du Net. Merci d’être venue en direct ce matin sur Europe 1.
  
 
'''Adrienne Charmet :''' Merci.
 
'''Adrienne Charmet :''' Merci.

Version du 19 décembre 2014 à 14:11

Titre : Google est-il une menace pour nos libertés individuelles ?

Intervenant : Adrienne Charmet - Maxime Switek

Date : Décembre 2014

Lieu : Europe 1 - Émission "La question qui fâche"

Durée : 5 min

Lien vers la vidéo : [1]


00' Transcrit MO

Europe 1

Voix féminine : Google mis au banc des accusés. Six pays européens ont lancé des enquêtes et ont décidé d'aller fouiller dans les pratiques du géant américain. Nos données personnelles sont-elles bien protégées ? Google menace t-il notre vie privée ? C'est la question qui fâche sur Europe 1 ce matin.

Maxime Switek : Et pour y répondre, Adrienne Charmet est avec nous en studio. Bonjour.

Adrienne Charmet : Bonjour.

Maxime Switek : Vous êtes la porte-parole de la Quadrature du Net qui est une association de défense des droits des citoyens sur Internet. Vous utilisez Google vous ?

Adrienne Charmet : Le moins possible et quasiment plus jamais.

Maxime Switek : Pourquoi ?

Adrienne Charmet : Parce que Google est une entreprise qui fait son commerce sur mes données personnelles et sur ma vie privée, donc je ne souhaite pas continuer à lui servir de fonds de commerce.

Maxime Switek : Alors pour qu'on s’entende bien, qu'on comprenne bien ce dont on parle, nos données privées, nos données personnelles, qu'est-ce que c'est exactement ?

Adrienne Charmet : Alors il y a les données personnelles, les informations qu'on peut mettre, c'est tout ce que vous allez écrire sur Internet, tout ce qui concerne vos informations qui peuvent vous identifier : votre nom, votre numéro de téléphone, votre adresse mél. Il y a plein d'autres données personnelles qu'on ne met pas sur Internet, le numéro de sécu, etc. Mais ce que vous allez en général poser sur Internet ça va être tout ce qui permet de vous identifier, votre adresse, etc. Et puis, de plus en plus, ce qu'on fait rentrer dans les données personnelles, c'est votre profil d’internaute : ce que vous achetez, ce que vous allez visiter.

Maxime Switek : Nos habitudes.

Adrienne Charmet : Voilà, vos habitudes de visites de pages Internet, d’achats, d’intérêts, tout ce qui fait toute votre vie en ligne, en fait.

Maxime Switek : Et tout ça Google les aspire ?

Adrienne Charmet : Google les aspire parce que c'est comme ça qu'il fonctionne. Sa manière de se rémunérer, c'est de vous profiler, de cibler ce que vous aimez, ce que vous voulez, ce que vous désirez. Il commence à connaître vos habitudes, et puis, à partir de ça, il va construire un Internet qui va vous convenir, enfin selon Google, c'est-à-dire vous proposer des publicités vers ce que vous voulez, vous orienter vers les résultats de recherche que vous voulez.

Maxime Switek : J'imagine que vous avez lu la Une de l'Obs cette semaine, « Faut-il avoir peur de Google », vous répondez quoi ?

Adrienne Charmet : Moi je pense que soit on a une saine peur, soit on n'a pas peur. Moi je n'ai pas peur de Google, je sais qu'il faut que je m'en débarrasse et je sais qu'il y a d'autres alternatives qui me respectent mieux et qui respectent mieux ma vie privée. On peut dire qu'on peut en avoir peur dans le sens où ça doit nous faire changer d'habitudes. Mais en réalité on n'a pas besoin d'en avoir peur parce qu'on a tout ce qu'il faut pour pouvoir fonctionner avec des alternatives beaucoup plus respectueuses.

Maxime Switek : On va parler des alternatives dans un instant. Mais d'abord est-ce que Google ne fait pas office de bouc émissaire parce que c'est le plus gros, donc vous le critiquez et vous lui tombez dessus, mais les autres font pareil !

Adrienne Charmet : Alors on va tomber sur les autres aussi ! Ce n'est pas un problème !

Maxime Switek : Voilà. On est d'accord.

Adrienne Charmet : Vous pouvez tomber sur Amazon qui fait exactement la même chose et qui vous profile. Alors c'est très agréable d'avoir des suggestions qui vous conviennent, mais Google vous profile exactement de la même façon. Apple est un monde complètement fermé, Microsoft également. Toutes les entreprises qui ont pour principe de faire commerce et de vivre avec vos données, en vous gardant enfermé dans leur monde, sont, par principe, à questionner et, si on peut, à éviter, à remettre en question, d'autant plus qu'on sait, depuis les révélations de Snowden, qu'elles ont des portes. La NSA, les services secrets américains peuvent brancher directement leurs tuyaux dessus pour aller espionner à peu près tout le monde.

Maxime Switek : Est-ce que la première chose à faire ce n'est pas de se méfier de notre propre comportement sur Internet ? En réalité cette question des données personnelles, on va se la poser cinq minutes, on va se demander ce que notre ordinateur envoie comme infos, et puis après on oublie, on surfe ! On ne lit jamais, par exemple, les conditions d'utilisation de Google.

Adrienne Charmet : Oui parce qu'elles sont aussi faites pour qu'on ne les lise pas !

Maxime Switek : Oh, c’est un simple clic. Je suis allé vérifier ce matin !

Adrienne Charmet : Tout à fait et derrière ce sont quarante cinq pages de contrat !

Maxime Switek : Pas autant !

Adrienne Charmet : Oui, on doit remettre en cause nos propres comportements. En revanche, je ne pense pas qu'on puisse dire que c'est toujours de la faute de l'internaute. Il y a aussi des pratiques de ces entreprises qui ne sont pas saines ; on est resté sur un modèle économique qui part de l'utilisateur et de tout ce qu'on va pouvoir vendre à l'utilisateur, alors qu'il y a probablement d'autres méthodes de se rémunérer qui sont plus respectueuses de son client.

Maxime Switek : Comme quoi ?

Adrienne Charmet : Les méthodes pour se rémunérer ? Ça peut être, de plus en plus dans les alternatives, l'internaute comprend qu'il va devoir payer pour avoir accès à un service, s'il veut s'héberger lui-même et ne pas héberger toutes ses données chez Google, il va payer, etc. L'illusion que tout est gratuit est une mauvaise illusion ; c'est le modèle de la publicité classique qui ne peut pas forcément continuer sur Internet.

Maxime Switek : Les alternatives ? Vous, vous réussissez aujourd'hui à vivre sans Google et, j'allais dire, sans les autres géants américains d'Internet ?

Adrienne Charmet : Oui, globalement. Alors il y a tout ce qui concerne le logiciel libre qui prend de multiples formes. C'est beaucoup moins simple que de dire il y a Google ou il y a Apple.

Maxime Switek : C'est ça.

Adrienne Charmet : On est, du coup, dans une multitude, une myriade de projets.

Maxime Switek : Il faut être un peu plus formé.

Adrienne Charmet : Il faut être, peut-être, plus formé plus informé, aller chercher l’information pour le coup. Si on dit qu'on est responsable, si on se laisse avoir par Google, eh bien on va être responsable si on va chercher des informations. On va avoir, si on passe à côté des logiciels libres, on a toutes des alternatives décentralisables d'à peu près tous les réseaux sociaux. Les moteurs de recherche, également, il y en a qui ne vous pistent pas, qui ne vous traquent pas.

Maxime Switek : Mais comment on le sait ça ?

Adrienne Charmet : Qu'ils ne vous pistent pas ?

Maxime Switek : Eh bien oui. C'est écrit dessus ?

Adrienne Charmet : De la même façon que pour Google, vous avez des conditions d'utilisation qui sont censées respecter votre vie privée.

Maxime Switek : Google fait des efforts. On revient à Google, le droit à l'oubli par exemple. On peut demander aujourd'hui à retirer certaines pages d'Internet qui nous gênent.

Adrienne Charmet : Oui. Ça pose d'autres problèmes, avec un Google à 90 % de parts de marché, ça veut dire que, sans jugement, sans intervention judiciaire et sans aucun contre-pouvoir, c'est Google qui décide de ce qui doit apparaître ou pas sur Internet et ce qui reste ou pas dans la mémoire humaine. C'est probablement une grosse erreur de la justice européenne d'avoir demandé aux moteurs de recherche de faire ça. On a maintenant un Google juge de la mémoire.

Maxime Switek : Et l'Europe qui met du temps aussi. On sait que la loi, le texte européen sur les données personnelles ne sera prêt qu'à la fin de l'année prochaine, fin 2015. Merci Beaucoup Adrienne Charmet. Merci à vous. Je rappelle que vous êtes porte-parole de la Quadrature du Net. Merci d’être venue en direct ce matin sur Europe 1.

Adrienne Charmet : Merci.