Frugalité numérique - RGÉSN - Richard - DINUM

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Titre : Frugalité Numérique (RGÉSN)

Intervenant : Richard Hanna

Lieu : Montpellier - Congrès ADULLACT 2022

Date : 16 juin 2022

Durée : 55 min 34

Vidéo

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration : À prévoir

NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Transcription

Pour commencer la journée on va parler un peu de questions environnementales, de questions sociales aussi.
Je suis effectivement chargé de mission interministérielle numérique écoresponsable à la Dinum.
Avant de parler de la mission et de ce qu’on fait, remettre un peu de contexte.

Nous vivons aujourd’hui la grande accélération, c’est un concept qui est rattaché à l’anthropocène, c'est-à-dire l’ère de l’homme. Les activités humaines ont des actions sur la géologie de la Terre, notamment le réchauffement climatique, l’effondrement de la biodiversité. La grande accélération c’est ce concept, on va dire depuis maintenant un siècle, voire un peu plus, selon différents indicateurs – désolé, on ne voit pas la légende. Grosso modo c’est la richesse humaine, le bien-être, la santé, la production de biens matériels, le nombre d’habitants, etc., qui est en augmentation exponentielle. L’anthropocène aujourd’hui c’est un peu ça en fait. L’être humain a vraiment colonisé et aussi le ciel. Ça donne des photos assez impressionnantes comme cette autoroute aux États-Unis ou ce ciel et encore, c’est une capture que j’ai prise pendant la crise Covid, donc il y a beaucoup moins d’avions qu’en temps normal.

Sauf que désolé, la fête est finie. Pas celle de l’ADULLACT, globalement la fête mondiale est finie. Pour certains elle n’a jamais vraiment commencé. Quand je dis que la fête est finie c’est pour nous, Occidentaux, personnes vivant dans des pays riches parce que, bien évidemment, 80/90 % des êtres humains sur cette Terre n’ont jamais connu cette fête-là. On parle bien des 20 %, 10 % les plus riches donc nous, désolé ! Donc la fête est finie puisque là on est en train d’atteindre, voire de dépasser les limites planétaires. Comme je l’ai dit tout à l’heure, les limites planétaires c’est la biodiversité, le changement climatique et aussi les crises liées à l’eau, crises hydriques que vous connaissez beaucoup, surtout ici dans le sud de la France.

Les impacts environnementaux des activités numériques

Maintenant, faisons un petit focus sur le numérique, notre sujet. Je vais vous faire un peu jouer pour vous garder en éveil. Ne sortez pas de téléphone, on ne va se brancher sur un quiz, on va juste jouer comme ça.
Selon vous, les impacts environnementaux du numérique c’est d’abord :
1. La consommation d’énergie des équipements ?
2. La fabrication des équipements ?
3. À cause des mails rigolos, comme on l’a entendu dernièrement ?
4. À cause du collègue accroc à Netflix ?

Selon vous ? 2, c’était effectivement facile. C’est surtout la fabrication des équipements.

Je vous propose de mettre vos casques virtuels, non ? Personne. Le petit jeu c’est de trouver une femme dans cette photo.

Concernant les impacts environnementaux du numérique, tout démarre dans une mine. Ce n’est pas une particularité du numérique, si vous regardez autour de vous il y a du métal, il y a des matériaux issus du sol partout. La particularité du numérique c’est qu’on a besoin de beaucoup de diversité en termes de matière. D’habitude je mets aussi la capture du tableau de Mendeleïev avec tous les composés par exemple d’un smartphone, c’est assez impressionnant.
Là c’est un artiste qui s’appelle Dillon Marsh, qui a voulu représenter l’extraction d’une quantité de cuivre, ça donne cette boule-là en image de synthèse, versus tout ce qu’on a excavé du sol. Pour vous donner un ordre d’idée : pour un gramme d’or extrait du sol, on a besoin d’excaver, de traiter avec des produits chimiques une tonne de matériaux du sol. Ça fait un ratio de 1 gramme/1 tonne.
L’extraction minière repose aussi sur des logiques encore très coloniales, notamment en Afrique, en Asie, etc., notamment pour le cobalt. Selon l’UNICEF ce sont 30 à 40 mille qui sont esclavasigés en République démocratique du Congo via des milices locales, mais bien sûr, derrière, il y a une demande de la part des multinationales et de notre part, nous consommateurs, ça tourne toujours.
On en va pas pouvoir explorer tous ces sujets. Je vous invite à regarder, si ça vous intéresse, le rapport qui s’appelle Controverses minières de l’association SystExt, Systèmes extractifs et Environnements, qui est vraiment très intéressant là-dessus, qui combine un ensemble d’études scientifiques sur le sujet.

Et puis en fin de vie de nos équipements, même si en France nous sommes plus ou moins exemplaires, environ des D3E donc les déchets d'équipements électriques et électroniques sont traités, sont recyclés, valorisés, etc., en France. Globalement, surtout de la part des Occidentaux, les déchets des équipements électroniques partent souvent en Afrique ou en Asie pour être traités sans règles environnementales ni sanitaires. Ça donne des problèmes environnementaux et sanitaires sur les gens sur place assez conséquents. Là, pareil, je renvoie à un clip de Placebo juste pour voir ce que ça donne sur place et c’est assez impressionnant.

C’est surtout la fabrication des équipements qui produit les impacts environnementaux, mais les impacts environnementaux c’est quoi ?
Souvent on ne parle que de l’électricité. Si on regarde plusieurs indicateurs, on a effectivement la consommation d’énergie. On a aussi besoin d’énergie pour fabriquer. On a les émissions de gaz à effet de serre, on a la consommation de ressources, on a de la consommation d’eau. Comme on peut le voir globalement sur toutes les activités numériques et selon plusieurs indicateurs, c’est effectivement surtout la fabrication qui concentre la majorité des impacts environnementaux.

Maintenant, en termes de distribution entre pôles, c’est-à-dire entre distribution équipements utilisateur, réseaux et datacenters, ce sont surtout les équipements utilisateur qui concentrent la majorité des impacts environnementaux, pour deux raisons assez simples : les équipements utilisateurs sont beaucoup plus nombreux que les équipements réseau ou datacenters et leur renouvellement est vraiment très accéléré et, surtout, la durée de vie est très basse.

Quelle voie prendre ? Est-ce qu’on prend la voie la voie technosolutionniste. Le technosolutionnisme c’est « on n’arrête pas le progrès, la technologie va guérir tous les maux, la technologie va même pouvoir régler le changement climatique. »
De l’autre côté, est-ce qu’on prend la voie technophobe ? La technophobie aussi subie : on a aujourd’hui une technophobie qui est aussi liée à l’exclusion numérique. Par exemple, mes parents ne peuvent pas faire une démarche en ligne, c’est moi qui fais les démarches de la Caf, etc. Aujourd’hui, en France, on considère, je n’ai plus les chiffres en tête, mais ça doit être autour de 15 % d’illectronisme, le nombre de Français illettrés de la technologie, donc illectronisme. Et puis il y a de la technophobie qui, je trouve, prend de l’ampleur, qui est assez extrême, limite, ce sont des attentats terroristes avec des attaques d’infrastructures, on l’a vu dernièrement dans l’actualité, avec la coupure de câbles ou on brûle des antennes 5 G, avec parfois du complotisme, etc.

Il y a, en fait, une voie du milieu entre ces deux voies, c’est la voie wise tech entre low-tech et high-tech, ce serait une technologie qui est appropriée, raisonnée, choisie et non subie. J’imagine que ça vous parle. Un numérique simple, sobre, démocratique, maîtrisé et réparable. C’est un numérique accessible aux personnes en situation de handicap, sans biais de genre de race ou de religion – on pense notamment à l’intelligence artificielle – et, bien sûr, au service de l’intérêt général.

Mais avons-nous seulement le choix entre une technologie low-tech ou high-tech ? Est-ce que la sobriété numérique sera choisie ou simplement subie ? Comme je l‘ai dit en introduction nous sommes confrontés aujourd’hui à un monde aux ressources finies, confrontés aux crises et c’est drôle parce que c’est grâce à un modèle informatique qui s’appelle World3, qui a été créé par le couple Meadows en 1972, ça date de très longtemps, en tenant compte de différents indicateurs de ressources, de population, etc., ils prédisaient justement qu’on allait subir la fin de la croissance telle qu’on la connaissait et se confronter à un mur que ça soit environnemental mais aussi en termes d’accès aux ressources.

Pourquoi je vous parle ça ? Parce que le numérique n’y échappe pas. Pour l’instant, il y a pas mal de conjonctures, etc., mais le numérique n’y échappe pas en termes d’approvisionnement, on connaît la pénurie des microprocesseurs, etc., en termes de cybersécurité, en termes d’interdépendance et de souveraineté. En France nous ne sommes pas du tout souverains, d’ailleurs, vous le savez, très peu de pays le sont. C’est pour cela que j’ai préféré parler d’interdépendance en premier, c’est que, finalement, aujourd’hui on vit dans un monde globalisé où chacun dépend de l’autre. Même la Chine, typiquement, est très forte sur les aspects matériels, production des équipements, mais dépend beaucoup de logiciels venus par exemple des États-Unis. Elle essaye de sortir de ça, mais il y a beaucoup d’interdépendance.

Et nous sommes confrontés aussi à la transition énergétique, transition écologique/transition énergétique parce que le numérique, comme je vous l’ai dit, consomme aussi de l’énergie alors qu’on est à l’heure où on doit baisser nos consommations d’énergie et aller vers une forme de sobriété, en fait la part du numérique augmente.

Juste pour parler aussi d’approvisionnement, je n’en ai pas parlé, il y a un problème d’approvisionnement. Vous avez notamment cet exemple des microprocesseurs qui se heurte aussi au changement climatique puisque, pour être produits, les microprocesseurs ont besoin de beaucoup d’eau. Il y avait une crise hydrique à Taïwan, je pense qu’elle perdure, donc une grosse usine de fabrication des microprocesseurs, c’est d’ailleurs une des plus grosses, je n’ai pas exactement les chiffres en tête, mais la majorité des composants vient de cette usine à Taïwan, c’est vous dire la dépendance que le monde a de cette usine. Une grave crise hydrique a perduré à cause des sécheresses, etc. Le gouvernement taïwanais devait faire un choix entre laisser l’usine récupérer l’eau ou laisser l’eau pour les habitants. Devinez quel choix a été fait ? L’usine, effectivement, donc les gens ont manqué d’eau, pour combien de temps encore, jusqu’à ce que la population se soulève ? La question se pose, plus les questions géopolitiques entre Taïwan et la Chine, en ce moment c’est très tendu.
Donc autant vous dire, conservez bien vos ordinateurs, on ne sait pas combien de temps on a.

Comment lutter contre le gaspillage numérique ?

Je vous fais à nouveau jouer : est-ce qu’il faut interdire
1. Les forfaits internet illimités ? On a entendu des propositions en ce sens.
2. Héberger des services numériques chez un hébergeur neutre en carbone ?
3. Réduire le nombre d’équipements, leur taille d’écran, allonger leur durée de vie, chasser les sources d’obsolescence et refuser les usages inutiles ?
4. Arrêter de faire du numérique et partir élever des chèvres dans le Larzac ?

Il y a beaucoup de 4, mais je parle de numérique !

Bertrand Lemaire : Il faut savoir que les chèvres c’est un désastre en termes d’environnement, il ne faut pas l’oublier.

Richard Hanna : J’allais le dire, effectivement. C’est votre choix de partir dans le Larzac, mais pas sûr qu’en termes d’empreinte environnementale ce soit très bon. J’imagine que tout le monde avait la bonne réponse c’est bien la 3 : réduire le nombre d’équipements, taille d’écran, chasser les sources d’obsolescence.

Je n’en ai pas parlé je ne sais pas si c’est bien visible, c’est le très bon exemple de greenwashing avec des écrans allumés dans le métro parisien qui vous demandent de bien éteindre la lumière quand vous sortez de chez vous alors que cet écran a demandé quantité d’énergie pour être produit, quantité des ressources pour être produit avec des enfants qui ont creusé le sol pour récupérer du cobalt pour produire ces écrans qui sont allumés 24 heures sur 24 et c’est à vous de faire pipi sous la douche et d’éteindre la lumière en sortant de la pièce.

La mission interministérielle numérique écoresponsable

Juste rapidement pour ne pas vous assommer, pour parler un peu de ce qu’on fait à la mission interministérielle.
Avant de parler des documents, en fait on accompagne d’abord les ministères sur un plan d’action pour réduire leur empreinte environnementale du numérique sur tous les sujets en fait :sur l’achat, le réemploi, le don entre administrations et aussi vers des associations, vers des collectivités. Et sur des sujets comme l’écoconception des services numériques, mais on y viendra.
La deuxième partie du travail c’est de documenter toute cette démarche-là parce que, aujourd’hui, il y a pas mal de documentation mais assez pléthorique, parfois exotique. On a voulu rassembler tous les acteurs et produire les documents un peu de référence.

Comme on l’a dit c’est la production des équipements qui a la plus grande conséquence. On a travaillé d’abord sur les achats à la fois d’équipement mais aussi sur les prestations intellectuelles, sur les logiciels. Ça a donné ce Guide pratique pour des achats numériques responsables qu’on a produit notamment avec l’Institut du numérique du responsable, mais surtout avec la DAE, la Direction des Achats de l’État et avec beaucoup de contributeurs et contributrices.

Le Référentiel général d’écoconception de services numériques, j’y reviendrai plus largement, accompagné d’une Boîte à outils de logiciels libres et open source. On n’a rien développé, en fait on a juste référencé des outils qui, pour nous, étaient conformes par rapport à ce qu’on a compris du sujet, par rapport aux indicateurs, etc.
Il y a parfois des outils comme Lighthouse, plutôt liés à la performance, des outils sur le cloud, des outils permettant de mesurer l’empreinte d’un parc informatique, etc.
On a référencé tout ça, on a tagué un peu tous ces outils-là et surtout on ne voulait que des logiciels libres et open source et je pense qu’on est d’accord là-dessus.

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