Différences entre les versions de « Fiche C-10 du rapport Lescure : L'exception pédagogique appliquée aux usages numériques »

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Version du 3 août 2013 à 16:14

Dans le cadre de leurs activités d’enseignement et de recherche, les écoles et établissements d’enseignement ou de recherche sont conduits à utiliser des œuvres protégées telles que des livres, des articles de presse, des images, des œuvres musicales ou audiovisuelles. Le développement des outils numériques facilite en théorie l’accès à ces ressources documentaires. De nouveaux usages émergent, dont les établissements d'enseignement et de recherche souhaitent pouvoir tirer parti dans le cadre de leurs missions ; ils soulèvent cependant des craintes chez certains titulaires de droits, qui redoutent une dissémination incontrôlée de leurs œuvres. L’intérêt pédagogique que revêt l’utilisation des ressources numériques doit être concilié avec la protection de la création littéraire et artistique et des intérêts légitimes des créateurs.

L’UTILISATION DES RESSOURCES NUMÉRIQUES DANS L’ENSEIGNEMENT ET LA RECHERCHE, UN ENJEU CRUCIAL POUR L’ÉCOLE ET POUR LA CULTURE

Des liens très étroits unissent l’enseignement et la recherche, d’une part, et la création artistique et culturelle, d’autre part. L’utilisation des œuvres de l’esprit est indispensable à la diffusion du savoir ; réciproquement, la diffusion des connaissances est nécessaire à la vitalité de la création. La question de l’exception pédagogique et de son adaptation aux nouvelles pratiques pédagogiques est donc un enjeu de politique nationale, tant pour l’école que pour la culture.

UN CADRE JURIDIQUE INADAPTÉ A DE NOUVELLES???? PRATIQUES PÉDAGOGIQUES

Prescripteurs de culture, les enseignants jouent un rôle fondamental en matière de sensibilisation à la création culturelle et artistique, mais aussi d’éducation aux médias. Cependant, ils rencontrent aujourd’hui de réelles difficultés à concilier le recours aux outils numériques et le respect du cadre juridique. L’exception légale pédagogique, reposant sur des accords sectoriels complexes, prête en effet à confusion. L’enchevêtrement de dispositions spécifiques conduit les enseignants désireux de tirer parti des opportunités pédagogiques offertes par le numérique à se situer, souvent, aux marges du droit de la propriété littéraire et artistique, à laquelle ils sont censés sensibiliser les élèves.

Afin d’étudier des œuvres, d’illustrer des cours et de promouvoir une pédagogie interactive, enseignants comme élèves ont de plus en plus régulièrement recours aux technologies de l’information et de la communication pour reproduire et diffuser des contenus culturels. Le numérique permet le développement d’un enseignement « virtuel » qui remet peu à peu en cause ces frontières : le e-learning, les MOOCs (Massive Online Open Course) ou les tutoriels en ligne (sur YouTube notamment) illustrent cette modification progressive des pratiques pédagogiques. Les enseignants sont ainsi confrontés à de nouveaux besoins : pointer vers une ressource sans l’embarquer, partager et travailler des contenus vidéos, assembler des contenus collectés, etc. Il devient de plus en plus difficile d’inscrire ces usages dans le cadre fixé par l’exception légale et les accords sectoriels.

Ces nouvelles pratiques pédagogiques, qui contribuent à faire connaître les auteurs et leurs œuvres, présentent pour les créateurs un intérêt certain. Pour autant, elles ne sauraient conduire à priver l’auteur, de manière générale et inconditionnelle, de son droit fondamental d’autoriser la diffusion et la reproduction de ses œuvres.

UN ENJEU DE POLITIQUE NATIONALE

En décembre 2007, le rapport sur «l'éducation artistique et culturelle : un enjeu reformulé, une responsabilité devenue commune » [1] remis par Eric Gros aux ministres de la culture et de la communication et de l’éducation nationale insistait sur l’importance d’une mise en œuvre effective de l’exception pédagogique, afin de permettre le développement de l'offre de ressources numériques, notamment à travers l'usage pédagogique d'extraits d'œuvres protégées par le droit d'auteur.

En février 2012, dans son rapport parlementaire intitulé «Apprendre autrement à l’ère numérique. Se former, collaborer, innover : Un nouveau modèle éducatif pour une égalité des chances » [2], le député Jean-Michel FOURGOUS soulignait que les rigidités de la propriété intellectuelle constituaient des freins au développement des nouvelles technologies dans l’école. A cet égard, il proposait la création d’ « un Educ-Pass numérique, soit une exception pédagogique au droit d’auteur pour la ressource numérique »[3]. Cette proposition était déclinée en trois mesures :

  • promouvoir la collaboration entre les universités et le réseau SCEREN[4] pour créer des ressources libres ;
  • créer en urgence, dans le système juridique du droit d’auteur, une exception pédagogique facilitatrice et durable ;
  • faciliter la création de ressources produites par les enseignants sous licence libre Creative Commons[5].

Enfin, dans sa feuille de route dévoilée lors du séminaire sur le numérique de février 2013[6], le Gouvernement souligne sa volonté de « faire du numérique une chance pour la jeunesse ». En ce qui concerne l’école, la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’École, devra contribuer à la « généralisation des usages du numérique de l’école au lycée. Avec cette loi, le numérique fera pleinement partie du “droit à l’éducation” et le Gouvernement fournira dès la rentrée 2013 de nouveaux outils, contenus et services pédagogiques à destination des enseignants, élèves et parents ». S’agissant de l’université, le projet “France Universités Numériques”, lancé avant l’été, permettra de rendre disponible en ligne une offre ambitieuse de formation et de faire évoluer la pédagogie grâce aux outils numériques. « L’objectif est qu’en 2017 un diplôme national à distance puisse être obtenu dans toutes les disciplines qui le permettent et que 20 % de l’offre de formation soit disponible sous forme numérique ».

UN DROIT POSITIF COMPLEXE, QUI MULTIPLIE LES EXCEPTIONS À L’EXCEPTION

L’exception pédagogique est définie à l’article L. 122-5 3° e) du code de la propriété intellectuelle. Deux accords sectoriels sont venus préciser les conditions de mise en œuvre de cette exception pédagogique, d’une part, et autoriser certains usages qui excèdent le champ de cette exception, d’autre part. Une lecture combinée de l’exception pédagogique et des deux accords sectoriels s’avère ainsi nécessaire pour cerner avec précision les usages collectifs d’œuvres protégées autorisés au sein des établissements d’enseignement et de recherche.

L’EXCEPTION PEDAGOGIQUE LÉGALE

La directive n°2001/29/CE du 22 mai 2001 comporte plusieurs dispositions qui autorisent les Etats membres à instaurer des limitations ou des exceptions aux droits exclusifs au bénéfice de l'enseignement supérieur et de la recherche. Transposée par la loi du 1er août 2006 relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information, et applicable depuis 2009, l’exception française est plus limitative (cf. encadré).


L’exception pédagogique en droit de l’Union européenne et en droit français

La directive n°2001-29 du 22 mai 2001 relative à l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information :

  • L’article 5-2 c) permet de déroger au droit de reproduction « lorsqu'il s'agit d'actes de reproduction spécifiques effectués par des bibliothèques accessibles au public, des établissements d'enseignement ou des musées ou par des archives, qui ne recherchent aucun avantage commercial ou économique direct ou indirect ».
  • L’article 5-3a) permet de déroger aux droit de reproduction et de communication « lorsqu'il s'agit d'une utilisation à des fins exclusives d'illustration dans le cadre de l'enseignement ou de la recherche scientifique, sous réserve d'indiquer, à moins que cela ne s'avère impossible, la source, y compris le nom de l'auteur, dans la mesure justifiée par le but non commercial poursuivi ».
    L’article 5-3 n) permet également de déroger aux mêmes droits « lorsqu'il s'agit de l'utilisation, par communication ou mise à disposition, à des fins de recherches ou d'études privées, au moyen de terminaux spécialisés, à des particuliers dans les locaux des établissements visés au paragraphe 2, point c), d'œuvres et autres objets protégés faisant partie de leur collection qui ne sont pas soumis à des conditions en matière d'achat ou de licence. »
  • L’article L. 122-5 3° du code de la propriété intellectuelle : « e) lorsque l’œuvre a été divulguée, l’auteur ne peut interdire (...) la représentation ou la reproduction d'extraits d'œuvres, sous réserve des œuvres conçues à des fins pédagogiques, des partitions demusique et des œuvres réalisées pour une édition numérique de l'écrit, à des fins exclusives d'illustration dans le cadre de l'enseignement et de la recherche, à l'exclusion de toute activité ludique ou récréative, dès lors que le public auquel cette représentation ou cette reproduction est destinée est composé majoritairement d'élèves, d'étudiants, d'enseignants ou de chercheurs directement concernés, que l'utilisation de cette représentation ou cette reproduction ne donne lieu à aucune exploitation commerciale et qu'elle est compensée par une rémunération négociée sur une base forfaitaire sans préjudice de la cession du droit de reproduction par reprographie mentionnée à l'article L.122-10 ».


L’exception pédagogique déroge aux droits de reproduction et de représentation. Pour les actes de reproduction, seules les reproductions numériques ou manuscrites sont concernées puisque la photocopie est soumise aux prescriptions de l’article L. 122-10 du CPI et fait l’objet d’accords spécifiques.

L’exception ne vise que les extraits d’œuvres. Cette restriction exclut les œuvres relevant des arts visuels (photographies, dessins, illustrations) dont l’exploitation sous forme d’extraits ne se conçoit pas. Les accords sectoriels sont venus préciser les contours de la notion d’extrait pour chaque catégorie d’œuvres protégées.

Par ailleurs, la loi exclut expressément du champ de l’exception certaines catégories d’œuvres, à savoir les œuvres conçues à des fins pédagogiques[7], les partitions de musiques et les œuvres réalisées pour une édition numérique de l’écrit (ORENE)[8]. Ces exclusions sont justifiées par les spécificités de ces œuvres, soit qu’elles soient par nature fragiles car destinées à un public restreint (œuvres conçues à des fins pédagogiques, partitions de musique), soit que leur caractère émergent ou innovant nécessite de protéger les éditeurs pour les inciter à investir (ORENE).

En outre, l’extrait doit être utilisé à des fins exclusives d’illustration, c’est-à-dire pour éclairer ou étayer une discussion, un développement ou une argumentation formant la matière principale du cours des enseignants, des travaux pédagogiques des élèves et des étudiants ou des travaux de recherche. Ainsi, la réalisation de compilations d’extraits de publications, notamment en vue d’une mise en ligne sur les sites intranet/extranet d’établissements, est exclue si elle ne s’accompagne d’aucune mise en perspective pédagogique ; d’une manière plus générale, la constitution de bases de données d’œuvres ou d’extraits d’œuvres n’est pas autorisée.

La loi prend également soin de préciser que l’exception est paralysée lorsque l’extrait d’œuvre est utilisé à des fins ludiques ou récréatives. Or, la frontière entre activités pédagogiques et activités ludiques ou récréatives est de plus en plus difficile à tracer. En principe, les jeux sérieux (« serious games ») peuvent prétendre au bénéfice de l’exception, mais l’appréciation de leur finalité éducative ou didactique peut soulever des incertitudes.

L’exception pédagogique s’applique, en droit, aussi bien à l’enseignement en classe (ou « présentiel » ) qu’à l’enseignement à distance ou en ligne. Cependant, l’usage de l’extrait doit impérativement être destiné à un public composé « majoritairement » d’élèves, d’étudiants, d’enseignants ou de chercheurs « directement concernés ». Cette dernière précision exclut toute diffusion sur Internet, dans la mesure où le cercle visé dépasserait celui des seuls élèves et chercheurs. La mise à disposition sur l’intranet ou l’extranet d’un établissement est en revanche possible lorsqu’elle est limitée aux élèves, étudiants, enseignants ou chercheurs qui sont inscrits dans cet établissement et qui sont intéressés par ces travaux.

Enfin et surtout, pour tenir compte des conséquences économiques de l’exception, la loi prévoit qu’elle est compensée par une rémunération[9]. Distincte de celle qui est versée par ailleurs au titre du droit de photocopie, elle est calculée de manière forfaitaire, en l’absence de base de calcul permettant une rémunération proportionnelle. Elle est négociée entre les ministères concernés et les ayants droit, et prévue dans les accords sectoriels précités. Faute d’accord prévoyant une rémunération (soit que l’établissement relève d’un ministère non signataire[10], soit que l’œuvre ne figure pas au répertoire des sociétés de gestion collective signataires), l’exception ne s’applique donc pas.

LES ACCORDS SECTORIELS

Notes

  1. http://www.culture.gouv.fr/culture/actualites/index-educart.htm
  2. http://www.missionfourgous-tice.fr/missionfourgous2/spip.php?article5
  3. http://www.missionfourgous-tice.fr/missionfourgous2/IMG/pdf/Rapport_Mission_Fourgous_2_V2_-_105-110.pdf
  4. Le réseau SCÉRÉN (Services Culture, Éditions, Ressources pour l’Éducation Nationale) est composé du Centre national de documentation pédagogique, des 31 centres régionaux de documentation pédagogique et des centres départementaux et locaux.
  5. A l’instar de plateformes de partage de ressources éducatives libres (Open Sankoré, utilisé pour la coopération avec les pays du Sud) ou d’édition de manuels scolaires libres (projet Sésamath en France). Le député Fourgous souligne que la tradition du "fair use" aux Etats-Unis a permis le développement de ressources éducatives libres.
  6. http://www.gouvernement.fr/sites/default/files/fichiers_joints/feuille_de_route_du_gouvernement_sur_le_numerique.pdf
  7. Les accords sectoriels définissent les œuvres conçues à des fins pédagogiques comme des « œuvres principalement créées pour permettre l’enseignement et destinées à un public d’enseignants, d’élèves ou d’étudiants. Ces œuvres doivent faire expressément référence à un niveau d’enseignement, à un diplôme ou à un concours »
  8. Les accords sectoriels définissent les ORENE comme les « œuvres qui se composent principalement de textes et/ou d’images fixes et qui sont publiées sur un support numérique ou via un médium numérique ». Cela recouvre les journaux en ligne, les livres et revues numériques, les textes et les images distribués sous forme de Cd-Rom...
  9. La directive 2001/29/CE ne prévoit pas de compensation à l’exception pédagogique. Néanmoins, une exception non rémunérée pourrait s’avérer non conforme au test en trois étapes. Les études d'usages étant actuellement inexistantes, il est difficile d'évaluer le préjudice subi par les titulaires de droit du fait de l'exception pédagogique
  10. C’est notamment le cas des établissements relevant des ministères de la culture et de l’agriculture.