DRM, l'overdose - Marie Duponchelle et Magali Garnero

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Titre : DRM, l'overdose

Intervenants : Marie Duponchelle - Magali Garnero

Lieu : Université de technologie - Compiègne

Date : novembre 2017

Durée : 1 h 44 min

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Licence de la transcription : Verbatim

Statut : Transcrit MO

Transcription

Marie Duponchelle : Merci beaucoup. Bonjour à tous. Je vais démarrer le temps que l’autre intervenante Magali qui arrive de Paris arrive puisqu’on a les aléas de la SNCF. Elle a voulu quitter Paris et voir ce que c’était la province, elle s’en est rendu compte très vite. Elle est là d’ici cinq-dix minutes. On fonctionne en binôme généralement, mais il n’y a aucune difficulté, je peux démarrer sur la problématique des DRM sur laquelle on intervient très souvent dans le cadre de l’April. Puisque moi je suis donc membre de l’April ; c’est une association de promotion des logiciels libres. On est basé à Paris et Magali est également basée à Paris. Elle vous expliquera un peu son profil qui est différent du mien.

Ma particularité : je suis avocat à Compiègne et j’interviens aussi beaucoup à Paris parce que vous imaginez qu’il n’y a pas beaucoup d’informaticiens à Compiègne qui sont préoccupés par les problématiques de DRM et d’interopérabilité. On en reparlera. J’ai notamment travaillé, donc j’ai fait ma thèse sur tout ce qui est problématique de DRM et d’interopérabilité. Et je vous parlerai, là pour le coup je parle à un public d’informaticiens, sauf erreur de ma part, je vous parlerai donc des problématiques que j’ai concrètement avec certains de mes clients dont un dont je pourrai vous parler en particulier puisqu’on a rendu public le dossier : ce sont donc les membres de l’association VideoLAN qui gèrent le logiciel VLC, que vous devez j’imagine connaître, et vous donner un exemple concret de problématique.

Comment on va intervenir concrètement ? Je vais vous définir ce que sont les DRM, avec Magali, donc qui vous mettra son volet, elle, purement pratique puisqu’elle travaille dans le domaine du livre et notamment des e-books. Et on verra en quoi ça pose des difficultés et en quoi vous en particulier, informaticiens, vous risquez des condamnations très lourdes si vous faites joujou avec les DRM comme beaucoup font quand ils ont envie de réussir à mettre en œuvre un système qui lit à peu près toutes les plateformes, tous les formats et tout ça, puisque concrètement c’est ça que ça bloque, et on va voir véritablement cette problématique-là. Et on va voir que vous, concrètement, vous pouvez avoir une action, en fait, sur les DRM et vous pouvez avoir vous, en tant que futurs informaticiens, futurs chefs d’entreprise j’espère, une action on va dire de lobbying pour que ça change, parce qu’il va falloir que ce système change. Parce que si vous voulez vous pouvoir innover et pouvoir développer des logiciels interopérables et donc qui ne portent pas atteinte au système des droits d’auteur et de propriété intellectuelle, il va falloir qu’on fasse bouger les cases et on vous expliquera comment nous à l’April on essaye, avec nos petits moyens, de faire bouger les cases concrètement.

Un DRM, la première qu’on m’en a parlé vous imaginez très bien, je ne suis pas informaticienne, la première fois qu’on m’en a parlé, c’étaient des informaticiens qui m’ont dit : « Tu penses quoi des DRM ? — Pff ! » Je ne savais même pas ce que c’était, concrètement, et j’étais incapable de définir, incapable de voir ce que c’était. C’est vraiment un truc à la base purement informatique qui doit être vulgarisé pour qu’on puisse le comprendre et que vous, vous puissiez comprendre.

Et vous voyez la magie du direct, l’arrivée de Booky au moment de l’introduction. Bonjour Booky.

[Applaudissements]

Bookynette : Bonjour ! J’ai dû pousser le train, mais je suis là.

Marie : Ça va ?

Bookynette : Toujours !

Marie : Tu veux faire ta petite présentation. Elle a mis son tee-shirt, en plus, de l’April, vous voyez. Elle a même pris le temps de faire sa présentation. Je te laisse te présenter du coup, on profite de l’occasion.

Bookynette : OK. Bookynette, du vrai nom Magali Garnero. Je suis administrative à l’April. Je suis aussi membre de Framasoft ; je suis assez militante et active dans mon coin, mais sur Paris, ce qui fait qu’il m’a fallu à peu près deux heures pour venir. Mais je suis là !

Marie : On en était aux définitions. Tu vois, donc on venait de démarrer.

Bookynette : Effectivement.

Marie : Par contre fais attention, il y a la petite caméra qui va te prendre en enregistrement donc si tu peux rester dans le champ. Donc la définition des DRM. Le petit côté geek c’est qu’on va faire la définition technique et je vous parlerai après de la définition juridique puisque, bien évidemment, quand on a voulu plaquer un régime juridique sur un système technique, vous imaginez les problèmes qu’on a eus et vous imaginez les problématiques qu’on a encore.

Concrètement, on a déjà un problème quand moi je vous parle et quand vous vous allez me parler de DRM. Puisque vous bous parlez donc de DRM, Digital rights management, puisque vous faites tout à l’anglaise, à l’américaine, ça rend bien, c’est super cool. Donc vous utilisez la première appellation. La première appellation, en tant que militants du logiciel libre, ne nous pose pas de difficulté.

Bookynette : Non ! Elle est parfaite.

Marie : Gestion des droits numériques, c’est-à-dire les droits que vous avez, je vous expliquerai, sur un système. Pas de souci sur la définition. Sauf qu’on est en France et quand on est en France eh bien quand on traduit des termes anglais, on n’utilise pas les termes. Pourquoi ? Parce qu’on considère que faire simple c’est trop facile. MTP, on utilise.

Bookynette : Mesures techniques de protection. La question que moi je vous pose, c’est que ça protège qui ? Voilà. Franchement ?

Marie : Officiellement, moi en tant que juriste, je ne peux pas utiliser le terme de DRM ; c’est interdit ; ce n’est pas juridique et ça ne correspond à rien du tout dans notre système actuel. On parle, nous, de « Mesures techniques de protection ». Vous imaginez très bien qui a voulu utiliser le terme de « Mesures techniques de protection ». D’après vous qui a imaginé le système ? Qui a imaginé de mettre en œuvre ça ? Est-ce que ce sont des informaticiens ? D’après vous ? Comment vous voyez ? Qui a élaboré, d’après vous, le système des mesures techniques de protection ? Je pose la question.

Bookynette : Je crois qu’il y a un monsieur qui a la réponse sur la gauche, mais il est trop timide.

Public : Les ayants droit.

Marie : Voilà ! Ce qu’on va appeler, avec un joli mot juridique, les ayants droit. C’est-à-dire ceux qui ont, on va dire pour l’instant, des droits de propriété intellectuelle. Vous voyez très bien, ceux qui ont des droits d’auteur, les producteurs et compagnie. Eux ils considèrent que ça protège leur œuvre. Donc des mesures techniques visant à protéger leur œuvre. Ça c’est le terme qu’on utilise en France. Nous on préférerait qu’un jour on utilise le terme, donc la traduction, puisqu’on ne va mettre des termes anglais, quand même, « Gestion des droits numériques ». Vous le voyez parfois, vous le voyez dans certains textes, mais il y a une confusion qui est en marche et qu’on aimerait bien modifier sur cette problématique-là. Mais on espère, on a toujours de l’espoir !

La définition technique. Là tu avais mis un petit Adobe, un petit logiciel que tu adores, n’est-ce pas ?

Bookynette : Oui. En plus d’être militante, je suis libraire et donc je lis des livres. Et donc je lis les livres numériques, oui ça m’arrive de lire des livres numériques. Pour lire un livre numérique, il faut utiliser le logiciel Adobe Editions. Tout le monde le connaît puisqu’on est tous obligés de passer par là, quelle que soit la plateforme où vous achetez votre livre, vous êtes obligé d’installer Adobe Editions. Pour installer Adobe Editions, attention, il faut avoir soit Windows, soit Apple. Donc là je suis bien emmerdée, parce que moi je suis sous Linux, je suis sous Debian, donc ce n’est pas possible. Donc qu’est-ce que je suis obligée de faire ? Je suis obligée de mettre un Windows virtuel sur mon ordinateur pour installer Adobe. Et en plus Adobe ça ne permet pas d’avoir des livres numériques ; ça permet des droits de lire du livre numérique. Donc on est vraiment en plein dans le cœur du DRM ; c’est vraiment pour moi la société qui fait le meilleur boulot pour les DRM : c’est eux. Je te laisse continuer techniquement ? Ou je continue techniquement ?

Marie : Comme tu veux. Présente les différentes techniques.

Bookynette : Trois manières d’utiliser des DRM pour nos chers ayants droit éditeurs ou producteurs, tout ce que tu veux.

  • Le DRM de chiffrement. Donc en gros ça prend votre fichier, que ce soit un livre, une vidéo, de la musique, il y a un petit script qui dit : « Attention contrainte », ou plutôt « contrôle d’usage » et donc on ne peut rien faire tant que ce script est là. [Bookynette chuchote] Il y a des moyens de contourner les scripts surtout pour les livres numériques, mais ça on n’en parlera pas forcément en direct.
  • Après il y a les DRM de tatouage. Là il n’y a pas de script, il y a juste une petite phrase d’identification qui dit : « Attention, ce fichier a été donné, acheté, offert, à telle personne. » Donc, eh bien en gros, on est identifié techniquement. Si je vais mettre un livre numérique dans la toile, les gens sauront que c’est moi qui l’ai téléchargé, que c’est moi qui le redonne à la communauté, que j’aie le droit ou pas. En tout cas c’est tatoué et le fichier est, comment dire, reconnu, en tout cas associé à une personne.
  • Et puis le dernier, celui-là je ne l’aime pas non plus, je n’en aime aucun donc voilà, c’est celui qui est dans le cloud. Un exemple tout bête, je veux jouer à un jeu et pour jouer à ce jeu-là, il faut absolument que j’ai créé un compte sur une plateforme et donc il y a de nouveau un script qui contrôle le jeu et qui m’empêche de faire ce que je veux avec un jeu que j’ai acheté, sur une machine que j’ai achetée et un compte que, du coup, je vais être obligée d’ouvrir sur la plateforme.

Marie : La différence entre les trois est fondamentale, puisque vous l’avez bien compris, on a différents systèmes qui sont complètement différents.

Les mesures de chiffrement, concrètement, elles vont bloquer si vous n’avez pas les deux clefs : si vous n’avez pas la porte avec la bonne serrure et la clef qui va dans la serrure, vous n’allez pas pouvoir fonctionner.

Le système de tatouage ne va pas vous bloquer dans l’utilisation. Il va juste dire « ça, c’est Magali qui a acheté. Acheté ! Qui a souscrit les droits d’utilisation de ce livre numérique. Donc vous allez être identifié comme l’utilisateur des droits. Et si vous le mettez en ligne à un moment donné, on va savoir que c’est Magali qui a mis en ligne, au mépris des droits sur le e-book, sur la plateforme peer to peer ou n’importe quoi, puisqu’on va en parler forcément. Donc ça va permettre d’identifier qui est à l’origine de la diffusion de l’œuvre soumise aux droits d’auteur, par exemple.

Et donc la différence pour moi va être fondamentale, je vais vous expliquer pourquoi. Parce que, contrairement à mes petits camarades, j’ai mon œil de juriste qui fonctionne et parfois un peu trop, c’est que je ne suis pas forcément totalement opposée aux mesures de tatouage. Je vous expliquerai pourquoi, parce que, à mon avis, ça serait un bon compromis entre la préservation des droits d’auteur et la préservation de la libre utilisation et de la libre diffusion des œuvres ; vec n’importe quel logiciel et au choix ; mais on en discutera tout à l’heure, je vous expliquerai pourquoi.

En revanche, les systèmes en cloud, on les voit apparaître. C’est-à-dire que vous devez vous identifier au préalable, avant d’utiliser l’œuvre que vous avez acquise. Pour lire le DVD de La Reine des Neiges, vous devriez vous connecter sur la plateforme de Disney et vous mettez votre adresse mail, tout ça. Vous imaginez la conséquence que ça peut avoir, d’avoir des DRM en cloud. Ça existe, on commence à les voir et ça peut avoir des conséquences qui pour nous sont graves, puisque du jour au lendemain, vu que vous devez vous connecter à un cloud, et d’une, vous devez avoir une connexion parce que sinon ça ne va pas fonctionner, et de deux, du jour au lendemain ils peuvent décider eh bien voilà, on vous coupe et on vous prive de votre accès. Et ce ne sont pas des paroles en l’air. Ce sont véritablement des choses qui peuvent arriver et qui vont arriver.

Bookynette : Après, si c’est La Reine des neiges, ce n’est pas trop grave !

11’ 37

Marie : Ça dépend ! Moi j’aime bien !

Les systèmes de chiffrement, ce sont les premiers qui sont arrivés. Systèmes de chiffrement, je vais vous donner l’exemple concret puisque moi j’ai eu concrètement à essayer de le comprendre : le Blu-ray pourri de DRM de chiffrement et ils le changeaient régulièrement. Donc vous imaginez le système.

DRM de chiffrement est arrivé en bout de course pour certains parce qu’ils se sont rendu compte des limites techniques. Un seul exemple qui a fait « scandale », entre guillemets, c’est que c’est devenu extrêmement compliqué et avec un suivi de mises à jour extrêmement problématique. Alors là tu vas me dire que tu n’aimes pas non plus. Le Blu-ray d’Avatar a posé problème puisque Avatar, en fait, avait été mis en ligne avec un système de chiffrement particulier. Mis en ligne ! Mis à disposition en vente à la Fnac, ce que vous voulez. Et certaines personnes avaient des lecteurs Blu-ray chez elles qui n’avaient pas le bon système de chiffrement. Ce qui fait qu’elles se sont retrouvées en achetant le Blu-ray à la Fnac, déjà c’est une erreur monumentale, mais ça on ne peut pas aller contre les gens, elles ont acheté le Blu-ray à la Fnac et elles se sont retrouvées à ne pas pouvoir le lire sur leur lecteur Blu-ray. Pourquoi est-ce qu’ils ont fait ça dans le consortium Blu-ray ? Une raison toute simple. C’est pour obliger concrètement les gens à racheter le dernier lecteur Blu-ray. Il n’y a pas de secret. Ils n’ont pas dit : « Oups ! On s’est trompés ! » Du coup les gens ont acheté le Blu-ray d’Avatar et en plus ils ont racheté un lecteur de Blu-ray après pour pouvoir lire le Blu-ray d’Avatar. Donc là vous avez un exemple concret.

Et on a les systèmes de chiffrement qui, par exemple sur le système du Blu-ray, évoluent en permanence. Ce qui fait que quand vous êtes geek, que vous voulez mettre un système qui suit les mises à jour du Blu-ray, bon courage ! Là, au stade du bénévolat, ça devient une passion de suivre les mises à jour du Blu-ray.

Le tatouage on en reparlera sur l’avenir des DRM.

Le régime juridique.

Alors là c’est mon dada, c’est ma petite partie, c’est mon cheval de bataille. Je ne vais pas m’ennuyer puisque, de toutes façons, ils vont continuer. Ce qu’il faut que vous ayez en tête c’est qu’on parle d’un système qui a été adopté en 1996. Vous imaginez ! Moi j’étais à peine née ! Certains ici aussi étaient à peine nés concrètement. Adopté en 1996 au niveau des institutions internationales. Ce qu’on appelle l’OMPI, Organisation mondiale de la propriété intellectuelle. Vous avez donc un système, donc des systèmes de protection sur les œuvres, qui a été adopté en 1996. Est-ce que vous voyez tout de suite le problème qu’on a ? Quand je vous parle de 1996 ?

Public : Internet n’existait pas.

Marie : Voilà, Internet existait, mais l’Internet grand public n’existait pas. Donc on a un système qui a été créé en 1996, qui vient dire eh bien les titulaires de droits sur des œuvres ont le droit de mettre des systèmes numériques, puisque c’est ça, donc on met des petits logiciels numériques pour empêcher les copies – on ne va pas se leurrer, c’est pour ça. Vous avez le droit de mettre des systèmes pour empêcher les copies et on a créé tout ça avant l’avènement d’Internet. Et on est encore sur un système qui date d’avant Internet. D’où, aussi, notre « légitimité », entre guillemets, à pouvoir, à mon avis, remettre en question un système qui potentiellement est complètement obsolète. Parce qu’ils n’ont pas du tout, et c’est normal, anticipé ce qu’allait être Internet et ce qu’allaient être les problématiques afférentes.

Et deuxième problème, tout de suite, dans les traités de l’OMPI, c’est qu’on n’avait pas de définition des DRM. Qui dit pas de définition dit eh bien on fait ce qu’on veut. Concrètement c’est ça. Donc on a eu un système où les plus gros consortiums, notamment on parle de Disney, on parle de Sony, on parle de Philips, on parle de tout ça, ont mis en œuvre ce qu’ils voulaient dans le cadre des traités internationaux de l’OMPI.

Deuxième étape, puisque vous savez qu’on a le super c’est l’internationale, après on va arriver au niveau de l’Union européenne et on va arriver chez nous, donc là ça se dégrade à la fin, mais deuxième étape on a une directive, directive droit d’auteur.

Bookynette : Cinq ans plus tard !

Marie : Cinq ans plus tard :2001. Directive droit d’auteur 2001, qui est intervenue et donc qui prend le régime qui a été fait dans le cadre de l’OMPI et qui dit : « Il faut qu’on fasse un régime juridique. On reconnaît les mesures techniques de protection, les DRM. Vous avez le droit de les utiliser sur les œuvres numériques dans l’Union européenne et en plus – et là c’est quand même vachement bien – on va vous définir quand même ce que c’est. »

Pour ceux qui connaissent un tout petit peu le logiciel libre et qui ont un peu lu Stallman, qui ont un peu lu tout ça, la directive, donc ce qu’on appelle la directive UECD, est le premier entre guillemets « grand combat » qu’il y a eu au niveau des problématiques de logiciel libre en 2001.

Bookynette : C’est à cette époque qu’on s’est rendu compte que le travail bénévole n’était juste pas suffisant et que nous, à l’April, on a décidé d’embaucher des salariés pour nous aider à combattre l’UECD. Moi je n’y étais pas encore à cette époque-là, je suis trop jeune – c’est rare que je le dise, là pour une fois je me vante –, mais on a eu plein de manifestations, il y a eu plein de distributions de tracts. Bref, ça été une des plus grosses actions de l’April et on a rencontré plein de politiciens comme ça.

Marie : Et donc concrètement ça a été un des premiers grands combats. Je vous ai mis une petite photo, ils aiment bien c’est un peu de nostalgie quand je leur mets les photos que je retrouve sur les différents combats. Pourquoi est-ce que la communauté, informatique essentiellement, s’est mobilisée sur cette directive ? Concrètement parce que le régime des mesures techniques de protection, vous le voyez, peut être un obstacle vous, à votre, on va dire, créativité, au niveau des logiciels. Puisque je vous expliquerai ce que vous risquez si vous violez des DRM. Il ne faut pas rigoler avec ça. Je parle d’expérience. Mais concrètement, vous pouvez vous retrouver dans des situations où vous ne pourrez pas développer de logiciels au nom des droits d’auteur. Et vous pourrez vous retrouver dans des situations où parfois vous êtes contraints de développer certaines choses pour pouvoir, par exemple, lire différents formats, adapter un logiciel pour lire sur Mac, pour lire sur Windows. Concrètement ça touche tout le monde. Et donc vous avez des limites qui ont fait une forte une mobilisation et qui ont fait émerger, notamment en France, les problématiques du logiciel libre. Puisque si on a un logiciel libre, vous savez très bien dans la définition, il faut qu’on puisse l’installer sur l’ensemble des formats, qu’on puisse lire tous les formats et qu’on n’ait pas de contraintes, et qu’on n’ait pas ce système de contraintes avec notamment si vous voulez installer et pouvoir lire mes DRM, eh bien il va falloir payer. Parce que c’est ça qu’ils mettent en place aussi. Donc on a un fort développement, à ce moment-là, lié directement aux DRM, des logiciels libres en France.

Et là vous avez, je vous l’ai mise pour le fun, la définition de la directive UECD dont reparlera sur la fin, bien évidemment.

Et donc là vous avez, concrètement, la définition actuelle des DRM. Et vous voyez tout de suite, quand on lit cette définition – enfin c’est un peu compliqué, c’est du langage de juriste.

Bookynette : C’est fait exprès !

Marie : Ils ont voulu en fait faire un texte où il n’y a pas de connotation historique, on va dire, c’est-à-dire que vous n’avez pas de technologie qui est précisée ; vous n’avez pas de système qui est précisé ; vous n’avez pas de manière de faire qui est précisée. Ça signifie que ce texte-là en 2001 s’applique encore parfaitement aujourd’hui. Vous avez toute technologie, composant, et ça, ça veut dire que vous pouvez imaginer n’importe quel système pour pouvoir contrôler les droits d’auteur, les droits des producteurs, sur les œuvres. Et on peut innover. Et c’est pour ça qu’aujourd’hui on a des nouveaux DRM qui apparaissent avec, par exemple, le système en cloud.

Et on a la première problématique qui est apparue dès 2001 : la problématique de vous n’avez pas le droit donc de violer des DRM. C’est interdit. Je vous expliquerai des manières de contourner légalement, parce qu’il y a forcément des exceptions ; vous n’avez pas le droit de pirater, vous n’avez pas le droit de contourner, vous n’avez pas le droit, comment vous dites ça quand j’arrive, cracker, voler, enfin, voilà, péter, tout ce que vous voulez, vous n’avez pas le droit de cracker des DRM. Faites très attention, vous pouvez très vite vous retrouver avec des systèmes avec des DRM. Une image, par exemple, peut être protégée par des DRM. Une vidéo peut être protégée par des DRM ; elles sont protégées par des DRM généralement. Une musique, un livre parce que c’est l’exemple actuel sur lequel Magali est confrontée. Tous ces systèmes-là, toutes ces œuvres sont soumises aux DRM. Et vous aussi directement, les logiciels peuvent être soumis aux DRM, parce que les logiciels sont des œuvres. Donc si vous voulez implémenter un logiciel soumis à des DRM, vous ne pouvez pas, concrètement, sauf exception que je vous expliquerai. Et le système a été mis en place en disant « vous n’avez pas le droit pour les DRM efficaces ». D’après vous qu’en ont conclu certains informaticiens ?

Bookynette : Si ce n’est pas efficace on a le droit !

Marie : Si ça ne marche, si j’ai réussi à le cracker c’est que ce n’est pas efficace !

Bookynette : Et c’est souvent pas efficace.

Marie : Voilà. C’est tout le temps pas efficace, puisqu’ils ont réussi concrètement aujourd’hui, on va le dire, techniquement vous êtes capables de contourner presque tous les DRM. Techniquement ! Je parle peut-être pas tous, je ne connais pas votre niveau en informatique, mais d’expérience, concrètement, presque tous les informaticiens qui tâtent un peu et qui aiment bien développer un peu des logiciels sur ce système-là, sont capables de contourner des DRM. Et donc ils étaient partis du principe, en 2001, eh bien si j’arrive à le contourner, c’est que ce n’est pas efficace ! Donc si ce n’est pas efficace, c’est que ça ne marche pas. Donc je ne suis pas dans l’illégalité, et allons-y gaiement !

À ce moment-là il n’y avait pas les Blu-ray, parce que les Blu-ray je vous expliquerai comment ça fonctionne, ils ont mis les moyens financiers pour contourner, il y avait ce qu’on appelait les DVD ; vous vous souvenez des DVD quand même, ça existe encore, il y en a encore certains qui les utilisent et c’est concret. Vraiment, il y a des informaticiens qui ont élaboré un système pour contourner les DRM des DVD en disant « eh bien voilà, comme ça je peux le mettre dans mon ordinateur et je peux le lire ». Bien évidemment, lever de boucliers du côté des ayants droit en disant « eh bien non, vous n’avez pas le droit puisqu’on a mis des DRM et si on a mis des DRM c’est qu’on voulait vous bloquer. Peu importe que vous ayez contourné. Ce n’est pas juste, ce n’est pas comme ça que ça fonctionne. » Vous imaginez donc les petits avocats. Jolis procès bien évidemment sur ça. Pas ici, pour une fois ! Pas ici, dans un pays de l’Union européenne, dans le Nord, c’était la Suède, je crois. Donc procès et une cour de justice a suivi les informaticiens, une seule fois, en disant « eh bien oui, si ça ne marche pas c’est que ce n’est pas efficace ! Repassez nous voir plus tard. Donc vous avez raison, vous pouvez contourner ! » Première décision qu’il y a eue sur les DRM, qu’on a connue, dans une cour de justice, une petite, c’était le premier niveau parce qu’après ça s’est gâté, premier niveau de justice qui a dit : « Eh bien oui, si vous pouvez les contourner c’est qu’elles ne sont pas efficaces. Pas de directive EUCD, donc vous pouvez fabriquer votre logiciel qui contourne les DRM des DVD. Pas de souci ! »

Bookynette : C’était trop beau !

Marie : C’était trop beau ! Vous savez très bien qu’on a une première décision et, en France on peut faire un recours, on peut aller à la Cour d’appel et à la Cour d’appel, dans leur pays, bien évidemment, il y a eu une décision qui a dit : « Non. Si vous avez voulu mettre une protection, rien que la volonté, ça rend le système efficace. Donc ce n’est pas parce que vous l’avez contourné, ce n’est pas parce que vous avez réussi à créer un logiciel qui contourne les DRM du DVD que vous avez le droit. C’est que dans l’esprit c’est efficace. » Voilà !

Donc aujourd’hui on en est là. On s’en fout concrètement de savoir si le DRM marche ou ne marche pas. D’accord ? Dès que vous avez un DRM qui est sur une œuvre, tout de suite vous stoppez vos développements et vous vous posez la question de « est-ce que je peux le contourner ou pas ? » Si oui comment je vous expliquerai concrètement.

Tu as quelque chose à rajouter sur cette partie-là ?

Bookynette : Non.

24’ 30

Marie : Et dernier stade sur l’adoption, on en est là aujourd’hui.