Cybercensure - RSF - Collateral Freedom

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Titre : RSF, Collateral Freedom et la cyber-censure - Reporters Sans Frontières, face aux censures de sites

Intervenants : Jean- Marc Manach - Grégoire Pouget - Christophe Deloire

Lieu : Émission 14h42

Date : Mars 2015

Durée : 42 min 57

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00' transcrit MO

Jean-Marc Manach : Bonjour et bienvenue dans ce nouvel épisode du 14h42, l'émission en partenariat avec Next Inpact et Arrêt sur images sur Internet, les nouvelles technologies, le numérique. Aujourd'hui deux invités qui viennent de Reporters sans frontières, Christophe Pouget, qui est responsable cellule Internet de Reporters sans frontières ?

Grégoire Pouget : Grégoire Pouget.

Jean-Marc Manach : J'ai dit quoi ?

Grégoire Pouget : Christophe Pouget, c'était un mix des deux noms.

Jean-Marc Manach : Et Christophe Deloire.

Christophe Deloire : Grégoire Deloire, non.

Jean-Marc Manach : Christophe Deloire qui est délégué général.

Christophe Deloire : Secrétaire général.

Jean-Marc Manach : Secrétaire général, ça commence bien, de Reporters sans frontières, et je vous invite aujourd'hui parce que la semaine dernière, le 12 mars, c’était la journée mondiale de lutte contre la cybercensure, qui est une initiative qui a été lancée en 2008, par Reporters sans frontières, et où cette année vous avez contribué à débloquer neuf sites qui sont censurés dans un certain nombre de pays. On y reviendra. Moi, ce qui m'a marqué, c'est que quand je suis allé sur le site de Reporters sans frontières, il y a un petit compteur qui s'affiche et il y avait 175 net-citoyens en prison. C'est quoi cette expression de net-citoyens ?

Christophe Deloire : En fait , c'est, de notre point de vue, des journalistes, des gens qui, dans leur pays, exercent la fonction sociale du journalisme, mais qui sont des amateurs au sens où ce sont des non professionnels, pour utiliser la traduction d'une terminologie.

Jean-Marc Manach : D'accord. Des journalistes citoyens ou des blogueurs.

Christophe Deloire : Parce que dans beaucoup de pays, au fond, vous avez mentionné 175 net-citoyens en prison. Il y a 180 journalistes professionnels en détention dans le monde. On pourrait se dire qu'avec les nouvelles technologies, au fond, il y a une disparition des exactions à l'ancienne, j'allais dire, des journalistes tués, dans certains pays, ou placés en détention. Malheureusement, même s'il y a un développement des moyens de coercition liés au nouvelles technologies contre la liberté d'information, les anciennes exactions, elles demeurent et elles s'appliquent, simplement, maintenant, en plus, à des gens qui exercent cette fonction sociale-là. Puisque dans beaucoup de pays l’État parvient d'abord à contrôler l'audiovisuel, ce qui est le plus contrôlé, partout, que ce soit dans les dictatures.

Jean-Marc Manach : Dans les régimes démocratiques.

Christophe Deloire : Dans des mesure totalement différentes, dans les régimes démocratiques, c'est l'audiovisuel. Parfois il y a une survivance d'une petite presse écrite, qui, plus ou moins bien, arrive à vivre avec quelques espaces de liberté. Et l'endroit sur lequel il y a de nouveaux espaces de liberté, c'est évidemment le Web où là, il y a des nouveaux acteurs qui, du point de vue de certains États, sont moins contrôlables. Et donc l'un des moyens de les contrôler, enfin il y a plusieurs moyens, il y a des moyens technologiques, on y reviendra, et puis il y a le moyen de les envoyer en prison. Il y a des net-citoyens, des journalistes citoyens qui sont, dans certains pays, en prison depuis très longtemps.

Jean-Marc Manach : J'ai vu en Chine, il y en a qui sont en prison depuis l'an 2000. Il y a 73 internautes qui sont en prison en Chine.

Christophe Deloire : La Chine c'est un pays où on considère nous, à Reporters sans frontières, qu'il y a une centaine de journalistes qui sont en détention, 30 professionnels et 70, non professionnels qui sont ces net-citoyens mais qui font un travail d'information, qui font le travail d’enquêter.

Jean-Marc Manach : C'est quoi ? Ce sont des gens qui partagent sur Facebook ou l’équivalent des réseaux sociaux ?

Christophe Deloire : Ce sont des gens qui font le job d'une certaine manière, c'est-à-dire qui vont faire des enquêtes. Alors c’était des journalistes en Chine qui sont allés faire des enquêtes après le tremblement de terre dans le Sichuan, ce sont des gens qui font des enquêtes sur la corruption. Et, au bout d'un moment, lorsque le gouvernement chinois, le parti communiste, puisque le gouvernement chinois c'est simplement une façade du parti communiste, en a assez, il tape extrêmement fort, il a d'ailleurs mis en place des lois et avec le nouveau président chinois Xi Jinping, des lois extrêmement fortes qui font que, dès lors qu'on est trop souvent retweeter, trop souvent cité, on peut se retrouver en détention. Mais c'est le cas dans d’autres pays, c'est le cas au Vietnam.

Jean-Marc Manach : Alors en Iran et au Vietnam il y a 27 personnes qui sont en prison à cause d’Internet. Il y en aurait 17 en Syrie.

Christophe Deloire : C’était le cas du Vietnam, l’endroit où ceux qui représentent un contre-pouvoir, je citais des enquêtes sur la corruption sur le pouvoir, mais c'est aussi des enquêtes sur les affaires sanitaires, environnementales. Ces net-citoyens qui se vivent, d'une certaine manière, j'allais dire comme des journalistes, au sens ils sont vraiment soucieux d'aller chercher des faits, pour les apporter plus largement. On les distingue de gens qui sont des activistes, qui utilisent Internet à des fins politiques, etc, qui peuvent être tout à fait louables, plus ou moins, ça chacun a son avis. Nous, on parle de gens qui vont chercher les faits pour les rapporter.

Jean-Marc Manach : Je crois que c'est aussi au Vietnam qui sont en prison pour offense au chef d’État, enfin au roi, enfin on a le cas dans différents royaumes.

Christophe Deloire : Après les infractions retenues, à certains endroits, ce sont des offenses à tel ou tel roi. À d'autres endroits ce sont des notions de blasphèmes. L'un de ceux qu'on pourrait citer, c'est Raif Badawi, c'est ce saoudien qui a été condamné à mille coups de fouet, dix ans de prison, plus une amende, parce qu'il a créé un site Internet. C'est un jeune homme, il a un peu plus de trente ans, il a créé un site internet sur lequel il a ouvert des débats, et sur lequel il y a eu des critiques de la police religieuse, des critiques de choses tout à fait aberrantes de ces prédicateurs saoudiens qui remettent en cause le travail des astronomes au motif que ça relativise la Charia, et pour ça, il a été condamné à une peine de prison.

Jean-Marc Manach : On sait où il est en est  d'ailleurs aujourd'hui, parce qu'il y a une pression internationale assez forte ?

Christophe Deloire : Il y a une pression internationale, à laquelle Reporters sans frontières a beaucoup participé. Au début on lui a remis notre prix, prix Reporters sans frontières pour la presse dans la catégorie net-citoyens justement à l'automne dernier. Ensuite on a beaucoup mobilisé. Peu à peu des chancelleries occidentales se sont indignées, l'Union européenne. Ça a permis que sa peine soit suspendue, enfin l’exécution de sa peine soit suspendue

Jean-Marc Manach : Après la première flagellation ils disaient si on recommence tout de suite il va mourir.

Christophe Deloire : Parce que c’était mille coups de fouet qui étaient censés lui être administrés en vingt séances de cinquante coups de fouet.. Il se trouve que Raif Badawi, par ailleurs, est en très mauvaise santé. Le problème c'est que lui-même, son épouse, ses enfants, enfin tous ceux qui s’intéressent à son cas, chaque vendredi, se demandent s'il n'aura pas droit à une nouvelle séance. Ce qui est essentiel, c'est qu'aujourd'hui Raif Badawi soit gracié, et non seulement qu'il ait en permanence cette épée de Damoclès d'une éventuelle séance au-dessus de la tète, mais qu'il puisse être libéré. Mais c'est un pays, alors il y a le cas de Raif Badawi, qui est le plus extrême, le pire, mais un autre journaliste a été condamné à deux cents coups de fouet il y a quelque mois. L'avocate de Raif Badawi, qui avait créé avec lui ce Saudi Liberals Network, qui était son site, a été placée en détention. Elle c'est au motif d'un tweet.

Jean-Marc Manach :  Et on a le cas de Nabeel Rajab, au Bahreïn, qui lui aussi est régulièrement incarcéré et torturé parce qu'il poste des tweets qui sont considérés comme offensants par la monarchie bahreïnite. Une autre chose qui m'a intéressée c’était votre définition de la cybercensure, parce que ça recoupe plusieurs choses en fait.

Grégoire Pouget : La cybercensure, je ne sais pas si ça recoupe plusieurs choses. Nous on l'a définit comme étant le fait de bloquer un site internet et la journée du 12 mars est la journée internationale contre le fait de bloquer des sites internet, c'est pour ça qu'on a essayé de débloquer des sites. Évidemment, les sites qu'on a choisis ce sont les sites d'information, puisque que notre combat c'est pour la liberté de l'information, et évidemment, il n'y a pas que des sites d'informations qui sont bloqués et les neuf sites qu'on a choisis, ce sont des sites qu'on connaît bien. Cette opération Collateral Freedom c'est également l'occasion de mettre en avant ces sites-là parce qu'on trouve que leur travail est vraiment exceptionnel.

Jean-Marc Manach :  C'est une façon aussi d'honorer le travail journalistique et la qualité du travail.

Grégoire Pouget : Bien sûr.

Jean-Marc Manach :  On va les citer : Grani, qui est un site d'information russe, qui est bloqué depuis mars 2014, au nom de la loi Lougovoï, qui autorise le blocage administratif de sites internet appelant à prendre part à des manifestations non autorisées. C'est un site d'opposition ? C' est un site libre ?

Grégoire Pouget : Non. C'est un site qui fait du journalisme indépendant et c'est un site qui ne suit pas la propagande russe. C'est un des rares sites en Russie qui a eu un traitement plutôt équilibré du conflit Russie – Ukraine.

Jean-Marc Manach :  En Ukraine.

Grégoire Pouget : En Ukraine, exactement, et ça c'est le miroir qui a le mieux marché. Il est toujours débloqué ce site et c'est le miroir qui nous a forcés à revoir notre dispositif technique, remettre plus de ressources, etc, parce que ça a vraiment bien marché

Jean-Marc Manach : Parce qu'il y a trop de personnes qui se connectaient en même temps

Grégoire Pouget : Et là, c'est un des sites qu'on a plutôt bien choisi, au sens où il y avait un vrai besoin, il y avait une vraie envie. Pour le coup, il faut parler russe, parce que le site est écrit en russe. Donc on est sûr que ce sont des internautes qui parlent russe, qui veulent s’informer sur la situation en Russie. Et c'est le miroir qui a vraiment bien marché.

Jean-Marc Manach : Vous êtes sûrs parce qu'en regardant les logs.

Grégoire Pouget : Non on ne regarde pas les logs.

Jean-Marc Manach : Le simple fait que ce soit écrit en cyrillique fait que, a priori, ce ne sont pas des Espagnols qui y vont.

Grégoire Pouget : La seule chose qu'on peut voir des logs, parce qu'on avait fait en sorte de ne pas loguer trop de choses parce que ça peut être un problème, la seule chose qu'on a vue c'est que ce sont des gens qui naviguaient sur plusieurs pages et qui allaient voir des pages précises, sur des sujets de société, des articles de fond, etc.

Jean-Marc Manach : D’accord. Question. Paradoxalement, le fait que vous débloquiez l'accès, c'est-à-dire vous proposez, techniquement parlant, on va expliquer un petit peu comment ça fonctionne. En fait, c'est que vous faites un miroir du site en question, ce qui fait que les gens qui veulent aller, les Russes qui veulent aller sur grani.ru, c'est bloqué depuis l'intérieur de la Russie. Donc vous créez un miroir sur une autre URL, qui là, a priori, est débloquée. Mais en même temps en créant un miroir est-ce que vous ne vous permettrez pas, éventuellement, aux autorités russes de pouvoir identifier quels sont ceux qui vont sur ce site-là ?

Grégoire Pouget : Non, parce que c'est nous qui avons accès aux logs. Enfin, c'est-à-dire que, à moins que la Russie ait mis en place un système qui trace tous les gens qui vont sur ce miroir, et sachant que l'adresse du miroir va changer assez régulièrement, c'est assez compliqué de voir qui va accéder à ce site. Donc ça c'est un des problèmes. Mais la seule chose que pourraient éventuellement voir les FAI, les fournisseurs d'accès à Internet dans les pays dans lesquels on a débloqué des sites, c'est juste l'URL du site qui est db1.ccl.global.fast.net, ce qui est un marqueur assez faible pour identifier une ???.

10' 09

Jean-Marc Manach : D’accord.