Contenus numériques : droit d'auteur et licences libres - Cours de Calimaq

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Titre : Contenus numériques : droit d'auteur et licences libres

Intervenant : Lionel Maurel

Lieu : Université de Technologie de Compiègne

Date : Octobre 2016

Durée : min

Introduction

Licence de la transcription : Verbatim

Statut : Transcrit MO

Les notions de base du droit d'auteur

En quoi consiste le droit d’auteur ?

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Pour commencer, nous allons nous demander en quoi consiste le droit d’auteur. Le droit d’auteur est une des branches de ce qu’on appelle plus largement la propriété intellectuelle. Celle-ci, en France, est codifiée dans le Code de propriété intellectuelle qui comporte deux parties : une relative à la propriété littéraire et artistique, dans laquelle figure le droit d’auteur et une relative à la propriété industrielle. Dans la propriété industrielle, nous avons des éléments comme les brevets, les marques de commerce ou les dessins et modèles, qui ont trait à la fabrication et à la commercialisation des produits, des inventions. Dans ce module, nous ne parlerons pas de cette branche-là, qui fonctionne d’une manière différente du droit d’auteur, bien qu’étant rattachée à la propriété intellectuelle.

Le droit d’auteur d’auteur, lui, appartient à la famille de la propriété littéraire et artistique. On trouve donc le droit d’auteur qui est la branche principale, mais nous trouvons aussi les droits voisins, qui interviennent dans le domaine de la musique et du cinéma, de tout ce qui concerne la vidéo, et le droit des bases de données.

Le droit d’auteur est une matière qui est encadrée, en France, dans le Code de propriété intellectuelle, mais c’est aussi un sujet qui est très encadré au niveau international. Depuis la fin du 19e siècle, nous avons une convention internationale, qui s’appelle la Convention de Berne, qui règle ces questions au niveau international et qui s’assure, notamment, que les États reconnaissent aux auteurs étrangers les mêmes droits que les auteurs nationaux.

Cette question est aussi très encadrée au niveau européen. Il y a une directive européenne de 2001 qui règle ces questions dans l’Union européenne et qui assure un certain degré d’harmonisation. Cette directive est actuellement en voie de révision et le législateur français a une marge de manœuvre qui, de ce fait, est relativement réduite pour introduire des réformes du droit d’auteur.

Et en France, c’est à partir de 1957 que les lois sur le droit d’auteur ont été codifiées dans le Code de propriété intellectuelle. Auparavant le droit d’auteur est né à la Révolution française et, depuis les années 2000, on assiste à une multiplication de lois qui interviennent, notamment pour adapter le droit d’auteur aux évolutions de l’environnement numérique.

Si on veut savoir exactement en quoi consiste le droit d’auteur, il faut aller dans le Code de propriété intellectuelle, à l’article L-111, qui nous dit : « L’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle, exclusif et opposable à tous. »

Tous les éléments de cette phrase sont importants, le plus important étant « droit de propriété incorporelle ». Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que le droit d’auteur est une forme de propriété, à l’image de celle nous disposons sur par exemple notre maison, notre voiture, ou sur un ordinateur que nous avons acheté, c’est une forme de propriété, et c’est une forme de propriété très particulière, parce qu’elle est incorporelle. Elle va donc porter sur un objet immatériel qui est l’œuvre de l’esprit, qui est le produit de la création de l’auteur. Et c’est donc une forme de droit très spéciale, qui s’applique à un objet intangible, qui est l’œuvre de l’esprit qui constitue un des pivots des notions du droit d’auteur.

Pour continuer à le comprendre, le Code, par la suite, précise qu’il y a un principe d’indépendance entre la propriété intellectuelle et la propriété matérielle. Et notamment, il nous indique que l’acquéreur d’un objet matériel n’est pas investi du fait de cette seule acquisition, des droits de propriété intellectuelle prévus par le Code. Pour comprendre exactement ce que ça veut dire, il faut prendre l’exemple d’une personne qui achète un tableau à un peintre. Cette personne rentre bien en possession du support d’une œuvre qui est le tableau, le support matériel, et cette propriété sur le support matériel va lui permettre de faire tout un ensemble d’actes. Mais elle va être aussi limitée dans ce qu’elle pourra faire avec ce support parce que les droits de propriété intellectuelle sur l’œuvre seront restés au peintre. Par exemple, cette personne ne pourra vendre des cartes postales représentant ce tableau, parce que le droit de reproduction lié à l’œuvre qui est sur le tableau sera resté au peintre. Elle ne pourra pas, non plus, organiser d’expositions publiques de ce tableau, parce que là, c’est ce qu’on appelle un droit de représentation sur l’œuvre qui sera resté au bénéfice du peintre.

Ce qui vous montre qu’il y a une distinction à faire entre les droits sur les supports et les droits sur les œuvres. Si la personne qui a acheté le tableau voulait pouvoir faire ces actes il aurait fallu qu’elle se fasse céder ces droits de la part du peintre, par le biais d’un contrat, qui serait venu s’ajouter au contrat de vente du tableau.

Ce qui est important, en fait, dans cette définition, c’est la notion de droit exclusif de l’auteur. Quand l’auteur fait une création qui est protégeable par le droit d’auteur, il bénéficie de par la loi d’un droit exclusif qui va lui permettre, en fait, d’exclure les tiers de la possibilité d’utiliser son œuvre. Et ça se traduit par un droit, en fait, à ce qu’on vienne lui demander une autorisation préalable pour pouvoir faire usage de son œuvre.

Ceci c’est le grand principe du droit d’auteur et nous verrons par la suite qu’il y a cependant des exceptions, des cas dans lesquels on n’aura pas à demander une autorisation préalable à l’auteur pour pouvoir faire l’usage d’une œuvre.

La notion d'œuvre protégée

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Nous allons maintenant nous attarder sur l’objet qui est protégé par le droit d’auteur et notamment la notion d’œuvre et plus précisément la notion d’œuvre de l’esprit qui est la notion énoncée par le Code pour désigner l’objet de la protection du droit d’auteur.

Le Code nous dit que le droit d’auteur protège toutes les œuvres de l’esprit « quels qu’en soit le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination ». Cette énumération a une importance.

Donc le genre ou la forme d’expression n’est pas prise en compte. Tous les types de création sont protégeables, aussi bien des œuvres littéraires que des photographies, de la musique, le cinéma et toutes les formes de vidéo, mais aussi toutes les œuvres de type art contemporain, par exemple, plus originales, qui peuvent accéder elles aussi à la protection.

Le Code précise aussi qu’on ne doit pas tenir compte du mérite pour accorder la protection du droit d’auteur ou non. Ça veut dire que les juges ne se posent jamais la question de savoir si une œuvre est de bonne qualité ou pas : ils sont indifférents et même une œuvre qu’on pourrait juger de mauvaise qualité peut avoir une protection au titre du droit d’auteur.

Et ensuite, il y a aussi un autre élément qui est sans incidence, c’est la destination. On a souvent l’impression que le droit d’auteur protège des œuvres relevant des beaux-arts, mais pas seulement, en fait. Même des créations qui peuvent nous paraître utilitaires peuvent bénéficier d’une protection au titre du droit d’auteur. Par exemple un texte qu’on trouve sur un site internet, même si ce site n’a pas une vocation artistique, sera très souvent protégé par le droit d’auteur, même s’il a seulement un but informatif.

Donc le périmètre des objets protégeables par le droit d’auteur est, en réalité, très large. Mais le Code et la jurisprudence ont rajouté, néanmoins, des critères qui fixent une sorte de plancher pour ne pas que cette protection soit absolument universelle. Il y a, en fait, deux conditions cumulatives qui doivent être respectées pour qu’un objet soit protégé par le droit d’auteur : les créations doivent être originales et elles doivent être mises en forme.

Le premier critère, l’originalité, induit une idée de choix qui doit être fait par le créateur lorsqu’il produit une œuvre. Il faut, les juges disent, « que l’œuvre porte l’empreinte de la personnalité de l’auteur ». Il faut qu’on puisse percevoir s’il a choisi son sujet, qu’il l’a traité d’une certaine manière qui lui est propre et il faut qu’il soit en mesure de l’expliquer aux juges pour pouvoir bénéficier d’une protection.

Ensuite, il faut que l’œuvre soit mise en forme. Ça tient à un point qui est très important dans le droit d’auteur qui est qu’on ne protège pas uniquement les idées. Une simple idée ne peut pas être protégée par le droit d’auteur. Elle l’est à partir du moment où elle est réalisée dans une forme perceptible par les sens. On verra tout à l’heure que ça a une incidence importante. Les idées restent de libre parcours, ce qui veut qu’elles sont toujours réutilisables sans condition, par contre, dès qu’elles sont mises en forme, elles peuvent devenir des œuvres qui là vont être protégées par le droit d’auteur.

De ces critères cumulatifs, il résulte que toutes les créations ne sont pas des œuvres nécessairement protégeables par le droit d’auteur. Ici on voit par exemple une photographie qui a fait l’objet d’une décision de justice. C’est un photographe qui avait pris en photo les ingrédients pour réaliser la bouillabaisse, le plat la bouillabaisse. Et cette photo a été réutilisée par un éditeur, sans lui demander son autorisation. Il en est résulté un procès et les juges ont considéré que cette photographie était trop banale pour pouvoir bénéficier de la condition d’originalité, qu’elle n’exprimait pas la personnalité de son auteur et donc, du coup, cette photographie n’a pas pu bénéficier de la protection du droit d’auteur et elle est librement réutilisable par tous. Exemple d’objet non protégeable par le droit d’auteur.

Autre exemple qu’on peut donner : dans un autre contentieux, le journal Le Point s’était ému que Jean-Marc Morandini reprenait des chroniques d’actualité sur la technologie, qui paraissaient régulièrement sur son site, pour alimenter son blog. Et là, encore une fois, les juges ont considéré que le texte de ces chroniques était rédigé d’une manière suffisamment neutre et concise pour ne pas exprimer la personnalité du journaliste qui les rédigeait. Et donc, du coup, ces textes-là ont été considérés comme libres de réutilisation.

Comme tous les objets ne sont pas protégeables par le droit d’auteur, on a ainsi un ensemble d’éléments qui restent toujours libres et, on a vu tout à l’heure, que les idées en elles-mêmes ne sont pas protégées. Même quand elles sont incorporées dans des œuvres, notamment par exemple dans des textes, les idées peuvent être remobilisées, elles peuvent être extraites des œuvres, librement, pour tout un ensemble d’usages qui vont rester disponibles. Par exemple, quand vous avez un texte, vous avez le droit de faire des résumés de ce texte, en extrayant les idées principales et en les reformulant. Si vous faites ça, vous ne violez pas le droit d’auteur et notamment, si vous reformulez les idées avec vos propres mots, vous ne fera pas de violation du droit d’auteur parce que vous utilisez seulement les idées qui sont contenues dans le texte.

De la même manière, quand on a un article, on peut l’indexer, c’est-à-dire mettre des mots- clefs associés à cet article. Cette opération résulte de l’extraction des idées principales du texte et ce n’est pas une violation du droit d’auteur, c’est un acte qui reste toujours libre.

Les conditions de protection et l'appartenance du droit d'auteur

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Nous allons voir à présent comment s’acquiert la protection du droit d’auteur et à qui elle bénéficie.

Le Code nous dit que le droit exclusif appartient à l’auteur du seul fait de la création de l’œuvre. Ça c’est un point qui fait vraiment une différence très importante par rapport à la propriété industrielle, notamment les brevets ou les marques, où, pour bénéficier de la protection, il est indispensable de faire un dépôt ou un enregistrement auprès d’un organisme qui, en France, est par exemple l’INPI, l’Institut national de la propriété industrielle. Ce dépôt implique des formalités, il est payant et l’INPI, ensuite, délivre un titre de propriété à la personne qui satisfait aux conditions pour l’obtenir, qu’elle va vérifier.

En matière de droit d’auteur, on n’a pas ce type de mécanisme de dépôt, d’enregistrement. Le droit d’auteur naît directement au bénéfice du créateur dès qu’il a produit son œuvre. Il en résulte, par exemple, qu’une œuvre n’a pas besoin d’être publiée pour être protégée. Même une œuvre non divulguée, par exemple on peut penser au brouillon d’un roman, on peut penser, notamment, à des photographies dans l’appareil du photographe, elles sont directement protégeables, indépendamment de leur publication. Le Code précise aussi qu’une œuvre n’a pas besoin d’être achevée pour bénéficier de la protection. Le simple fait d’avoir commencé à la créer, d’avoir commencé à la mettre en forme permet de bénéficier de la protection. Par contre, pour pouvoir opposer le droit d’auteur à un tiers, notamment en justice, il faut disposer de la preuve de la date de la création, ce qui entraîne parfois les créateurs à faire tout de même des dépôts pour pouvoir bénéficier d’une preuve qu’ils pourront ensuite opposer à quelqu’un qui aurait réutilisé leur œuvre, notamment dans les affaires de contrefaçon.

Une fois qu’on a acquis le bénéfice d’une protection, à qui profite-t-elle exactement ?

En France, le grand principe, c’est que les droits naissent au bénéfice du créateur, en tant que personne physique individuelle. C’est notamment une des grandes différences avec le système du copyright américain qui, lui, admet beaucoup plus facilement que des personnes morales, notamment des employeurs, des entreprises, puissent bénéficier directement des droits. Aux États-Unis, quand on est employé et qu’on crée des œuvres dans le cadre de son travail, c’est l’employeur qui bénéficie directement des droits.

En France, ce n’est pas le principe. Un salarié bénéficiera des droits sur ses créations, qu’il aura créées dans le cadre de son emploi, et si l’employeur veut bénéficier des droits, il faut qu’il se les fasse céder par le biais soit de clauses dans le contrat de travail ou de mentions dans les conventions collectives qui régissent la profession. Il y a tout de même des exceptions à ce principe dans la loi française, notamment par exemple pour les logiciels. Les logiciels créés par un employé sur son temps de travail, les droits bénéficient à l’employeur. Les journalistes, aussi, ont une clause particulière et les agents publics, également, ont un régime particulier.

Pour les agents publics, lorsqu’ils créent des œuvres dans le cadre de leur mission de service public, ils ont la titularité du droit d’auteur, mais les droits d’exploitation de l’œuvre sont immédiatement transférés à leur employeur, c’est notamment la personne de droit public qui les emploie. La seule chose qu’ils gardent c’est un droit très limité à la paternité de l’œuvre, c’est-à-dire à être cités comme auteurs en cas d’utilisation. L’employeur exerce beaucoup des branches du droit d’auteur : il peut décider, par exemple, de divulguer ou non la création de l’agent public. Il peut aussi imposer à l’agent public de faire des modifications, ou demander à un autre agent de faire des modifications sur cette création. Ce régime des œuvres des agents publics a lui-même une exception qui bénéficie aux professeurs d’université, aux enseignants-chercheurs. C’est la seule catégorie d’agents publics qui garde un droit complet sur ses productions, même lorsqu’elles sont produites dans le cadre de leur mission de service public. Ça veut dire que les cours faits par les enseignants-chercheurs, les articles produits, les rapports de recherche, tous les droits sur ce type de production restent aux universitaires et ce sont eux qui exercent pleinement et qui font les décisions pour la diffusion et l’exploitation de ces œuvres.

C’est la même chose qui s’applique pour les étudiants et les élèves qui ne sont pas considérés comme des agents publics, même lorsqu’ils suivent ces formations, et ils restent pleinement titulaires des droits sur leurs productions, que ce soit des copies, des rapports ou des mémoires.

Le fonctionnement du droit d'auteur

Les différentes branches du droit d'auteur

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Nous allons voir à présent quelles sont les différentes composantes du droit d’auteur. Jusqu’à présent nous avons parlé du droit d’auteur quelque chose d’unifié, mais en fait le droit d’auteur se découpe en plusieurs prérogatives qui bénéficient aux titulaires de droits.

Les deux grandes branches principales du droit d’auteur sont le droit moral et les droits patrimoniaux.

La première branche, droit moral, consiste en un droit de faire respecter l’œuvre et la personne du créateur. C’est une des marques du droit français. Dans notre législation, c’est un aspect qui est très protégé et qui constitue, un petit peu, l’identité du droit français en matière de droit d’auteur.

Ce droit moral se découpe lui-même en quatre éléments.

Le premier est le droit à la paternité. C’est le droit à ce que la qualité d’auteur du créateur soit reconnue et à ce que son nom, notamment, soit toujours cité lorsque l’œuvre est utilisée. Si vous mettez votre nom à la place de celui créateur, vous violez le droit de paternité et, dans le langage courant, c’est ce qu’on appelle souvent un plagiat, mais précisément, du point de vue juridique, c’est une violation du droit de paternité de l’auteur et, notamment, de son droit moral.

Le deuxième droit rattachable au droit moral est celui de divulgation. Quand l’œuvre a été créée, seul son créateur peut décider de la porter à la connaissance du public et il a tout à fait le droit de ne pas vouloir qu’une de ses créations soit révélée. C’est le cas, par exemple, du brouillon d’un roman, d’un tableau que le créateur voudrait ne pas exposer. Et il peut s’opposer à ce qu’une œuvre qu’il a créée soit portée à la connaissance du public.

Le troisième élément c’est le droit au respect de l’intégrité de l’œuvre. Lorsque le créateur a fait sa création, on dit qu’il a arrêté une forme donnée et cette forme, il a le droit de s’opposer à ce qu’on la modifie. Si on prend le cas d’une photo, par exemple, le recadrage de la photo, sa colorisation, le fait de l’inverser, toutes ces actions, en fait, peuvent être considérées comme des atteintes à l’intégrité de l’œuvre, que le créateur peut vouloir empêcher. Et pour ça, il faut qu’il montre que ces modifications ont dénaturé sa création et qu’elles ont porté atteinte à l’esprit de ce qu’il voulait faire.

La quatrième composante du droit moral, c’est le droit de retrait ou de repentir, qui est plus rarement mis en œuvre car plus complexe. C’est l’idée que lorsque le créateur a accepté la diffusion de son œuvre, il a le droit de changer d’avis et de demander à ce que son œuvre ne soit plus diffusée. Mais en fait, cette capacité est assez rarement mise en œuvre, parce que pour ça il doit indemniser tous les intermédiaires qui ont participé à la diffusion. On peut penser, par exemple, à un éditeur qui aurait commencé à diffuser un roman et, de ce fait, il y a assez peu d’auteurs qui revendiquent l’application de ce droit de retrait ou de repentir.

Ça c’était la première branche du droit moral. Il y en a une seconde qui est celle du droit patrimonial ou des droits patrimoniaux, qui ont trait à l’exploitation de l’œuvre. C’est souvent, d’ailleurs, ce qu’on a en tête quand on parle de droit d’auteur.

Dans les droits patrimoniaux, nous avons notamment le droit de reproduction. C’est-à-dire celui de faire des copies ou de fixer l’œuvre sur un support. Si on prend le cas d’un tableau, encore une fois, la possibilité d’utiliser l’image de cette œuvre dans un livre, la possibilité d’en faire des cartes postales, la possibilité de le numériser et de l’afficher sur un site internet, tout ça va résulter en des formes de reproduction qui relèvent de ce droit patrimonial.

Nous avons ensuite un droit de représentation, dit aussi droit de communication au public, qui est né, principalement d’abord, dans le monde du théâtre. Quand vous jouez une pièce de théâtre, il n’y a pas de reproduction de l’œuvre, il n’y a pas de copie, mais il y a bien une forme d’exploitation de l’œuvre qui, au fil du temps, a fini par être reconnue comme un des modes d’exploitation que peut contrôler le créateur.

Ensuite, au fil de l’évolution des technologies, il y a eu tout un tas de procédés permettant de diffuser les œuvres qui ont été raccrochés à cette représentation. On pense notamment à la radio, on pense au cinéma, qui sont considérés comme des formes de communication publique des œuvres, et aujourd’hui, toutes les communications numériques sont aussi assimilées à des formes de représentation qui peuvent être soumises au droit d’auteur. Le fait de diffuser sur Internet une œuvre est une forme de communication au public.

Indépendamment de la reproduction et de la représentation, il y a aussi la possibilité d’adapter les œuvres, le droit d’adaptation, qui relève du droit patrimonial. Là on pense, notamment, à des choses comme le fait de prendre un roman et de l’adapter en pièce de théâtre ou de l’adapter au cinéma, d’en faire un jeu vidéo. Tout ça, ce sont ce sont des formes d’adaptation qui relèvent aussi du droit patrimonial. Dans le droit d’adaptation, on a aussi, par exemple, la traduction qui est aussi considérée comme relevant du droit patrimonial.

Un point d’attention à avoir, c’est que ce droit s’appelle droit patrimonial, droit d’exploitation, mais il s’applique aussi en cas d’usage non commercial. Quand vous faites une reproduction d’une œuvre, par exemple pour l’afficher sur un site internet, vous êtes quand même soumis à ce droit de reproduction, même si vous n’avez pas d’intention lucrative ou de faire un acte commercial.

Pourquoi cette distinction entre le droit moral et le droit patrimonial est importante ? Parce qu’en fait, ces deux branches du droit d’auteur ne fonctionnent pas de la même manière.

Le droit moral, par exemple, ne peut pas être cédé par contrat, par l’auteur, à un intermédiaire comme un éditeur ou un producteur. On dit qu’il est inaliénable. C’est une façon de protéger les auteurs et d’empêcher que des intermédiaires s’attribuent ces prérogatives-là. Le droit est dit inaliénable parce que l’auteur pourra toujours revenir sur sa décision et considérer que le contrat est nul si un éditeur lui a demandé de céder le droit de paternité, le droit de divulgation ou le droit au respect de l’intégrité de son œuvre.

Le droit moral est aussi perpétuel dans le temps, c’est-à-dire qu’il va durer toute la vie de l’auteur et ensuite, il va se transmettre à ses descendants qui vont pouvoir l’exercer, indéfiniment, sans limite dans le temps.

Le droit patrimonial, de son côté, a un fonctionnement différent. Par définition, il est cessible par contrat, c’est-à-dire que l’auteur peut céder tout ou partie des droits patrimoniaux à des intermédiaires comme des producteurs ou des éditeurs. Dans ces cas-là, la cession va entraîner le transfert du droit au profit de ces agents et, en général, l’auteur va exiger une rémunération en échange et c’est de cette manière-là, par cession du droit patrimonial, que les créateurs peuvent bénéficier d’une rémunération pour leurs créations.

Le droit patrimonial n’est pas perpétuel. Il est limité dans le temps. En principe il dure 70 ans après la mort de l’auteur et, à ce moment-là, les différentes branches du droit patrimonial, c’est-à-dire la reproduction, la représentation et l’adaptation deviennent libres : n’importe qui peut les effectuer sans avoir à demander d’autorisation à l’auteur, ni à le rémunérer. Par contre, le droit moral persiste et donc là, il faudra demander l’autorisation aux descendants de l’auteur qui continuent à l’exercer.

La violation du droit d'auteur et les sanctions associées

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Nous allons voir à présent la question de la violation du droit d’auteur et les sanctions qui y sont associées.

On a vu les différentes branches qui composent le droit d’auteur. Toute atteinte, tout acte commis sans autorisation de l’auteur, raccrochable à une de ces branches constitue ce qu’on appelle une contrefaçon. C’est le terme qui désigne le délit associé à la violation du droit d’auteur. Contrairement à l’expression un peu courante, la contrefaçon, dans ce domaine-là, elle n’est pas limitée à la question de fabriquer des imitations de sacs ou de médicaments. La contrefaçon c’est beaucoup plus large, ça concerne la violation des droits de propriété intellectuelle et, en matière de droit d’auteur, ce sera de reproduire une œuvre sans autorisation, de la représenter sans autorisation ou même, de violer une des composantes du droit moral sans l’accord de l’auteur.

La contrefaçon, en tant que délit, est punie actuellement de trois ans de prison et 300 000 euros d’amende. C’est donc quelque chose qui peut être poursuivi au pénal, comme peut l’être le vol, par exemple, et avec un niveau de sanction qui est relativement élevé : trois ans de prison et 300 000 euros d’amende, ça fait partie des délits lourdement sanctionnés. Sachant qu’à côté de ça, une personne qui subit une violation du droit d’auteur peut aussi agir au civil pour demander des dommages et intérêts, en fonction du préjudice qui lui aura été causé. Dans la pratique d’ailleurs, on constate que les poursuites au pénal sont très rares. Elles concernent, en général, des violations très importantes du droit d’auteur, notamment avec une intention commerciale derrière, une intention lucrative. Et il est très rare que de simples internautes, par exemple, soient poursuivis au pénal. Par contre, les poursuites au civil sont plus fréquentes.

Dans la pratique, ce qu’on constate quand même, c’est que, en cas de violation du droit d’auteur, ce qui se produit le plus fréquemment, c’est que le titulaire de droits va adresser une demande à celui qui a violé le droit d’auteur, de cesser ou de retirer, par exemple, un contenu qu’il aura mis en ligne. Et lorsqu’on s’exécute, en général, ça clôt le litige et on peut en rester là. Il faut savoir quand même que dans ce cas-là, le titulaire de droits a toute latitude pour demander une indemnisation, qu’il va fixer de son propre chef, et en indiquant que si on ne paye pas cette rémunération, eh bien il y aura des poursuites au tribunal qui seront effectuées. Pour donner un exemple, il est assez fréquent qu’une agence de photos comme Getty Images, repère que certaines de ses photographies ont été publiées sur Internet et, par le biais de ses avocats, envoie une demande de retrait assortie de montants qui peuvent dépasser plusieurs centaines d’euros, sous peine d’aller au tribunal.

Donc les risques associés à la violation du droit d’auteur, il faut considérer qu’ils sont réels, sans aller systématiquement à des choses comme trois ans de prison et 300 000 euros d’amende, il y a des risques, notamment pour les usages sur Internet où il y a une visibilité liée à la rediffusion.

Il y a des secteurs, aussi, qui sont plus sensibles que d’autres. C’est notamment le cas de la photographie où beaucoup de photographes professionnels sont particulièrement sensibles au respect de leurs droits, notamment dû aux conditions de l’exercice de leur profession et peuvent être plus portés à faire valoir leurs droits en cas de réutilisation non autorisée.

À côté de ça, on le verra dans d’autres vidéos, il faut se rendre compte que lorsqu’on n’est pas sûr de pouvoir réutiliser ou non un contenu protégé, il faut chercher à contacter le titulaire de droits lorsqu’on en a la possibilité, envoyer un simple mail, par exemple. Si on indique, de manière assez précise, ce que l’on veut faire avec l’œuvre que l’on veut réutiliser, peut valoir, en fait, l’équivalent d’une licence. Si on indique vraiment précisément les types d’usage, ça vaudra autorisation qui sera valable d’un point de vue juridique parce qu’on a un écrit formalisé. Et donc du coup, ça vaut toujours le coup d’essayer de contacter un auteur ou un éditeur, sachant qu’en cas d’utilisation non commerciale, ce genre de titulaire de droits est, en général, porté à accorder des autorisations.

Il y a d’autres façons d’utiliser légalement des contenus sur Internet du point de vue du droit d’auteur. Notamment, on peut réutiliser des œuvres qui sont dans le domaine public et elles sont faites pour ça. Le domaine public est fait pour donner des libertés de réutilisation. On peut réutiliser des œuvres qui sont dans le domaine public, sachant qu’il faut bien s’assurer que l’œuvre en question est dans le domaine public mais aussi que son support le soit. Ça peut, parfois, être assez complexe, notamment en ce qui concerne les musiques et les vidéos, de bien déterminer qu’on a à faire à un objet qui est dans le domaine public complètement.

Et sinon, on peut se tourner vers les œuvres placées sous licence libre. On verra dans une autre vidéo, en détail, ce que sont les licences libres. Le principe en est que le titulaire de droits, en général l’auteur, va accorder une autorisation générale à tous les utilisateurs de réutiliser sa production, par le biais d’un contrat, qui s’appelle une licence libre où, au lieu de poser des restrictions à l’usage, il va donner des libertés de réutilisation. Elles peuvent être plus ou moins ouvertes selon les options que le créateur aura choisies, mais ces licences offrent de très larges latitudes de réutilisation et on compte, aujourd’hui, des centaines de milliers, voire de millions d’œuvres disponibles sur Internet sous licence libre, qui peuvent être mobilisées pour toutes sortes d’usages.

Le mode de fonctionnement du droit d'auteur et les contrats

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