Ce que copier veut dire

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Titre : Ce que copier veut dire (1/3)

Intervenant : Lionel Maurel

Lieu : Conférence [lire+écrire] numérique - Médiathèque de Rezé

Date : Mars 2013

Durée : 28 min 51

Lien vers la vidéo : [1]

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Ce matin je voulais essayer de remettre en contexte cet événement de la Copy Party en parlant tout simplement de l'acte de copier et ce qu'il signifie en général et ce qu'il signifie en particulier, aujourd'hui, dans cette période de développement du numérique qui en change profondément la signification. J'ai appelé ça « Ce que copier veut dire », parce que le fait de copier est devenu quelque chose qui n'est plus du tout anodin, qui soulève beaucoup de questions, qui peut poser des problèmes très sérieux, et qui doit nous amener à nous questionner sur la signification de ce geste que nous allons faire tout à l’heure et je pense que ce sera intéressant, justement, d'aller copier des documents dans la bibliothèque en ayant cet arrière-plan en tête, pour bien mesurer les enjeux de ce geste.

Je suis bibliothécaire et juriste. Je suis blogueur sur un blog qui s'appelle Silex. Je m'intéresse à ces questions depuis plusieurs années et j'essaye aussi de réfléchir à la place du savoir et de la connaissance dans la société aujourd'hui, autour notamment d'un collectif que j'ai cofondé avec autre bibliothécaire qui s'appelle Silvère Mercier, sur les biens communs de la connaissance qui s'appelle Savoirs Com1. C'est de ce point de vue-là que j’aborde ces questions.

Nous allons faire une Copy Party, donc j'ai mis cette image en introduction. C'est un site qui s'appelle Bibliogobelin qui publie ce genre d'images, qui jette un regard un peu décalé sur l'activité des bibliothèques et qui en avait fait un sur la Copy Party justement et qui avait mis cette image de moine dans un scriptorium, qui est une image qui n'est pas du tout anodine, si vous voulez, parce que vous allez voir que la bibliothèque est fondamentalement reliée à l'acte de copier. Les bibliothèques à la base n'étaient pas tellement des endroits où on prêtait mais des endroits où on copiait. La bibliothèque d’Alexandrie, son principe de fonctionnement, c'était quand les bateaux arrivaient dans le port, ils avaient obligation de remettre tous les rouleaux qui étaient dans les bateaux, ils faisaient une copie, ils gardaient l'original et ils rendaient la copie aux bateaux. C'est comme ça, fondamentalement la bibliothèque s'est constituée par l'acte de copie. Et en plus on est dans une ancienne église, donc tout ça est un arrière plan assez intéressant.

La question c’est de se demander qu'est-ce que fondamentalement cela veut dire copier aujourd'hui ? Vous allez voir, qu'en fait, il y a beaucoup de sens, le mot copier charrie beaucoup de sens cachés. Copier, ça peut vouloir dire tricher, par exemple. Copier, certains l'assimilent à l'acte de voler. D'autres vont dire copier c'est aimer. D'autres vont dire copier c'est créer. Tous ces sens-là sont encapsulés, si vous voulez, dans le terme copier et c'est ce qui en fait une sorte de nœud assez complexe à démêler. Moi ce que je voudrais, aujourd'hui, c'est essayer de démêler un petit peu ce nœud.

Je vous ai mis au début quelques paradoxes et on va aller en Suède qui est un pays qui est assez concerné par ces questions. Vous allez voir qu'on arrive à une situation, quelque part, un peu délirante sur ce qui tourne autour de l'acte de copier. Ça c'est en Suède. Il faut savoir qu'en Suède, en 2012, il y a une église, qui a été reconnue comme religion officielle, qui est l'église du « copyisme » qui s'est montée. Cette église est un groupe qui considère que l'information est sacrée et la copie est un sacrement. L'information a une valeur en soi et cette valeur se multiplie grâce à la copie. Leur geste sacré c'est le Ctrl+c, Ctrl+v, c'est l'acte du copié-collé. C'est une église. Là par exemple j'ai une vidéo sur Internet où on voit un mariage célébré par un prêtre de l'église du copyisme qui a donc marié deux personnes. Donc c'est un groupe religieux qui a élevé la copie au rang de geste sacré. Ça peut paraître quand même assez surprenant d'aller jusque là. Il faut savoir, en fait, que l'arrière plan de la Suède est assez complexe.

Vous savez aussi que la Suède, peut-être, j'en parlerai tout à l'heure, c'est le pays du Parti Pirate. C'est aussi pays où est né le plus grand site de partage de fichiers qui s'appelle The Pirate Bay, le Pirate Bay. Et en fait ces gens ont fait ça parce que, en ayant la protection du statut de religion officielle, ils espèrent pouvoir copier sans être empêchés par les entraves légales que peuvent être le droit d'auteur, etc. Un peu comme les rastafari, à une époque, avaient élevé la consommation de cannabis au rang de pratique légale pour pouvoir le faire sans être empêchés par une forme de prohibition. Vous voyez, quand même, que c'est assez représentatif, je trouve, d'une situation un peu embrouillée autour de la notion de copie. Comme je vous disais la Suède c'est aussi le pays de The Pirate Bay qui est le plus grand site d'échange de fichiers Torrent au monde. Donc là on est sur du partage de fichiers qui sont en général des œuvres protégées par le droit d'auteur, et ce site suscite des réactions assez virulentes de la part de ce qu'on appelle les industries culturelles qui l'ont attaqué dans plusieurs endroits dans le monde, en Suède, en Finlande, aux Pays-Bas, en Belgique et qui ont obtenu son blocage. Les trois fondateurs du site, voyez en photo, ont été condamnés par la justice suédoise et on a appris, juste hier en fait, que la Cour européenne des droits de l’homme avait rejeté leur dernier recours et donc ils sont passibles de peines de prison et d'amendes assez importantes. L'un d'entre eux a aussi de gros ennuis judiciaires en Thaïlande. Voilà. On est dans une situation où ces personnes, pour avoir mis en place ce site, ont des soucis très importants.

Mais la Suède c'est aussi donc, comme je vous l'ai dit , le pays du Parti Pirate qui est un parti politique, qui a envoyé de représentants au Parlement européen. Il y a deux représentants suédois qui ont été élus comme députés européens et qui siègent au Parlement européen, qui prônent des réformes très importantes du droit d'auteur ainsi que des réformes du fonctionnement de la démocratie elle-même. C'est là où c'est paradoxal, la Suède est aussi le pays où est né un site de streaming légal, là cette fois-ci, qui s'appelle Spotify et c'est le pays, la Suède, où ce service se porte le mieux, avec des croissances de l'ordre de 50 % cette année par exemple.

Si vous ajoutez tout ça vous avez donc un pays qui a une église reconnue officiellement autour de la copie, qui, d'un autre côté a le site qui est le plus dans le collimateur des tribunaux, qui est le siège du Parti Pirate, mais qui le pays où l'offre légale de musique en streaming se porte le mieux. Je trouve que c'est un très bon résumé du paradoxe de la situation actuelle autour de la copie et des contradictions que ça peut soulever. Évidemment je dirais que c'est un peu paroxystique en Suède mais dans tous les pays du monde on retrouve ces contractions autour de l'acte de copier.

08' 17

Au cœur de la question on a le droit d'auteur.