Alain Issarni CEO @Numspot - L'Open Source pour un cloud souverain

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Titre : Alain Issarni CEO @Numspot - L'Open Source pour un cloud souverain

Intervenants : Alain Issarni - Thomas Walter

Lieu : Podcast Med in tech

Date : 15 février 2024

Durée : 1 h 17 min 32

Podcast

Présentation du podcast

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration : À prévoir

NB : Transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Transcription

Alain Issarni, voix off : Il y a des gros travaux à l’heure actuelle et des discussions au niveau Europe, justement pour harmoniser cette vision sur la souveraineté et ce niveau de dépendance que l’on souhaite, ou pas, par rapport aux acteurs qui bénéficient de lois extraterritoriales. Je suis plutôt optimiste et confiant et on voit, aujourd’hui, que ça avance à une telle vitesse que les certitudes d’aujourd’hui ne sont pas les certitudes de demain.

Thomas Walter : C’est parti pour un nouvel épisode. Aujourd’hui, je crois que j’ai coché le bingo parce que ce sont tous les sujets que j’adore. On va parler de cloud, de données de santé, d’hébergement de données pour les acteurs de la santé tels que les établissements, un sujet qui m’est cher depuis que j’ai commencé à m’intéresser à la santé. On va parler d’IA générative, notamment d’IA générative dans le milieu hospitalier, un sujet qui est vraiment brûlant et qui m’intéresse particulièrement ; de cybersécurité, bref !, tout ce que j’adore.
Alain, bienvenue. J’ai hâte qu’on aborde un peu tout ça. On peut commencer, je vais te laisser te présenter et puis on va attaquer tous ces sujets, si tu veux bien.

Alain Issarni : Bonjour. Ravi aussi de participer à ce podcast. Je partage aussi tous ces sujets passionnants.
Pour ma part, je suis le e président de Numspot, une entreprise qui a été créée récemment, en février, j’y reviendrai. Auparavant j’ai été DSI à l’Assurance maladie pendant un peu plus de sept ans, encore auparavant j’ai été DSI non pas dans le monde de la santé, mais toujours dans la sphère publique, à la Direction générale des finances publiques. Donc un parcours très services publics et une bascule en février vers Numspot qui est une entreprise privée qui a de beaux actionnaires que sont la Caisse des dépôts et consignations, Docaposte, Dassault Systèmes et Bouygues Telecom. Le but de la société Numspot, qui a été créée en février, c’est de créer, on reviendra probablement sur le terme, un cloud souverain et de confiance, à valeur ajoutée, avec des services managés pour servir le domaine de la santé, mais aussi tous les domaines qui ont une attention toute particulière sur la sensibilité des données et la protection des données. L’aventure a commencé en février, nous étions deux/trois, nous sommes à peu près une centaine maintenant et c’est juste enthousiasmant.

Thomas Walter : J’imagine. On va expliquer un peu tout ça.
Peut-être, pour lancer ma première question, on en parlait tout à l’heure quand on a préparé, c’est un sujet qui me tient particulièrement à cœur parce que, je te l’ai expliqué, j’avais essayé de faire une première aventure entrepreneuriale dans le milieu hospitalier, j’avais monté une boîte, on cherchait à prédire des erreurs de prescription à l’hôpital, les écarts, la pratique. Sorti d’école, je ne connaissais encore rien, avec beaucoup d’humilité, je ne connaissais pas grand-chose. J’avais une expérience plutôt de data science et de Web et je me suis dit « avec ces compétences-là, je vais aller à l’hôpital ; il y a des besoins d’utiliser de l’IA, des technologies pour aider les pratiques au quotidien, les pharmaciens qui essaient de détecter et de valider les prescriptions ». En fait, le premier problème auquel on s’est heurté, ce sont ces fameuses données.
Pour expliquer rapidement pourquoi on en avait besoin. L’idée c’est : on prend toutes les données qu’il y a sur les patients à l’hôpital, donc tout ce qui est rentré dans le système d’information. On a entraîné un algorithme qui prédit pour cette prescription, pour ce patient, s’il y a un risque, ou pas, qu’il y ait une erreur. Du coup, on fait remonter les patients aux risques d’erreur, comme ça le pharmacien peut les regarder et prioriser son travail.
Sur le papier ça marchait très bien, mais dès qu’on a voulu passer en production, nous nous sommes heurtés à un problème d’infrastructure. Pour faire ça on a besoin de machines, on a besoin de GPU, de cartes graphiques qui peuvent faire beaucoup de calculs en parallèle. Du coup, on a demandé à la DSI de l’hôpital « est-ce qu’on peut avoir cette machine ? » et la réponse a été « c’est compliqué » et, finalement, ça a pris plus de six mois pour l’avoir, c’était en 2018. Ça illustre un petit peu la difficulté, le paradoxe qu’il y a : on sent qu’on a besoin de nouveaux outils à l’hôpital, notamment l’IA qui fait beaucoup parler d’elle en ce moment, qui pourrait être une solution à certains problèmes et, pour autant, on a l’impression que les infrastructures ne sont pas là ; à l’hôpital on a ces délais, on n’a pas les machines pour faire tourner tout ça.
Est-ce que tu pourrais expliquer un peu ce paradoxe et, déjà, d’où ça vient ?

Alain Issarni : Déjà bravo si dès 2018 tu pensais à ces sujets-là, parce que, aujourd’hui, ça devient presque banal. Maintenant, tout le monde connaît l’IA générative. Je pense qu’en 2018 c’était un peu moins le cas. C’est un sujet important et la santé en a besoin.
Ce paradoxe, j’allais dire, est plutôt « simple » entre guillemets, malheureusement il faut le constater. On parle là de données de santé, des données extrêmement sensibles. Je pense que les DSI des hôpitaux sont particulièrement attentifs à la protection de ces données-là, donc, parfois, rechignent à aller dans le cloud pour des problèmes de confiance que l’on peut y accorder. Donc, faute de trouver des offres de confiance pour pouvoir y aller, ils gardent ça chez eux, mais, malheureusement, en fait les DSI ont des moyens limités, comme un peu partout, et c’est probablement difficile pour eux de pouvoir monter cela, surtout si ce sont des configurations atypiques, parce que ce que tu demandais en 2018 n’était peut-être pas totalement classique par rapport à ce que délivrait la DSI locale. Ça fait donc partie des difficultés qu’il peut y avoir.

Thomas Walter : C’est vrai qu’en comparaison, j’avais déjà fait d’autres projets, on allait sur des services de cloud, on les connaît, WS, GCP, les grands classiques, OVH en France. C’est vrai que je vais sur un site, je me connecte, je m’inscris, je clique sur un bouton, j’ai ma machine et je peux commencer à travailler. Il y avait donc cette dichotomie entre, d’un côté, je l’ai en un jour, de l’autre côté je l’ai dans six mois.

Alain Issarni : Exactement, mais je pense que tout cela est lié, en fait, au niveau de confiance que l’on peut faire quand on va dans le cloud. J’allais dire que c’est la raison d’être de Numspot d’apporter cette confiance-là, on y revient certainement avec les hautes qualifications SecNumCloud et autres, avec des services managés, pour, justement, apporter cette flexibilité et cette agilité qu’on est en droit d’attendre dans le cloud. Les DSI ont besoin d’un haut niveau de confiance, de cette flexibilité et de cette agilité. En 2018, ça n’existait pas à ce point-là, je pense donc que ça posait les pires difficultés et ça allait à l’encontre du progrès que l’on est en droit d’attendre et que l’on espère un peu partout.

Thomas Walter : Avant d’enchaîner un peu sur ces sujets de SecNumCloud et de cloud, dans ton expérience d’avant, puisque tu étais DSI, tu gérais énormément de données santé extrêmement sensibles – d’ailleurs, je ne sais pas si les données de l’Assurance maladie sont aujourd’hui dans le cloud ou pas – est-ce que c’est similaire finalement comme raisonnement et, finalement, pourquoi ne pas décider d’aller dans le cloud il y a quelques années de ça ? Comment, en tant que DSI, as-tu raisonné à ce moment-là ?

Alain Issarni : Question désagréable !

Thomas Walter : Désolé, je ne pensais pas que c’étaient des sujets qui fâchent.
C’est important parce que je trouve que c’est assez opaque. Quand j’ai commencé, j’ai essayé de comprendre. J’ai l’impression de ne pas comprendre les vraies raisons qui m’empêchaient d’avoir les bons outils pour travailler.

Alain Issarni : J’ai coutume de dire que la sphère publique en général, pas la sphère santé uniquement, mais la sphère publique en général, a un taux d’adoption du cloud qui est plutôt faible, voire très faible. Quand on se compare avec les pays anglo-saxons, les États-Unis ou autres, déjà ne serait-ce qu’en général le cloud est à un niveau plus faible et la sphère publique à un niveau encore plus faible.
Je dis qu’il y a deux raisons, il y a les bonnes et les mauvaises.
Je vais commencer tout de suite avec les mauvaises et c’est pour cela que je disais la partie désagréable.
En fait, quand on a la chance d’être dans une DSI de taille très importante – à l’Assurance maladie j’avais 1500 informaticiens en interne, à la DGFiP il y en a 4000 –, on a les moyens de faire quelque chose et on fait beaucoup de choses ; on a donc l’impression que l’on peut tout faire et qu’on peut être indépendant. Dans les faits, ces entités-là font de très belles choses au niveau informatique, il y a de très belles réussites, tout cela en le faisant en interne, mais ça nécessite des compétences j’allais dire du sol au plafond, c’est-à-dire de bâtir des salles, d’installer des serveurs, de câbler, en fait il faut tout faire.
Ça c’est plutôt la mauvaise raison et je pense que même les grosses DSI, dans l’avenir, n’auront pas les moyens de pouvoir faire ça parce que tout cela va tellement vite que ça nécessite des ressources et des compétences qui sont particulières.

Thomas Walter : Quels sont, justement, les problèmes de faire soi-même ? Si j’ai des gros besoins d’IT sur les cinq/dix prochaines années, je me dis « je dimensionne suffisamment grand, je mets suffisamment de serveurs, j’entraîne les personnes qu’il faut et puis ça devrait le faire », non ?

Alain Issarni : C’est presque aussi facile que ça.
Déjà, si on veut bâtir une salle d’hébergement, ça nécessite des investissements considérables ; ces entités-là bâtissent des salles d’hébergement. Il faut s’occuper de métiers qui ne sont pas tout à fait dans l’informatique, s’occuper de la climatisation, de l’électricité, de tout cela ; il faut mettre de la redondance parce qu’il faut une salle d’hébergement avec un haut niveau de disponibilité, aujourd’hui on ne peut pas se contenter d’une salle qui, tous les trois jours, tomberait en panne parce que n’aurait pas d’électricité ou autre. Ce sont donc les fameux tiers, deux, trois ou peut-être quatre. Ça nécessite des compétences, c’est un métier particulier.
Ensuite, une fois qu’on a la salle et l’infrastructure, il faut y mettre les serveurs, il faut le réseau. Tout cela ce sont des métiers que l’on peut exercer.
L’avantage du cloud c’est que, justement, ça donne à un DSI la possibilité de ne pas avoir à s’occuper de cela. Pourquoi a-t-on créé le cloud, en fait c’est justement pour éviter ces sujets-là. Certes, il y avait le sujet de partage et de partage de coûts, mais, de fil en aiguille, en fait le cloud a transformé les sujets comme des commodités, c’est-à-dire que tout cela devient une commodité. Dans certains milieux, on appelle cela des servitudes ; dans la marine, les bateaux de servitude. Juste, peut-être, une pointe d’humour, c’est que servitude ça peut être « rendre service » mais ça peut être aussi « rendre servile ». Certains acteurs ont bien compris que cette servitude était aussi un moyen de rendre serviles et de tenir prisonniers, un peu, ses clients. Pardon pour la parenthèse.
Je voulais dire par là que oui, si on est gros on peut faire cela, mais ça nécessite des compétences et des métiers qui sont parfois assez loin de ce que l’on imagine dans le monde de l’informatique et ça nécessite des investissements. Monter une salle d’hébergement ça ne se fait pas tout de suite ; équiper et mettre des serveurs dans une salle d’hébergement, c’est un peu compliqué.
Quand on compare ça par rapport à la flexibilité qu’apporte, en toute objectivité, le cloud, c’est sûr qu’on peut se dire « si on fait confiance à l’acteur, autant profiter de cette flexibilité et y aller ».

Thomas Walter : C’est la mauvaise raison. Quelle serait la bonne raison de ne pas aller dans le cloud ?

Alain Issarni : La bonne raison. Je pense que, dans la sphère publique, beaucoup d’acteurs on a cœur de protéger leurs données, ils sont convaincus que leurs données sont confidentielles et nécessitent d’être protégées. J’indiquais que j’étais à la DGFiP, j’allais dire qu’il n’y a pas plus gros secret que le secret fiscal. C’est juste catastrophique que d’imaginer que les données fiscales de quelqu’un tombent dans la boîte aux lettres d’un autre. C’est un gros sujet. Quand on est à l’Assurance maladie, on est particulièrement sensible aux données de santé, on a une attention toute particulière. Je crois que l’on peut généraliser cela à peu près à toute la sphère publique.
La bonne raison c’est qu’il y a quand même, derrière tout cela, la réflexion qui est « ces données étant ultrasensibles, il faut faire attention à ce que l’on fait, donc, si je n’arrive pas à trouver quelque chose dans le cloud qui me rassure complètement, alors je me réfugie et je le fais chez moi parce que j’ai l’impression de beaucoup mieux protéger tout cela. »

Thomas Walter : Du coup, à l’époque, est-ce que c’était une impression ou est-ce que c’était véridique ? C’est-à-dire est-ce que c’était plus sécurisé d’avoir les données chez soi ou est-ce que c’était une impression que les données étaient moins sécurisées dans le cloud ? Tu parles de confiance, finalement. Quel est le degré de réalité de derrière ça ?

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Alain Issarni : Dans les faits, je pense que l’on peut dire que ces entités, qui hébergent des données qui sont particulièrement sensibles, les ont plutôt bien protégées au fil des années. Elles arrivent à faire des choses et à assurer un bon niveau de confiance et de sécurité de leurs données.
Le niveau de confiance que l’on peut avoir dans le cloud augmente de plus en plus, notamment grâce à l’ANSSI qui a édicté le référentiel SecNumCloud, justement pour apporter ce niveau de confiance. La sphère État et l’ANSSI ont estimé qu’il était intéressant d’avoir ce niveau de qualification, justement pour pouvoir apporter aux acteurs ce niveau de confiance, qui n’existait pas, à tort ou à raison, je dirais plutôt à raison. En France, on a un label, une qualification qui est extrêmement exigeante et qui est de nature à pouvoir quand même rassurer les acteurs sur le niveau de confiance que l’on peut y accorder.

Thomas Walter : On avait un petit peu discuté avec Cyprien, dans un épisode précédent, de SecNumCloud. Peux-tu nous expliquer ce qui fait que ce label est particulièrement exigeant ? Qu’est-ce qui fait que je peux avoir une grande confiance dans ceux qui ont ce label-là, et me dire « je sais que les données sont sécurisées par rapport à d’autres qui ne l’ont pas forcément, mais qui pourraient aussi avoir certaines normes de sécurité ? »

Alain Issarni : Il faut voir qu’on parle de cloud et de cloud public. L’intérêt du cloud public c’est de mutualiser, donc de faire côtoyer, potentiellement, des workloads de différents clients, si ce n’est sur les mêmes machines sur des machines qui sont assez proches. Quand on fait ces choses-là en interne, en fait on n’a pas d’entités étrangères, au sens « étrangères à l’entité », qui viennent manipuler des données des serveurs ou autres. On a donc une sorte de bulle qui semble assez sécurisante.
Quand on veut faire cela dans le cloud, il faut quand même apporter ce niveau de sécurité et être sûr que telle entreprise qui utilise ses workloads sur ces serveurs avec, à côté, une autre entreprise, il n’y a pas de communication possible et il n’y a pas la possibilité de pouvoir accéder de l’un à l’autre.

Thomas Walter : C’est-à-dire que physiquement si, demain, un établissement mettait ses données dans le cloud public, sur la même machine, il pourrait y avoir les données d’un autre établissement sur le serveur, les données d’un site d’e-commerce ou ce genre de choses.

Alain Issarni : En fait, l’établissement qui va sur le cloud ne se préoccupe plus de savoir sur quelle machine, ce dont on parle. Numspot c’est du cloud public, ce n’est pas du <em<bare-metal , c’est du cloud public. Il ne se soucie pas de savoir sur quelle machine, il a des instances, il a sa zone, et sa préoccupation c’est d’être sûr qu’il n’y a pas de communication possible avec le voisin, qui est d’une proximité plus ou moins grande au niveau matériel. La difficulté c’est de pouvoir garantir au client cette étanchéité, alors même qu’on lui fait profiter de l’agilité du cloud. Les machines ne sont pas des machines qu’il achète en propre, ce sont des services et des instances et il ne sait pas où elles sont, mais il est convaincu que tout cela est sécurisé pour lui.

Thomas Walter : Du coup, comment SecNumCloud garantit-il cela concrètement ? Qu’est-ce qui fait que c’est sûr, si je suis SecNumCloud, que mon voisin ne pourra pas accéder à mes données ?

Alain Issarni : Justement en implémentant ces fonctionnalités et en assurant l’ANSSI, parce que c’est l’ANSSI qui qualifie que tout ce qui a été mis en œuvre est conforme à sa doctrine et, effectivement, ne présente pas ce risque-là.

Thomas Walter : Aurais-tu un exemple d’une exigence qui permet d’assurer ça, pour bien comprendre, pour illustrer un petit peu ? Qu’est-ce qui fait que, physiquement, c’est bien sécurisé ?

Alain Issarni : Physiquement et logiquement en fait. Tu es client, tu crées une application sur le cloud, tu administres ton application. Il faut être sûr que l’administrateur d’une application n’accède pas à l’administration de l’autre application, j’allais dire que c’est banal, pourquoi pas ! Mais l’exigence va plus loin entre la segmentation entre le l’exploitant fonctionnel, c’est-à-dire le client, et l’exploitant qui est le fournisseur de cloud. Les exigences sont extrêmement fortes entre le prestataire et le commanditaire, dans le jargon du SecNumCloud, c’est-à-dire entre le client et le fournisseur de cloud, pour être sûrs que la segmentation est aussi bonne et que le fournisseur de cloud n’accède pas aux données malgré l’utilisateur. Tout cela c’est une préoccupation que l’on n’a pas quand on crée son propre cloud, parce que, bien évidemment, l’admin système c’est celui qui a la main tout et qui, potentiellement, peut accéder aux données. Dans les faits ce n’est pas tout à fait le cas. C’est-à-dire que celui qui administre les basses couches ou les services, n’a pas ces droits-là, c’est quand même le client qui les a.
C’est donc une garantie supplémentaire, on y reviendra probablement après, notamment sur la protection aux lois extraterritoriales : on s’interdit de pouvoir faire cela, plus une protection juridique compte-tenu de l’actionnariat qui nous donne une garantie encore plus forte. Ça fait partie des choses qui sont extrêmement contraignantes. Il y a d’autres choses, ça peut paraître anecdotique, mais qui agacent, en fait, les informaticiens : pour pouvoir accéder sur les zones d’administration, il faut qu’on leur donne des PC qui soient bridés, qui ne soient pas exposés sur Internet pour ne pas prendre des risques d’avoir des robots de pollution ou autre. Tout cela, mine de rien, c’est assez contraignant et, j’allais dire, il y a assez peu d’entités qui poussent cet exercice à avoir ce niveau de sécurisation.
Il y a donc toute une palette de niveaux de sécurité qui a été pensée dans cet esprit de pouvoir apporter cette confiance sur la sécurité et, j’allais dire, l’exercice a été poussé suffisamment loin pour qu’obtenir la qualification soit un vrai challenge. Dans les faits, aujourd’hui, il n’y a que très peu d’acteurs qui sont qualifiés SecNumCloud. L’enjeu c’est que le nombre d’acteurs augmente pour rendre le SecNumCloud j’allais dire beaucoup plus accessible, mais en gardant toujours ce niveau d’exigence.

Thomas Walter : Du coup, ça y est, maintenant que ce label existe, on va voir de plus en plus d’acteurs à publier. Est-ce que des DSI vont faire le pas d’aller vers le cloud ? Est-ce qu’il y a des signes qui le montrent ? Ça y est, on va avoir un niveau de confiance suffisant ?

Alain Issarni : Je le pense. La notion de souveraineté, même si ce qu’on y met derrière est toujours un peu variable, est dans l’esprit de beaucoup de personnes, beaucoup plus que ça ne pouvait l’être, je pense, il y a deux ans ou trois ans. Il y a une préoccupation particulière là-dessus et l’enjeu, face à ce marché qui est en attente, c’est de créer l’offre en adéquation avec ce marché.

Thomas Walter : On avait parlé, on avait évoqué, j’ai vu ça passer mais je ne suis pas très au clair sur ce que ça veut dire : la doctrine « cloud au centre ». Tu m’en avais parlé tout à l’heure. Est-ce que tu peux nous expliquer un petit peu ce qu’est cette doctrine, en quoi consiste-t-elle et est-ce que ça change quelque chose ?

Alain Issarni : Cette doctrine est extrêmement importante dans toute cette logique de sécurisation et de cloud de confiance. C’est une doctrine dont la première a été édictée en 2018, il y en a eu une importante en 2021 et la dernière a été mise à jour en mai 2023.
Quel est le but de cette doctrine ? L’État veut inciter les acteurs de la sphère État à favoriser l’adoption du cloud et aller dans le cloud, premier élément. Je pense que c’est intéressant, ça répond à ce que je disais tout à l’heure, au constat que l’on peut faire qu’il y a du retard dans ce monde-là, et je pense que c’est bon de pouvoir bénéficier du cloud, de toute cette flexibilité et autres. Premier point, c’est inciter les gros projets à aller dans le cloud.
Deuxième point et c’est la dernière version de la doctrine « cloud au centre » qui a fait apparaître ça, c’est une définition des données sensibles qui, quand elles vont dans le cloud, alors doivent absolument aller en SecNumCloud. Il y a quelques rubriques, je vais les donner de mémoire. Il y a tout ce qui relève du secret de la vie privée, du secret des affaires, et, pour ce qui nous intéresse, du secret médical. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que la doctrine qui touche, en fait, la sphère publique, dit que quand des données de santé vont dans le cloud alors il faut aller dans le SecNumCloud. Le constat que l’on peut faire c’est, j’allais dire, la qualité qui est accordée par la sphère État à ce label SecNumCloud et aussi l’importance que l’on peut donner à la protection des données qui méritent d’avoir un hébergement qui a subi des épreuves longues pour obtenir cette qualification, mais qui, en contrepartie, apporte ce niveau de confiance.

Thomas Walter : Ça me fait beaucoup penser au projet du Health Data Hub qu’on avait évoqué, je crois que tu as un avis là-dessus. Peut-être, pour expliquer l’idée, telle que je comprends : les données de santé, d’une part, sont très confidentielles, mais ont aussi de la valeur pour faire de la recherche, accélérer la découverte de nouveaux traitements, comprendre les tendances d’épidémiologie, on a bien vu, avec la crise du Covid, l’intérêt que ça pouvait avoir. Donc, d’un côté un grand intérêt, de l’autre, quand même des polémiques sur le choix de l’hébergeur, il me semble que c’est Microsoft Azure.
Est-ce que, dans ce contexte-là, cette fameuse doctrine aurait changé quelque chose ? Est-ce que, demain, si un autre projet comme le Health Data Hub sort, tout le monde va sur forcément sur le SecNumCloud ? Quel est ton avis sur ce projet du Health Data Hub ?

Alain Issarni : C’est un très beau sujet. Health Data Hub va avoir pas mal de données, c’est la cible, pour permettre, justement, de faire la recherche et pouvoir utiliser les données qui sont très nombreuses, qui viennent du SNDS qui est la plus grande base de données de santé en Europe et au monde, que je connais assez bien puisque c’est la CNAM qui l’a. L’enjeu du Health Data Hub c’est de pouvoir mener des projets en récupérant les données du SNDS, plus les données que fournissent les porteurs de projets, pour les combiner et pour pouvoir, grâce à l’analyse de data et de l’IA, en tirer des enseignements, parce que les données sont là et probablement assez peu exploitées.

Thomas Walter : Pour préciser, quelles sont les données qu’il y a dans le SNDS pour qu’on ait tous bien ça en tête ?

Alain Issarni : Dans le SNDS, en fait, ce sont toutes les données de consommation médicale en France. Tu vas voir un médecin, tu te fais rembourser, le fait que tu aies consulté à un médecin y figure.

Thomas Walter : Donc tel jour, telle personne, telle difficulté, tel médecin.

Alain Issarni : C’est protégé parce qu’il n’est pas marqué Thomas, l est pas intéressant que ça soit Thomas. Par contre, il est intéressant que si Thomas est allé consulter un médecin tel jour, un mois après un autre médecin et ainsi de suite, si on veut faire de l’analyse importante, je pense que c’est bien d’avoir une forme de pseudo Thomas pour pouvoir faire de l’analyse. Donc, depuis des années et des années, tout cela est collecté et permet d’avoir de façon pseudonymisée, c’est ça le terme, les données qui ont donné lieu à du remboursement. C’est donc extrêmement précieux.
Le but du Health Data Hub, c’est de pouvoir utiliser ça, le confronter avec d’autres données qui viennent des hôpitaux et autres, et voir ce que l’on peut en faire. C’est donc potentiellement extrêmement intéressant, on voit bien l’intérêt, notamment pour la recherche, que tout cela peut avoir.

Thomas Walter : Évidemment. Du coup, aujourd’hui, toutes ces données-là sont hébergées chez Azure ? Comment ça marche ce Health Data Hub ?

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Alain Issarni : Ça va nous emmener loin.