Accessible and Inclusive by design : et si on dépassait la simple obligation légale

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Titre : Accessible and Inclusive by design : et si on dépassait la simple obligation légale ?

Intervenant·e·s : Marine Boudeau - Marion Ranvier - Pamela Corbin-Audoux - Yannick Breavoine - Nicolas Oisel

Lieu : Le choc des Titans - Tables rondes sur le Product Management

Date : 19 juillet 2023

Durée : 41 min 17

Vidéo

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration : À prévoir

NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Transcription

Nicolas Oisel : On me dit dans l'oreillette, que je n'ai pas, que nous sommes en live.
Bienvenue à vous quatre. Merci d'être présents et présentes à cette table ronde. Bienvenue à vous tous qui nous regardez actuellement sur Twitch. Bravo aux valeureux téléspectateurs qui sont présents depuis ce matin 11 heures. Bienvenue à ceux qui nous rejoignent maintenant pour cette super table ronde. Je suis ravie de vous retrouver pour cette table ronde qui, à priori, sera au moins aussi passionnante que les précédentes et que les suivantes.
Vous m'excusez, je vais vous griller la politesse, je vais commencer par me présenter très rapidement et parler un petit peu de cette table ronde.
Je m'appelle Nicolas Oisel, je suis Head of project et Coach Produit chez Wivoo et, en parallèle de mes missions chez nos clients, je fais partie de la ??? RSE Produit responsable d'où ma présence à vos côtés sur cette table, puisqu'on va parler de sujets de responsabilité au travers de l'inclusion, de l'accessibilité.

Avant de démarrer, avant de vous laisser la parole, je voudrais rappeler les derniers chiffres de la Direction de la recherche des études de l'évaluation et des statistiques qui comptabilisait, en 2021, 6,8 millions, soit 13 % de personnes de plus de quinze ans, vivant à leur domicile, qui déclaraient avoir au moins une limitation sévère dans une fonction physique, sensorielle ou cognitive, et 3,4 millions, soit 6 %, qui déclarent être fortement restreintes dans des activités habituelles en raison d'un problème de santé.
Pour améliorer le quotidien de ces personnes, à juste titre, fin avril, lors de la Conférence nationale du handicap, le président de la République a alloué une enveloppe de 1,5 milliard d'euros, une enveloppe qui est donc dédiée à l'accessibilité des transports, des bâtiments et du numérique. Je spoile un peu : une de nos invitées y a largement contribué et pourra nous en parler. Cette dotation montre la nécessité de vraiment se retrousser les manches et d'avancer vraiment sur la gestion de l'accessibilité et de l'inclusion dans les produits qu'on propose au quotidien ; en tant que product and tech people. il faut se retrousser les manches. Aujourd'hui, clairement, il faut rendre nos produits plus accessibles, plus inclusifs qu’ils ne le sont.
On pourra y revenir. Je rappelle que l'accessibilité numérique est déjà encadrée par la loi. On peut notamment citer le fait que tous les sites du secteur public doivent être accessibles depuis 2012. Des sanctions, Marine tu pourras revenir dessus, peuvent , je crois, être appliquées depuis 2019 si l'accessibilité, si les sujets d'accessibilité ne sont pas clairement explicites sur le site et sur le produit numérique.
Je vous laisserai peut-être aborder aussi les sujets du secteur privé. Côté inclusion numérique c'est un peu plus flou, c'est un peu moins évident avec une proposition de loi qui a été initiée en 2021, relative à la lutte contre l'illectronisme et pour l'inclusion numérique et, qui sauf erreur de ma part, n'est toujours pas appliquée aujourd'hui, n'est toujours pas effective.
Nous sommes en 2023, à l'heure où on réfléchit à aller marcher sur Mars, je pense qu'il est aujourd'hui assez inconcevable d'arriver sur une application mobile, dont on a besoin pour avancer dans la vie, mais face à laquelle on a l'impression d'être un intrus ! Ou bien encore, qu'une personne en situation de handicap ne puisse pas bénéficier des mêmes services produits que les valides.

La question à laquelle on va donc s'atteler maintenant, avec nos quatre invités, sera la suivante : Accessible and inclusive by design, comment dépasser la simple obligation légale ?
Pour débattre de ce sujet passionnant, je suis honoré d'accueillir quatre personnes dont les retours et les conseils vont, à priori, être très complémentaires : Marine Boudeau, Pamela Corbin-Audoux, Marion Ranvier et Yannick Breavoine. Mesdames, Monsieur je vous laisse, vous présenter, peut-être Marine si tu veux démarrer, à toi l'honneur.

Marine Boudeau : Avec plaisir. Merci pour cette invitation. Ravie d'être ici autour cette table ronde, carrée plutôt.
Donc Marine Boudeau . Aujourd'hui je travaille à la DINUM, je suis préfiguratrice d'un nouveau pôle qui s'appelle « Le pôle brigade d'intervention numérique », je pourrai un peu en parler. Je suis haute fonctionnaire au handicap et à l'inclusion pour le ministère de la Transformation et de la Fonction publiques.

Nicolas Oisel : Yannick.

Yannick Breavoine : Bonjour à tous. Je suis Yannick Breavoine, je travaille dans le domaine de l'équipement du poste de travail au sein du CFRP, le Centre de Formation et de Rééducation Professionnelle de l’association Valentin Haüy. Je travaille beaucoup sur rendre le poste de travail accessible et ça passe aussi notamment par l'accessibilité numérique puisqu'on peut rencontrer des gens dont la carrière est gênée, est pénalisée par un manque d'accessibilité. J'interviens aussi chez SNCF Connect pour des tests d'utilisateur et de maintien de l'accessibilité au cours du développement.

Nicolas Oisel : D'ailleurs, on t’avait déjà reçu lors d'un Design Corner il y a quelques mois.

Yannick Breavoine : On a déjà eu l'occasion de parler design accessible

Nicolas Oisel : Exactement. Tu es venu en compagnie de Silver, ton chien guide d'aveugle, avec qui on a joué un petit peu avant de démarrer cette table.

Yannick Breavoine : Tout à fait. C'est cela.

Nicolas Oisel : Pamela.

Pamela Corbin-Audoux : Enchantée d'avoir fait la connaissance de Silver et des autres invités aussi. J’ai une petite préférence pour Sylver, quand même ! Je m'appelle Pamela Corbin-Audoux· Je suis responsable et leadership diversité et inclusion chez Décathlon digital qui est la partie tech de Décathlon, la marque qu'on connaît bien en France et dans le monde

Nicolas Oisel : Une des marques préférées des Français, accessoirement.

Pamela Corbin-Audoux : Il paraît, et je comprends pourquoi.

Nicolas Oisel : Marion.

Marion Ranvier : C’est mon tour. Bonjour à tous. Je suis ravie d'être là. Je suis Marion Ranvier, directrice générale de la Contentsquare Fondation, qui a pour but de promouvoir l'accessibilité numérique pour tous en créant des produits innovants à destination des personnes en situation de handicap et des programmes de sensibilisation, aussi bien pour les marques que pour les organismes de formation.

Nicolas Oisel : Petit rappel pour vous qui êtes sur Twitch : vous avez la possibilité de réagir, de poser vos questions, le timing est un peu serré, on fera en sorte d'en tenir compte. À vous de jouer sur le chat.
Pour démarrer, je veux bien qu'on regarde, dans un premier temps, ce qui est à votre définition de l'accessibilité numérique et puis un état des lieux de la législation. Vous avez vu que j'ai abordé deux/trois dates, mais je veux bien qu'on revienne dessus. Peut-être Marine, si tu veux aborder ces sujets-là.

Marine Boudeau : L'enjeu de l'accessibilité numérique, c'est permettre à toutes les personnes, qui partagent cette société dont on fait partie, d'avoir un accès égal aux services, à la société, en fait, et à tout ce qu'elle propose.
Si je reviens sur la législation actuelle dans le secteur public et, peut-être après, on pourra rentrer celle du secteur privé. Aujourd'hui l'accessibilité numérique est obligatoire pour tous les services publics, que ce soit des services publics opérés par le gouvernement, par les services d'administration centrale, par les collectivités, par les établissements publics. Beaucoup d'organismes sont concernés par ces obligations. Ces obligations existent depuis 2012, ont été renforcées en 2019, comme tu le disais, par un décret qui rajoute des sanctions sur les manquements à l'affichage, c'est-à-dire que j'arrive sur un service public numérique, je dois savoir quel est le niveau d'accessibilité, en tout cas de conformité aux exigences en matière d'accessibilité du produit ou service, pour savoir si je peux m'aventurer dans ce service ou, finalement, il vaut mieux que je ne perde pas mon temps. Malheureusement, aujourd'hui, beaucoup de services publics ne sont pas encore 100 % conformes à ces exigences, à ces règles d'accessibilité. C’est donc l'enjeu des prochaines années, probablement des changements de lois qui arriveront prochainement, dont je ne peux pas forcément parler aujourd'hui.

Nicolas Oisel : Peut-être Marion sur la partie secteur privé. Est-ce que tu veux compléter ?

Marion Ranvier : Tout à fait. Sur la partie secteur privé, aujourd'hui l'obligation légale oblige les entreprises qui génèrent plus de 250 millions de chiffre d'affaires à être accessible, donc de publier leur schéma pluriannuel et leur déclaration d'accessibilité. Marine, arrête-moi si je me trompe, je crois que la directive européenne est en train d'être appliquée dans le droit français et, du coup, obligera tous les sites e-commerce, notamment aussi la partie e-books, livres numériques, à être accessibles en juin 2025. Et là, finalement, il n’y a plus cette notion de chiffre d'affaires, c'est vraiment tous les services e-commerce qui devront être en conformité, répondre aux normes du Référentiel général d'amélioration de l'accessibilité qui est le RGAA.

Marine Boudeau : Je me permets de faire une petite parenthèse, rapidement, sur le RGAA, je n'en ai pas parlé. Aujourd'hui comment, légalement, teste-t-on qu'un site ou un service est conforme aux exigences d'accessibilité ? La France se distingue des autres pays : elle a créé, en 2009 – corrigez-moi dans le chat si j'ai faux – le RGAA, dont tu parlais, le Référentiel général d'amélioration de l'accessibilité, 106 critères qui permettent de tester qu'un site, qu'un service, est conforme à 75 %, à 80 %, à 100 %, à 0 %. Aujourd'hui, c'est ce qui permet d'objectiver le niveau d'accessibilité. On reviendra peut-être là-dessus au fil des échanges, mais, évidemment, on ne peut pas s'appuyer uniquement sur ça pour s'assurer que les sites, les services produits sont 100 % accessibles à toutes les personnes de la société.

Nicolas Oisel : Avant qu'on passe plutôt sur l'inclusion avec Pamela, peut-être Yannick, veux-tu compléter sur ce côté tests, vérifications, puisque, je le rappelle, c'est ton job, notamment chez SNCF Connect. Est-ce que tu veux revenir sur cette partie testing ?

Yannick Breavoine : On reviendra sans doute dessus, mais c'est vrai que faire des tests d'utilisateur c'est toujours quelque chose de très complémentaire au RGAA. Un site peut être non conforme mais utilisable et, inversement, certaines fonctionnalités peuvent être utilisables difficilement alors que, pourtant, c'est accessible du point de vue du RGAA.
En complément de ce qui a été dit, la Fédération des aveugles de France vient d'ouvrir un site qui s'appelle l'Observatoire de l'accessibilité numérique et sur 2006 sites – je ne sais pas pourquoi ils en ont choisi 2006, c'est dur à dire, ils auraient pu en prendre plus – sur 2006 sites étudiés, 63 seulement ont une déclaration d'accessibilité. Il y a encore fort à faire, vraiment beaucoup à faire, et 17 étaient accessibles à 100 %.

Nicolas Oisel : On reviendra dessus après, je pense.
Pamela, côté inclusion. Je bosse sur ces sujets-là avec la ??? Produit Responsable. Nous sommes d'ailleurs intervenus chez Décathlon, il y a quelques jours, pour sensibiliser une partie des équipes à ces sujets-là. De manière très simpliste, j'ai souvent l'habitude de dire que l'inclusion c'est finalement faire attention à ne pas exclure, ce qu'on fait assez naturellement dans notre vie quotidienne par facilité.

Pamela Corbin-Audoux : Tu veux dire exclure ?

Nicolas Oisel : Oui, ce qu'on fait malheureusement. Se dire que naturellement, en ne faisant pas attention, on exclut naturellement. J’ai souvent l'habitude de dire que l'inclusion c'est le fait de faire attention de ne pas exclure. Qu'est-ce que tu en penses ? Peut-être as-tu une définition plus poussée de la chose ?

12’ 00

Pamela Corbin-Audoux : J'aime bien ta définition. J'aime bien les choses qu'on a beaucoup de facilité à retenir. Merci dans cette définition, je la trouve assez maligne.
Moi j'aime bien définir l'inclusion à l'intérieur d'un cadre un peu plus large. On parle souvent d'inclusion avec diversité et équité. Pour moi, la diversité, c'est un fait : c'est la différence présente à l'intérieur d'un cadre, à l’intérieur d'une équipe, à l'intérieur d'un pays, à l'intérieur d'une organisation. Pour moi c'est un fait qui est mesurable. À partir du moment où on a deux personnes qui ne sont pas les mêmes, qui ne sont pas des jumeaux ou des clones, on a de la différence.
Après, quelle différence veut-on aller chercher ? Dans quel cadre ?
Ensuite, il y a la partie équité, qui est plus la philosophie, c'est ce dont tu parlais tout à l'heure, Marine, c'est comment est-ce qu'on donne accès à tout le monde à tout ce que la société a à offrir, sachant que tout le monde ne part pas forcément avec les mêmes privilèges ou les mêmes capacités, comment fait-on pour leur donner un accès équitable ? Pour moi, c'est une philosophie.
Derrière il y a l'inclusion qui, pour moi, est une démarche volontaire, une volonté qui se traduit en actes, qui se traduit en processus, qui se traduit en pratiques pour pouvoir mieux intégrer cette diversité.
Comment va-t-on faire pour atteindre cette équité ? On va mettre en place des processus, on va le mettre en place des garde-fous pour se dire qu’intentionnellement, vraiment dans les pratiques, on va aller chercher des usages auxquels on n'a pas forcément pensé et on va aller dépasser nos biais inconscients ou conscients.

Nicolas Oisel : Très clair. Je profite du fait que tu as la parole pour poser une question que j'avais prévue un petit peu plus tard. En fait, tu as un poste qui est assez récent en France, je pense que tu as un poste qui vient plutôt de boîtes anglo-saxonnes, puisque c'est un poste que tu as eu chez Décathlon depuis un an et avant chez Doctolib, chez ??? aussi, il me semble. Est-ce que tu penses qu'au travers de la création de ces postes il y a, en France , une vraie réflexion, vraiment la prise en compte d'une difficulté rencontrée par une bonne partie des utilisateurs et des consommateurs de ces marques-là ?

Pamela Corbin-Audoux : La réponse courte c'est oui ; la réponse un peu plus longue c'est : je pense que c'est à la fois une prise de conscience des entreprises qui voient ce qui se passe de l'autre côté de l'Atlantique, qui est souvent l'endroit où on va chercher, dans la tech en particulier, ce qui se passe et on s'en inspire. Il y a aussi une pression qui est mise par les consommateurs, par les utilisateurs et utilisatrices, et par les personnes en interne, nos collègues, tout simplement, qui se disent « aujourd'hui, j'ai envie de faire partie d'une boîte qui m'inspire, dans laquelle je sens que j'ai une utilité, dans laquelle il y a un vrai rôle citoyen. En tant que consommateur/consommatrice, utilisateur/utilisatrice, mais aussi en tant que collègue, en tant que personne qui produit pour cette entreprise, j'ai envie de me sentir fière et j'ai envie de me dire que, comme tu disais tout à l'heure, je n'exclus pas, au contraire, j'inclus volontairement. » Tu as ça. Tu as aussi la pression bassement mercantile, qui nous fait manger, qui fait qu’on se rend compte qu’n s'isolant d’une certaine population, on passe à côté de certaines opportunités business. Quand tu mets ça plus le cadre légal qui est en train d'évoluer, à un moment on se dit comment est-ce qu'on fait pour gérer toutes les initiatives ou les orchestrer ? C'est donc comme cela que des postes comme le mien apparaissent.
Donc une nécessité légale qui fait qu’on pousse vers ce type d'initiative. Il y a la poussée des gens, dans l'entreprise et à l'extérieur l'entreprise, qui apportent une pression supplémentaire. Il y a aussi toute la partie rôle citoyen de l'entreprise avec toutes les considérations RSE qui font que, maintenant, ces postes arrivent un peu plus en nombre. On les voit champignonner un peu partout dans pas mal de boîtes, grands groupes ou start-ups.

Nicolas Oisel : Très clair. Tu as commencé à parler des points de blocage et de la manière de valoriser ces choses-là auprès des stakeholders. On reviendra dessus un petit peu plus tard.
Je voulais rebondir un peu sur la partie de législation pour vous trois qui êtes plutôt sur des sujets d'accessibilité. Aujourd'hui, est-ce que vous considérez que tous les outils sont mis à disposition pour bien faire les choses, mais que les marques, les sites, les éditeurs, ne jouent pas le jeu ? Concrètement, aujourd'hui, quel est votre constat sur ces sujets-là ? Marine.

Marion Ranvier : Je pense que ça a un vrai enjeu de rendre l'accessibilité accessible, ce n'est pas toujours facile de comprendre effectivement les lois. On parlait du RGAA, il y a le WCAG aux US A avec les 75 critères. Je pense effectivement que ce n'est pas simple en termes de lecture pour s'approprier les normes et réglementations, avoir des types et l'avoir aussi dans son quotidien.
Je pense qu'aujourd’hui des choses existent, mais on peut mieux faire pour accompagner la partie produit, mais aussi les autres départements pour inclure systématiquement l'accessibilité dans le quotidien d'une boîte.

Nicolas Oisel : Je crois d'ailleurs que le site du W3C a été mis à jour ces derniers jours sur ce point. À priori c'est beaucoup plus lisible, beaucoup plus compréhensible.

Marion Ranvier : Tout à fait. Ça l’est.

Marine Boudeau : Pour moi, l'enjeu c'est comment s'assurer que les équipes produit s'approprient toutes les meilleures pratiques sur tous les sujets. On parle d'accessibilité, mais c'est le même sujet sur le numérique responsable, la sécurité, le respect de la protection des données personnelles. En fait, on doit s'équiper et s'entourer des personnes qui sont compétentes et qui ont la capacité de maîtriser leur sujet. Quand une entreprise ou un organisme public s'appuie sur de la prestation de l'externalisation, elle doit être en capacité de piloter cette externalisation et d’avoir les compétences en interne pour juger de la livraison, pour juger des méthodes mises en place, etc. Pour moi, l'enjeu c'est la montée en compétences en France sur les métiers du numérique. En fait, on est assez en retard vis-à-vis des pays anglo-saxons, pas que sur le sujet de ces nouveaux rôles que tu incarnes, je pense que c'est vraiment global. On a besoin de davantage de chefs de produits, de designers, de responsables de recherche utilisateurs, d’UX writers, etc., évidemment d'experts en accessibilité numérique, des personnes qui soient compétentes en termes de développement, de design, sur l’accessibilité numérique.
En fait, il faut le voir comme quelque chose de positif, c'est-à-dire qu'il y a tout un tas d'emplois qui se créent et on a un vrai besoin. Peut-être que je vais un peu trop vite, je pense que s’il y a un message à faire passer aux personnes qui nous écoutent : formez-vous et rejoignez des équipes qui vous inspirent et des projets qui vous inspirent, comme, peut-être, Décathlon, ou le service public.

Pamela Corbin-Audoux : Tu viens de voler mon ??? de la fin. Il faut que je trouve autre chose !

Nicolas Oisel : Merci, c’est la fin de cette table ! [Rires] Yannick, Marine parlait de ces rôles spécifiques en interne dans certaines boîtes. Tu es consultant externes chez SNCF Connect. Est-ce que tu travailles en binôme avec des gens qui sont en interne et qui travaillent spécifiquement sur ces sujets ? Comment ça se passe ?

Yannick Breavoine : Clairement oui. Je suis effectivement externe, j'interviens au nom de la société ??? et SNCF Connect.
En fait, en interne, on a un référent accessibilité numérique qui est quelqu'un qui, on va dire, joue du point de vue politique parce qu'il faut aussi que ça descende de la hiérarchie.
On a une interface avec les designers, une personne qui a simplifié les 106 règles en 14 règles absolues et chaque projet, chaque élément du design system est toujours vérifié par une revue d'accessibilité et ça ne va pas en développement tant que ça n’a pas été vu en revue.
Après, on a aussi un certain nombre de développeurs spécialisés dans l'accessibilité numérique et moi, quand même, qui fais du test d'utilisateur.
Elles ont tout dit, mais c'est évident : on se rend compte que les gens ont un manque de formation, c'est-à-dire qu'ils ont la volonté, mais ils n’ont pas forcément les connaissances. Je pense qu'il faut aussi que le parcours de formation des développeurs, des designers, etc., intègre beaucoup plus l'accessibilité et je crois qu’il y a vraiment un enjeu très important aussi de ce côté-là.

Nicolas Oisel : Peut-être, Marion, sur la partie Contentsquare. Beaucoup de personnes qui nous regardent aujourd'hui utilisent l'outil, mais, je pense, n'ont pas connaissance du fait qu’il y a une fondation associée. Est-ce que tu peux nous expliquer un petit peu comment les deux s'imbriquent, le pourquoi du comment ?

Marion Ranvier : Contentsquare s'engage sur l'accessibilité numérique depuis 2020. La fondation a été lancée justement pour promouvoir ce sujet et aujourd'hui on travaille, côté Contentsquare Fondation, notamment avec l'Institut de la vision. Notre but c'est de mieux comprendre le comportement des utilisateurs ayant besoin d'accessibilité. Un très bon exemple de travail conjoint avec Contentsquare c'est que Contentsquare nous met à disposition cette technologie pour aller à collecter de la data et pour parler, du coup, très concrètement à notre audience. On essaye de mettre en évidence, par exemple grâce à des patterns de la navigation par clavier, si on surligne le texte, si on utilise un zoom, des éléments qui peuvent nous faire penser que ces utilisateurs ont besoin d'accessibilité. Grâce à un partenariat de recherche avec un institut on arrive à faire des tests avec des patients en situation de handicap et des contrôles. L'idée c’est de comprendre le comportement des utilisateurs – c'est là où ça rentre avec le cœur de métier de Contentsquare –, d'améliorer, finalement, et aussi avoir un peu plus de données et de compréhension sur le sujet de l'accessibilité. On parlait tout à l'heure de la notion d'audience et de business, tu le rappelais : un milliard de personnes sont en situation de handicap ce qui équivaut à 15 % de la population mondiale et aujourd'hui, quand on discute avec les marques qui veulent amorcer leur transformation sur l'accessibilité numérique, il y a cette notion de ROI qui revient le plus souvent sur la table pour prioriser ces sujets.
Grâce à cette étude et ce partenariat de recherche on aimerait dire que, peut-être, x % du trafic global navigue avec un besoin d'accessibilité, rend compte des points de friction et ne peut pas, du coup, naviguer aisément sur votre site.

Nicolas Oisel : Ce côté ROI, justement Pamela, chez Décathlon ou dans tes expériences passées, est-ce qu’on passe à côté d'une partie de notre cible, de nos utilisateurs naturels ? Est-ce que c'est un point que tu utilises ? , assez régulièrement et après je poserai la même question à Yannick. En gros, aujourd'hui, et même dans le passé, comment faites-vous en interne pour dire : il y a cet enjeu et cet enjeu c’est d'amener un service à des personnes qui sont en attente et derrière il y a, évidemment, du ROI ?

Pamela Corbin-Audoux : Je pense que c'est important de se dire que, quelle que soit la raison pour laquelle on va vers l'accessibilité ou vers l'inclusion, l'important c'est qu'on arrive à destination. Parfois, pour convaincre les personnes auxquelles auquel je parle, je vais plutôt aller sur l'angle pression de votre base utilisatrices/utilisateurs, parfois ce sera le rôle sociétal : qu'avez-vous envie de laisser comme héritage ? Quel impact positif voulez-vous avoir sur la planète ? Parfois ça sera le ROI. Je mange un peu à tous les râteliers là-dessus, je n'ai absolument aucune honte à le dire : je vais parler à la personne que j'ai en face de moi dans un langage que la personne comprendra, c’est aussi ça l'inclusion quelque part.
Encore une fois, pour moi, peu importe la raison pour laquelle on y va, tant qu'on y croit et tant qu'on y va à fond.
Le ROI c'est une des choses qui peut faire réagir un peu certaines personnes qui ne sont pas forcément convaincues de l'utilité à court terme de l'accessibilité ou de l'inclusion. Quand tu vois que sur ce qu'on appelle la diversité – je suis en train de parler de la moitié de l'humanité, par exemple la diversité de genre, si on parle de genre binaire, homme-femme –, les boîtes qui ont des conseils d'administration et des comex, de manière générale, qui sont un peu plus paritaires homme-femme, sont des boîtes qui, en général, ont une marge brute qui est plus forte de 10 % que les autres boîtes.
Quand on voit l'innovation pour des boîtes qui sont plus diverses de manière générale – ethniques culturelles, etc., –, ce sont des boîtes qui ont un revenu d'innovation qui est bien supérieur aux autres boîtes, on parle de 20 % de plus en général. C'est souvent aussi un argument choc pour les boîtes. Ça ne devrait pas être le seul argument, mais, évidemment, on ne vit pas dans un monde idéal avec des idées formidables. C'est donc un des leviers j'utilise.
Après, ce qui est important c'est qu'on arrive à se munir, en termes de soutien, en termes de data aussi parce qu'il faut qu'on arrive à partir de quelque part, pour pouvoir aller dans ce chemin-là et se dire que c'est quelque chose qu'on peut faire, c'est accessible, en fait, l’accessibilité. Et c'est toujours mieux de commencer, ce qu’on disait, by design, avec ça en tête, avec l'approche depuis le départ, plutôt que devoir rattraper une dette d'accessibilité derrière. Malheureusement on ne peut pas toujours le faire et dans ce cas-là, il faut commencer, c'est tout bête ! Je veux faire un peu de capitaine Captain Obvious, enfoncer des portes ouvertes, mais il faut commencer quelque part. Et commencer quelque part c'est avoir une volonté, avoir le soin de chercher, avoir le soutien et l'ambition d'une entreprise, l’ambition d'une organisation pour pouvoir y aller. Est-ce qu'on va se rendre les gamelles ? Certainement. Est-ce qu'il va falloir qu'on remette des sous, des ressources, de l'ambition sur ce qu'on est en train de faire ? Oui. Est-ce qu'on va se tromper ? Oui. Est-ce que c'est grave ? Non, parce qu'on apprend.