AFUL - Cyprien Gay - Radio Alto

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Titre : L'AFUL ou le racketiciel

Intervenant : Cyprien Gay - Héloïse Pierre, etikya.fr - Marion Bourget, journaliste pour Radio Alto

Lieu : Émission TIC éthique- Radio Alto

Date : Septembre 2017

Durée : 33 min 48

Écouter l'émission

Licence de la transcription : Verbatim

Statut : Transcrit MO

Description

L'AFUL est l'association francophone des utilisateurs de logiciels libres. Au-delà de la promotion de ces logiciels et du mode de pensée qui les accompagnent, l'AFUL a également dénoncé les ventes forcées de logiciels ou « racketiciel ».

Transcription

Coton Tige FM. Coton Tige FM sur Alto

Voix off : Peut-on acheter un PC sans Windows ? C’est vrai ça, on peut ou pas ?

Marion : Cette question posée par On n’est pas des pigeons !, il est fort probable qu’elle n’ait jamais effleuré 95 % du public lors de l’achat d’un ordinateur. Et pourtant, il n’y a rien de normal dans le fait de ne pas avoir le choix de ce que l’on met sur son ordinateur. Et à TIC éthique, nous ne sommes pas les seuls à ne pas trouver ça normal. Certaines associations sont même montées au créneau juridique contre ce racketiciel. Héloïse a rencontré Cyprien Gay, chercheur en physique et membre de l’AFUL[1].

Cyprien Gay : L’AFUL, c’est l’association francophone des utilisateurs de logiciels libres et c’est donc une association qui, d’une part, défend les logiciels libres lorsqu’il Y a besoin de le faire et, d’autre part, promeut auprès du plus grand nombre l’utilisation et l’intérêt des logiciels libres. Voilà. Donc cette association œuvre dans pas mal de domaines. Elle n’est pas la seule, ni au niveau francophone, ni au niveau français, ni au niveau mondial à fortiori. Il y a beaucoup, également, d’associations locales qui sont vraiment géographiquement très ciblées et donc, chacune à son niveau et sur son territoire, promeut à peu près les mêmes valeurs. j’imagine qu’on va parler de plusieurs dossiers dont il s’agit.

Héloïse : Oui. Voilà. On a eu déjà la chance d’interviewer plusieurs acteurs du logiciel libre. Pour les auditeurs qui veulent en savoir plus vous pouvez écouter nos émissions avec Richard Stallman ou l’April, par exemple, qui, justement aussi, défendent le logiciel libre en France et dans le monde. Nous, il y avait un dossier qui nous intéressait tout particulièrement parce qu’on ne l’avait pas encore abordé dans notre émission TIC éthique, je sais que pour vous c’est un dossier qui est un peu dépassé, mais, pour nous il nous semble super intéressant c’est : les constructeurs d’ordinateurs, les vendeurs et puis aussi cette question, en fait, de vente déloyale quand on achète nos ordinateurs. Vous aviez créé un site qui s’appelait Racketiciels[2] à l’époque. Est-ce que vous pouvez nous parler de cette histoire-là ?

Cyprien Gay : Absolument. En fait, quand j’ai dit que c’était un problème un peu passé pour nous c’est simplement que du point de vue judiciaire il y a des choses qui sont un peu closes pour l’instant, mais ça peut repartir. Mais, par contre, c’est un problème très actuel, en fait, pour chacun et chacune. L’idée c’est que quand on achète un ordinateur, on n’a pas le choix de ce qu’il y a dessus. Il y a déjà dessus un système exploitation, il y a déjà dessus, en général, Windows ou bien Mac OS, et c’est ça dont on parle en l’occurrence.

Voix off : Les Mac se sentent supérieurs, car ils ont des bords arrondis, des icônes design et le double du prix d’un PC équipé des mêmes composants. Heureusement, pour ce prix, leur matériel est généralement bien conçu et leur système d’exploitation OS X est adapté aux moins doués d’entre nous.

Linux est un système d’exploitation que les geeks installent sur l’ordinateur de leur grand-mère pour être certains que celle-ci ne l’utilisera jamais. Il existe un million de Linux différents, appelés distributions[3], ce qui permet de ne jamais trouver une personne qui rencontre le même problème que vous dans les forums.

Windows se transporte encore les vieilles casseroles de papy DOS, comme les lettres assignées aux lecteurs ou des programmes qui s’installent à la racine du disque système. Windows dispose d’une logithèque incroyable, notamment en termes de virus.

J’espère que toutes ces indications vous permettront désormais de faire votre choix parmi les différents systèmes d’exploitation.

Cyprien Gay : Pourquoi ? Tout simplement parce qu’en fait ces logiciels-là, ces systèmes d’exploitation, ils ont la propriété d’être opaques, d’être conçus par leurs éditeurs, mais on n’a pas accès à ce qu’il y a dedans ; on ne sait pas, en détail, comment ils fonctionnent. Et c’est ça qui peut être dangereux pour soi, pour la démocratie même ! N’hésitons pas à utiliser les grands mots de temps en temps !

Héloïse : Donc en fait, là, il y a deux choses qui sont intéressantes. Vous disiez que l’AFUL était une association d’utilisateurs du logiciel libre. Donc en fait, le logiciel libre c’est l’inverse un peu de Windows ou de Mac OS qui ne sont pas des logiciels libres, mais ce qu’on appelle des logiciels propriétaires, c’est-à-dire qu’on ne pas voir ce qu’il y a l’intérieur, comment ils sont faits, etc. Et puis l’autre chose c’est que, du coup, de fait, quand on achète un ordinateur en magasin, on n’a pas le choix vraiment du système d’exploitation. Donc si on voulait avoir un ordinateur HP ou Acer on pourrait, en fait, choisir de ne pas avoir le système d’exploitation Windows, par exemple, mais de fait, c’est ce qu’on nous propose tout le temps.

Cyprien Gay : Voilà ! Exactement ! C’est ce qu’on nous propose tout le temps et c’est ça qu’on essayait de combattre et, pour l’instant, on n’a pas réussi cette partie-là. Mais par contre, ce qui reste vraiment d’actualité, c’est, de toutes façons, un choix personnel. C’est-à-dire que chaque personne, si elle se rend compte de l’importance de ce choix-là, elle peut très bien décider, d’une part, d’acheter un ordinateur normal mais d’effacer le système d’exploitation et de mettre un système libre comme Linux, entre autres, GNU/Linux. Et, par ailleurs, une autre façon, c’est de se procurer un ordinateur chez les quelques vendeurs ou constructeurs qui proposent de ne pas vendre la licence du système d’exploitation en même temps.

Héloïse : Justement, on se posera après ces questions, quelles sont nos solutions et quels sont les bons constructeurs ou les bons vendeurs où on peut acheter notre ordinateur ? Mais est-ce que vous pouvez, du coup, expliquer un petit peu quels sont les enjeux pour les utilisateurs ? En quoi ça peut être impactant pour eux ?

Cyprien Gay : Déjà un logiciel et, à fortiori, un système d’exploitation qui est le logiciel maître de la machine, c’est, en fait, un peu comme une machine ou comme un gâteau. On va dire un gâteau. Un gâteau, on peut le manger, l’apprécier, etc., mais on ne sait pas forcément ce qu’il y a dedans ; ça dépend si on l’a fait soi-même, si on a la recette, ou si c’est quelqu’un de confiance qui l’a fait pour nous ; ou bien si on l’a simplement acheté, mais on n’a pas vraiment confiance dans la chaîne qui a amené ce gâteau devant nous. Donc si on ne sait pas quelle est la recette ou si on n’a pas confiance dans celui qui l’a fait, eh bien on peut tomber malade, il peut faire en nous des choses qui ne sont pas prévues.

Et c’est ça, vraiment, la même chose pour un système d’exploitation ou un logiciel. C’est-à-dire que voilà, on est en train de regarder quelque chose sur le Web et, en fait, peut-être que pendant ce temps-là, le système d’exploitation est également en train de transmettre des informations ailleurs, alors qu’on ne voudrait pas qu’il le fît. Et voilà ! Des tas de choses comme ça. Il peut épier ce qu’on fait. Il peut également modifier les données sur notre ordinateur.

Héloïse : C’est le cas, d’ailleurs ! Je crois que c’est avéré pour notamment Windows 10 où il y a au moins une porte dérobée qui a été déjà trouvée.

Cyprien Gay : Tout à fait. Des portes dérobées il y en a, en fait, tous les jours qui sont découvertes, sur tous les systèmes. Il y en a qui sont tout à fait de bonne foi, ce sont des erreurs de code et qui sont corrigées ; et il y en a qui sont signalées et pas corrigées pendant longtemps et, dans ce cas-là, on se dit que c’est vraiment exprès.

Voix off : Le 29 juillet 2015, le grand moment est venu. Le groupe milliardaire Microsoft a lancé, comme il l’avait annoncé, l’offre gracieuse de son nouveau système d’exploitation Windows 10. Au premier abord, le nouveau système d’exploitation éblouit par un grand nombre de nouvelles fonctions qui doivent faciliter la vie. Aujourd’hui nous nous posons la question : qu’est-ce qui se cache vraiment derrière ce cadeau de Microsoft ? Pouvez-vous faire une confiance aveugle à cette mise à jour ? Ou bien Microsoft mise-t-il sur votre aveuglement ? Cette phrase n’a pas besoin d’être interprétée. Elle dit clairement que vos données privées, comme des documents Word, les e-mails, des photos, etc., sont livrées à tout moment selon l’estimation, c’est-à-dire selon le bon vouloir de Microsoft, pour respecter les lois en vigueur. Pour cela, Microsoft ne prend pas uniquement en compte vos données personnelles, mais, par exemple aussi, toutes les saisies tapées, écrites à la main, la localisation de l’appareil, les adresses des sites visités, les recherches effectuées, les contacts avec d’autres personnes et les articles achetés, surtout la musique ou les films.

Cyprien Gay : Voilà. Donc ça, ça a été effectivement documenté sur les logiciels propriétaires.

Héloïse : Donc déjà, la première chose pour les utilisateurs, c’est de dire qu’en fait on a le choix de notre système d’exploitation, du logiciel qui fait marcher la machine, comme vous dites, et qu’il y a d’autres solutions que Windows, donc Windows 10 maintenant ou Mac OS. Quelles sont les autres alternatives ?

Cyprien Gay : L’alternative la plus connue c’est GNU/Linux qui et un système d’exploitation libre, c’est-à-dire que chaque brique du système d’exploitation est, d’une part, publique, c’est-à-dire les sources sont publiques, la recette du gâteau est publique. Et, en plus de ça, c’est libre au sens que ça peut être modifié librement, c’est-à-dire juridiquement on a le droit de le modifier, de le recompiler, de le redistribuer. On a le droit de faire tout ça parce que c’est libre. Et en fait, ne serait-ce que cette visibilité du code source, de la recette, ça assure une certaine sécurité sur le système. C’est-à-dire que les experts qui savent lire ce code source sont, en permanence, en train de regarder, d’améliorer, de discuter entre eux, pour savoir si c’est bien sûr pour l’utilisateur, etc. Donc c’est vraiment dans l’intérêt de l’utilisateur que tout ce code-là est libre et visible.

Par ailleurs, ça permet de ne pas réinventer la roue. C’est-à-dire que les choses sont améliorées en permanence à partir de l’existant, dans une totale sécurité juridique, grâce à cette liberté qui est dans la licence.

Héloïse : Est-ce qu’il est aussi simple d’utilisation que Windows, etc. ? Ou est-ce que ça va être beaucoup plus compliqué ?

Cyprien Gay : Il y a dix ou quinze ans, on ne pouvait pas forcément répondre oui. Aujourd’hui, quand même, oui ; oui ! Il y a plusieurs distributions Linux qui sont très conviviales d’emploi. Donc l’aspect est tout à fait normal pour quelqu’un qui utilise soit Windows, soit Mac OS tous les jours. Et puis les logiciels qui fonctionnent dessus, les logiciels des utilisateurs classiques de mail, de navigation, etc., sont également les mêmes logiciels libres que ceux qu’on connaît sous Windows ou sous MAC OS.

Héloïse : Donc aujourd’hui, c’est une solution qu’on peut avoir et qui fonctionne tout aussi bien que les solutions qu’on utilise déjà actuellement ?

Cyprien Gay : Il y a des milliers et des milliers de gens qui utilisent ça tous les jours, tous les jours, tous les jours et uniquement ! Donc oui, ça fonctionne !

Héloïse : Et la deuxième chose qui était intéressante c’est que, justement, quand on achète notre ordinateur dans le magasin, en fait, on ne se rend pas compte, mais on paye ce système d’exploitation mis par défaut sur l’ordinateur qu’on sélectionne. Dans votre site vous mettez que ça a un coût et que ce coût représente une fourchette de 10 à 30 %. C’est bien cela ?

Cyprien Gay : Absolument. C’est-à-dire qu’en fait, à peu près il y a dix ans, on a eu par une source interne d’un grand constructeur quelqu’un qui disait que ça représentait à peu près 25 % du prix de la machine. C’est-à-dire que voilà, tout simplement, dans ce qu’on paye, à peu près 25 % c’est en réalité la licence du système d’exploitation. C’est l’ordre de grandeur. Évidemment que ça peut changer selon, disons, le prix du matériel lui-même, etc., ou la gamme de matériel, ou également la gamme du système d’exploitation ; il y a plusieurs versions du système d’exploitation à chaque fois et le prix n’est pas forcément pile le même, mais l’ordre de grandeur quand même c’est ça. C’est vraiment un coût important pour les utilisateurs.

Héloïse : Oui, c’est ça, ce n’est pas 5 %, c’est non négligeable, on va dire. Et alors quelles seraient les solutions ? Voilà, moi je suis utilisateur, vous m’avez convaincu, je veux passer à GNU/Linux puisque ça a l’air simple et je n’ai pas envie de payer 25 % dans le vide pour me faire espionner en plus ! Qu’est-ce que je fais ? Comment je fais ? Et s’il vous plaît, est-ce que ça pourrait être simple ?

11’ 32

Cyprien Gay : Alors il y a une façon simple mais qui impose, malheureusement, un petit budget en plus en général, c’est de se fournir chez un constructeur de petite taille parce que ce sont eux, pour l’instant, qui le font et qui fournissent des machines sans rien dessus ou avec juste un système rudimentaire. Donc ça c’est possible et ensuite, il s’agit, dans ce cas-là, d’installer un système dessus mais ça, à vrai dire, c’est simple, c’est devenu simple. C’est mieux de le faire avec quelqu’un qui l’a déjà fait, mais à vrai dire c’est simple. Sinon la façon aussi difficile, ou aussi simple, c’est d’acheter un ordinateur classique et de payer quand même les 25 % et, pour quelques constructeurs, ils proposent — ils appellent ça rembourser, mais ce n’est pas rembourser — de restituer une partie du prix du système d’exploitation sur simple demande.

Héloïse : Donc j’achète mon ordinateur en magasin et ensuite je leur fait la demande.

Cyprien Gay : Voilà. Ce qui n’est pas normal, parce que ça signifie qu’on fait une démarche en plus ; ça signifie qu’évidemment, trois fois sur quatre, on ne la fera pas, cette démarche. Voilà ! Ce n’est pas du tout un remboursement. C’est vraiment une sorte d’indemnité forfaitaire postérieure à l’achat.

Héloïse : D’accord. Quels sont les constructeurs qui « acceptent » entre guillemets de nous rembourser ?

Cyprien Gay : Actuellement il y a principalement Asus.

[Musique]

Voix off : Les ordinateurs, quelle que soit leur marque, sont déjà, dans leur conception même, une source de fuite d’argent car, en magasin, impossible d’en acheter sans le logiciel pré-installé.

Marion : Extrait du documentaire Dépenses Fantômes[4] sur France 5.

Voix off : Comme tous les utilisateurs de PC, notre famille est victime de ce que certains appellent carrément du racket de logiciels. Serait-il possible d’éviter d’acheter un logiciel imposé par le constructeur alors qu’il en existe des centaines de gratuits ? Nous nous sommes rendus en magasin, équipés d’une caméra discrète, demander directement au vendeur.

« Par exemple, on voudrait celui-ci mais sans le logiciel ; est-ce que c’est possible ?

— Vous l’achetez. Après ce sera à vous de le désinstaller, ou de l’envoyer directement à la marque qui va le désinstaller.

— Mais vous savez le prix ?

— On va vous rembourser environ une cinquantaine d’euros.

— Donc du coup, ce n’est pas possible de l’acheter à 550 au lieu de 600 ?

— Non. On ne fait pas ça chez nous. Dans nos magasins. on est dans l’obligation de le vendre avec un système d’exploitation. Pourquoi ? Parce que la majorité des clients utilise le système d’exploitation installé dessus. »

Voix off : Le vendeur nous explique que la seule solution pour ne pas payer le logiciel imposé, c’est de renvoyer l’ordinateur au constructeur. C’est lui qui va désactiver le logiciel et, éventuellement, nous indemniser.

« Donc on le paye d’abord. Après on envoie l’ordinateur. C'est aux frais du constructeur ou à nos frais ?

— C’est à vos frais de l’envoyer.

— L’envoi ça va me coûter peut-être quarante ou cinquante euros, je vais me faire rembourser cinquante euros !

— Eh bien, il vaut mieux le faire vous-même ! C’est la seule solution que je puisse vous donner.

— C'est valable pour toutes les marques de PC ?

— Toutes les marques de PC, que ça soit un système d’exploitation Windows ou Apple. »

Voix off : Sur les trois ordinateurs de la famille, cela représenterait 150 euros ; dépense fantôme qu’elle pourrait peut-être récupérer un jour si la Commission européenne bloque la vente forcée de ces logiciels imposés.

Héloïse : Très bien. Est-ce qu’il existe des constructeurs, justement, qui eux, essayent de faire les choses différemment et sont, peut-être, un peu plus éthiques, soit écologiques ou soit, justement comme vous dites, essayant de ne pas trop arnaquer le consommateur ou de jouer le jeu de l’obsolescence programmée ?

Cyprien Gay : Oui, absolument. Il y a plusieurs constructeurs un peu moins connus, que nous avons listés sur un site qui s’appelle bons-constructeurs-ordinateurs.info[5], donc bons au pluriel trait d’union constructeurs au pluriel trait d’union ordinateurs au pluriel point info ; là, il y a, en tête de liste, quelques constructeurs. Donc je vous en cite quelques-uns que j’ai sous les yeux : Clevo, Ekimia, Gigaabyte, Kinux, LDLC qui est peut-être un plus connu, PCLF, WhY! Enfin voilà, ce sont quelques-uns qui proposent au minimum plusieurs modèles sans système d’exploitation. Ça suppose qu’ensuite on télécharge soi-même le système d’exploitation et on l’installe. Encore une fois ce n’est pas difficile et on peut, évidemment, se faire aider par l’une des multiples associations qui proposent de l’accompagnement.

Héloïse : Je crois qu’il y en même qui sont pas très loin de chez nous puisque why![6] est une entreprise suisse et qui elle, justement, propose, enfin le matériel est proposé est selon des critères écologiques. Alors qu’est-ce que ça veut dire être écolo quand on crée des ordinateurs ?

Cyprien Gay : Être écolo à propos d’ordinateurs ça peut, notamment, être tout simplement, je vais tuer le marché, de ne pas changer d’ordinateur tous les jours. C’est-à-dire que très souvent, en réalité, on utilise inconsidérément son ordinateur et on peut l’utiliser beaucoup moins et, par conséquent, se contenter d’une machine un petit plus vieille et qui marchera tout autant si on se contente d’un peu moins. Ça c’est une façon de faire, sans doute une des plus des plus efficaces.

Sinon, ensuite, je ne sais pas, en l’occurrence, mais il y a globalement le recyclage des matières premières qui est quelque chose qui monte et qui est mis en place, en cours de mise en place, et ça, c’est quelque chose de très important pour les années qui viennent et déjà pour le présent de certaines filières. Mais je dois dire que je ne connais pas assez bien.

Héloïse : Oui. Parce que ce qu’on ne sait peut-être pas, c’est que la construction d’un ordinateur, d’un smartphone, a un coût écologique très fort. Donc c’est vrai, comme vous dites, si on peut espacer nos achats, du coup ça jouera aussi beaucoup sur l’impact écologique.

Cyprien Gay : Absolument. oui, c’est essentiel.

Voix off : Les appareils électroniques font aujourd’hui partie intégrante de notre quotidien. Bien peu d’entre nous peuvent se vanter de ne pas posséder un téléviseur, un téléphone, un cellulaire, un lecteur MP3, un ordinateur, une console de jeux ou un réveil-matin. Tantôt pratique, tantôt divertissant, il serait bien difficile de s’en passer. Quel est le problème alors ? Le problème c’est que ces objets sont fabriqués à partir de matériaux difficilement recyclables et toxiques pour l’environnement comme le mercure, le plomb, le cadmium, le chrome, etc. De plus, la fabrication d’appareils électroniques demande des quantités très importantes d’eau, de métaux et d’énergie. Savais-tu que la fabrication d’un seul ordinateur demande quatre fois plus d’énergie que son utilisation pendant toute sa vie utile ?

Cyprien Gay : Un autre aspect, mais ça c’est plus pour les tours que pour les ordinateurs portables, c’est d’avoir des configurations qu’on puisse vraiment réutiliser morceau par morceau, c’est-à-dire remplacer les pièces les unes après les autres. Ça c’est une manière de prolonger très notablement la vie d’une machine en faisant évoluer la configuration, en faisant évoluer les possibilités de la machine.

Héloïse : C’est-à-dire ?

Cyprien Gay : C’est-à-dire, dans une tour, dans un ordinateur de bureau, on peut, classiquement, changer l’alimentation, changer la carte-mère, changer le processeur, etc., les uns après les autres. Et donc il y a des marques, mais ça je ne peux pas vous en parler en détail, je ne connais pas, qui essayent, pour les tours évidemment, mais même pour les portables, de concevoir les machines de telle sorte qu’on puisse facilement changer les pièces.

Héloïse : Donc c’est faire attention à ne pas acheter des machines, ce qui est maintenant le cas de plus en plus : les smartphones, on le voit, si on casse un bout, il faut changer l’ensemble, on ne peut plus réparer ! Pour les ordinateurs, c’est un peu la même chose. Du coup, en fait, c’est plutôt à l’achat essayer de voir si, justement, les pièces pourront être réparées une à une, si c’est vraiment réparable plutôt que de devoir tout jeter et tout ré-acheter. C’est bien ça si je comprends ?

Cyprien Gay : C’est ça l’objectif, oui, tout à fait. Une des façons de le faire, notamment pour que ça ne dépende pas vraiment du producteur, c’est d’avoir de l’open hardware, un peu à la manière du logiciel libre, disons du matériel dont tous les plans sont connus et, par conséquent, n’importe qui, qui s’y connaît quand même dans la manière de faire, peut reproduire et améliorer le hardware. Et du coup, une machine, même si le producteur lui-même n’existe plus, quelqu’un d’autre peut produire ce qui manque lorsqu’il y en a besoin.

[Chant]

23’ 55

Marion : Ain't Got No Choice but Buying You , Je n’ai pas d’autre choix que de t’acheter, chante Scarecrow. Et c’est toute la problématique qu’abordent ensemble Héloïse et Cyprien Gay, membre de l’AFUL, sur la vente forcée de logiciels.

Héloïse : Si on revient sur les affaires, justement cette question de vente déloyale, puisqu’il y a quelques années c’était remonté, il y a eu quelques affaires avec Lenovo et quelques marques ; je crois qu’il y avait eu Acer. Lenovo c’est sûr, je ne sais plus quelles autres marques qui avaient été en justice.

Cyprien Gay : Absolument. Sur notre site non.aux.racketiciels.info, il y a toute une jurisprudence, justement. En fait, c’est vraiment un travail énorme qu’ont fait des volontaires de l’AFUL, d’une part, mais tout simplement des gens qui achetaient un ordinateur, qui trouvaient ça pas normal, qui nous contactaient. Ils ont pris leur courage à deux mains pour aller en justice, dénoncer cela et obtenir réparation. Et donc il y a eu une grosse trentaine, si ce n’est une quarantaine, d’affaires qui ont été portées comme ça devant les juges. Donc les constructeurs il n’y en a pas un ou deux ; je peux vous lire un peu : il y a Samsung, il y a Lenovo effectivement, il y a Dell, il y a Acer, il y a MSI, plusieurs fois, tous ceux-là plusieurs fois, Asus de nouveau, Packard. Voilà. Après ce sont les mêmes. Il y en a énormément et ça c’était étagé entre 2006 et 2015. Donc ça, ce sont des gens qui sont allés en justice pour obtenir du constructeur le remboursement du système d’exploitation. Il y a tout un historique et ensuite ces procès-là, ces affaires-là, sont allés souvent en cour d’appel, en cour de cassation et même à la Cour de justice de l’Union européenne assez récemment.

Héloïse : Comment a fini cette histoire ?

Cyprien Gay : Sur le principe, déjà, il y avait en réalité deux moyens juridiques pour dénoncer cette histoire-là. Les faits c’est qu’on achète un ordinateur, c’est-à-dire une machine, un matériel, et en même temps, actuellement, on achète une licence d'utilisation du système d’exploitation qui est un service et non pas un bien. On les achète en même temps. Donc il y a du coup deux façons de le voir. Une première façon c’est de dire que c’est une vente conjointe, c’est-à-dire qu’on vend les deux à la fois, le vendeur nous vend les deux à la fois. Et autre façon de le voir, c’est qu’on nous force à acheter le deuxième c’est-à-dire la licence du système d’exploitation. Et donc ça, en fait, ce sont deux qualifications juridiques distinctes des mêmes faits. La législation, en l’occurrence a un peu évolué pendant les années dont on a parlé.

Au départ, l’axe intéressant c’était de qualifier ça de vente liée, de vente conjointe. Donc là, ça a été les premiers procès. Les suivants, au contraire, c’était sur la vente forcée parce que c’était une manière d’aborder les choses qui devenait plus sûre pour gagner. Donc à partir de 2009, environ, c’était vraiment l’axe qu’on a utilisé et là on a gagné à peu près à chaque fois, jusqu’au moment où, en fait, la Cour de cassation s’est mise à trancher de façon bizarre. Il y avait eu, en même temps, des démarches à l’Assemblée pour essayer de préciser ça. Les démarches avaient été mal engagées, du coup nous avons fait en sorte qu’elles soient stoppées. Mais ensuite la Cour de cassation a continué bizarrement et elle a posé une question mal posée à la Cour de justice de l’Union européenne, à savoir qu’elle a axé ses questions sur la vente liée, sur la vente conjointe et, du coup, la réponse n’était pas intéressante.

C’est là où on en est. Du coup on n’a pas de jugement, on n’a pas d’arrêt vraiment bien utilisable de façon sûre pour lancer d’autres procès sur ce sujet et c’est pour ça que, pour l’instant, nous en restons là.

Héloïse : Et quels sont les partenaires ? Parce qu’on peut comprendre que Apple, lui, vend son propre système d’exploitation sur ses propres ordinateurs. Mais alors, quand on a des ordinateurs qui sont d’une entreprise, Samsung, etc., ou n’importe laquelle et qui s’associe à notre entreprise Windows pour le système d’exploitation, quel est le type de partenariat qui les lie ?

Cyprien Gay : Ça, il faut leur demander ! Nous ne savons pas ! Le partenariat c’est forcément une négociation sur le prix du système d’exploitation, le prix de la licence. Il y a certainement des chantages du style « si vous vendez des machines sans système d’exploitation, nous ne vous ferons pas le prix habituel sur le système ». Voilà ! Ça c’est ce que nous savons en off et il faut leur demander.

Héloïse : Je crois que pour finir on va essayer de synthétiser quels sont les bons conseils pour nos auditeurs. Et tout d’abord, je voudrais aussi souligner que du coup, vous, l’AFUL, vous aviez fait une proposition assez concrète qui était tout simplement, en fait, de bien de distinguer par exemple sur la facture, sur le ticket de caisse, le prix qu’on paye pour l’ordinateur et le prix qu’on paye pour le système d’exploitation, pour, justement, plus de visibilité et de transparence pour les consommateurs.

Cyprien Gay : Tout à fait. Ça, effectivement, c’est une exigence qui, à vrai dire, est dans la loi. C’est-à-dire qu’une vente conjointe, normalement, elle s’accompagne de l’affichage détaillé des prix des différents éléments composant le lot. Donc on devrait avoir sur les étiquettes le prix du matériel et le prix du logiciel.

Héloïse : Mais ce n’est jamais le cas ! Non, si je ne me trompe pas ?

Cyprien Gay : Mais ce n’est jamais le cas ! Absolument ! Personne, pour l’instant, n’a réussi à obtenir cela.

Comme conseil aux utilisateurs, je pense que la première chose c’est déjà de commencer à utiliser le logiciel libre. C’est la première chose, parce qu’en fait, c’est le plus important. Le prix est incitatif, c’est pour ça que nous nous sommes battus. Mais le plus important, quand même, c’est de travailler avec des logiciels libres, parce que philosophiquement, pour notre propre sécurité, pour la sécurité des autres, c’est important que soi-même on utilise du logiciel libre tous les jours, plutôt que du logiciel propriétaire.

Marion : Mais qu’est-ce que c’est concrètement un logiciel libre ? Explications avec une vidéo de Monsieur Bidouille[7].

Voix off : Aujourd’hui le libre, l’open source, à quoi ça sert ? Pourquoi c’est super bien ? On va voir ça tout de suite.

Pour fabriquer quelque chose, il me faut ce qu’on appelle une documentation. Cette documentation, c’est la marche à suivre, la recette pour fabriquer ce que j’ai. Il existe plusieurs types de documentation qu’on peut classer sur une échelle de « trop bien faite » à « pourrie ».

En fait, pensez à une recette de cuisine. Si je vous donne juste la photo d’un gâteau et que je vous demande de le refaire, vous ne pourrez pas faire grand-chose avec. Cette documentation peut être numérisée car c’est de l’information, donc transformable en une série de 0 et de 1. Donc si je décide de l’héberger sur le Web, elle sera disponible pour tous. N’importe qui peut prendre la documentation et s’en servir, exactement comme n’importe quel fichier en libre accès. Si c’est une bonne documentation, elle sera reprise, améliorée et partagée.

Pour organiser tout ce joyeux foutoir, on a inventé les licences libres et les licences open source. Les licences posent les conditions du partage. Loin de permettre à n’importe qui de faire n’importe quoi, elles imposent un modèle de partage que le créateur originel a choisi.

Bon commençons par le plus simple, l’open source. Parce que oui, il y a une différence entre le libre et open source.

Je suis une entreprise, j’ai inventé un objet, n’importe quoi, une perceuse, tiens !

[Bruit de perceuse].

Si je partage la documentation qui me permet de fabriquer cette perceuse, ça change quoi concrètement ? Tout le monde ayant accès à la documentation, n’importe qui, pourra comprendre comment elle fonctionne. Les utilisateurs pourront proposer des améliorations à d’autres et donc faire en sorte que la perceuse dure plus longtemps, voire qu’elle soit transformée en un autre outil.

Les licences libres vont plus loin en regardant du côté de l’utilisateur. Prenons la plus connue, la licence GPL[8]. La licence GPL est, d’un certain point de vue, la plus aboutie au niveau du partage, car en plus d’avoir certains des avantages de l’open source, elle lie tout ça à des idées. Ces idées peuvent être résumées en quatre points :

  • la liberté d’exécuter le programme pour tous les usages ;
  • la liberté d’étudier le fonctionnement du programme et de l’adapter à ses besoins ;
  • la liberté de redistribuer les copies du programme, ce qui implique la possibilité aussi bien de donner que de vendre des copies ;
  • la liberté d’améliorer le programme et de distribuer ces améliorations au public pour en faire profiter toute la communauté.

En clair on peut tout modifier, à tous les niveaux. Par exemple, des associations autour de l’idée du libre combattent la vente liée, vous savez quand on achète un ordinateur déjà truffé de logiciels qu’on n’a pas demandés. Si on suit les règles du libre, on doit pouvoir avoir le choix de choisir ce qu’on fait tourner sur notre machine. Par exemple acheter un ordinateur sans système d’exploitation et installer ce qu’on y veut. Ou désinstaller l’OS de son téléphone portable pour y mettre autre chose.

Ça rejoint l’idée que, dans un projet sous licence libre, on retrouve différents niveaux d’exploitation et on est libre de choisir. On peut faire des modifications à tous les niveaux.

Bien plus qu’une simple lubie de geek, ces possibilités garantissent le fait de pouvoir regarder dans le code source ce qui s’y passe et d’apprendre de lui pour éviter des choses fâcheuses comme la récupération de données à notre insu, le fait d’avoir des problèmes de compatibilité entre différentes versions du même logiciel et plein d’autres choses.

Héloïse : Donc que les gens puissent tester GNU/Linux et voilà ! Et voir que c’est très simple d’utilisation, aussi simple que Windows ou même Mac OS. Et puis tester, il y a des logiciels, je crois, libres, qu’on utilise tous les jours d’ailleurs comme VLC pour la vidéo, la musique. Tout le monde le connaît.

Cyprien Gay : Absolument. Firefox que tout le monde connaît. LibreOffice qui fait la même chose que les suites qu’on connaît davantage. Thunderbird pour le mail. Il y a des logiciels dans tous les domaines. Inkscape pour le dessin vectoriel. Il y a énormément de logiciels pour du montage vidéo ; pour tous les domaines.

Héloïse : Donc ça peut être un choix éthique pour votre informatique.

Cyprien Gay : Tout à fait. Oui !

Héloïse : Eh bien très bien. Merci beaucoup Cyprien Gay pour ces quelques éclairages.

Cyprien Gay : De rien. Merci beaucoup pour l’invitation et la discussion.

Héloïse : Et bonne continuation à l’AFUL !