Différences entre les versions de « État d'urgence - Fichier TES - Tous surveillés - Mediapart »

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'''Titre :''' État d'urgence, fichier TES : l'attaque contre nos libertés
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Publié [https://www.april.org/etat-d-urgence-fichier-tes-l-attaque-contre-nos-libertes-mediapart ici] - Novembre 2017
 
 
'''Intervenants :''' Mounir Majhoubi - François Pellegrini - Christine Lazerges - Patrick Baudouin - Edwy Plenel
 
 
 
'''Lieu :''' Mediapart
 
 
 
'''Date :''' Novembre 2016
 
 
 
'''Durée :''' 1 h 05 min 19
 
 
 
'''[https://www.qwant.com/?q=fichier%20TES%20mediapart&t=videos Visionner la vidéo]'''
 
 
 
'''Licence de la transcription :''' [http://www.gnu.org/licenses/licenses.html#VerbatimCopying Verbatim]
 
 
 
'''Statut :''' Transcrit MO
 
 
 
==Transcription==
 
 
 
<b>Edwy Plenel : </b>C’est maintenant le temps de notre grand débat. Eh bien notre grand débat c’est un peu pour sonner le tocsin sur une question qui n’a pas assez alarmé l’opinion parce tout cela a l’air technique, juridique, etc., alors que c’est une question très grave qui nous concerne tous : le recul de nos libertés fondamentales les plus élémentaires actuellement avec quelques mauvais coups dont on va essayer de comprendre le sens. Un mauvais coup qui est que le gouvernement, le 30 octobre, la veille de la Toussaint, par décret, en silence, trêve des sortes de confiseurs – ce n’est pas tout à fait celle de la fin de l’année, mais c’était une sorte de grand pont – a sorti un décret qui décide de ficher tout citoyen, détenteur de passeport, détenteur de carte d’identité, âgé de plus de 12 ans avec toutes les informations biométriques : vos empreintes, vos photos, tout ! Tout ! Ça fait plus de 60 millions de personnes bien fichées dans un fichier central qui, entre de mauvaises mains, peut servir pour un pouvoir à des choses peu rassurantes.
 
 
 
Dans le même moment l’état d’urgence que le 14 juillet François Hollande avait dit : « On va l’arrêter autrement ça veut dire que notre état de droit ne fonctionne pas, on ne peut pas être en permanence en état d’urgence. » Eh bien nous apprenons qu’il est prolongé jusqu’à l’élection présidentielle. Ça fera plus d’un an et demi d’état d’urgence. Eh bien si l’urgence est permanente, l’exception devient permanente, on va voir ce que ça signifie.
 
 
 
On va visiter des exemples concrets de cela et puis on va terminer avec un dernier plateau autour de ce qui se concocte également dans trop de silence sur la liberté de la presse, avec un amendement passé au Sénat, qui revient à l’Assemblée, et qui porte atteinte à un droit fondamental, le nôtre, le vôtre puisqu’il vise la presse numérique, ce qui se passe au cœur de la révolution technologique, de notre droit de dire et de notre droit de savoir.
 
 
 
Mais d’abord premier plateau sur ce fichier, cet état d’urgence, avec Christine Lazerges. Vous êtes déjà venue plusieurs fois à Mediapart, vous êtes juriste, professeur des universités, etc., et surtout présidente de la Commission nationale consultative de droits de l’homme. Derrière ce sigle, CNCDH, rappeler qu’il y a 75 personnalités représentant toute la diversité de la société civile ; quand vous parlez, c’est au nom de cette diversité-là, quand vous prenez position.
 
 
 
Il va nous rejoindre, il avait un rendez-vous, il est un peu en retard, Patrick Baudouin qui est avocat, président d’honneur de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme, qui a rendu un rapport sur cette situation de l’état d’urgence cette année.
 
 
 
À ses côtés François Pellegrini, vous êtes informaticien, vous êtes vice-président chargé du numérique à l’université de Bordeaux et vous êtes un des commissaires de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, qui a été créée, faut-il le rappeler, à la fin des années 1970 quand il y avait déjà eu un premier projet, Safari je crois, pour ficher le plus largement. La protestation avait permis ce bond qui, à l’époque, a fait que la France était en avance, en termes de contrôle, de ce qui se tramait au prétexte du début de la révolution numérique.
 
 
 
Et en face de vous, Mounir Majhoubi, vous êtes le nouveau et deuxième, puisqu’il y en aura un troisième président du Conseil national du numérique. Benoît Thieulin a été le premier président et, dans cette histoire, ce qu’il faut d’abord dire, c’est que ce décret n’a pas été consulter votre instance, qui est chargée de cela, ni la CNIL ; que la ministre du numérique, alors la CNIL l’a peut-être été on va le voir, la ministre du numérique Axelle Lemaire, non plus et vous, vous avez tout de suite demandé, dans un communiqué, que ce fichier dit TES, soit suspendu et vous lancez même, j’invite tout le monde à aller le voir, une consultation sur votre site. Tout le monde a le droit de participer à la consultation pour essayer que ça ne nous échappe pas, participer au débat sur les enjeux du fichier TES. Alors dites-nous, tout simplement, pourquoi il faudrait interrompre cette machine infernale, pourquoi c’est dangereux ?
 
 
 
<b>Mounir Majhoubi : </b>Pourquoi est-ce qu’on est intervenus dans les heures qui ont suivi la publication du décret ? Nous, ce qu’on a considéré, le Conseil national du numérique c’est une instance indépendante de conseil au gouvernement, sur toutes les transformations de la société qui pourraient être touchées de près ou de loin par le numérique. On est parfois saisis par le gouvernement qui nous dit : « Attention, je vais mettre en place un projet de loi sur lequel j’aimerais que vous nous éclairiez », et puis parfois c’est à nous de nous auto-saisir et de dire « attention, nous avons l’impression qu’ici un sujet numérique n’a pas été envisagé ou que des conséquences ou des externalités négatives n’ont pas été envisagées et qui sont liées au numérique ».
 
 
 
Quelques heures après la publication nous avons dit : « Le gouvernement s’apprête là, ainsi, pendant un week-end de congés à mettre en place la plus grande base de données dans l’histoire, la plus grande base de données biométriques des Français ». Donc nous nous disons, avant même d’aller dans les arguments de fond sur lesquels nous reviendrons pendant la soirée, quand on fait, quand on met en place la plus grande base de données historique, biométrique des Français, alors on se doit d’avoir une procédure particulièrement ouverte, particulièrement transparente. Et le décret est particulièrement incompatible avec cette démarche. Donc c’est ça notre première question.
 
 
 
<b>Edwy Plenel : </b>Vous voulez dire qu’ils savaient qu’ils faisaient un mauvais coup ?
 
 
 
<b>Mounir Majhoubi : </b>Eh bien écoutez, c’est là où je ne partage pas complètement votre opinion.
 
 
 
<b>Edwy Plenel : </b>Je vous pose la question.
 
 
 
<b>Mounir Majhoubi : </b>Et je vous remercie, mais vous vous êtes exprimé préalablement. Je ne pense pas qu’il y avait une intention malsaine, une intention dolosive de la part du gouvernement ou de la part du ministre. Je pense sincèrement et après les échanges – j’ai pu parler avec le ministre à plusieurs reprises, j’ai pu parler avec son cabinet à plusieurs reprises – je pense sincèrement qu’il s’agit d’une méconnaissance technologique, d’une méconnaissance des transformations de la démocratie et que c’est pour cette raison qu’ils n’ont pas pensé que ce sujet était un sujet d’importance démocratique.
 
 
 
<b>Edwy Plenel : </b>Vous nous dites, en clair, qu’ils ne sont pas très démocrates et pas très compétents.
 
 
 
<b>Mounir Majhoubi : </b>Absolument pas. Je dis qu’ils ne sont pas particulièrement conscients que les enjeux technologiques ont des enjeux démocratiques. Et plus généralement, et quand on a commencé à faire ce <em>benchmark</em> et là je veux saluer le travail de toutes les équipes du Conseil : on a travaillé en trois jours pour mettre en place cette plate-forme de consultation nationale et on a commencé un <em>benchmark</em> international dans l’urgence puisqu’on n’était pas au courant de ce projet.
 
 
 
Les démocraties actuelles, les démocraties contemporaines, les démocraties de l’Ouest, ne sont pas encore complètement configurées pour traiter des grands sujets technologiques. La réponse du ministre, la première fois que je l’ai rencontré était de me dire : « Écoutez, si j’avais conscience que ce choix technique avait ces implications technologiques, évidemment que je serais passé par le débat, évidemment que je serais passé par l’ouverture ». Et je crois en sa sincérité sur ce sujet-là. Tout le monde se mobilise parce que c’est le premier, mais je pense que dans les prochaines années, nous allons rencontrer les mêmes sujets.
 
 
 
Sur la loi travail, le Conseil a lui-même participé à défendre cette idée du compte personnel d’activité. Ce CPA 5 étoiles, s’il est mis en place, lui aussi il constitue une mégabase de données personnelles sur les individus. Les données de santé, aujourd’hui c’est déjà une base extrêmement sensible, mais demain on imagine déjà de nouveaux usages autour de cette base. Je pense que la société, la société civile, les politiques, le gouvernement, le Parlement, vont être amenés dans les cinq à dix prochaines années, ou alors même plus court, l’année prochaine, dès 2017, à se poser des questions technologiques qu’il ne faudra surtout pas prendre du point de vue simplement technique. On ne pourra pas dire à la société « nous avons traité tous les sujets juridiques, ne vous inquiétez pas, tout va bien. Constitutionnellement nous sommes dans les clous. Sur la constitution de la base, ne posez pas trop de questions, nous avons demandé aux services, il s’agit de la meilleure architecture possible. »
 
 
 
<b>Edwy Plenel : </b>Mounir Majhoubi, dans l’immédiat, qu’avez-vous obtenu ? Puisqu’il y a toutes sortes de contre-expertises sur ce qu’a déclaré monsieur Cazeneuve à l’Assemblée ; il y a nos collègues du <em>Monde</em> qui ont fait les décodeurs pour montrer qu’il disait des choses fausses sur les falsifications des papiers d’identité ; il y a, semble-t-il, un recul et quelque chose de pas clair sur le fait de conserver les empreintes digitales ; il y a un embarras. Je dois dire tout simplement, parce que chez nous il n’y a pas de secrets, que j’ai évidemment proposé à Axelle Lemaire, j’ai eu son chargé de communication, d’être avec nous ce soir, elle est chargée du numérique. On a bien pris note, mon coup de fil date de vendredi dernier, on ne nous a pas rappelés, comme une sorte d’embarras, comme le fait de ne pas venir défendre cela. Alors qu’est-ce que vous avez aujourd’hui derrière cette bataille quand même obscure et ce mauvais coup, qu’est-ce que vous avez, vous, obtenu ?
 
 
 
<b>Mounir Majhoubi : </b>Il y a ce qu’on a obtenu et il y a ce qu’on a demandé. Dans ce qu’on a demandé on a dit, première chose, suspendons, n’appliquons pas immédiatement et ouvrons, ouvrons la discussion, à qui ? D’abord aux experts, aux experts dans l’État et aux experts en dehors de l’État. Le rôle du CNNum ce n’est pas d’animer les experts de l’État, c’est d’animer les experts en dehors. Donc nous avons décidé de nous auto-saisir et de créer une consultation publique auprès du public et des experts. C’est- à-dire que activement on est allé chercher à travers le monde, en Europe et en France, les experts qui travaillent sur ce sujet depuis plusieurs années et on a demandé au grand public de venir participer à cette expertise.
 
 
 
La deuxième chose qu’on a demandée et qu’on a obtenue aussi, c’est de dire qu’au sein du gouvernement, au sein de l’État tel qu’il est organisé aujourd’hui, je vous ai dit que les démocraties n’étaient pas complètement configurées sur les questions technologiques, pas complètement, mais on a mis en place quelques experts : on a mis en place l’ANSSI [Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information] et on a mis en place la DINSIC [Direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication de l’État]. Ces deux experts, qui sont au cœur de l’État, rattachés au Premier ministre, n’avaient pas été consultés. Le ministre dit : « <em>Mea culpa</em>. Je demanderai la consultation de l’ANSSI, mais pas n’importe quelle consultation, une consultation dont l’avis sera rendu obligatoire. » C’est-à-dire que les avis rendus par l’ANSSI devront être suivis par l’administration du ministère de l’Intérieur. Mais hier, pendant l’audition au Sénat où je suis allé.
 
 
 
<b>Edwy Plenel : </b>Vous avez vous-même été auditionné.
 
 
 
<b>Mounir Majhoubi : </b>J’ai moi-même été auditionné. J’ai rappelé qu’il était important que l’ANSSI ne soit pas simplement consultée sur la sécurisation, c’est-à-dire sur la création de frontières autour de la base de données, mais aussi sur son architecture. Puisque le résumé de notre position c’est de dire : il n’existe pas de choix technologique qui ne soit pas de choix politique. Et que quand dans la lettre de réponse que m’a faite Bernard Cazeneuze en fin de semaine dernière, où il dit « sur la sécurisation des bases, nous vous assurons que techniquement il est impossible de la recomposer, car la base est séparée en deux, avec des données biométriques séparées, avec un lien unidirectionnel chiffré. »
 
 
 
Eh bien, faire cette affirmation, et nous pourrons en parler après, je l’ai dit hier dans un résumé qui était peut-être un peu violent, mais ça ne veut rien dire ! Ou plutôt ça veut tout dire ! C’est-à-dire que derrière cette affirmation-là, on peut faire une dizaine, une vingtaine d’architectures différentes, avec des risques différents et avec des implications différentes. Et donc il est complètement incompatible avec un dialogue démocratique de faire une affirmation technologique sans la confronter aux experts : donc confrontation interne, confrontation externe et sur ce sujet-là, c’est le sujet sur lequel le Conseil s’est senti complètement compétent, s’est senti ému, s’est senti dépassé. Et si on ne gagne pas sur ce sujet-là, parce que peut-être qu’on ne gagnera pas, je vous le dis, les trente membres politiquement sont assez neutres ; on est nommés par François Hollande et François Hollande a nommé un Conseil et je suis président de ce Conseil et on a voulu qu’il soit neutre politiquement : il y a de la droite, il y a de la gauche, il y a du centre, il y a tout le monde. Tout le monde, 100 %, consensus absolu, j’ai eu trente voix de personnes qui ont dit : « On ne peut pas accepter que le prochain fichier soit discuté de la même manière. On ne peut pas accepter que le prochain grand projet technologique de l’État soit discuté de la même manière ». Donc c’est sur cette méthode-là que nous on est complètement remontés et qu’on est certains qu’il faut s’ouvrir. Et Bernard Cazeneuve, dans ses différentes interventions, a accepté de rentrer dans cette discussion.
 
 
 
Dans ce qu’on a obtenu il y a quatre choses.
 
 
 
La première c’est que le ministère de l’Intérieur va répondre à la consultation du CNNum. C’est-à-dire que les avis qui vont être récoltés auprès des experts publics et des experts internes vont être suivis d’une réponse publique et potentiellement d’une modification du décret.
 
 
 
La deuxième c’est la saisine de l’ANSSI avec une recommandation obligatoire.
 
 
 
La troisième et qui est essentielle c’est la consultation du Parlement. Ce qui est intéressant quand on consulte le Parlement, c’est quoi la méthode du Parlement ? La méthode du Parlement ce sont des élus qui disent « nous on n’est pas experts de tout, mais on doit, on se doit de parler de tout ». Et donc qu’est-ce qu’on fait ? On fait des auditions et on parle aux experts. Donc cette consultation du Parlement va permettre d’ouvrir la discussion et de rendre plus transparents certains éléments. Donc sur ces éléments-là nous on est assez satisfaits de ce premier pas.
 
 
 
Et le quatrième, et c’est celui dont vous parlez et qui est le plus flou puisque entre les premières annonces, les correctifs d’annonces et les correctifs de l’ombre de cette annonce, on n’a pas de ré-annonce du gouvernement sur le fait de rendre facultatif l’enregistrement dans la base de l’empreinte des Français qui feront renouveler une carte d’identité.
 
 
 
Sur le passeport on est bloqué avec nos accords internationaux. Quand on donnera son empreinte pour le passeport, elle ira dans les bases.
 
 
 
Sur la carte d’identité, qui concerne plus de personnes et qui concerne les enfants et les mineurs, il y avait cette garantie : on pourra refuser ces inscriptions Donc ça c’était intéressant. Aujourd’hui moi j’attends des confirmations. Depuis quatre jours, il n’y a plus de certitude !
 
 
 
==13’ 35==
 
 
 
<b>Edwy Plenel : </b>Donc justement, ce qui se passe pendant
 

Dernière version du 6 novembre 2017 à 09:02


Publié ici - Novembre 2017