Différences entre les versions de « Émission Libre à vous ! sur Cause Commune du 27 fevrier 2024 »

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==Parcours libriste de Laurent Costy 15’ 25==
 
==Parcours libriste de Laurent Costy 15’ 25==
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<b>Isabella Vanni : </b>Nous allons poursuivre avec notre sujet principal qui, aujourd'hui, sera un nouveau Parcours libriste. Il s'agit du cinquième épisode de ce format que nous avons inauguré lors de la précédente saison de <em>Libre à vous !</em>, l'idée étant d'inviter une seule personne pour parler avec elle de son parcours personnel et professionnel. Un parcours individuel qui va, bien sûr, être l'occasion de partager messages, suggestions et autres.<br/>
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Notre invité du jour est Laurent Costy, vice-président de l'April et chroniqueur pour <em>Libre à vous !</em>, nous avons justement entendu, en début de l'émission, la chronique « À cœur vaillant la voie est libre » qu'il fait chaque mois avec sa fille Lorette.<br/>
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Pour cet échange, nous avons le plaisir d'avoir Laurent au studio avec nous. Bonjour Laurent.
  
<b>Isabella Vanni : </b>Nous allons poursuivre
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<b>Laurent Costy : </b>Bonjour à tous et à toutes.
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<b>Isabella Vanni : </b>N'hésitez pas à participer à notre conversation au 09 72 51 55 46 ou sur le salon web dédié à l'émission, sur le site causecommune.fm, bouton « chat ».
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Sur le site de l'April, nous avons un trombinoscope où les membres qui le souhaitent peuvent apparaître et afficher une courte bio. Laurent Costy étant administrateur de l'April, plus précisément vice-président, il n'a pas le choix, il doit forcément y apparaître. Je vous lis ce qu'il écrit pour se présenter : « J’ai souhaité rejoindre l'April pour apporter mon expérience en milieu associatif et contribuer au développement de l'utilisation des logiciels libres dans les associations, dont les valeurs sont, en général, très proches de celles que l'on retrouve dans le Libre, en particulier en ce qui concerne l'éducation populaire. Je suis donc actif dans le groupe de travail Libre Association. »
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Tu parles de « mon expérience en milieu associatif », je pense donc qu’on peut partir de là. Qu'est-ce que tu as souhaité apporter à l'April et comment as-tu recueilli cette expérience ?
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<b>Laurent Costy : </b>Je ne peux apporter d'expérience que sur des questions associatives, car je n'ai travaillé qu'en milieu associatif depuis le début de ma carrière professionnelle, ce serait donc difficile de faire autrement.
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C'est effectivement une question qui a jailli au fil de mon expérience, au début de ma carrière professionnelle.
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<b>Isabella Vanni : </b>À quel âge as-tu commencé ta carrière associative ?
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<b>Laurent Costy : </b>J’ai fait une objection de conscience, ça existait encore à l'époque, j'ai donc commencé mon objection de conscience en 96. On peut dire que ma carrière professionnelle a commencé à ce moment-là, j’ai fait partie des dernières personnes sous ce régime-là et puis j'ai rejoint une association qui s'appelait encore ANSTJ, Association nationale sciences technique jeunesse à l'époque, et qui est devenue depuis Planète Sciences dont l'objet était de promouvoir la culture scientifique et technique auprès des jeunes, ce qu'elle continue d'ailleurs à faire aujourd'hui. C'est pendant cette période-là, qui a duré une dizaine d'années, que j'ai commencé à m'intéresser sérieusement à cette question de l'informatique libre parce que je découvrais qu’on commençait déjà à être, disons, asservis à des outils qui nous étaient imposés.
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<b>Isabella Vanni : </b>Peux-tu faire un exemple ?
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<b>Laurent Costy : </b>Oui. Du coup, je vais dire un peu ce qui a déclenché chez moi cette envie d'aller un peu plus loin que de simples questions. À l'époque, on utilisait un logiciel de comptabilité qui s'appelait Ciel, je crois, et on n'avait pas pris, me semble-t-il, le support, il fallait payer un montant supplémentaire pour pouvoir avoir le support, l'appui. Un jour, on a rencontré un souci, on a appelé l'éditeur du logiciel qui nous a répondu que comme on n'avait pas payé le support il ne pouvait pas répondre à la question. On nous a dit « il faut payer les 100 euros pour qu'on puisse répondre à la question ». J’ai trouvé que ça faisait cher la réponse, d'une part, et puis surtout, quelque temps après, on s'est aperçu que c'était bien un bug du logiciel et non pas un problème de notre côté qui faisait que ça ne fonctionnait pas. Donc, finalement, on devait payer pour améliorer leur logiciel et la contribution n'était pas partagée. C'est un petit peu ça, je pense, qui m'a vraiment engagé sur le chemin du logiciel libre et qui fait que je suis, encore, vice-président de l'April aujourd'hui.
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<b>Isabella Vanni : </b>Comment as-tu rencontré le logiciel libre ? Par des personnes, par des recherches sur Internet ? Des conférences auxquelles tu as assisté ?
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<b>Laurent Costy : </b>À l'époque – quand je dis époque c'était au début des années 2000, l’April étant née 1996, une des premières, une des associations pionnières –, je pense que l'écosystème du logiciel libre était relativement restreint. Il y avait l'AFUL, je pense que j'avais commencé à adhérer à l'AFUL, L'Association Francophone des Utilisateurs de Logiciels Libres. Justement sur des questions d'éducation populaire, j'ai dû, sans doute, me rapprocher de Jean-Christophe Becquet qui a été président de l'April et qui, lui aussi avait un pied dans l'éducation populaire, puisqu'il travaillait, à l'époque, à la Ligue de l'enseignement dans le sud de la France. C'est sans doute par ce biais-là que j'ai commencé à appréhender l’April et que, tout doucement, j'ai rejoint l'April.
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<b>Isabella Vanni : </b>Vous étiez géographiquement voisins. Comment vous êtes-vous rencontrés ?
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<b>Laurent Costy : </b>Peut-être dans les premières réunions à l'April, je pense que c'est là que ça a matché, j'essaye de me souvenir, c’est vieux !
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<b>Isabella Vanni : </b>C'est vieux ! Non, ce n'est pas si vieux que ça !
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<b>Laurent Costy : </b>Il a dû y avoir une conjonction éducation populaire/April qui a fait que ça a accroché.
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<b>Isabella Vanni : </b>À propos d’éducation populaire, c’est bien évidemment un sujet qu'on a abordé à plusieurs reprises dans notre mission, je voulais savoir ce qu’est, pour toi, l’éducation populaire, parce que je sais qu’on peut lui donner plein de définitions différentes et, en fait, en Italie, je viens d'Italie, cette expression en tant que telle n’existe pas, donc j'ai mis du temps à comprendre ce que c'était. Qu’est-ce que c’est pour toi ?
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<b>Laurent Costy : </b>Je n’ai encore pas complètement après 30/40 ans ! C'est vrai que ça reste compliqué à expliquer simplement, donc ça ce n'est pas bien, parce que ça n’aide pas les gens à comprendre. Du coup, je me suis dit que j’allais prendre quelques citations de gens qui ont vraiment réfléchi à la question de l'éducation populaire, comme ça ce sera plus simple, plus clair que mes propos, parfois je m'emmêle dans mes phrases.<br/>
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Donc Françoise Tétard, qui a été une historienne de l'éducation populaire, qui est décédée au début des années 2010, expliquait justement que l'éducation populaire est, par définition, indéfinissable, et c'est un ressenti partagé. Donc, au moins, tout le monde est d'accord pour se dire que c'est compliqué.
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<b>Isabella Vanni : </b>Donc je n'étais pas folle, c'était vrai !
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<b>Laurent Costy : </b>Elle précise après : « L'éducation populaire est née plusieurs fois depuis un siècle. L'éducation populaire a été définie de différentes manières à chaque période de l'histoire, de plus, elle n'a pas toujours signifié la même chose au cours d'une même période. C'est comme si elle était adaptable, malléable à chaque pensée politique, à chaque vision du monde, à chaque courant pédagogique. L'éducation populaire, un terme valise, c'est d'abord et surtout un discours venant qualifier des pratiques de militants qui ont fait des choses ensemble et qui souhaitent se mettre sous une même bannière. » C'est peut-être ça qui est intéressant, c'est-à-dire que ce sont des gens qui se retrouvent pour se dire « en fait, on converge sur la manière d'avancer, sur la manière de former les gens ». Il y a évidemment une notion de formation qui est extrêmement importante dans l'éducation populaire.
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<b>Isabella Vanni : </b>C'est finalement cette définition qui te convient le plus ? Ou tu en as d’autres que tu veux lire ? Vas-y, avec plaisir.
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<b>Laurent Costy : </b>C'est une ??? [22 min 33] définition quelque part. Ce qui m'intéressait c'était de citer aussi Hugues Bazin parce que, du coup il y a aussi cette logique de ceux qui s'en revendiquent et qui n'ont pas forcément, par exemple, l'agrément jeunesse et éducation populaire, qui est une reconnaissance par l'État, finalement, et puis les associations que j'appelle vénérables qui sont éducation populaire depuis très longtemps. Je vais citer Hugues Bazin et puis j’expliciterai un tout petit peu après : « D'un côté, il y a ceux qui parlent de l'éducation populaire et n’en font plus vraiment et, de l'autre, ceux qui ne s'en revendiquent pas mais la pratiquent effectivement. À l'évidence, et c'est là le paradoxe, nous assistons à un renouveau de l'engagement militant, des nouvelles formes créatives d'innovation sociale et artistique à travers l'émergence d'une génération d'associations plus sous la forme de réseaux que de fédérations. »<br/>
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C'est vrai que l'âge d'or de l'éducation populaire ça a été les grandes fédérations d'éducation populaire, elles ont encore des choses à dire, elles ont encore des choses à faire, mais ça fait parfois contraste avec des structures qui, par exemple, ne veulent pas rentrer dans des logiques fédératives. On peut prendre un exemple extrêmement concret qui est celui de Framasoft qui se revendique de l'éducation populaire, qui avait demandé l'agrément éducation populaire jusqu'à il n’y a pas longtemps, qui fait de l'éducation populaire quotidiennement, mais qui finalement a refusé de signer – j’ai oublié, ça va me revenir, il y a peut-être quelqu'un dans le <em>chat</em> qui le mettra – la charte que le Gouvernement voulait mettre en place vis-à-vis des associations, qui intimait aux associations l'ordre de ne pas maltraiter le drapeau français. Je caricature évidemment la charte, mais vous aurez compris que Framasoft n'avait pas envie de s'engager dans quelque chose qui était mal écrit, mal défini, donc, du coup, de fait perdait cet agrément d'éducation populaire, mais certainement pas leurs actions quotidiennes d'actions d'éducation populaire.<br/>
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Ce sont un petit peu tous ces contrastes-là qu'on peut voir se croiser au sein des mouvements, au sein des fédérations qui sont plus anciennes. C'est aussi pour cela que c'est toujours en renouvellement et qu’il y a toujours de plus en plus d'acteurs qui s'en revendiquent.
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<b>Isabella Vanni : </b>Merci. Tu disais, dans ta présentation sur le trombinoscope de l'April, que les associations ont des valeurs en général très proches de celles que l'on le retrouve dans le Libre. Ça semble évident, mais c'est bien de les rappeler.
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<b>Laurent Costy : </b>Du coup, je vais conclure en donnant une définition qui va faire lien.
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<b>Isabella Vanni : </b>C'est super !
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<b>Laurent Costy : </b>C'est parfait, en plus transition ! Je vais conclure avec une citation de Marie-Jo ??? [ 25 min 08], justement, qui fait lien. Dans cette définition de l'éducation populaire, qui est une vraie définition, en tout cas pas une longue définition, on fait le lien avec le logiciel libre. Elle dit : « L’éducation populaire fut pensée par ceux qui voulaient véritablement l'émancipation du peuple grâce à la circulation libre des signes et des idées — et c'est là, évidemment, qu’on rejoint le logiciel libre — grâce au partage patient du temps qu'il faut pour parler pour penser et pour créer. » Là, on n’était pas dans cette logique de numérique mais, fondamentalement, cette définition-là rejoint bien toute la question que les communautés libristes défendent au quotidien et elle rejoint bien tout ce que font les associations d'éducation populaire.
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<b>Isabella Vanni : </b>Entre-temps, la réponse à notre question est effectivement arrivée sur le <em>chat</em>. C'était la Charte de la laïcité, obligatoire pour toutes les associations subventionnées. Tu avais dit charte.
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<b>Laurent Costy : </b>C'est le CER, le Contrat d'Engagement Républicain , ça me revient.
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<b>Isabella Vanni : </b>Contrat d'Engagement Républicain .<br/>
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Tu disais que tu as milité pendant dix ans, tu as fait partie, pendant dix ans, de cette association qui était plutôt une association d’éducation populaire autour de la science. C'est parce que tu avais fait une formation scientifique ?
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<b>Laurent Costy : </b>Oui. Je me destinais plutôt à être enseignant de physique-chimie. À l'époque, j'avais passé une licence de physique-chimie et j'avais passé le Capes, j'avais aussi passé le Capet pour être enseignant en lycée technique et puis, en fait, ma rencontre avec Planète Sciences est venue bousculer un peu tout ça, tout ce projet-là, qui m'a encouragé à faire cette objection de conscience. Je me suis effectivement bien éclaté, c’était extrêmement jubilatoire d'aller dans les écoles, de faire des projets de fusées, de ballons expérimentaux avec les jeunes, avec les enseignants, du coup j'y suis resté une dizaine d'années et j’ai un peu mis de côté ce projet d'enseignement.
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<b>Isabella Vanni : </b>Sans regrets ?
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<b>Laurent Costy : </b>Non, sans regrets parce que, dans l'éducation populaire, on fait aussi énormément de formation, on accompagne énormément les gens de manière parfois moins lourde, avec un système moins pesant que peuvent avoir les enseignants dans le cadre scolaire et puis, parfois aussi, le mépris. On a vu ces derniers temps ce qui s'est passé à l'échelon ministériel. Donc oui, on est quand même un peu plus libres !
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<b>Isabella Vanni : </b>Après, tu as quitté Planète Sciences, vers où as-tu migré ?
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<b>Laurent Costy : </b>Je suis allé en Bourgogne-Franche-Comté parce que j'ai postulé pour être délégué régional des Maisons des jeunes et de la culture en Bourgogne-Franche-Comté. C'était un métier qui consistait à soutenir les MJC sur leur territoire, dans leurs projets associatifs, pour les soutenir aussi vis-à-vis des partenaires locaux, vis-à-vis des mairies qui subventionnaient les postes de directeur de MJC, qui subventionnent toujours pour la majorité. Je parcourais les routes et, du coup, c'était aussi l’occasion ; j'en ai profité, évidemment, pour essayer de faire passer des messages sur les systèmes d'information dans les MJC, à l'échelon fédéral, et puis aussi dans le monde inter-associatif.<br/>
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Je ne sais pas si c'est maintenant qu'on en parle, mais, à cette occasion-là, j'ai été président du CRAJEP de Bourgogne-Franche-Comté, je vais expliquer l'acronyme parce que ça ne doit pas parler à tout le monde, c'est le Comité Régional des Associations de Jeunesse et d'Éducation Populaire, on revient à l'éducation populaire, c'est à l'échelon régional, mais il y a aussi un échelon national le CNAJEP. En tout cas, à cet échelon régional, disons que tout a convergé entre les membres pour qu'on puisse mettre en place un projet qui s'est appelé Bénévalibre, unprojet de logiciel libre pour faciliter la valorisation du bénévolat dans les associations.<br/>
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Pour la faire très courte, souvent, quand on rencontre des financeurs, en particulier à l'échelon local, la mairie, par exemple, dit : « Nous vous subventionnons à 80 %, ce n'est pas normal, il faut diversifier vos financements, etc. ». Or, si on oublie de valoriser le bénévolat, de dire « attendez, vous apportez une part financière, mais l'association apporte une quantité de « travail » – je mets « travail » entre guillemets, vraiment des gros guillemets pour ne pas faire un parallèle entre le travail et le bénévolat parce que ce serait une mauvaise chose –, en tout cas on apporte quelque chose, une richesse sur ce territoire-là qui passe complètement à la trappe si on ne la valorise pas. Certaines associations le faisaient, le faisaient un peu au doigt mouillé, d'autres le faisaient bien. On a convergé pour dire que s'il y avait un outil qui permette de simplifier ça, ce serait ce serait pertinent et, finalement, dans le cadre du CRAJEP, Bénévalibre est né en 2018, je crois, et continue à être mis à disposition gratuitement des associations, évidemment à l'échelon de la Bourgogne et de la Franche-Comté et de tout le territoire puisque n'importe quelle association peut accéder à la plateforme qui, de surcroît, a été développée par une Scic, une société coopérative d'intérêt collectif, qui s’appelle Cliss XXI, qui développe pratiquement exclusivement du logiciel libre et qui maintient le logiciel.<br/>
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En fait, là, on a eu un très bon exemple, un très beau projet en commun, parce que j’y tiens beaucoup, où chacun a pu exprimer son besoin, définir le cahier des charges. Finalement, chaque membre s'est senti concerné par le projet, a donc pu le faire connaître dans son propre réseau et a eu envie de le faire changer d'échelle. Au départ c'était en Bourgogne-Franche-Comté, on est monté à l'échelon national, le CNAJEP et le Mouvement associatif, à l'échelon national, relaient ce projet parce qu’il est pertinent pour l'ensemble du territoire.
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<b>Isabella Vanni : </b>D'ailleurs, le comité de pilotage du projet s'est élargi au fur et à mesure, puisque c'était un comité ouvert.
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<b>Laurent Costy : </b>C'est vrai que le mode de fonctionnement s'est fait de manière très naturelle : les gens rentrent, sortent du comité et, pour l'instant, ça fonctionne. C'est vrai que c'est extrêmement intéressant. On pourra renvoyer les personnes qui nous écoutent vers <em>Les Cahiers de l'action</em> que l'INJEP produit, l’INJEP c'est l'institut national de la jeunesse et de l'éducation Populaire, encore l'éducation populaire, et, dans le cahier numéro 61, il y a tout un article qui explique justement la genèse du projet et comment on est vraiment dans un commun numérique et c'est ça que je trouve extrêmement intéressant dans ce projet-là.
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<b>Isabella Vanni : </b>Tu parlais d'éducation populaire. Cliss XXI, en plus d'être une coopérative spécialisée dans le logiciel libre, fait aussi des actions d'éducation populaire, des install-parties, des fêtes d'installation, des conférences, etc. C'est donc vraiment tout l'environnement qui a adhéré.
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<b>Laurent Costy : </b>Complètement. Il y a des textes très militants et très intéressants sur le site de Cliss XXI, je vous invite à aller voir.
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<b>Isabella Vanni : </b>Tout à fait.<br/>
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Toujours dans ta présentation sur le trombinoscope, tu dis que tu es actif sans le groupe de travail Libre Association. Peut-être veux-tu nous en dire quelques mots ?
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<b>Laurent Costy : </b>C'est effectivement ce qui me motivait quand je suis arrivé à l'April. Pouvoir faire circuler l'information entre des associations qui avaient des expériences sur tel ou tel logiciel libre, qu’elles pouvaient conseiller, recommander à d'autres associations qui étaient en transition pour, justement, aller vers un numérique plus éthique.<br/>
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L'outil essentiel c'était une liste de mails où les gens posaient des questions, échangeaient, faisaient part des manifestations, en complément à l'Agenda du Libre, peut-être qu'on en parlera un peu plus, mais c'était très spécifiquement orienté sur la question associative.<br/>
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Pour être tout à fait transparent, je dirais que le nombre de mails, sur la liste, a beaucoup baissé ces deux dernières années, le Covid est passé par là. Cette question-là évolue dans l'écosystème libriste, je pense que tout le bon travail que fait Framasoft autour de ça fait que les choses se déplacent, les besoins sont différents, je pense au projet Emancip'Asso que Framasoft est en train de mettre en place, qu’ils ne vont pas tarder à lancer. On va réfléchir, voir comment, éventuellement, faire se rejoindre les projets, si c'est pertinent ou pas, etc.<br/>
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En 2007/2008, on avait produit un questionnaire, à peu près 500 associations avaient répondu. C'est vrai que maintenant le questionnaire est devenu, on peut dire, l'alpha et l'oméga de l'Internet et on en a tous les jours, mais, à l'époque, c'est vrai que ça nous avait permis d'avoir un éclairage sur les usages des logiciels libres des associations.
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<b>Isabella Vanni : </b>Je précise que Framasoft, l'association qu'on a citée déjà plusieurs fois, utilise Bénévalibre, que Cliss XXI, qu'on a citée, est membre de l'April, que les flyers d’ Emancip'Asso sont prêts, tout ça grâce à Magali, en régie.
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<b>Laurent Costy : </b>Framasoft fait plus que l'utiliser, ils le soutiennent financièrement ce qui est vraiment incroyable : à un moment donné, ils ont eu besoin d'une fonctionnalité dans le logiciel, ils ont dit « on va faire ce qu'on préconise depuis toujours, on va financer cette fonctionnalité ». Ils ont donc payé directement Cliss XXI pour permettre de développer cette fonctionnalité qui permet à une association de déplacer ses données d'une instance à une autre. Peut-être faut-il que j'explique très rapidement ce qu'est instance ? Une instance c'est, finalement, une version installée sur des serveurs. Bénévalibre a été pensé dans une logique décentralisée, ce qui fait qu'une fédération peut choisir de prendre le code source du logiciel Bénévalibre et d'aller l'installer sur ses propres serveurs pour son usage fédératif, avec ses propres règles.<br/>
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Framasoft a dit « on va commencer à utiliser l'instance 0, la première que Cliss XXI avait installée et puis, dans un deuxième temps, on migrera à nos données et, pour migrer nos données, il faut la fonctionnalité, donc on subventionne. » En plus, ils ne se sont pas arrêtés là, parce que ça fait deux ans même trois ans je crois, qu'ils subventionnent une fonctionnalité qui permet de faire évoluer le logiciel en fonction des besoins de la communauté.
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<b>Isabella Vanni : </b>On rappelle, encore une fois, qu’il y a une organisation, une structure, une personne, bref !, quelqu'un qui finance un logiciel libre ou une fonctionnalité et, après, tout le monde en profite. C’est merveilleux !
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<b>Laurent Costy : </b>C'est ça. Du coup, en passant, on peut quand même remercier le Conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté qui, au départ avait mis, 10 000 euros sur la table et la Fondation Crédit Coopératif qui a permis de lancer le projet. On a attendu d'avoir ces financements pour se dire « on a assez d'argent pour commencer le projet ». Nous ne sommes pas partis à l'envers en se disant « on cherche des sous, on fait un appel à sous, puis, après, on trouve le projet pour aller avec les sous ! »
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<b>Isabella Vanni : </b>On part des besoins ! Ah, si tous les logiciels pouvaient se développer comme ça, nous serions heureuses et heureux !<br/>
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Il n'y a pas que ça. Le groupe de travail Libre Association a aussi édité un guide. Tu as été contributeur, bien évidemment, du Guide Libre Association.
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<b>Laurent Costy : </b>Oui. C'était un peu la suite logique du questionnaire de l'époque. Il y avait à la fois un catalogue de logiciels utiles aux associations, on citait des logiciels de comptabilité, de graphisme, etc., et on donnait aussi un petit peu de matière pour un discours politique. Parce que, finalement, si on en reste à des questions techniques, à des questions d'utilisateurs et d'utilisatrices, c'est assez limité. Il faut aussi donner des arguments pour pouvoir convaincre la gouvernance associative, si on ne fait pas ça, il y a peu de chances que ça fonctionne parce que ça va être l'envie d'une personne un peu technique de l'association qui ne va pas être considérée. Il faut donc donner de la matière et faire comprendre aux gouvernances associatives qu’il y a un enjeu pour elles que de migrer vers du logiciel libre.
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<b>Isabella Vanni : </b>Et l'argumentaire, on le sait très bien, vaut pour tout le monde, vaut aussi pour aider, par exemple, des élus à militer, à faire des actions importantes pour le Libre dans l'hémicycle ou pour convaincre son entourage. C'est toujours très bien de trouver des arguments.<br/>
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Il y a eu une autre une autre action, dont j'ai envie de parler, c'est le Cerfa en format ODT, c'est un cas très concret et c'était aussi une belle victoire, une belle action aussi du groupe Libre Association.
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<b>Laurent Costy : </b>Effectivement, tu me le remémores. Pour faire des demandes de subventions, les associations ont besoin de remplir un document. À l'époque, ce n'était pas complètement numérisé, c'est-à-dire qu’on n'allait pas sur une plateforme. Maintenant, je crois qu’il n’y a plus ces documents téléchargeables, je n'en ai pas rempli récemment. En tout cas, à l'époque, il y avait un canevas à remplir et le format qui nous était proposé était un format propriétaire. Du coup, le groupe a travaillé, pendant l'été, pour faire un PDF que l'on pouvait remplir, sous un format ouvert, à partir de LibreOffice. On l'a communiqué au ministère qui l'a mis à disposition, sur la plateforme gouvernementale. C’était plutôt pour montrer comment on pouvait contribuer et faire que ce soit plus simple pour les utilisateurs et utilisatrices.
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<b>Isabella Vanni : </b>Belle satisfaction pour le groupe d'être écouté.<br/>
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J'ai envie de faire la pause musicale là, parce que, après la pause musicale, on va on va attaquer un sujet très intéressant, une expérience personnelle avec ce qu'on appelle la vente forcée. Donc, je préfère justement lancer la pause là.<br/>
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Nous allons écouter un morceau choisi justement par notre invité, Lauren Costy. Le morceau s'appelle <em>Optimism</em> par Minda Lacy. On se retrouve dans environ deux minutes trente. Belle journée à l'écoute de Cause Commune, la voix des possibles.
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<b>Pause musicale : </b><em>Optimism</em> par Minda Lacy.
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<b>Voix off : </b>Cause Commune, 93.1.
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<b>Isabella Vanni : </b>Nous venons d’écouter <em>Optimism</em> par Minda Lacy, disponible sous licence libre Creative Commons By SA 3.0.
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==Deuxième partie 42 ‘05==
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<b>Isabella Vanni : </b>Je suis Isabella Vanni de l'April

Version du 28 février 2024 à 14:31


Titre : Émission Libre à vous ! diffusée mardi 27 février 2024 sur radio Cause Commune

Intervenant·e·s : Lorette Costy - Laurent Costy - Luk - Isabella Vanni - Magali Garnero à la régie

Lieu : Radio Cause Commune

Date : 27 février 2024

Durée : 1 h 30 min

[ Podcast PROVISOIRE]

Page de présentation de l'émission

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration : Déjà prévue

NB : Transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Transcription

Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Isabella Vanni : Bonjour à toutes. Bonjour à tous.
Parcours libriste avec Laurent Costy, vice-président de l’April et chroniqueur dans Libre à vous !, l’occasion d’en savoir plus sur son parcours personnel et professionnel. C’est le sujet principal de l’émission du jour. Avec également au programme la chronique « À cœur vaillant, la voie est libre » de Laurent et Lorette Costy et aussi la chronique « La pituite de Luk ».
Nous allons parler de tout cela dans l’émission du jour.

Soyez les bienvenus pour cette nouvelle édition de Libre à vous !, l’émission qui vous raconte les libertés informatiques, proposée par l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Je suis Isabella Vanni, coordinatrice vie associative et responsable projets à l’April.

Le site web de l’émission est libreavous.org. Vous pouvez y trouver une page consacrée à l’émission du jour avec tous les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours ou à nous poser toute question.

Nous sommes mardi 27 février, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast

À la réalisation de l’émission aujourd’hui, Magali Garnero. Salut Magali.

Magali Garnero: Salut.

Isabella Vanni : Nous vous souhaitons une excellente écoute.

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Chronique « À cœur vaillant, la voie est libre » de Laurent et Lorette Costy sur le thème « Chaloir pour deux doigts coupe fin »

Isabella Vanni : Comprendre Internet et ses techniques pour mieux l’utiliser, en particulier avec des logiciels libres et services respectueux des utilisatrices et utilisateurs pour son propre bien-être en particulier et celui de la société en général, c’est « À cœur vaillant, la voie est libre » de Laurent et Lorette Costy qui, aujourd’hui porte sur le thème « Chaloir pour deux doigts coupe fin ».
Cette chronique a été enregistrée il y a quelques jours, je vous propose donc de l’écouter et on se retrouve juste après.

[Virgule sonore]

Laurent Costy : Hello Lorette ! Depuis qu’Alexis Kauffman nous a proposé de faire une chronique en direct à la fin de la Journée du Libre Éducatif vendredi 29 mars prochain, j’ai un peu de mal à dormir. Toi, tu as l’habitude de faire le Zénith mais moi, ça fait 20 ans que je prêche dans le désert pour convaincre les associations de migrer vers les logiciels libres. Et, en général, il n’y a pas plus de trois personnes dans la salle.

Lorette Costy : Dont deux personnes du stand de l’April à qui on a dit « il faut aller à la conférence, s’il vous plaît, parce que, sinon, il n’y aura personne dans le public ! ». Et tu exagères un peu sur le nombre de mes expériences au Zénith : je n’ai fait que trois fois de l’intérim pour le nettoyage post-concert ! Mais bon, ne t’inquiète pas, de toute façon, ce ne sera qu’un bon moment à passer. On pourra parler de logiciel libre et d’éducation par exemple.

Laurent Costy : C’est une excellente idée ! On pourra communiquer en amont sur le Mastodon de l’April. Par contre, ce ne sera plus possible sur le Raider, car l’April a décidé d’arrêter de communiquer via ce réseau social qui part en vrille depuis son rachat par ce libertarien à l’incompétence crasse lorsqu’il s’agit de comprendre ce qu’est réellement la liberté d’expression dans une société.

Lorette Costy : Ah oui, tu m’as expliqué un jour pourquoi tu appelais Raider ce qu’il reste de Twitter. Je résume : Twitter est devenu X, ce qui nous donne Twix, logique ! Twix, dont le nom précédent était Raider avant 1991. CQFE : Ce Qu’il Fallait Expliquer !

Laurent Costy : Merci Lorette pour cette clarification qui n’est effectivement pas évidente quand on n’est pas dans mon cerveau. En plus, je ne peux plus inviter qui que ce soit dans ma tête, on est déjà trop nombreux là-dedans. Je rajouterais quand même que, si ça se trouve, on est à deux doigts de la fin pour Raider.

Lorette Costy : Je vais passer mon tour de joker et ne rigolerai donc pas.
Sinon, sur les sujets importants que sont les libertés et l’éthique dans le numérique pour lesquels on t’a accordé, à contrecœur, ce créneau de radio, tu as des choses à dire, j’espère ?

Laurent Costy : Le logiciel libre, c’est bien.

Lorette Costy : Merci papa ! Tu aurais pu ajouter que le logiciel libre se définissait par quatre libertés et certainement pas la gratuité qui est souvent constatée à l’usage. Mais tu préfères me laisser faire ton boulot !

Laurent Costy : Tiens, puisqu’on parle de logiciel libre, je me sens obligé de revenir sur notre dernière chronique. Comme j’avais laissé décanter ma boîte mail un peu trop longtemps, je n’avais pas vu la réponse intelligente de Stéphane Bortzmeyer à ma question stupide. Je finis par me demander si ce ne serait pas plus simple que tu fasses directement la chronique avec lui.

Lorette Costy : Ça ne me dérangerait pas, Mais, Papa, il n’y a pas que les compétences et les connaissances dans la vie, il y a aussi, pour toi par exemple… des trucs.

Laurent Costy : Merci ! Bon, l’une des questions en suspens, c’était de comprendre la différence qu’il pouvait y avoir entre le navigateur libre Chromium distribué par Google et Iridium.

Lorette Costy : Donc, comme le dit Stéphane, Chromium est une production Google, ce navigateur contient donc toute l'infrastructure de surveillance de Google, couches que justement Iridium a épurées !

Laurent Costy : De carottes, exactement ! Outre la polémique autour du fait qu’il n’était pas disponible sur le magasin d’application F-Droid.

Lorette Costy : Magasin alternatif à Google Play Store, qui propose des applications moins intrusives pour notre vie privée, je le rappelle, en passant, pour les personnes qui ne nous écouteraient pas assez régulièrement !

Laurent Costy : Il y avait la même question pour Signal, la messagerie alternative à WhatsApp : si ça ne fait aucun doute que Signal est mieux que WhatsApp pour la vie privée, logiciel libre ne veut pas dire non plus logiciel « gentil-bisounours-licorne » pour reprendre une formule de Stéphane, formule qui restera peut-être, d’ailleurs, dans l’histoire de l’informatique au côté de celle d’Edward Snowden sur la vie privée.

Lorette Costy : Je connais cette citation ! Tu me la lisais tous les soirs quand j’étais petite à la place de mes histoires favorites et de Desproges. Je cite de mémoire : « Dire que votre droit à la vie privée importe peu, car vous n’avez rien à cacher, revient à dire que votre liberté d’expression importe peu, car vous n’avez rien à dire. Car, même si vous n’utilisez pas vos droits aujourd’hui, d’autres en ont besoin. Cela revient à dire : les autres ne m’intéressent pas ! »

Laurent Costy : Je trouvais l’histoire du Petit Chaperon rouge assez peu politique finalement et très surcotée. Et puis, je préparais déjà ton conditionnement à ta participation choisie, mais néanmoins obligatoire, à ce podcast.

Lorette Costy : C’est un plaisir indicible et, encore une fois, un mot que l’on n’utilise plus guère, mon cher papa. Et pour en revenir sur la transparence, incarnée par le code ouvert, elle ne se suffit donc pas à elle-même. Tu m’avais raconté, un jour, qu’une association était transparente sur toute sa comptabilité auprès de ses adhérent et adhérentes. L’initiative est louable, mais sans formation et sans accompagnement sur les règles de comptabilité, ça peut parfois même être contre-productif.

Laurent Costy : Oui, parce que ça peut générer un faux sentiment de « sécurité », entre guillemets. Comme c’est à la vue de tous et toutes, on se dit « c’est bien ». Sauf que c’est un peu trop simpliste de penser comme ça. Avec cette transparence qui, en passant, nécessite l’anonymisation des données, il est nécessaire d’accompagner et de faire œuvre de pédagogie. Il est important, aussi, de bien définir qui a accès aux données, qui peut les lire, les écrire et configurer le système d’information de manière ad hoc.

Lorette Costy : Tout à fait mon capitaine ! Finalement, on peut faire un parallèle avec le développement et la maintenance du logiciel libre. C’est souvent une inquiétude des personnes qui connaissent peu les logiques, l’organisation et les conditions de développement des logiciels libres. Ils pensent que c’est Open Bar – voir à ce sujet les communications passées pertinentes de l’April sur les liens entre Microsoft et le Ministère des Armées - et que, donc, c’est le dawa.

Laurent Costy : Non, les logiciels libres, ce n’est pas le DAWa. Éventuellement, on peut se servir de ce terme comme acronyme,Digital Alternative Way, mais il manquerait « pour un monde numérique meilleur », mais c’est tout. Pour illustrer ça, je peux te raconter ma dernière contribution à un logiciel libre.

Lorette Costy : Oh oui ! Surjoué parce que, dans le fond, peu te chaut du verbe chaloir. Ah non, « surjoué parce que, dans le fond peu te chaut - du verbe chaloir - c’était entre crochets, il fallait pas que je le lise.

Laurent Costy : Oui, c’est ça, ce qui est entre crochets, il ne faut pas le lire. Donc, devant tant d’enthousiasme, je me plie à ta demande insistante. Petit préambule : comme j’ai des compétences relativement limitées en programmation - changer la couleur d’affichage d’Hello World relève pour moi de l’exploit -, j’ai opté pour contribuer à un projet libre par la traduction.

Lorette Costy : J’ai souvenance que ton niveau d’anglais était a peu près du même niveau que la colorisation d’Hello World ! Tu es sûr que c’était une bonne idée ?

Laurent Costy : Oui, une excellente idée même. Pour deux bonnes raisons de mauvaise foi. D’abord, j’ai choisi de traduire un tutoriel bientôt obsolète de Minetest, l’alternative à Minecraft. Donc, vraiment, peu de monde devrait être confronté à mes traductions très littéraires. Et, par ailleurs, n’importe qui peut désormais contribuer à la traduction d’un projet libre en utilisant, par exemple, LibreTranslate, outil, sous licence libre, de traduction.

Lorette Costy : Et tu as trouvé tous les diamants et tous les lingots d’or du tutoriel de Minetest ? Ou, finalement, tu as préféré jouer avec la forge logicielle, pas dans le jeu, mais dans la réalité, pour soumettre tes propositions de modifications ?

Laurent Costy : Non, mon niveau de crafting frise ma compétence de colorisation des mots anglais Hello World, mais, j’ai finalement soumis sur la forge du projet effectivement, les fichiers utiles à l’affichage des textes français. Et j’ai échangé avec le responsable de ce projet. C’est lui qui a regardé la pertinence de l’intégration de cette branche et qui a validé. Désormais, si tu joues au tutoriel de Minetest, les textes d’apprentissage sont en français si ton système est dans cette langue !

Lorette Costy : Finalement, la contribution, ce n’est pas sorcier, même quand on n’a pas des compétences avancées en informatique. Si on devait ne retenir qu’une chose de cette chronique, somme toute assez insipide, ce serait bien celle-là !

Laurent Costy : Ce n’est pas faux ! En plus, on est fier ensuite de sa contribution quand on sait qu’elle va servir à d’autres et qu’on a enrichi un commun numérique !

Lorette Costy : Carrément Cicéron ! C’est très différent de ce que l’on essaie chaque jour de nous faire passer pour de la contribution alors que ce n’est que de l’évaluation pour améliorer des business privés ! Je m’explique, parce que j’ai lu dans ton expression faciale, généralement agréable, une grande dubitativité . À chaque interaction dans le Web mercantile, comme des achats sur internet, mails échangés avec le service après vente, etc., on est intimé, puis relancé, pour mettre un maximum d’étoiles. Et on nous vend ça comme du Web contributif. Beurk sérieux, pourquoi contribuerais-je à améliorer quelque chose au seul bénéfice financier de quelqu’un d’autre ?

Laurent Costy : Je confirme que tu es bien la fille de ton père : j’ai la même attitude ! Et je ne supporte pas les évaluations par étoiles où on ne peut pas s’exprimer avec des vrais mots pour dire ce qu’on pense parce qu’ils ont la flemme de lire. Bref, il y a contribution et contribution !

Lorette Costy : En parlant d’étoiles, on va donner rendez-vous à nos p·auditeurs et p·auditrices pour la prochaine chronique où on leur mettra encore plein d’étoiles dans les yeux !

Laurent Costy : En leur ouvrant de belles perspectives d’alternatives libres pour leurs systèmes d’information. Bien joué pour la conclusion, je te garde pour la prochaine chronique. La bise ma puce.

Lorette Costy : Merci. La bise mon Papa gratifiant et reconnaissant !

[Virgule sonore]

Isabella Vanni : Vous êtes de retour en direct sur radio cause commune.
Nous venons d'écouter une nouvelle chronique « À cœur vaillant, la voie est libre » de Laurent et Lorette Costy.
Nous allons faire une petite pause musicale.

[Virgule musicale]

Isabella Vanni : Après la pause musicale nous aurons le plaisir d'accueillir Laurent Costy, auteur de la chronique, pour interview Parcours libriste.
En attendant nous allons écouter La Marguerite par Ozabri. On se retrouve dans environ trois minutes. Belle journée à l'écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : La Marguerite par Ozabri

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Isabella Vanni : Nous venons d’écouter La Marguerite par Ozabri, disponible sous licence libre Art Libre.

[Jingle]

Isabella Vanni : Nous allons passer au sujet suivant.

[Virgule musicale]

Parcours libriste de Laurent Costy 15’ 25

Isabella Vanni : Nous allons poursuivre avec notre sujet principal qui, aujourd'hui, sera un nouveau Parcours libriste. Il s'agit du cinquième épisode de ce format que nous avons inauguré lors de la précédente saison de Libre à vous !, l'idée étant d'inviter une seule personne pour parler avec elle de son parcours personnel et professionnel. Un parcours individuel qui va, bien sûr, être l'occasion de partager messages, suggestions et autres.
Notre invité du jour est Laurent Costy, vice-président de l'April et chroniqueur pour Libre à vous !, nous avons justement entendu, en début de l'émission, la chronique « À cœur vaillant la voie est libre » qu'il fait chaque mois avec sa fille Lorette.
Pour cet échange, nous avons le plaisir d'avoir Laurent au studio avec nous. Bonjour Laurent.

Laurent Costy : Bonjour à tous et à toutes.

Isabella Vanni : N'hésitez pas à participer à notre conversation au 09 72 51 55 46 ou sur le salon web dédié à l'émission, sur le site causecommune.fm, bouton « chat ».

Sur le site de l'April, nous avons un trombinoscope où les membres qui le souhaitent peuvent apparaître et afficher une courte bio. Laurent Costy étant administrateur de l'April, plus précisément vice-président, il n'a pas le choix, il doit forcément y apparaître. Je vous lis ce qu'il écrit pour se présenter : « J’ai souhaité rejoindre l'April pour apporter mon expérience en milieu associatif et contribuer au développement de l'utilisation des logiciels libres dans les associations, dont les valeurs sont, en général, très proches de celles que l'on retrouve dans le Libre, en particulier en ce qui concerne l'éducation populaire. Je suis donc actif dans le groupe de travail Libre Association. » Tu parles de « mon expérience en milieu associatif », je pense donc qu’on peut partir de là. Qu'est-ce que tu as souhaité apporter à l'April et comment as-tu recueilli cette expérience ?

Laurent Costy : Je ne peux apporter d'expérience que sur des questions associatives, car je n'ai travaillé qu'en milieu associatif depuis le début de ma carrière professionnelle, ce serait donc difficile de faire autrement. C'est effectivement une question qui a jailli au fil de mon expérience, au début de ma carrière professionnelle.

Isabella Vanni : À quel âge as-tu commencé ta carrière associative ?

Laurent Costy : J’ai fait une objection de conscience, ça existait encore à l'époque, j'ai donc commencé mon objection de conscience en 96. On peut dire que ma carrière professionnelle a commencé à ce moment-là, j’ai fait partie des dernières personnes sous ce régime-là et puis j'ai rejoint une association qui s'appelait encore ANSTJ, Association nationale sciences technique jeunesse à l'époque, et qui est devenue depuis Planète Sciences dont l'objet était de promouvoir la culture scientifique et technique auprès des jeunes, ce qu'elle continue d'ailleurs à faire aujourd'hui. C'est pendant cette période-là, qui a duré une dizaine d'années, que j'ai commencé à m'intéresser sérieusement à cette question de l'informatique libre parce que je découvrais qu’on commençait déjà à être, disons, asservis à des outils qui nous étaient imposés.

Isabella Vanni : Peux-tu faire un exemple ?

Laurent Costy : Oui. Du coup, je vais dire un peu ce qui a déclenché chez moi cette envie d'aller un peu plus loin que de simples questions. À l'époque, on utilisait un logiciel de comptabilité qui s'appelait Ciel, je crois, et on n'avait pas pris, me semble-t-il, le support, il fallait payer un montant supplémentaire pour pouvoir avoir le support, l'appui. Un jour, on a rencontré un souci, on a appelé l'éditeur du logiciel qui nous a répondu que comme on n'avait pas payé le support il ne pouvait pas répondre à la question. On nous a dit « il faut payer les 100 euros pour qu'on puisse répondre à la question ». J’ai trouvé que ça faisait cher la réponse, d'une part, et puis surtout, quelque temps après, on s'est aperçu que c'était bien un bug du logiciel et non pas un problème de notre côté qui faisait que ça ne fonctionnait pas. Donc, finalement, on devait payer pour améliorer leur logiciel et la contribution n'était pas partagée. C'est un petit peu ça, je pense, qui m'a vraiment engagé sur le chemin du logiciel libre et qui fait que je suis, encore, vice-président de l'April aujourd'hui.

Isabella Vanni : Comment as-tu rencontré le logiciel libre ? Par des personnes, par des recherches sur Internet ? Des conférences auxquelles tu as assisté ?

Laurent Costy : À l'époque – quand je dis époque c'était au début des années 2000, l’April étant née 1996, une des premières, une des associations pionnières –, je pense que l'écosystème du logiciel libre était relativement restreint. Il y avait l'AFUL, je pense que j'avais commencé à adhérer à l'AFUL, L'Association Francophone des Utilisateurs de Logiciels Libres. Justement sur des questions d'éducation populaire, j'ai dû, sans doute, me rapprocher de Jean-Christophe Becquet qui a été président de l'April et qui, lui aussi avait un pied dans l'éducation populaire, puisqu'il travaillait, à l'époque, à la Ligue de l'enseignement dans le sud de la France. C'est sans doute par ce biais-là que j'ai commencé à appréhender l’April et que, tout doucement, j'ai rejoint l'April.

Isabella Vanni : Vous étiez géographiquement voisins. Comment vous êtes-vous rencontrés ?

Laurent Costy : Peut-être dans les premières réunions à l'April, je pense que c'est là que ça a matché, j'essaye de me souvenir, c’est vieux !

Isabella Vanni : C'est vieux ! Non, ce n'est pas si vieux que ça !

Laurent Costy : Il a dû y avoir une conjonction éducation populaire/April qui a fait que ça a accroché.

Isabella Vanni : À propos d’éducation populaire, c’est bien évidemment un sujet qu'on a abordé à plusieurs reprises dans notre mission, je voulais savoir ce qu’est, pour toi, l’éducation populaire, parce que je sais qu’on peut lui donner plein de définitions différentes et, en fait, en Italie, je viens d'Italie, cette expression en tant que telle n’existe pas, donc j'ai mis du temps à comprendre ce que c'était. Qu’est-ce que c’est pour toi ?

Laurent Costy : Je n’ai encore pas complètement après 30/40 ans ! C'est vrai que ça reste compliqué à expliquer simplement, donc ça ce n'est pas bien, parce que ça n’aide pas les gens à comprendre. Du coup, je me suis dit que j’allais prendre quelques citations de gens qui ont vraiment réfléchi à la question de l'éducation populaire, comme ça ce sera plus simple, plus clair que mes propos, parfois je m'emmêle dans mes phrases.
Donc Françoise Tétard, qui a été une historienne de l'éducation populaire, qui est décédée au début des années 2010, expliquait justement que l'éducation populaire est, par définition, indéfinissable, et c'est un ressenti partagé. Donc, au moins, tout le monde est d'accord pour se dire que c'est compliqué.

Isabella Vanni : Donc je n'étais pas folle, c'était vrai !

Laurent Costy : Elle précise après : « L'éducation populaire est née plusieurs fois depuis un siècle. L'éducation populaire a été définie de différentes manières à chaque période de l'histoire, de plus, elle n'a pas toujours signifié la même chose au cours d'une même période. C'est comme si elle était adaptable, malléable à chaque pensée politique, à chaque vision du monde, à chaque courant pédagogique. L'éducation populaire, un terme valise, c'est d'abord et surtout un discours venant qualifier des pratiques de militants qui ont fait des choses ensemble et qui souhaitent se mettre sous une même bannière. » C'est peut-être ça qui est intéressant, c'est-à-dire que ce sont des gens qui se retrouvent pour se dire « en fait, on converge sur la manière d'avancer, sur la manière de former les gens ». Il y a évidemment une notion de formation qui est extrêmement importante dans l'éducation populaire.

Isabella Vanni : C'est finalement cette définition qui te convient le plus ? Ou tu en as d’autres que tu veux lire ? Vas-y, avec plaisir.

Laurent Costy : C'est une ??? [22 min 33] définition quelque part. Ce qui m'intéressait c'était de citer aussi Hugues Bazin parce que, du coup il y a aussi cette logique de ceux qui s'en revendiquent et qui n'ont pas forcément, par exemple, l'agrément jeunesse et éducation populaire, qui est une reconnaissance par l'État, finalement, et puis les associations que j'appelle vénérables qui sont éducation populaire depuis très longtemps. Je vais citer Hugues Bazin et puis j’expliciterai un tout petit peu après : « D'un côté, il y a ceux qui parlent de l'éducation populaire et n’en font plus vraiment et, de l'autre, ceux qui ne s'en revendiquent pas mais la pratiquent effectivement. À l'évidence, et c'est là le paradoxe, nous assistons à un renouveau de l'engagement militant, des nouvelles formes créatives d'innovation sociale et artistique à travers l'émergence d'une génération d'associations plus sous la forme de réseaux que de fédérations. »
C'est vrai que l'âge d'or de l'éducation populaire ça a été les grandes fédérations d'éducation populaire, elles ont encore des choses à dire, elles ont encore des choses à faire, mais ça fait parfois contraste avec des structures qui, par exemple, ne veulent pas rentrer dans des logiques fédératives. On peut prendre un exemple extrêmement concret qui est celui de Framasoft qui se revendique de l'éducation populaire, qui avait demandé l'agrément éducation populaire jusqu'à il n’y a pas longtemps, qui fait de l'éducation populaire quotidiennement, mais qui finalement a refusé de signer – j’ai oublié, ça va me revenir, il y a peut-être quelqu'un dans le chat qui le mettra – la charte que le Gouvernement voulait mettre en place vis-à-vis des associations, qui intimait aux associations l'ordre de ne pas maltraiter le drapeau français. Je caricature évidemment la charte, mais vous aurez compris que Framasoft n'avait pas envie de s'engager dans quelque chose qui était mal écrit, mal défini, donc, du coup, de fait perdait cet agrément d'éducation populaire, mais certainement pas leurs actions quotidiennes d'actions d'éducation populaire.
Ce sont un petit peu tous ces contrastes-là qu'on peut voir se croiser au sein des mouvements, au sein des fédérations qui sont plus anciennes. C'est aussi pour cela que c'est toujours en renouvellement et qu’il y a toujours de plus en plus d'acteurs qui s'en revendiquent.

Isabella Vanni : Merci. Tu disais, dans ta présentation sur le trombinoscope de l'April, que les associations ont des valeurs en général très proches de celles que l'on le retrouve dans le Libre. Ça semble évident, mais c'est bien de les rappeler.

Laurent Costy : Du coup, je vais conclure en donnant une définition qui va faire lien.

Isabella Vanni : C'est super !

Laurent Costy : C'est parfait, en plus transition ! Je vais conclure avec une citation de Marie-Jo ??? [ 25 min 08], justement, qui fait lien. Dans cette définition de l'éducation populaire, qui est une vraie définition, en tout cas pas une longue définition, on fait le lien avec le logiciel libre. Elle dit : « L’éducation populaire fut pensée par ceux qui voulaient véritablement l'émancipation du peuple grâce à la circulation libre des signes et des idées — et c'est là, évidemment, qu’on rejoint le logiciel libre — grâce au partage patient du temps qu'il faut pour parler pour penser et pour créer. » Là, on n’était pas dans cette logique de numérique mais, fondamentalement, cette définition-là rejoint bien toute la question que les communautés libristes défendent au quotidien et elle rejoint bien tout ce que font les associations d'éducation populaire.

Isabella Vanni : Entre-temps, la réponse à notre question est effectivement arrivée sur le chat. C'était la Charte de la laïcité, obligatoire pour toutes les associations subventionnées. Tu avais dit charte.

Laurent Costy : C'est le CER, le Contrat d'Engagement Républicain , ça me revient.

Isabella Vanni : Contrat d'Engagement Républicain .
Tu disais que tu as milité pendant dix ans, tu as fait partie, pendant dix ans, de cette association qui était plutôt une association d’éducation populaire autour de la science. C'est parce que tu avais fait une formation scientifique ?

Laurent Costy : Oui. Je me destinais plutôt à être enseignant de physique-chimie. À l'époque, j'avais passé une licence de physique-chimie et j'avais passé le Capes, j'avais aussi passé le Capet pour être enseignant en lycée technique et puis, en fait, ma rencontre avec Planète Sciences est venue bousculer un peu tout ça, tout ce projet-là, qui m'a encouragé à faire cette objection de conscience. Je me suis effectivement bien éclaté, c’était extrêmement jubilatoire d'aller dans les écoles, de faire des projets de fusées, de ballons expérimentaux avec les jeunes, avec les enseignants, du coup j'y suis resté une dizaine d'années et j’ai un peu mis de côté ce projet d'enseignement.

Isabella Vanni : Sans regrets ?

Laurent Costy : Non, sans regrets parce que, dans l'éducation populaire, on fait aussi énormément de formation, on accompagne énormément les gens de manière parfois moins lourde, avec un système moins pesant que peuvent avoir les enseignants dans le cadre scolaire et puis, parfois aussi, le mépris. On a vu ces derniers temps ce qui s'est passé à l'échelon ministériel. Donc oui, on est quand même un peu plus libres !

Isabella Vanni : Après, tu as quitté Planète Sciences, vers où as-tu migré ?

Laurent Costy : Je suis allé en Bourgogne-Franche-Comté parce que j'ai postulé pour être délégué régional des Maisons des jeunes et de la culture en Bourgogne-Franche-Comté. C'était un métier qui consistait à soutenir les MJC sur leur territoire, dans leurs projets associatifs, pour les soutenir aussi vis-à-vis des partenaires locaux, vis-à-vis des mairies qui subventionnaient les postes de directeur de MJC, qui subventionnent toujours pour la majorité. Je parcourais les routes et, du coup, c'était aussi l’occasion ; j'en ai profité, évidemment, pour essayer de faire passer des messages sur les systèmes d'information dans les MJC, à l'échelon fédéral, et puis aussi dans le monde inter-associatif.
Je ne sais pas si c'est maintenant qu'on en parle, mais, à cette occasion-là, j'ai été président du CRAJEP de Bourgogne-Franche-Comté, je vais expliquer l'acronyme parce que ça ne doit pas parler à tout le monde, c'est le Comité Régional des Associations de Jeunesse et d'Éducation Populaire, on revient à l'éducation populaire, c'est à l'échelon régional, mais il y a aussi un échelon national le CNAJEP. En tout cas, à cet échelon régional, disons que tout a convergé entre les membres pour qu'on puisse mettre en place un projet qui s'est appelé Bénévalibre, unprojet de logiciel libre pour faciliter la valorisation du bénévolat dans les associations.
Pour la faire très courte, souvent, quand on rencontre des financeurs, en particulier à l'échelon local, la mairie, par exemple, dit : « Nous vous subventionnons à 80 %, ce n'est pas normal, il faut diversifier vos financements, etc. ». Or, si on oublie de valoriser le bénévolat, de dire « attendez, vous apportez une part financière, mais l'association apporte une quantité de « travail » – je mets « travail » entre guillemets, vraiment des gros guillemets pour ne pas faire un parallèle entre le travail et le bénévolat parce que ce serait une mauvaise chose –, en tout cas on apporte quelque chose, une richesse sur ce territoire-là qui passe complètement à la trappe si on ne la valorise pas. Certaines associations le faisaient, le faisaient un peu au doigt mouillé, d'autres le faisaient bien. On a convergé pour dire que s'il y avait un outil qui permette de simplifier ça, ce serait ce serait pertinent et, finalement, dans le cadre du CRAJEP, Bénévalibre est né en 2018, je crois, et continue à être mis à disposition gratuitement des associations, évidemment à l'échelon de la Bourgogne et de la Franche-Comté et de tout le territoire puisque n'importe quelle association peut accéder à la plateforme qui, de surcroît, a été développée par une Scic, une société coopérative d'intérêt collectif, qui s’appelle Cliss XXI, qui développe pratiquement exclusivement du logiciel libre et qui maintient le logiciel.
En fait, là, on a eu un très bon exemple, un très beau projet en commun, parce que j’y tiens beaucoup, où chacun a pu exprimer son besoin, définir le cahier des charges. Finalement, chaque membre s'est senti concerné par le projet, a donc pu le faire connaître dans son propre réseau et a eu envie de le faire changer d'échelle. Au départ c'était en Bourgogne-Franche-Comté, on est monté à l'échelon national, le CNAJEP et le Mouvement associatif, à l'échelon national, relaient ce projet parce qu’il est pertinent pour l'ensemble du territoire.

Isabella Vanni : D'ailleurs, le comité de pilotage du projet s'est élargi au fur et à mesure, puisque c'était un comité ouvert.

Laurent Costy : C'est vrai que le mode de fonctionnement s'est fait de manière très naturelle : les gens rentrent, sortent du comité et, pour l'instant, ça fonctionne. C'est vrai que c'est extrêmement intéressant. On pourra renvoyer les personnes qui nous écoutent vers Les Cahiers de l'action que l'INJEP produit, l’INJEP c'est l'institut national de la jeunesse et de l'éducation Populaire, encore l'éducation populaire, et, dans le cahier numéro 61, il y a tout un article qui explique justement la genèse du projet et comment on est vraiment dans un commun numérique et c'est ça que je trouve extrêmement intéressant dans ce projet-là.

Isabella Vanni : Tu parlais d'éducation populaire. Cliss XXI, en plus d'être une coopérative spécialisée dans le logiciel libre, fait aussi des actions d'éducation populaire, des install-parties, des fêtes d'installation, des conférences, etc. C'est donc vraiment tout l'environnement qui a adhéré.

Laurent Costy : Complètement. Il y a des textes très militants et très intéressants sur le site de Cliss XXI, je vous invite à aller voir.

Isabella Vanni : Tout à fait.
Toujours dans ta présentation sur le trombinoscope, tu dis que tu es actif sans le groupe de travail Libre Association. Peut-être veux-tu nous en dire quelques mots ?

Laurent Costy : C'est effectivement ce qui me motivait quand je suis arrivé à l'April. Pouvoir faire circuler l'information entre des associations qui avaient des expériences sur tel ou tel logiciel libre, qu’elles pouvaient conseiller, recommander à d'autres associations qui étaient en transition pour, justement, aller vers un numérique plus éthique.
L'outil essentiel c'était une liste de mails où les gens posaient des questions, échangeaient, faisaient part des manifestations, en complément à l'Agenda du Libre, peut-être qu'on en parlera un peu plus, mais c'était très spécifiquement orienté sur la question associative.
Pour être tout à fait transparent, je dirais que le nombre de mails, sur la liste, a beaucoup baissé ces deux dernières années, le Covid est passé par là. Cette question-là évolue dans l'écosystème libriste, je pense que tout le bon travail que fait Framasoft autour de ça fait que les choses se déplacent, les besoins sont différents, je pense au projet Emancip'Asso que Framasoft est en train de mettre en place, qu’ils ne vont pas tarder à lancer. On va réfléchir, voir comment, éventuellement, faire se rejoindre les projets, si c'est pertinent ou pas, etc.
En 2007/2008, on avait produit un questionnaire, à peu près 500 associations avaient répondu. C'est vrai que maintenant le questionnaire est devenu, on peut dire, l'alpha et l'oméga de l'Internet et on en a tous les jours, mais, à l'époque, c'est vrai que ça nous avait permis d'avoir un éclairage sur les usages des logiciels libres des associations.

Isabella Vanni : Je précise que Framasoft, l'association qu'on a citée déjà plusieurs fois, utilise Bénévalibre, que Cliss XXI, qu'on a citée, est membre de l'April, que les flyers d’ Emancip'Asso sont prêts, tout ça grâce à Magali, en régie.

Laurent Costy : Framasoft fait plus que l'utiliser, ils le soutiennent financièrement ce qui est vraiment incroyable : à un moment donné, ils ont eu besoin d'une fonctionnalité dans le logiciel, ils ont dit « on va faire ce qu'on préconise depuis toujours, on va financer cette fonctionnalité ». Ils ont donc payé directement Cliss XXI pour permettre de développer cette fonctionnalité qui permet à une association de déplacer ses données d'une instance à une autre. Peut-être faut-il que j'explique très rapidement ce qu'est instance ? Une instance c'est, finalement, une version installée sur des serveurs. Bénévalibre a été pensé dans une logique décentralisée, ce qui fait qu'une fédération peut choisir de prendre le code source du logiciel Bénévalibre et d'aller l'installer sur ses propres serveurs pour son usage fédératif, avec ses propres règles.
Framasoft a dit « on va commencer à utiliser l'instance 0, la première que Cliss XXI avait installée et puis, dans un deuxième temps, on migrera à nos données et, pour migrer nos données, il faut la fonctionnalité, donc on subventionne. » En plus, ils ne se sont pas arrêtés là, parce que ça fait deux ans même trois ans je crois, qu'ils subventionnent une fonctionnalité qui permet de faire évoluer le logiciel en fonction des besoins de la communauté.

Isabella Vanni : On rappelle, encore une fois, qu’il y a une organisation, une structure, une personne, bref !, quelqu'un qui finance un logiciel libre ou une fonctionnalité et, après, tout le monde en profite. C’est merveilleux !

Laurent Costy : C'est ça. Du coup, en passant, on peut quand même remercier le Conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté qui, au départ avait mis, 10 000 euros sur la table et la Fondation Crédit Coopératif qui a permis de lancer le projet. On a attendu d'avoir ces financements pour se dire « on a assez d'argent pour commencer le projet ». Nous ne sommes pas partis à l'envers en se disant « on cherche des sous, on fait un appel à sous, puis, après, on trouve le projet pour aller avec les sous ! »

Isabella Vanni : On part des besoins ! Ah, si tous les logiciels pouvaient se développer comme ça, nous serions heureuses et heureux !
Il n'y a pas que ça. Le groupe de travail Libre Association a aussi édité un guide. Tu as été contributeur, bien évidemment, du Guide Libre Association.

Laurent Costy : Oui. C'était un peu la suite logique du questionnaire de l'époque. Il y avait à la fois un catalogue de logiciels utiles aux associations, on citait des logiciels de comptabilité, de graphisme, etc., et on donnait aussi un petit peu de matière pour un discours politique. Parce que, finalement, si on en reste à des questions techniques, à des questions d'utilisateurs et d'utilisatrices, c'est assez limité. Il faut aussi donner des arguments pour pouvoir convaincre la gouvernance associative, si on ne fait pas ça, il y a peu de chances que ça fonctionne parce que ça va être l'envie d'une personne un peu technique de l'association qui ne va pas être considérée. Il faut donc donner de la matière et faire comprendre aux gouvernances associatives qu’il y a un enjeu pour elles que de migrer vers du logiciel libre.

Isabella Vanni : Et l'argumentaire, on le sait très bien, vaut pour tout le monde, vaut aussi pour aider, par exemple, des élus à militer, à faire des actions importantes pour le Libre dans l'hémicycle ou pour convaincre son entourage. C'est toujours très bien de trouver des arguments.
Il y a eu une autre une autre action, dont j'ai envie de parler, c'est le Cerfa en format ODT, c'est un cas très concret et c'était aussi une belle victoire, une belle action aussi du groupe Libre Association.

Laurent Costy : Effectivement, tu me le remémores. Pour faire des demandes de subventions, les associations ont besoin de remplir un document. À l'époque, ce n'était pas complètement numérisé, c'est-à-dire qu’on n'allait pas sur une plateforme. Maintenant, je crois qu’il n’y a plus ces documents téléchargeables, je n'en ai pas rempli récemment. En tout cas, à l'époque, il y avait un canevas à remplir et le format qui nous était proposé était un format propriétaire. Du coup, le groupe a travaillé, pendant l'été, pour faire un PDF que l'on pouvait remplir, sous un format ouvert, à partir de LibreOffice. On l'a communiqué au ministère qui l'a mis à disposition, sur la plateforme gouvernementale. C’était plutôt pour montrer comment on pouvait contribuer et faire que ce soit plus simple pour les utilisateurs et utilisatrices.

Isabella Vanni : Belle satisfaction pour le groupe d'être écouté.
J'ai envie de faire la pause musicale là, parce que, après la pause musicale, on va on va attaquer un sujet très intéressant, une expérience personnelle avec ce qu'on appelle la vente forcée. Donc, je préfère justement lancer la pause là.
Nous allons écouter un morceau choisi justement par notre invité, Lauren Costy. Le morceau s'appelle Optimism par Minda Lacy. On se retrouve dans environ deux minutes trente. Belle journée à l'écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Optimism par Minda Lacy.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Isabella Vanni : Nous venons d’écouter Optimism par Minda Lacy, disponible sous licence libre Creative Commons By SA 3.0.

[Jingle]

Deuxième partie 42 ‘05

Isabella Vanni : Je suis Isabella Vanni de l'April