Émission Libre à vous ! sur Cause Commune du 10 octobre 2023

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Titre : Émission Libre à vous ! diffusée mardi 10 octobre 2023 sur radio Cause Commune

Intervenant·e·s : à la régie

Lieu : Radio Cause Commune

Date : 10 octobre 2023

Durée : 1 h 30 min

Podcast PROVISOIRE

Page de présentation de l'émission

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration : Déjà prévue

NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Transcription

Voix off : Libre à vous !, l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Frédéric Couchet : Bonjour à toutes. Bonjour à tous dans Libre à vous !. C’est le moment que vous avez choisi pour vous offrir 1 heure 30 d’informations et d’échanges sur les libertés informatiques et également de la musique libre.
Le podcasting ou baladodiffusion, c’est le sujet principal de l’émission du jour. Avec également au programme la chronique d’Antanak en début d’émission dont on découvrira le thème et aussi, en fin d’émission, une interview de Cécilia Bossard, membre de Duchess France.

Cette émission est proposée par l’April l’association de promotion et de défense du logiciel libre.
Je suis je suis Frédéric Couchet, le délégué général de l’April.

Le site web de l’émission c’est libreavous.org. Vous pouvez y trouver une page consacrée à l’émission du jour avec tous les liens et références utiles et également les moyens de nous contacter. N’hésitez pas à nous faire des retours ou à nous poser toute question.

Nous sommes mardi 10 octobre 2023, nous diffusons en direct, mais vous écoutez peut-être une rediffusion ou un podcast.

À la réalisation de l’émission du jour, c’est sa première. Elle est fondatrice de l’agence Parisweb.art dédiée à la culture et aux arts et elle donne du temps bénévole pour être à la régie de l’émission aujourd’hui, c’est Julie Chaumard. Bonjour Julie.

Julie Chaumard : Bonjour. Bonne émission.

Frédéric Couchet : Merci. Nous vous souhaitons une excellente écoute.

[Jingle]

Chronique « Que libérer d’autre que du logiciel » par Isabelle Carrère d’Antanak

Frédéric Couchet : « Que libérer d’autre que du logiciel », la chronique d’Antanak








Frédéric Couchet : On va faire une pause musicale.

[Virgule musicale]

Frédéric Couchet : Après la pause musicale nous parlerons de podcasting.
En attendant nous allons écouter, et c’est le choix d’un de nos invités, en l’occurrence Benjamin Bellamy, You Will Be Wild par John Lopker. On se retrouve dans trois minutes. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : You Will Be Wild par John Lopker.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter You Will Be Wild par John Lopker, disponible sous licence libre Creative Commons Attribution, CC By.

[Jingle]

Frédéric Couchet : Nous allons passer au sujet suivant.

[Virgule musicale]

Le podcasting avec Carine Fillot et Benjamin Bellamy 14 min 10

Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre par notre sujet principal qui va porter sur le podcasting avec nos invités : Carine Fillot, fondatrice d’Elson et Benjamin Bellamy, fondateur et dirigeant de la société Ad Aures et de Castopod dont on parlera tout à l’heure. Je vais les laisser se présenter un peu plus au début, évidemment.
N’hésitez pas à participer à notre conversation sur le salon web dédié à l’émission, sur le site causecommune.fm, bouton « chat » salon #libreavous.
Première question, une petite présentation rapide pour que les gens vous découvrent. Carine Fillot

Carine Fillot : Bonjour. Ça me fait toujours plaisir de venir dans un studio de radio, déjà, puisque j’ai commencé la radio quand j’étais ado. Aujourd’hui, après un long parcours notamment à Radio France, j’entreprends dans ce qui n’est pas complètement de la radio, mais c’est aussi de la radio, c’est le podcast. Aujourd’hui Elson est à la fois une société qui est un organisme de formation . on accompagne des particuliers, mais aussi des entreprises, à concevoir, produire et diffuser des podcasts. On a une aussi une activité avec des entreprises ou des organisations autour de la production. Et puis on s’intéresse de près, en expérimentant pas mal de choses avec aussi un prototype autour de ça, à une forme de découvrabilité des contenus : comment recommander des contenus pas uniquement de manière algorithmique mais aussi éditoriale. Ces dernières années on a passé beaucoup de temps à ausculter les contenus de la radio diffusés en podcast et, à la fois, ce qu’on appelle les podcasts natifs, c’est-à-dire les podcasts issus de créateurs qui diffusent sur Internet et pas dans une radio traditionnelle FM.

Frédéric Couchet : Merci Carine. Deuxième invité Benjamin Bellamy.

Benjamin Bellamy : Bonjour.
Je suis un libriste convaincu depuis un peu plus d’une vingtaine d’années, auditeur de podcast depuis un peu moins d’une vingtaine d’années. En 2020, j’ai créé la société Ad Aures qui développe des outils libres pour créer des écosystèmes équitables et durables pour toutes les podcasteuses et tous les podcasteurs.
Qu’est-ce que ça veut dire en deux mots ? On développe des solutions informatiques qui permettent de mettre à disposition, c’est-à-dire d’héberger des podcasts, mais aussi de les rendre découvrables, de les transcrire et de les monétiser.

Frédéric Couchet : Des concepts dont on va parler tout l’heure : découvrabilité, c’est important.
On a fait à faire à deux personnes expertes dont l’une a une très grosse expérience radio.
Beaucoup de gens qui nous écoutent nous écoutent surtout souvent en podcast, même si on a évidemment des auditrices et des auditeurs sur la bande FM. Peut-être que ces personnes-là ont une idée de ce qu’est un podcast, mais on va quand mème commencer par expliquer ce qu’est un podcast, le concept de podcasting. Qu’est-ce que c’est concrètement ? Qui veut commencer ? Carine.

Carine Fillot : Aujourd’hui c’est un mot qu’on utilise à plein de sauces pour décrire plein de réalités en fait. On va dire que si on doit partir de son origine, d’abord c’est la contraction de deux mots : « pod », on va le comprendre après, qui vient beaucoup, au départ, de l’écosystème d’Apple et de l’iPod puisque, dans les années 90, on n’avait pas de smartphone et pour réécouter ou même écouter de la musique, des MP3, on utilisait souvent ce baladeur numérique et de cast, diffusion en anglais. C’est donc un mot valise, podcast, qui a émergé notamment au moment où la plateforme iTunes d’Apple agrège – on est, Benjamin pourra repréciser, en 2005/2006, à un moment où, en fait on est dans l’adoption de ce baladeur numérique. Quand on parle de podcast, on parle souvent d’agrégation et on commence, du coup, à agréger des podcasts.
Derrière ce mot il y a une technologie, une très vieille technologie du Web qui s’appelle le flux RSS, qui est un format d’indexation de contenus. Benjamin, peut-être peux-tu rebondir dessus, si tu veux en parler d’une manière un peu plus technique ? Je finirai juste par dire que « podcast », aujourd’hui, c’est aussi du contenu, c’est une manière de dire « je fais un contenu qui n’est pas de la radio, un contenu sonore qui a un ADN un peu différent et qui est donc distribué à ce mode de distribution sous-jacent, du coup, aux flux RSS.

Benjamin Bellamy : Tout à fait. La première chose qu’il faut bien comprendre quand on parle de podcast, et pour lever toute ambiguïté, c’est qu’on ne peut pas lever l’ambiguïté. En fait, il n’y a pas de définition officielle du podcast, il n’y en a jamais eu et il n’y en aura probablement jamais, donc tout le monde met un peu ce qu’il veut derrière ce mot valise qui date de 2004. C’est Ben Hammersley, journaliste au Guardian qui l’a utilisé pour la première fois, on parle aussi d’audio blogging à l’époque. Chacun met un peu ce qu’il veut derrière le podcast.
Moi qui suis ingénieur de formation, j’ai tendance à voir des définitions qui sont plutôt d’ordre technique. Ma définition du podcast c’est que c’est un contenu multimédia, en général un fichier MP3 sonore, qui est dans un flux RSS . Le flux RSS que tu as évoqué, qui date de 1995, c’est juste un moyen de partager des informations, à l’époque on parlait surtout de blogs, et de manière totalement décentralisée, c’est-à-dire que chacun peut s’abonner avec le logiciel de son choix.
En 2000 – je pense que c’est important de noter parce qu’on fait un peu trop de French bashing en ce moment –, on doit l’invention technique du podcast à un Français qui s’appelle Tristan Louis, qui est le premier qui a eu l’idée de mettre un fichier MP3 dans un flux RSS. C’était surtout utilisé par ce qu’on appelle les geeks. En 2003, Adam Curry, un podcasteur de la première heure qui avait déjà eu une carrière sur MTV en tant que vidéo-jockey, a, le premier créé un petit programme qui permettait de télécharger tous ces flux RSS – à l'époque ça ne s'appelait pas encore podcast, le mot podcast a été créé après – sur son iPod. En fait, le premier device qui a permis de consommer des podcasts c'était l'iPod. On comprend, du coup, tout de suite pourquoi on a appelé ça podcast.
Pour l'anecdote, que personnellement je trouve assez truculente, il se trouve qu’en 2005, donc deux ans après que Adam Curry eut créé ce petit script qui permettait d'écouter ses podcasts sur son iPod, il a reçu un appel de ??? [20 min 55] qui travaillait chez Apple et qui lui a dit « est-ce que tu peux venir à San Francisco rencontrer Steve Jobs ? » Il s'est retrouvé un matin à San Francisco face à Steve Jobs qui lui a dit « ton truc m'intéresse et j'ai vu que tu as un petit index avec pas mal de podcasts, est-ce que tu veux bien nous le filer pour qu’on le mette en avant ? ». Adam Curry était très content que ce truc-là prenne de l'importance et que Apple s'y intéresse, donc il a dit oui. Et l'après-midi même, Steve Jobs, dans sa keynote, a annoncé ce qu'on appelle aujourd'hui Apple Podcasts qui, à l'époque, était à iTunes Podcasts. En 2005, donc un an après l'invention du mot et deux ans après l'usage sur les iPod, on a eu l’explosion du podcast, en tout cas la première parce qu'il y en a eu plusieurs, qui a rendu ça visible pour tout le monde. Ce n'était plus une affaire de geeks, c'était vraiment un outil de mass media j'ai envie de dire.

Carine Fillot : À cette époque-là, un petit peu après, aux alentours de 2006, je revois un de mes boss franchir la porte du bureau et me dire « le PDG de Radio France, à l'époque Jean-Paul Cluzel, a décidé que dans moins de deux/trois mois toutes les émissions de Radio France serait disponible en podcast ». C'est une vraie révolution. Avant on diffusait tout juste sur Internet, mais on ne découpait pas les émissions de radio. En réalité, une radio est déjà découpée virtuellement, ça s'appelle une grille de programmes. La radio était numérisée aussi depuis peu. Donc, en gros, il fallait organiser un peu tout ça pour que chaque émission délivre un MP3, puisque un podcast c'est quoi ?, c’est un fichier MP3 mis dans un fichier texte.
Pour revenir sur cette notion du RSS, j'accompagne beaucoup d'apprenants et d'apprenantes dans le podcast et c'est vrai que pour eux c'est toujours un peu obscur cette histoire : que faut-il pour faire un podcast ? Pour revenir dessus, que faut-il techniquement ? Un fichier MP3, mais un podcast ce n’est pas la promesse d'un seul fichier MP3, c'est la promesse d'une récurrence, comme une émission de radio finalement. Il faut, comme si on faisait un site internet, une sorte de serveur, on appelle ça un hébergeur de podcasts, et pendant longtemps les hébergeurs de podcasts, qu'on connaît beaucoup aujourd'hui en France – Castopod en fait partie, il y en a d'autres, Ausha, Podcastics, etc. –, vous mettent à disposition les moyens de générer ce fameux fichier RSS qui est, en fait, un fichier texte qui se met à jour. Ce fichier texte n'est pas un langage de code barbare pour qui ne connaîtrait pas le code, c'est un langage de balises. Ces balises ont été faites, à cette époque-là, 2005/2006, par Apple. Ça dit ce qu’est ce podcast : le titre du podcast, puis la promesse ça va être quoi ? On décrit cette récurrence d'épisodes. Ensuite, il y a un en-tête dans ce fichier : on dit qui est l'auteur, on dit qui est le visuel du podcast. Ensuite on descend : un podcast c'est un flux, c'est une pile. Ensuite on va avoir les épisodes, donc un épisode a un titre, a une description et il a une adresse sur Internet, sur un serveur de fichiers MP3.
Quand on s'abonne à un podcast, quand on s'abonne à travers une interface, qui est la plupart du temps une application d’agrégation de podcasts, qui sont, aujourd'hui, toujours Apple Podcasts ou bien Spotify, etc., en fait on s'abonne à ce fichier qui se met à jour et à travers l'interface d'un player, on vient écouter à chaque fois qu'il y a une mise à jour.
Donc commence à se développer à partir de 2006 et dans les années qui vont suivre, un usage du podcast, celui de beaucoup de réécoutes de la radio. Évidemment, à ce moment-là les grandes radios comme RTL, comme Europe 1 et comme le groupe Radio France se saisissent de ce nouveau mode de diffusion en comprenant qu’elles vont pouvoir adresser de nouveaux usages, de nouveaux besoins : la réécoute de la radio en temps et en heure, où on veut, sur un support mobile. C'est comme cela que les premiers auditeurs de podcasts, et on en trouve encore la trace aujourd'hui dans les statistiques, ne sont pas ceux qui sont très représentés, ce ne sont pas forcément des jeunes, ça va être aussi des gens qui, à l'époque, avaient un Mac, un iPod, qui ont donc commencé à rentrer dans l'univers podcast par la réécoute de la radio.

Frédéric Couchet : Benjamin.

Benjamin Bellamy : Je voulais juste m’offusquer violemment contre un détail que tu viens de dire. Apple n'a pas inventé le podcast, pas du tout ! Apple l'a mis en lumière.

Carine Fillot : C’est ce que je voulais dire.

Benjamin Bellamy : Ça a contribué énormément à son développement parce qu’Apple a porté le podcast à bout de bras, sans modèle économique, pendant plus de 15 ans, mais techniquement Apple n’a absolument rien inventé !
Après, ils ont dit « si vous voulez qu'un podcast existe il faut qu'il ait une image carrée, 1400 pixels, il faut tout un tas de choses », ils ont normalisé, d'une certaine manière, ce qui était plutôt une bonne chose, mais techniquement ils n’ont rien inventé.

Carine Fillot : Comme tu le disais, le flux RSS existait depuis très longtemps.

Benjamin Bellamy : Toute la techno existait déjà, d'ailleurs toutes ces technos existaient déjà dans les années 90. On peut leur savoir gré d’avoir mis ça en lumière.

Carine Fillot : En tout cas, ils ont inventé Apple Podcasts qui, finalement, a été le premier outil sur lequel les gens allaient pouvoir le faire, parce qu'à ce moment-là, souvenez-vous, en 2006, il n’y avait pas encore YouTube, il n’y avait pas encore Spotify, Deezer était en train de naître. On était dans un moment où, en fait, le seul acteur capable de générer du ??? [26 min 05] c'était celui-là.

Frédéric Couchet : Je vais te repasser la parole, Benjamin. Je vais quand même juste apporter deux précisions : une première sur le format de fichier audio. Tu as beaucoup cité MP3 parce que c'est notamment le format, l'un des rares formats que sait traiter Apple, mais on peut mettre n'importe quel type de format audio, il y en a plusieurs. Par exemple, dans le cas du podcast de Libre à vous ! il y a le format MP3, le format ogg, il y en a plusieurs.
Tu as cité Apple Podcasts, Spotify. I y a aussi des applications libres qui permettent des lectures de podcast. On va en suggérer un très simple en exemple, si les gens veulent le découvrir, c’est AntennaPod, un outil qui permet de s'abonner à des podcasts, soit en les découvrant, en mettant des mots-clés dans le moteur de recherche, soit en mettant effectivement le lien quand on va sur une page web. On prend un exemple concret : si vous nous écoutez actuellement, que vous avez soit un téléphone soit un ordinateur, vous allez sur libreavous.org et vous allez voir, il y a marqué « S’abonner au podcast ». Ça va vous donner un lien et, si votre ordinateur est bien configuré, ça va vous ouvrir automatiquement une application pour vous abonner. Ensuite vous pourrez, à la demande, écouter les épisodes, ceux que vous voulez ou tous, n vous encourage, évidemment, à tous les écouter.
On reviendra tout à l’heure sur le rôle d’Apple et des autres acteurs.
Juste une petite question. Tu viens de la radio, nous nous faisons de la radio. Tout à l'heure tu as employé un terme qui est important c'est « podcast natif ». Pouvez-vous expliquer, peut-être toi Carine, la différence qu'il y a entre un podcast qui est une réécoute d'une émission de radio, par exemple, et un podcast natif. Qu'est-ce que ça change à la fois pour la personne qui fait et pour la personne qui écoute ?

Carine Fillot : Avant, on peut peut-être dire que c'est très franco-français !

Benjamin Bellamy : J'allais le dire, mais tu as lu dans mes yeux.

Carine Fillot : On en a parlé ensemble avec Benjamin, on échange beaucoup sur le sujet du podcast, pourquoi, en fait, fait-on cette distinction ? À mon sens, il faut le comparer aux autres écosystèmes. En France, on a une radio qui est forte et on le voit ici, on est dans une radio associative. En France, il y a un bon nombre de radios associatives et des catégories A, B, C, D, etc., il y a des radios de service public, il y a des grandes radios nationales, etc. ; il y a de la diffusion FM sur un territoire, même si, effectivement, on peut peut-être regretter qu’à des endroits il n’y ait pas assez d’émetteurs, de diversité de radios, malgré tout il y a ça. Donc, quand les acteurs du podcast francophone émergent, quand on parle de 2006, comme l'adoption des usages est en train de se faire, on a un fossé entre ces années 2006/2007 et l'arrivée de ce qu'on appelle le podcast natif, même s'il y a effectivement toujours eu, depuis l'invention, depuis cette possibilité, des podcasteurs. Moi-même, en 2007, je faisais une webradio ; on faisait du streaming et on faisait du podcast. On voyait bien que oui, certes, il y avait des gens qui téléchargeaient nos podcasts, mais c'était des geeks, on n'avait pas encore un usage massif de cela.
À un moment, en tout cas en France ces dernières années, un secteur s'est structuré et c'est là aussi que ce terme de « podcast natif » est apparu. Ce sont aujourd'hui des studios de podcast qui sont assez connus – Louie Média, Binge, Bababam, des pure players comme Slate – qui, du coup, sont arrivés avec des propositions éditoriales nouvelles puisqu'en fait, avec le podcast, on s'affranchit de la grille radio. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu’on peut faire des formats différents avec des durées qui ne sont pas homogènes, avec des épisodes. On peut s'approprier la radio, mais on peut créer ses propres formats, et surtout il y a souvent un positionnement stratégique, mais parfois ça part d'une intention très personnelle et très naturelle : je veux porter un sujet d'expertise, un sujet de niche, beaucoup un sujet sociétal, du coup je peux le faire, la radio m’est quand même assez accessible. On a connu un passage au do it yourself, « faites-le vous-même », dans toutes les autres industries créatives et culturelles – la musique, le studio, le home studio pour les musiciens – le fait de faire soi-même, on n’est plus à la pellicule, on est avec le numérique, etc., donc le podcast reste aujourd'hui accessible. Le coût même d'investissement dans un micro, un enregistreur, un abonnement à un hébergeur de podcast c'est accessible. Du coup, ça ouvre la porte à ces nouvelles voix, à des gens qui portent un discours singulier. Ça ne veut pas dire qu'on n'a pas les mêmes à la radio, ça veut dire qu'ils passent par un chemin différent. Depuis on est aussi nourri des réseaux sociaux, du personal branding, des figures comme ça des influenceurs, même si on ne trouve pas l'ADN de l'influenceur dans le milieu du podcast, en tout cas à la marge, donc on a des gens qui veulent aussi se singulariser, dire « nous on n'est pas la radio ». Ce n’est pas pour se mettre en différence par rapport à la radio, c'est pour réussir à exister, alors que aujourd'hui, en France le podcast, de replay, le podcast de réécoute de la radio, c'est quand même celui qui est le plus consommé de toute l'historique qu'ont les radios, de tout le mass media que représente la radio.
Ce terme de podcast natif permet dire « en fait on est un peu les nouveaux podcasts, on est un peu les nouvelles tendances, on est un peu les nouveaux sujets. On n'est pas diffusé à la radio. » Par contre, ceux-là sont obligés de faire aussi la promo de cet usage du podcast.
Je pense que c'est pour cela qu'en France on a un peu cette volonté de différencier les deux termes pour se singulariser et pour exister.

Benjamin Bellamy : Pour compléter, Carine lit dans mes pensées, elle disait que cette notion de différence, de dichotomie entre le podcast natif et le podcast de replay c'est très franco-français. Aux États-Unis ça n’existe pas du tout. Pour l'anecdote, on travaille beaucoup avec un mouvement qui s'appelle Podcasting 2.0, qui a pour vocation d'enrichir fonctionnellement le podcast en rajoutant de la transcription, tout un tas de choses comme ça. On leur a demandé de rajouter la possibilité d'avoir un tag qui permet de dire si ce podcast est un podcast natif, c'est-à-dire si c'est un contenu original qui a d'abord été créé en podcast, ou bien si c'est un contenu qui a été publié quelque part ailleurs, avant. On parle de radio, mais il n’y a pas que de la radio. Typiquement, est-ce que le podcast de HugoDécrypte est un podcast natif ou pas, parce qu'il a été publié avant sur YouTube ? C'est une question qu'on peut se poser.
On voit bien que tout cela est très culturel. Je ne suis pas convaincu par cette différence. Si les Anglo-Saxons ne la font pas, il y a bien une raison. Sur la vidéo, on voit bien qu’on est passé d'une vision linéaire à une vision délinéarisée et il va probablement se passer la même chose sur de l'audio. On appelle ça du podcast, on appelle ça ce qu'on veut, peu importe, en tout cas c'est une question d'usage. Après, est-ce que le contenu que j'écoute en podcast a été publié quelque part avant ?, j’ai envie de dire que c'est presque secondaire.

Carine Fillot : C’est un peu dans l'écosystème du podcast qu'on différencie ces deux termes.

Frédéric Couchet : OK, d'accord, mais je vois quand même une différence importante dans la façon dont les gens qui font ces émissions, soit de radio pour diffuser, soit le podcast, se comportent. Tout à l’heure tu as employé un terme « public de niche », « ils ont quelque chose à dire ». Moi j'écoute beaucoup de podcasts et une chose que je vois tout le temps sur les podcasts, sur la plupart, c'est du jargon à fond ! On écoute un podcast sur lequel on est tombè parce qu'on s'est intéressé à ce sujet-là – j'en écoutais encore ce matin, je m’intéresse au marketing.

Carine Fillot : Franchement, je pense que le marketing c'est le top du top du top !

Frédéric Couchet : Je passe une partie de mon temps à essayer de comprendre ce jargon-là et je pense que l'une des différences principales, justement, c'est l'adresse. Nous, quand nous faisons de la radio, nous nous adressons d'abord à la personne qui écoute la bande FM, on fait donc un effort de vulgarisation, de compréhension, alors que les gens qui font du podcast natif s'adressent souvent à une niche et ne pensent pas aux gens qui, par hasard, vont les découvrir, donc, en fait, qui vont devoir s'accrocher pour comprendre. Je ne sais pas quel est votre avis là-dessus.

Carine Fillot : Je suis absolument d'accord avec toi. Je tiens ce discours aux gens que je forme au podcast, forcément ! Tu l'as compris, mon ADN vient de la radio, tu vois. Il y a quand même beaucoup de gens qui le font par mimétisme. Je pense qu'on va parler de la monétisation après, mais quand je forme des gens je leur dis, d'ailleurs, dans nos formations, on leur explique comme ça : les savoir-faire de la radio au bénéfice d'un projet de podcast. Après, c'est aux gens de choisir s'ils veulent faire quelque chose de très pointu. De la même manière que des gens veulent faire de la radio associative toute leur vie, il y a des gens qui veulent se professionnaliser, etc.
Pour l'audience, on ne va pas se mentir, sur certaines thématiques et sujets c'est hyper-porteur d'être dans une niche et de créer une communauté. Mais effectivement, tu as raison, ça crée de l'entre-soi et je dis souvent aux gens « pensez à enlever ces mots de jargon, arrêtez de parler de KPI, parlez d'indicateur clé de performance, faites cet effort de pédagogie ». Effectivement, je suis d'accord, vous allez rassembler beaucoup plus. Après c'est à chacun d'essayer de trouver ce dosage pour montrer une expertise. Effectivement dans le marketing et dans beaucoup de métiers, en général même dans toutes les entreprises françaises, on a cette tendance un peu au jargon et à l'entre-soi et la radio n'a pas cet ADN : il y a un côté beaucoup plus inclusif avec l'approche de la radio et beaucoup plus exclusif avec l'approche du podcast. Si votre stratégie c'est d'être dans l'exclusivité, dans ce cas-là assumez-le à fond, mais ça veut dire que vous allez laisser des gens à la porte ; la barrière d'entrée est élevée. Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas des gens qui feront l'effort comme ils le font sur d'autres supports de « je vais écouter, me former ; je vais écouter un podcast, en même temps j'ai Internet pour comprendre », mais vous allez laisser des gens derrière vous. Et comme l’ADN de la radio c'est d’être un émetteur FM, le fait de ne pas savoir, de sentir, de comprendre – il y a évidemment des sondages, des études – mais c'est se dire qu'il y a toujours aussi cette magie un peu de « on tourne le bouton – même si on ne le tourne plus beaucoup aujourd'hui mais encore – sur l'autoradio et on peut tomber aussi sur une surprise, sur quelque chose qu'après on peut transformer en en faisant une habitude d'écoute, etc. Il y a toujours deux communautés dans l'audience de la radio : il y a ceux qui sont déjà acquis et il y a ceux qui sont là autour. La radio a cette adresse beaucoup plus large, je suis complètement d'accord.

Benjamin Bellamy : Il y a évidemment une grosse différence en termes de formation. À priori, quelqu'un qui passe par la radio, va être formaté, va être prévenu et va être prévenant.

Carine Fillot : Qu’est-ce que tu entends par formaté ?

Benjamin Bellamy : Ne pas s'adresser à un auditeur n'importe comment.
Pour autant, on parlait tout à l'heure de liberté, ce qui est bien aussi dans le podcast, c'est que c’est un peu foutraque. Il y a des gens qui ne sont pas du tout formés à faire ça, qui se lancent, qui apprennent sur le tas. Du coup l'indice de qualité, je ne sais pas si on peut parler d'indice de qualité, en tout cas il y a beaucoup plus de choses et ça génère aussi beaucoup plus de diversité, une uniformisation qui est nettement moindre dans le podcast, qui fait que ça crée la richesse aussi du podcast.

Carine Fillot : Je suis tout à fait d'accord avec ça. En tout cas le propos que j'avais en tête c'est celui de quelque chose qui est un jargon technique et des choses qui resserrent un peu.
Par contre, effectivement, parfois on retrouve les marqueurs de la radio associative. Dans une radio associative le cadre est parfois beaucoup moins formel que dans une radio privée, etc., il y a donc ce truc de dire « je peux le faire moi-même, je peux le faire à mon image », donc c’est intéressant.
Chez Elson on a mené pas mal de curations, on écoutait plein de podcasts qui se lançaient, des podcasts amateurs, des podcasts un peu plus pros. Quand on les passait en comité d'écoute d’une vingtaine de personnes, il y avait parfois des trucs qui étaient frappants : la voix d'une personne qui a un regard singulier sur un sujet et ça ne trompe pas, mais comme souvent à la radio ; bien souvent la voix ça ne trompe pas.
Des gens demandent souvent pourquoi on ne fait pas beaucoup de coaching vocal dans nos formations. Je dis souvent que l'esthétique de la voix n’est plus un sujet, à moins d'avoir un problème d'élocution, etc., qui peut se travailler avec un orthophoniste ou autre, en fait, aujourd'hui, on n'a plus ce code de l'esthétique de la voix. La voix c'est la personne qui s'exprime et si une personne est alignée avec ce qu'elle dit, il n’y a plus de mauvaise voix. On parle souvent des nouvelles voix du podcast, mais le podcast révèle cette chose-là.
Ce qu’il est aussi intéressant de voir, c'est le chemin que font certains de ces podcasteurs et de ces podcasteuses : au départ on se lance, on essaye, on retente autre chose, etc., on essaye de ne pas s'arrêter en chemin parce que c'est ingrat, en plus, d'être son propre média. Les gens vont essayer de fabriquer un objet, en plus il faut faire de la communication autour, etc. mais ça chemine et ce qui est intéressant c'est de voir comment quelqu'un passe de « je fais » à « est-ce que je deviens podcasteur » ou « est-ce que je deviens auteur et autrice aussi ». On est dans cet écosystème à un moment où, en plus, on interroge cette question-là, notamment vis-à-vis du financement de certains créateurs. Et qu'est-ce que c'est qu'être un auteur ou une autrice de podcast ou de radio ? C'est une question qui se pose aujourd'hui.

Frédéric Couchet : On va en parler. Je voulais juste préciser que je ne faisais pas une critique du podcast parce que je suis un très gros consommateur de podcasts et je suis totalement aligné avec ce que vient de dire Carine, il y a vraiment des voix et je ne parle pas de la voix qu'on entend, mais des positionnements.

Carine Fillot : L’expression singulière et particulière des personnes.

Frédéric Couchet : Aux gens qu’on invite à l'émission de radio et qui disent « je ne suis pas à l’aise, je vais bafouiller, etc. », on leur dit « ne vous inquiétez pas, vous allez parler de votre expérience, de votre vécu, de ce qui compte pour vous, de votre histoire et c'est ça qui va intéresser les gens ». Ce n’était donc pas une critique sur le podcast, c'était juste un constat sur un certain nombre de podcasts qui ciblent des particuliers et qui ne pensent pas aux autres.
Avant la pause musicale, on va commencer un petit peu à parler justement des acteurs du podcast, donc des personnes qui créent, des personnes qui écoutent. Un truc vachement bien dans le podcast, je crois que tu l'as dit tout à l'heure Benjamin, c'est qu'effectivement on prend un micro, un outil d'enregistrement, on prend une plateforme, on peut même se créer son site web, pour se lancer dans le podcast. En tout cas, d'un point de vue technique, c'est très simple de se lancer dans le podcast, ce n'est pas un gros investissement, il n’y a pas de barrière à l'entrée.

Benjamin Bellamy : Aujourd'hui il n’y a pas de a barrière à l'entrée puisqu'il suffit d'avoir un téléphone portable

Frédéric Couchet : C’est vrai qu’avec le téléphone, c’est encore plus simple. Carine n'est pas forcément tout à fait d'accord mais elle le dira après. Vas-y Benjamin.

Benjamin Bellamy : Je sais qu'elle n’est pas du tout d'accord, mais comme elle est très polie elle ne me coupe pas la parole.
Aujourd'hui des podcasts sont créés avec un téléphone portable. On utilise parfois les kits piéton ou des choses comme ça pour que, qualitativement, ce ne soit pas trop pourri, mais avec un téléphone portable c'est tout à fait possible et on peut faire plein de choses

Carine Fillot : Un téléphone portable plus un accessoire !

Benjamin Bellamy : Plus un accessoire, d'accord.

Frédéric Couchet : Quel accessoire ?

Carine Fillot : La question qui se pose c'est : est-ce qu'on fait son podcast tout seul où on parle soi et on n’interviewe personne ou est-ce qu'on interviewe quelqu'un ? Il y a effectivement pas mal d'accessoires qui sont développés pour mettre sur un téléphone. J’ai quand même besoin de faire ce geste : je parle, tu parles et approcher le micro de la bouche.

Benjamin Bellamy : Si on fait un podcast d'interview, mais ce n'est pas nécessaire. On peut aussi faire un podcast de monologue où on parle tout seul, où on raconte sa vie.

Carine Fillot : Bien sûr, complètement, mais il n’y en a pas beaucoup, ce n’est pas le plus commun des podcasts, mais oui, c'est possible. Après c'est toujours pareil, c'est comme avec n'importe quel outil, encore faut-il savoir le placer, l'utiliser, comment transférer les fichiers de son téléphone, etc. En tout cas, ce n’est pas le kit le plus commun pour un podcasteur. La plupart du temps on va plutôt investir dans un enregistreur numérique, peut-être un micro additionnel avec un enregistreur numérique, mais on est quand même sur des prix, même avec un kit comme ça, avec enregistreur/micro, qui ne vont pas dépasser 450 euros, ça reste quand même raisonnable

Benjamin Bellamy : 450 euros, c'est déjà très qualitatif.

Frédéric Couchet : C’est quand même un budget !

Benjamin Bellamy : Aujourd’hui, pour 50 euros, tu as un enregistreur ou tu as un micro qui va faire un gap significatif en termes de qualité.

Carine Fillot : Là je parle de quelqu'un qui veut se lancer soit dans un podcast en extérieur, il y a aussi cette question-là, soit un podcast d'interviews et qui aurait un projet un peu au long cours. Ce n'est pas la première chose qu'on fait. En formation on dit : « Pour l'instant n'achetez pas de matériel, vous ne savez pas quel va être votre projet, comment vous allez le réaliser, dans quelles conditions, si vous n'allez pas faire vos interviews à distance, auquel cas est-ce que c'est un téléphone, est-ce que votre ordinateur, est-ce que c'est un micro USB ? ». Il y a plein de configurations possibles. On peut faire ses premiers essais avec un smartphone, évidemment, et à partir du moment où on veut une meilleure qualité de son, un meilleur confort aussi pour réaliser, on peut se tourner vers un kit un peu de base.
Évidemment, pour chacun il y a un il peut y avoir un coût financier, mais ce n'est pas l'essentiel. En tout cas pour réussir à trouver un peu une audience quel est l’essentiel ? De quoi on parle-t-on ? C'est quoi ce podcast ? Quelle va être cette proposition éditoriale ? Quel est le sujet ? Quelle est la promesse ? La technique, c'est l'outil qui va permettre, qui va même sublimer peut-être le podcast, peut-être même que ça fait des rebonds sur le concept même du fait des choix techniques qu'on fera, etc., mais, avant tout, ça reste : quel va être le propos ?

Benjamin Bellamy : Mais même, sur la promesse, on a le droit de changer d'avis. Le podcast c'est vraiment le médium de la liberté : je peux faire ce que je veux, je peux changer de format, je peux changer de durée, je peux changer de fréquence, je peux changer de sujet, je peux faire absolument tout ce que je veux, je peux changer de micro bien évidemment.

Carine Fillot : Bien sûr !

Frédéric Couchet : On va faire une pause musicale sinon on va dépasser le temps. En plus c’est une pause musicale choisie par Benjamin. Elle est même issue de nos archives, c’est un morceau que j’aime beaucoup. Nous allons écouter Last Dance par Zero Project. On se retrouve dans environ trois minutes. Belle journée à l’écoute de Cause Commune, la voix des possibles.

Pause musicale : Last Dance par Zero Project.

Voix off : Cause Commune, 93.1.

Frédéric Couchet : Nous venons d’écouter Last Dance par Zero Project, disponible sous licence libre Creative Commons Attribution, CC By.

[Jingle]

Deuxième partie

Frédéric Couchet : Nous allons poursuivre notre discussion

Interview de Cécilia Bossard, membre de Duchess France, consultante chez Shodo Nantes 1 h 13 min 25

Frédéric Couchet : Nous allons passer au sujet suivant.