Émission Libre à vous ! du 14 février 2023

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Titre : Émission Libre à vous ! du 14 février 2023

Intervenant·e·s : Isabelle Carrère - à la régie

Lieu : Radio Cause Commune

Date : 14 février 2023

Durée : 1 h 30 min

Podcast PROVISOIRE

Page des références de l'émission

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration : Déjà prévue

NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Transcription = Eve

Voix off : Libre à vous ! l’émission pour comprendre et agir avec l’April, l’association de promotion et de défense du logiciel libre.

Chronique « Que libérer d’autre que du logiciel » avec Antanak = Eve

Bonjour. Aujourd’hui, je voudrais relayer la campagne de mobilisation lancée hier par La Quadrature du Net contre la loi Jeux Olympiques 2024 et notamment son article 7 dans lequel les auteurs de ce projet valident et valorisent l’utilisation de la VSA. La VSA c’est quoi ? La Vidéosurveillance Algorithmique. D’autres disent vidéo surveillance augmentée, comme on parle de réalité augmentée, comme ce serait plus fort que ce que les humains et les humaines font !

La VSA n’est pas un simple logiciel : elle analyse des milliers d’heures de vidéos prises par des drones ou des caméras dans les rues, pour catégoriser les comportements – suivant ce que les autorités auront qualifié de « suspect » ou « anormal » pour l’appliquer en temps réel sur les caméras de surveillance. La phase de création de l’algorithme a consisté à apprendre à reconnaître des situations. Le logiciel est « nourri », doté d’un volume immense de données, de vidéos, d’images. Ensuite, le constructeur – sur demande de la police – associera une règle : situation normale ou anormale. Cela crée un gigantesque système de ciblage « d’anomalies » afin d’automatiser le travail de la police. Il s’agit d’un réel changement d’échelle, de dimension de la surveillance et d’industrialisation du travail d’images pour démultiplier les notifications et interpellations, guidées par cette intelligence artificielle.

La VSA et la reconnaissance faciale reposent sur les mêmes algorithmes d’analyse d’images et de surveillance biométrique. La seule différence est que la première isole et reconnaît des corps, des mouvements ou des objets, lorsque la seconde détecte un visage. Ce sont généralement les mêmes entreprises qui développent ces deux technologies. Par exemple, la start-up française Two-I s’est d’abord lancé dans la détection d’émotion, a voulu la tester dans les tramways niçois, avant d’expérimenter la reconnaissance faciale sur des supporters de football à Metz. Finalement, l’entreprise semble se concentrer sur la VSA et en vendre à plusieurs communes de France. La VSA est une technologie biométrique intrinsèquement dangereuse, l’accepter c’est ouvrir la voie aux pires outils de surveillance.

Le texte comporte onze articles considérés pourtant par le Conseil d’État comme « susceptibles de s’appliquer à d’autres situations » que les Jeux et « de façon pérenne ». Le CNB (Conseil National des Barreaux) a également bien entendu fait connaître son opposition à ce texte. L’article 7 de la loi JO 2024, dénoncé par LQDN est déjà voté par le Sénat, il arrive à l’Assemblée nationale dans quelques semaines – courant mars -- et on ne sera jamais trop pour le combattre et faire rejeter cet article ! Ce texte utilise en effet les Jeux olympiques comme prétexte pour légaliser la VSA et faire accepter la surveillance biométrique en France. « Voulu de longue date par le gouvernement, et fortement poussé par la police et le marché grandissant de la sécurité privée, le texte vise à donner une base légale à une technologie déjà présente dans les villes de France. Il ne s’agit pas d’une simple évolution technique mais d’un véritable changement de paradigme : à travers des algorithmes couplés aux caméras de surveillance, ces logiciels détectent, analysent et classent nos corps et comportements dans l’espace public. Le projet derrière ? Traquer les comportements soi-disant « suspects » et éradiquer de la rue des actions anodines mais perçues par l’État comme nuisibles ou anormales. En effet, ces algorithmes peuvent par exemple repérer le fait de rester statique dans l’espace public, de marcher à contre-sens de la foule, de se regrouper à plusieurs dans la rue ou encore d’avoir le visage couvert. Ces outils de surveillance biométrique sont intrinsèquement dangereux et ne peuvent être contenus par aucun garde-fou, qu’il soit légal ou technique. Les accepter c’est faire sauter les derniers remparts qui nous préservent d’une société de surveillance totale. Seuls le rejet et l’interdiction de la VSA doivent être envisagés. C’est pour cela que nous lançons une campagne de mobilisation dès aujourd’hui afin de lutter ensemble contre la surveillance biométrique. » Vous pourrez retrouver la page de campagne de LA QUADRATURE DU NET sur leur site : laquadrature.net. Ils et elles y proposent plusieurs moyens d’actions pour les prochaines semaines, par exemple :

Appeler sans relâche les député·es pour les convaincre de voter contre l’article 7 et faire pression sur la majorité présidentielle et les élu·es qui pourraient changer le cours du vote.

Leur envoyer des mails, lettres ou tout autre moyen de leur faire parvenir votre avis sur cet article 7.

Organiser des réunions publiques pour se mobiliser contre la VSA et cet article 7. Nous publierons très prochainement des tracts, de l’affichage ainsi que des outils pour interpeller les élu·es de votre ville.

Lire les articles et analyses et en parler autour de vous et sur les réseaux sociaux. D’ailleurs, restez à l’affût, on va certainement organiser une mobilisation au moment du vote.

Et alors devinez quoi ? Comme pour beaucoup d’autres sujets, les populations qu’on pourrait dire « populations-laboratoires » sont … allez, devinez ? Hé oui gagné, les étrangers, les étrangères, les personnes qui fuient aux frontières, qui fuient un pays, une situation impossible, des dangers … Ce sont déjà sur elles que sont travaillés et ‘améliorés’ ces outils de surveillance, avec la VSA ,…

Les JO c’est évidemment un argument massue, pour faire peur au vu du nombre de personnes que cela risque de faire se déplacer, donc ha ben oui il faut de la surveillance des comportements étranges, bizarres, non conformes … Noémie Levain de LQDN précise : « C'est hyper politique. Si j’ai envie de faire trois fois le tour d'un pâté de maison, j’ai le droit. C'est un outil qui va marquer dans le marbre ce qui avait déjà cours dans les politiques publiques. Et les personnes qui vivent dans la rue seront stigmatisées. »

Au-delà, c’est tout un marché économique de la data qui en tire un avantage. Nous autres qui sommes parfois déjà comme des données sur pattes, nous le serons encore plus, à chaque fois que nous traverserons ou occuperons l’espace public …

Libres ? Vous avez dit Libres ?

Le système de gestion de contenu Drupal avec Marine Gandy (Présidente de l’Association Drupal France et Francophonie) et Cellou Diallo (secrétaire de l’Association Drupal France)

Deuxième partie

Chronique « Pépites libres » de Jean-Christophe Becquet, vice-président de l’April, sur BrailleRAP (une embosseuse ou machine à écrire en braille sous licence de matériel libre)

Jean-Christophe Becquet : Le braille du nom de son inventeur est un système d’écriture présenté pour la première fois en 1829. Il permet aux personnes aveugles ou malvoyantes de lire à travers des points en relief perçus de manière tactile avec la pulpe des doigts. Chaque caractère est représenté sur une matrice de six points disposés en deux colonnes offrant 63 combinaisons.

Embosseuse est le terme consacré pour désigner une machine à écrire en braille. BrailleRAP est une embosseuse dont le procédé de fabrication est partagé sous licence libre. Ce partage s'appuie sur la CERN Open Hardware Licence version 1.2. Il s'agit d'une licence copyleft, pour le matériel libre, proposée par le Centre européen pour la recherche nucléaire de Genève. Vous pouvez ainsi utiliser BrailleRAP librement, construire la vôtre, et même la vendre.

Les différentes étapes de la fabrication : impression 3D, découpe laser des planches, préparation mécanique et électronique, assemblage sont documentées et les plans disponibles sur le site web braillerap.org. Le projet s'appuie également sur des logiciels comme Natbraille pour la transcription des textes en braille et Marlin firmware pour la gestion de la carte contrôleur, tous deux sous licence libre GPL. Cela montre bien comment des ressources disponibles sous licence libre peuvent être adaptées et réutilisées pour créer de nouvelles inventions.

BrailleRAP ressemble à une imprimante classique mais un pointeau remplace la buse d'encre. Le bruit de son fonctionnement rappelle nos anciennes imprimantes matricielles. La machine permet d'embosser sur du papier 160 grammes mais aussi sur divers supports comme une feuille de plastique ou d’aluminium. En plus des caractères, la BrailleRAP sait embosser des contours. On peut donc réaliser des dessins, mettre en relief des plans ou des cartes.

Pourquoi en faire une ?, interrogent les auteurs. Je retrouve dans les réponses proposées l'esprit des qautre libertés du logiciel libre. Parce que vous en avez besoin. Parce que quelqu'un en a besoin. Pour apprendre à assembler une machine numérique. Pour expliquer comment en assembler une. Pour l'améliorer et participer au projet.

Le projet BrailleRap a vu le jour lors du Fabrikarium, un événement organisé par My Human Kit en 2016. L'association My Human Kit a pour objectif de faciliter le quotidien des personnes en situation de handicap et leur redonner du pouvoir d’agir. Elle anime le Humanlab, un fablab ou laboratoire de fabrication numérique dédié à la réalisation d’aides techniques pour la compensation du handicap. L'objectif est d'offrir un espace de recherche et de partage de solutions.

Comme pour Open Insulin, auquel j'avais consacré ma chronique en octobre 2021, un des objectifs de BrailleRAP est de rendre accessible au plus grand nombre un dispositif autrement très coûteux. Le prix d’une embosseuse braille sur le marché démarre autour de 3 000 euros alors que le coût de fabrication de la BrailleRAP est estimé à moins de 300 euros pour les fournitures soit un facteur 10. Bien sûr, il faut avoir accès aux machines et disposer d'un minimum de connaissances, mais l'existence de plans et de documentation sous licence libre peut réellement changer notre rapport à ces techniques.

Frédéric Couchet : Merci Jean-Christophe







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