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Titre : Web débat surveillance numérique et libertés fondamentales - Gouverner ou... être gouverné par les outils numériques ?

Intervenant·e·s : Laurence Devillers - Antoinette Rouvroy - Irénée Regnault - Karolien Haese - Valérie KokoszKa

Lieu : Vidéoconférence

Date : juin 2020

Durée : 23 min 17

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Licence de la transcription : Verbatim

Illustration :

NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Transcrit : MO

Transcription

Laurence Devillers : C’est effectivement ça l’idée de transparence, de traçabilité, qu’on veut ajouter dans les comités d’éthique. Je fais partie du comité d’éthique lié au CCNE [Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé] numérique, avec une partie numérique, on a travaillé sur la télémédecine, l’infox, sur le tracing StopCovid, en étant neutres, en ne disant pas on est pour ou contre mais qu’est-ce que ça fait et où sont les risques éthiques. Il est important de penser à cela. Je suis complètement d’accord avec vous, tout le monde devrait pouvoir savoir où vont les données qui sont capturées par un Google Home ou un Alexa Amazon. Le StopCovid ça va sur un serveur qui est chez Thalès. Donc on a aussi des informations qui ne sont pas forcément des informations qu’on demande, que les gens vont demander. Donc il est important, encore une fois, d’éduquer sur quel est le protocole utilisé, où vont mes données, à qui ça sert, qu’est-ce qui est derrière. Moi je lutte sur la manipulation de ces objets par les grands groupes qui sont derrière. Ce n’est pas magique, il n’y a pas de singularité pour moi.

Valérie KokoszKa : Absolument Ce ne sont pas que des questions éthiques, ce sont d’abord des questions politiques.

Laurence Devillers : Oui, totalement d’accord. Et c’est avec ce niveau-là qu’il faut être, plus de finesse pour comprendre.

Irénée Regnault : J’avais juste une question peut-être à l’attention de Laurence et je laisse Antoinette juste après et Karolien.
J’ai une difficulté à n’envisager la démocratie que comme un choix a posteriori, sur des objets qui sont déjà implantés dans la réalité du quotidien. La première question d’ordre démocratique, de mon point de vue, ce n’est pas celle des données, c’est déjà celle de la matérialité des objets. J’ai l’impression, on peut penser juste à la question climatique, par exemple si on sort de la question de la surveillance, ce sont des objets physiques qui consomment de l’électricité, de l’énergie, etc. Il me semble que dans la régulation éthique a posteriori par des organismes très intéressants comme le CCNE, mais qui n’ont qu’un pouvoir de consultation, qui pèsent peu en fait face aux logiques de marché qui sont derrière, je me demande dans quelle mesure cette régulation est réellement efficace, d’une part.

Laurence Devillers : La CNIL.

Irénée Regnault : Oui, on a la CNIL, effectivement.

Laurence Devillers : Ce n’est pas nous qui sommes là pour faire de la régulation.

Irénée Regnault : Oui, mais la question est qui est ce « nous ». Vous avez dit à plusieurs reprises il faut éduquer, « on », ceci, cela. Déjà l’approche descendante par l’éducation.

Laurence Devillers : C’est nous, citoyens.

Irénée Regnault : Oui, mais nous citoyens n’existe pas.

Laurence Devillers : Si Je suis désolée. Vous avez été ???

Irénée Regnault : Oui. On peut revenir sur ce que c’est que la démocratie. Est-ce que StopCovid est une application qui a été faite démocratiquement ? Oui, dans la mesure où elle a été faite par un gouvernement qui a été élu, lui, démocratiquement. C’est sûr. On est tout à fait d’accord là-dessus. Est-ce que la démocratie représentative par un scrutin à deux tours en France est la seule forme de démocratie qu’on puisse envisager sur des questions techniques ? Non ! On peut en imaginer plein d’autres.

Laurence Devillers : Si on gère tous les problèmes en même temps.

Irénée Regnault : Je me demande juste, on ne peut pas vouloir la démocratie sur des objets technologiques, parler de data et terminer sur nous, experts au CCNR experts d’éthique et professeurs dans des universités, on a décidé pour vous de ce qui était bon et on va vous éduquer, ce sont vos mots, à ce que c’est. Ce n’est pas la réalité. Vous voyez aujourd’hui que l’application StopCovid, en elle-même, est un débat. Elle est un débat qui a été résolu dans une forme de démocratie. Elle est inefficace qui plus est. Certains pays l’abandonnent et certaines associations avaient dit « on vous l’avait dit » . Aujourd’hui on le voit, les applications vont n’importe où, elles sont captées dans des conditions qui n’ont même pas été vues par la CNIL. Je pense qu’il faut aussi remettre le débat en perspective et peut-être ne pas voir juste la question des données personnelles et la question des experts éthiciens qui arrivent a posteriori.
Qui est le «  on » ?  Qui décide ? D’où vient l’argent ? Où est-ce qu’il va ? Si je prends encore un exemple, l’argent qui a été distribué à la French Tech en janvier, 4,2 milliards, 1,2 milliard en juin, à des entreprises en amont à qui on a donné de l’argent. Ces entreprises ont bénéficié de contrats auprès du gouvernement pour fabriquer des applications qu’il a achetées en aval. Ça c’est un problème démocratique et vous l’avez dit. En l’occurrence, pourquoi la DINUM [Direction interministérielle du numérique] n’a pas été mandatée pour fabriquer StopCovid ? Il y a tout un tas de strates auxquelles ont peut poser la question démocratique sans forcément penser à institutions constantes ou à la démocratie c’est l’actuel français et l’Europe et, etc.
Je rejoins Valérie, où est-ce qu’on discute des finalités, de cette technologie, de cette surveillance ? Aujourd’hui je ne vois pas beaucoup d’espaces, vraiment.

Laurence Devillers : Si je me peux me permettre de répondre puisqu’il voulait que je réponde.
Ce sont des sujets importants, et le CCNE est un tout petit groupe qui n’a aucun pouvoir, qui est sous le Premier ministre. On lui a donné trois tâches à faire, on essaie de les faire. On vient par exemple de lancer une étude collaborative sur les tensions éthiques qu’on voit dans les chatbots – il y a un questionnaire que je vous enverrai avec grand plaisir pour que vous puissiez répondre à cela. Il faut faire de plus en plus de choses comme ça, mais tel n’est pas non plus mon pouvoir, actuellement mon pouvoir est tout petit. Mais, quand même, si on est contre tout on n’avance jamais. Je suis désolée.

Irénée Regnault : Ce n’est pas du tout ça.

Valérie KokoszKa : Ce n’est pas du tout ça.

Laurence Devillers : Il est quand même urgent de dire qu’il y a des fab labs.

Irénée Regnault :  ???

Laurence Devillers : D’accord. Moi je ne suis absolument sur une position ferme. Je doute tout le temps, je m’adapte et j’essaie de trouver qu’elle est la meilleure chose à faire.
J’ai l’impression qu’à l’heure actuelle cette énergie contre en disant « non, on ne veut pas et tout ça », pour moi c’est une énergie qui aurait peut-être été plus intéressante pour voir comment on allait lier les acteurs sur l’axe de santé, les brigades de santé qui elles, ont peut-être manipulé des données et peut-être pas, le secret médical n’était peut-être pas très bien conservé, on n’en sait rien.
Regardez un petit peu comment ça, ça s’harmonise et quelles étaient les vraies questions, plutôt que des levées sur la politique. Moi je ne veux pas faire de politique, je ne vais pas répondre à ces questions-là. J’espère qu’on peut lever le voile sur beaucoup de choses et plus on sera nombreux, non pas à dire « non on ne veut pas », mais à dire « on veut et on veut voir dessous ». On a, par exemple, demandé pour les GAFA, parlé de ce qui faisait sur Facebook et là on voit bien que l’Arcep [Autorité de régulation des communications électroniques et des postes] n’a pas réussi à lever le tapis. On n’a pas eu les tenants et les aboutissants et, de toute façon, ce qu’ils font c’est effectivement demander aux gens a posteriori ce qui est mauvais ou pas et, à ce moment-là, on enlève. Le vrai problème, à propos par exemple de la viralité sur la toile, n’est pas pris en compte.
C’est sur ces objectifs-là qui sont fondamentaux qu’il sera intéressant d’aller. Après, je n’ai pas dit qu’on allait pouvoir révolutionner le monde entier. Il y a une puissance économique dingue, mais je pense que si on a peut-être gagné à la fin de cet enfermement, en tout cas, parce que ce n’est pas la fin de la crise, c’est au contraire le début de la crise économique, on a peut-être vu et à travers ces dernières élections qu’il y a des choses essentielles qui reviennent devant. L’écologie, effectivement, est importante. Je pense qu’avec des outils numériques on peut aussi mieux dépenser l’énergie de ces outils, je ne suis absolument pas pour faire des gadgets partout si ce n’est pas utile. On a vu, par exemple, que la distanciation était un point important. Peut-être qu’à cette époque-là, quand on était tous confinés, on aurait pu avoir des robots qui allaient à la pharmacie nous chercher des médicaments.
Il faut raison garder, c’est-à-dire que je suis plutôt pour plus de démocratie. Le « nous », le « on », c’est nous citoyens. À chaque que je parle partout c’est comment on embarque les gens. Il y a des associations partout, il y a des fab labs. Dans les écoles on avait La Main à la pâte pour les primaires, certaines écoles avaient la chance d’avoir ça, pourquoi on n’a pas le même genre de choses pour débusquer, savoir finalement comment on croit une information, qu’est-ce que c’est que l’information, comment on fait pour croiser différentes sources, comment on voit que ça se répète, toutes ces choses-là. Savoir faire un pas en arrière, regarder les choses et ne pas répondre sur le système 1 sur lequel je travaille. Kahneman, prix Nobel en économie en 2002, montre qu’on réagit beaucoup par intuition à partir d’un système 1 qui crée de la perception rapide de l’environnement sans remettre en question les choses. On est beaucoup comme ça dans la société, on répond très vite à tout et, du coup, on n’a pas finalement ce temps de réel combat entre « est-ce que c’est bien, pas bien, comment on va faire, à qui ça sert, etc. », qui est essentiel.

Valérie KokoszKa : Antoinette.

8’ 31

Antoinette Rouvroy : Je voulais régir à ça,