Cours de culture numérique 2018-2019 - Introduction 1re partie - Hervé Le Crosnier

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Titre : Culture numérique - introduction - 1ère partie - (CN18-19)

Intervenant : Hervé Le Crosnier

Lieu : Centre d'Enseignement Multimédia Universitaire (C.E.M.U.) - Université de Caen Normandie

Date : septembre 2018

Durée : 59 min

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Diaporama support de la présentation, pages 1 à 31

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration :

NB : transcription réalisée par nos soins. Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas forcément celles de l'April.

Statut : Transcrit MO

Transcription

Bonjour à vous toutes et vous tous. J’ai été enseignant, j’avais l’habitude d’intervenir dans les amphis, mais maintenant je suis éditeur alors j’ai beaucoup moins l’habitude. On va se remettre en train.

Effectivement, le cours d’introduction de l’année dernière a été filmé, donc j’ai essayé de me dire je ne vais pas faire la répétition d’autant que je sais qu’il y en a qu’ils l’ont déjà subi, malheureusement pour eux, l’année dernière. Donc si vous voulez retourner voir je vais essayer de faire de faire aujourd’hui un complément à ce cours-là mais qui reste néanmoins un cours d’introduction sur cette question dite de la culture numérique au sens assez général, que je vais donc vous expliquer pendant deux heures.

On a commencé par dire « oh malheureux pauvres ! Deux heures, des étudiants de L1 ! » Alors on va faire une pause au milieu quand même, on s’arrangera. Quand vous commencez à ne plus en plus en pouvoir vous me dites stop, on s’arrête deux minutes et puis voilà.

Je voudrais commencer en fait une première partie sur cet étrange phénomène qui a fait que, disons entre les années 90 et la fin des années 2000, dans la presse, dans les médias, à la télévision, partout « Internet c’est génial ». Internet c’était le seul avenir qui restait ouvert ; c’était toute une création d’utopies, de positives, de choses comme ça. Et puis, depuis quelques années, on ne peut pas ouvrir un journal, on ne peut pas regarder une émission de télévision sans voir que Internet c’est la pire des catastrophes qui soit arrivée à l’humanité. C’est le dérèglement de tous les individus. C’est la fin de la culture, la fin de l’économie ; c’est la surveillance totale et généralisée. Comment on peut passer d’une utopie à une dystopie ?

Moi j’ai eu la chance de plonger dans le bain de l’Internet il y a 25 ans, ça fait un bail, et très vite j’ai commencé aussi à émettre des critiques, à dire : attendez là il y a des choses bien et puis il y a des choses qui sont quand même dangereuses pour la construction de la société. Et en fait avec le recul, je me rends compte, et ce n’est pas pour rien que j’ai mis ici le dessin du yin et du yang avec une interpénétration de ces deux forces contraires, je pense que ce côté d’utopie et ce côté de dystopie sont présents en permanence dès qu’on parle du numérique. Donc je vais essayer aujourd’hui à la fois de montrer, de faire une critique – parce que je pense que si on ne fait pas une critique d’un domaine qu’on aime ça ne sert à rien de l’aimer –, donc il faut faire une critique et en même temps essayer de soulever la continuation, la continuité des forces positives qui ont pu exister au développement, à la création de l’Internet dans cette période que l’on peut dire utopique.

Projection de Apple 1984 Super Bowl Commercial Introducing https://www.youtube.com/watch?v=2zfqw8nhUwA

Quand on parle de la relation utopie-dystopie, je trouve que cette vidéo qui date de 1984, présentée lors de la finale de base-ball aux États-Unis, qui a été tournée par Ridley Scott – donc vous voyez un gros appareillage – elle marque un tournant inverse de celui dont je vous ai parlé précédemment, c’est le tournant qui fait passer d’une informatique de contrôle, de surveillance, une informatique centralisée, au service des puissants pour contrôler l’ensemble de la population, une informatique de type Big Brother, en une informatique qui va porter le message de la liberté. Le Macintosh est considéré comme l’outil d’interactivité, de créativité personnelle, de capacité au même moment à se connecter au premier réseau qui va devenir Internet dans le courant des années 80.

Donc on a là un premier basculement qui consiste à passer de ces hommes en costume de flanelle grise qui subissent le contrôle, qui sont les servants de l’appareillage informatique à une informatique individuelle, le terme est important, individuelle, individualisée, autonome, qui va pouvoir en même temps constituer des réseaux. Et dès qu’on va constituer des réseaux, je vous parle encore des années 80, vont apparaître derrière ces deux personnages que sont Stewart Brand et Howard Reinghold, le terme et l’idée de communauté virtuelle. On va pouvoir se rencontrer même si on ne se voit pas. On va pouvoir échanger à distance et de manière asynchrone. Donc on va expérimenter une nouvelle forme de relation entre des humains, entre des individus à nouveau disposant d’un ordinateur individuel.

Donc cette idée-là était l’idée d’utopie présente dès le début de l’Internet. Or aujourd’hui, c’est Yes We Scan. C’est l’idée que tout ce qu’on va faire sur notre ordinateur personnel est en réalité tracé par les services auprès desquels nous nous rendons. Que tous nos échanges sont filtrés ; que nos mails sont étudiés pour nous donner de la publicité ciblée, etc. ; c’est qu’on a de la surveillance à tous les étages.

Heureusement sur Internet :

Projection de la publicité parodique NSA Cloud Backup – Stockage gratuit et automatique de vos données privées ! https://www.youtube.com/watch?time_continue=2&v=1tSTtmX3v3w

Voix off : Vous avez toujours rêvé de sauvegarder automatiquement toutes vos données sans même avoir à vous en soucier. NSA Cloud Backup, le stockage illimité par le numéro 1 mondial de la sécurité informatique. Vous n’avez rien à configurer ; nous avons déjà les accès à tous vos équipements informatiques. Vos communications sans fil sont elles aussi intégralement conservées. La totalité de vos données est sauvegardée pendant plusieurs années dans l’un des 500 datacenters de la NSA. Nous écoutons l’ensemble des points de raccordement du réseau ainsi que tous les câbles sous-marins. L’option Prism permet de sauvegarder votre activité sur les réseaux sociaux et de réaliser des graphes complexes pour retrouver l’ensemble des amis avec lesquels vous communiquez. Avec NSA Cloud Backup participez vous aussi au mouvement open data. Toutes vos informations sont mises à disposition des meilleurs analystes de la planète qui peuvent y accéder en toute liberté et produire des rapports de haute technicité. NSA Cloud Backup souriez, vous êtes déjà abonné !

Hervé Le Crosnier : Donc c’est important face au phénomène de voir qu’il y a quand même une création, on est toujours dans le logique yin et yang, il y a toujours cette réaction qui existe et qui prend sur Internet cette forme très particulière de l’humour. L’humour comme outil pour libérer à nouveau les individus. Pourquoi ? Parce qu’en fait l’Internet, que les médias nous présentent souvent comme un élément extérieur à nous, est en réalité le produit de ce que nous en faisons. Qu’est-ce qui se dit ? Qu’est-ce que nous voulons ? Comment nous réagissons vis-à-vis des outils, des services, des propositions qui nous sont faites sur Internet ? Est-ce que nous plongeons la tête la première dans le bain de la surveillance ou est-ce que nous essayons de nous donner des moyens d’éviter cette surveillance ? Est-ce que nous plongeons la tête la première dans ce que je vais vous montrer tout à l’heure qui s’appelle l’économie de l’attention ? Ou est-ce que, au contraire, nous essayons de l’éviter au maximum, tout en bénéficiant – parce que c’est élément important de la culture du 21e siècle – de l’intérêt de ces communautés virtuelles, de ces relations à distance qui ont pu être mises en place depuis les années 80.

En fait, je pense qu’il ne faut jamais imaginer l’Internet comme un outil dont nous nous servons. Ça c’était peut-être vrai il y a 25 ans quand j’ai commencé sur un écran avec 25 lignes de petits caractères verts ou orange, mais maintenant ce n’est plus ça. C’est un écosystème à l’intérieur duquel nous sommes plongés. Il est impensable aujourd’hui de vivre en dehors de l’Internet. C’est notre monde moderne.

Donc la question qui se pose c’est plutôt comment est-ce que nous allons être capables de maintenir à la fois notre autonomie d’individus et nos consciences collectives ; nos capacités collectives de former une société à l’intérieur de cet écosystème.

En fait nous avons deux écosystèmes : les pieds sur terre et la tête dans le cyberespace. Et nous sommes réduits, c’est notre situation d’humains du 21e siècle à vivre en permanence dans ces deux écosystèmes. Vous savez que l’écosystème terrestre ne va pas bien, que la crise climatique est un des enjeux majeurs de notre siècle ; que nous allons connaître certainement des bouleversements sociétaux absolument énormes dont personne ne veut aujourd’hui prendre la mesure. Eh bien disons-nous que l’écosystème numérique est en train de connaître lui aussi des mouvements de ses plaques tectoniques et que c’est à l’intérieur de ces mouvements-là qu’il va falloir que chaque individu, We are the Internet, que chaque individu décide de se positionner.

C’est à mon avis à ça que sert la culture numérique. Vous voyez on fait un cours, une conférence, une série de conférences, même 12 conférences je crois, de culture numérique. Donc c’est bien qu’il y a quelque chose, un enjeu qui dépasse le savoir-faire technique.

Aujourd’hui vous savez tous, peut-être même mieux que moi, utiliser les appareils, les configurer, trouver l’endroit caché dans lequel il faut appuyer pour avoir la meilleure définition ou le meilleur usage d’un service. Mais aujourd’hui ce n’est plus ça la culture numérique. C’est comment est-ce qu’on acquiert de l’autonomie, parce que l’objectif de la culture c’est toujours d’être autonome face au monde qui nous entoure, comment on acquiert cette autonomie à l’intérieur de l’écosystème numérique, c’est-à-dire notre capacité à l’habiter ?

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Et pour ça, il faut c’est prendre les deux sens du terme culture. Culture c’est à la fois ce que nous avons en commun à un moment donné dans une situation donnée. On parle par exemple de la culture culinaire d’un pays ou les modes de vie. Mais ce sont aussi les productions culturelles, c’est-à-dire les artefacts que les humains vont laisser à un moment donné, qui vont être des traces qu’on va pouvoir utiliser, réutiliser, et depuis Internet, oh chance ! remixer. Voilà. Donc il va falloir qu’on bénéficie de ça tout en osant s’affronter au capitalisme de surveillance dont j’ai parlé tout à l’heure.

Une des conditions de notre vie aujourd’hui c’est, le titre est du livre de Sherry Turkle, <em<Alone together, Seuls ensemble, c’est-à-dire cette situation où nous sommes ensemble, ici [sur la vidéo qui défile, NdT] c’est quand même assez significatif même si, dans le même temps, c’est caricatural bien évidemment puisque je ne sais pas à quel endroit, dans quelles circonstances, à quel moment de pause spécifique cela a été filmé, mais on voit ces gens qui sont à la fois tous ensemble et qui parlent avec des gens à distance ; qui échangent au travers de leur téléphone mobile des informations non pas avec leur voisin, avec d’autres à distance, mais aussi avec leurs voisins en leur montrant, on voit dans le film qu’il y a des gens qui montrent leur propre téléphone, etc. Donc on voit bien qu’on a là un outil qui est en permanence sur nous et que nous consultons dans toutes les situations. Est-ce un bien ? Est-ce un mal ? Je ne suis pas là pour trancher. Ce que je sais c’est que les fabricants de ces outils ont intérêt à ce qu’on les consulte le plus souvent possible. Donc ils vont organiser leur outil, organiser les services qui sont accessibles via cet outil, de manière à ce que nous ayons de plus en plus envie de regarder nos téléphones mobiles. Et pourquoi nous avons envie ? Pourquoi nous devenons addicts ? On devient addict, en fait, quand on espère une récompense à venir. Et cette récompense elle nous est donnée ; elle nous est donnée quand il y a une réponse, un commentaire à nos posts sur les médias sociaux, quand il y a un « like », quand il y a un petit cœur sur Twitter, quand quelqu’un va reproduire notre photo, etc. Enfin bref ! Nous avons des phénomènes de récompense en permanence. Et on a donc toute une économie qui est organisée autour de cette récompense.

La culture numérique est là pour décrypter un peu tout ça, mais on peut l’aborder sur plein de points de vue. Bien évidemment je ne vais pas faire le tour aujourd’hui, mais il y a une culture qui va être de l’ordre du social ; par exemple qu’est-ce que ça change dans la société ? Dans les rapports de travail ? J’en parlerai un peu tout à l’heure, on parle de l’ « uberisation » entre guillemets, mais c’est un symptôme de la manière dont le numérique va modifier les relations de travail. C’est une question d’économie, on voit avec les géants, je vais en reparler un peu tout à l’heure, mais toute cette création de géants qui sont plus forts économiquement que la majeure partie des États. Nous avons un angle de vue au travers des pratiques. Qu’est-ce qu’on fait avec nos appareils et notamment comment ces appareils qui sont à la fois des appareils de production et de lecture – ça aussi c’est un élément très important de l’Internet : votre téléphone mobile permet de prendre des photos, des vidéos, de réaliser quelque chose et de distribuer et il permet aussi de lire, lire ce qu’on va pouvoir voir sur un serveur de vidéos comme YouTube, etc., donc il a ce double aspect. Qu’est-ce que nous en faisons ? Quelles sont les pratiques et comment, en fait, là je vous dis ce que je pense, je pense globalement que plus nous allons nous pratiquer, faire quelque chose avec Internet et plus nous allons mieux maîtriser ce qui se passe à l’intérieur du réseau. Nous allons acquérir donc cette culture qui permet l’émancipation individuelle. L’angle de vue de la culture elle-même. En quoi les nouvelles productions culturelles distribuées sur Internet sont un changement, ou pas, de ce qui se passait auparavant en termes de production culturelle. C’est aussi un angle de vue politique. Quel est le rôle et la place des États face à un réseau mondialisé. Il y a là une vraie question et, entre États, la géopolitique. Aujourd’hui on ne peut plus l’ignorer, après cette affaire de l’intervention de hackers russes à l’intérieur des campagnes du Brexit ou de la campagne électorale américaine, on ne peut plus ignorer qu’il y a dans le cyberespace des conflits géopolitiques. Et enfin, je pense qu’il ne faut jamais négliger le point de vue de l’histoire. L’Internet a déjà une histoire, grosso modo depuis la mise en route du premier ordinateur en 1944 jusqu’à maintenant, ça crée déjà des éléments d’histoire et ce qui est important de l’histoire ce n’est pas tant de savoir ce qui s’est passé, mais de voir comment les idées qu’il y avait au moment où les choses se sont passées ont des répercussions aujourd’hui.

De la même manière l’objectif de la culture numérique est différent. En haut vous avez des objectifs que je dirais plus proches des individus. Quel est l’usage de la culture numérique pour s’émanciper, pour acquérir une meilleure citoyenneté et pour être capable de rester critique vis-à-vis du monde qui nous entoure. Critique, je précise bien, être critique ce n’est pas dire du mal. Je suis critique de l’Internet, mais j’adore ça. D’accord ? Ça veut dire prendre du recul, être capable d’expliciter des choses, être capable de maîtriser ce qui est un avantage et ce qui est un inconvénient. Enfin c’est avoir un regard critique sur l’objet, quel qu’il soit, sur lequel on se porte. Et enfin tous les gens peuvent aussi utiliser la culture numérique, apprendre la culture numérique, pour renforcer leurs capacités d’influence, les capacités de marketing, chose dont je vais là aussi parler tout à l’heure.

Je vais regarder un peu, sur quelques éléments, cet aspect utopie-dystopie et d’abord la question scientifique. Quand Internet est arrivé, les scientifiques, un certain nombre de scientifiques en tout cas, ceux qui sont en photo, Paul Ginspard en haut, Steven Harnad ici, ont été excessivement contents : ils allaient pouvoir diffuser le travail scientifique qui était le leur sur une bien plus large échelle. Non plus en passant par des revues spécialisées que seules les grandes bibliothèques pouvaient acheter mais bien directement de pair à pair pour favoriser l’extension de la connaissance. C’est ce petit ordinateur qui était au rebut chez Paul Ginspard qui a lancé cette révolution. Paul Ginspard l’a sorti de sous la table, l’a installé, l’a mis en route, a mis un serveur dessus et a dit à tous ses collègues – il travaillait dans ce qu’on appelle la physique des hautes énergies ; ici vous avez le Ganil [Grand accélérateur national d’ions lourds] qui fait partie de ce secteur de la physique –, il a dit à tous ses collègues « eh bien vos articles scientifiques, mettez-les là comme ça tout le monde pourra y accéder. » Et ça a démarré, ça s’est appelé l’accès libre aux publications scientifiques. Aujourd’hui c’est devenu quelque chose de très reconnu au point que aussi bien la France au travers de la loi Lemaire pour une République numérique que l’Europe valorisent cette idée que les publications scientifiques doivent être accessibles librement à tout le monde.

L’autre aspect de l’optimisme scientifique, c’est l’idée que les protocoles internet – je vais en reparler aussi tout à l’heure –, mais ce qui se fait à l’intérieur du réseau, ce qu’on ne voit pas, les bits et les octets, tout ça a été discuté ouvertement et publiquement par les ingénieurs de l’Internet. Et ça c’est une nouveauté, en fait, d’avoir des ingénieurs qui disent publiquement « là on est d’accord, là on n’est pas d’accord, voilà comment on va trouver un compromis pour que ce réseau puise continuer à fonctionner. »

Aujourd’hui le développement du numérique nous a amenés, comment dire, l’hyper prégnance de ce qu’on appelle les mégadonnées. Aujourd’hui faire de la science consiste principalement à collecter des données, un maximum de données, toutes sortes de données et à essayer d’inventer des algorithmes capables de les interpréter. Ça se fait à un prix ; ça a un prix qui est faire baisser toutes les sciences de l’observation : la clinique médicale – on fait des examens maintenant, plus de clinique ; les sciences naturelles avec une perte de la compréhension des biologies des populations qu’on va remplacer par la génétique des populations et ainsi de suite. Donc vous voyez on est en train de perdre d’un côté les relations que les humains peuvent avoir et observer, y compris en sociologie ou en humanités puisque c’est votre question ici, en humanités c’est la capacité de lire et d’interpréter par des humains. Et vous savez, si vous prenez les grands textes religieux, il n’y a pas deux humains qui les interprètent de la même manière, donc voilà ! Ce qui est intéressant du côté des humanités c’est de remplacer ça par de la collecte de données et de la statistique.

Là on a quand même un basculement que les gens de Microsoft appellent le quatrième paradigme où on va passer du modèle hypothético-déductive, c’est-à-dire je fais une hypothèse, j’essaye de la valider dans une expérience et j’en déduis des conclusions, par un modèle dit d’émergence, c’est-à-dire les données elles-mêmes devraient parler. Le problème c’est qu’elles ne parlent pas ou quand elles parlent elles parlent avec les biais qui existent au moment où on a capté les données. Et c’est particulièrement vrai dans les sciences humaines.

Revenons au côté optimisme. Années 90, on parlait d’une nouvelle économie. L’Internet était associé à la mondialisation, je dirais même à la mondialisation heureuse, il était le symptôme même de la mondialisation heureuse puisqu’on allait pouvoir par-delà les langues, par-delà les cultures, par-delà les océans, pouvoir se parler entre nous sur toute la planète. Donc il y avait là un véritable relais pour une économie numérique qui allait à nouveau changer le monde. C’est une coïncidence entre les développements techniques : ce n’est pas Internet qui a créé la mondialisation du néolibéralisme, c’est une coïncidence entre les développements techniques et ces développements économico-politiques que sont le néolibéralisme qui fonde cet optimisme économique.

Aujourd’hui, il faut se poser la question quand la presse regorge de « l’intelligence artificielle va détruire les emplois ; aujourd’hui nous sommes soumis à la pression des algorithmes, etc. » Le modèle général lancé par Schumpeter à la fin de la Deuxième guerre mondiale est celui de la destruction créatrice. C’est-à-dire on détruit des emplois quelque part pour en recréer ailleurs. Sauf que là, visiblement, ça ne marche pas ; ça ne marche pas parce qu’on détruit beaucoup plus d’emplois qu’on en recrée dans les secteurs de l’intelligence artificielle, de l’informatique, etc. En conséquence, on est devant un nœud, un nœud qui à priori, depuis un siècle, se résout assez simplement en diminuant le temps de travail. Sauf que depuis 20 ans, on ne veut plus diminuer le temps de travail et que là on a un véritable nœud qui se pose pour notre société.

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L’image qui est là est intéressante : c’est un crack boursier. C’est un crack boursier qui se joue sur quelques millisecondes parce qu’on a remplacé le raisonnement que pouvait avoir un opérateur de bourse par du high-frequency trading, c’est-à-dire des modèles mathématiques qui consistent à dire comment est-ce que je peux gagner de l’argent sur des micro-transactions dans le temps le plus court possible ; une espèce de jeu de rapidité entre opérateurs qui n’a plus rien à voir avec l’économie réelle, qui crée des Flash Crash et puis qui disparaissent.

On a eu dans les années 90-2000 tout un optimisme associatif, un optimisme des mouvements face à l’Internet. On avait une capacité mondialisée à mobiliser des gens. La théorie dite du swarming n’a pas été inventée par les mouvements, elle a été inventée par la RAND Corporation c’est-à-dire le Brain Trust de l’armée américaine qui a regardé ce qui se passait, notamment autour du mouvement zapatiste au Mexique, et qui s’est aperçu qu’avec l’Internet, des mouvements isolés dans une province, au Chiapas, pouvaient d’un seul coup mobiliser, faire un swarming. Le swarming c’est le moment où les abeilles constituent un essaim ; elles se regroupent toutes autour d’une reine et fabriquent un essaim. Eh bien comment Internet était devenu un nouvel outil pour les mouvements sociaux. C’était aussi un outil de mobilisation : tout le monde a entendu parler des « Printemps arabes » de 2011, qu’on a surnommé avec beaucoup de guillemets « les révolutions Facebook ». Donc c’est cette idée que le réseau Internet allait être un outil de mobilisation. Ça a été aussi un outil pour les mouvements de partage des informations, partage des connaissances, partage des idées, etc., notamment qui s’est traduit par la présence assez forte de l’Internet dans ce qu’on a appelé les forums sociaux mondiaux. Et enfin, c’est aussi l’existence de gens qui allaient agir à l’intérieur du réseau, en particulier Anonymous représenté le masque de Guy Fawkes ; un masque de Guy Fawkes ce n’est pas grand-chose mais quand il y a des milliers de personnes et le mot d’ordre d’Anonymous c’était « Nous sommes Légion ».

Aujourd’hui on s’aperçoit que ces utopies ont aussi leur revers qu’on pourrait appeler le Clickactivisme, c’est-à-dire le fait qu’on va remplacer la capacité à se regrouper – quand on se regroupe, on fait du frotti-frotta, on finit par se mettre d’accord, on en sait pas trop, etc. – par des discussions via Internet qui tendent toujours au dissensus. Internet ne crée pas de consensus ; ça crée du suivisme et après, entre chaque groupe de suivistes, il y a du dissensus qui se construit. Or, pour pouvoir construire des mouvements, pour pouvoir changer le monde, il faut, à un moment donné, être capable de faire ce que Saul Alinsky appelle du Community Organizing, c’est-à-dire partir des besoins des gens, se regrouper pour agir ensemble et, à partir de ce moment-là, décider quelle va être la meilleure stratégie à tenir. Après il y a des tas de débats politiques, ça n’empêche pas d’avoir des tas de divergence, mais au moins il y a une pratique qui se met en place.

Aujourd’hui on se trouve dans une grande difficulté à transformer les mouvements d’opinion souvent emportés par des hashtags – le mouvement MeToo dont vous avez entendu parler sur les violences face aux femmes ; le mouvement Black Lives Matter quelques années précédemment qui était autour du refus des assassinats par la police américaine de nombreuses personnes noires qui n’avaient rien fait, etc. – comment transformer ces mouvements en des forces qui vont vraiment déboucher ? Et c’est là qu’est une des contradictions, c’est-à-dire le monde numérique est un monde où se construit de l’opinion, ça c’est vrai, mais la capacité de transformer l’opinion en action elle n’est pas donnée à l’intelligence du monde numérique et je dirais on l’a vu lors des « Printemps arabes » en particulier en Égypte. Vous savez qu’à ce moment-là tous les gens se sont réunis en 2011 sur la place Tahrir et, à un moment donné, Mubarak, qui était le dictateur de l’époque, depuis ça a changé de dictateur parce que bon, c’est compliqué, mais le dictateur de l’époque a coupé l’Internet parce que justement c’était cet outil de swarming qu’avaient les mouvements à disposition. Et qu’est-ce que s’est passé ? Il y a deux fois plus de monde à venir place Tahrir puisqu’ils n’avaient plus les moyens de s’informer à distance, de suivre le mouvement à distance, il fallait qu’ils viennent ; c’était un mauvais plan pour le dictateur qui a été obligé d’arrêter.

Aujourd’hui, une des questions qui se pose c’est comment ce qu’on appelle l’intersectionnalité, c’est-à-dire le fait d’avoir de gens qui ont des secteurs différents d’action sur la société, sur les questions du féminisme, les questions raciales, les questions sociales, les questions environnementales, etc., comment cette intersectionnalité doit rajouter un créneau qui est les questions numériques et comment ça peut devenir.

Ce livre [Twitter and Tear Gas: The Power and Fragility of Networked Protest de Zeynep Tufekci], comme je suis un peu éditeur sur les bords, est traduit, il va être publié dans quelques semaines, est justement un compte-rendu de ce basculement : comment on coordonne l’activité internet et l’activité dans le monde réel ?

On a connu aussi toute une forme d’optimisme culturel avec la création, la naissance de plein de formes nouvelles de création en coopération. Le fansubbing, par exemple les gens qui allaient faire les sous-titres de séries télévisées ou de mangas et qui allaient les diffuser, « illégalement » entre guillemets mais en fait positivement, du fond du cœur, comme activité créative. Ce sont les gens qui créent des mèmes, les GIF animés, c’est la musique faite à distance par des gens qui se coordonnent à distance. Enfin tout cette idée que le réseau allait permettre de nouveaux moyens pour construire des formes culturelles et surtout, il allait rendre accessible à tout le monde les outils de diffusion. On fait une vidéo, hop ! on la met sur YouTube et elle va pouvoir être distribuée au-delà de tonton, tata et ma grand-mère. Donc voilà, c’est tout de suite un outil de diffusion, YouTube et SoundCloud qui ont servi positivement, je ne vous ai pas infligé Justin Beaver des jeux vidéos, qui est aussi l’aspect, la capacité des gens à ajouter des choses, à remixer, à détourner les productions culturelles je dirais commerciales ; les productions du monde commercial vont être réutilisées par les individus pour produire les mèmes dont on parlait tout à l’heure ou toutes ces choses-là. Là aussi, une nouvelle culture du jeu vidéo qui, vous le savez, est devenue la première industrie culturelle au monde.

Or, la question qui s’est posée presque dès le début et qui se pose encore, c’est celle de quelle économie pour la culture ? On comprend bien que la gratuité soit intéressante pour un usager, mais comment, au bout du compte, on va quand même financer la création ? Qui va la financer ? Quel va être le modèle économique ? Est-ce qu’il va falloir revenir à payer tout le temps ? Est-ce qu’on va payer de manière socialisée ? Il y a toute une réflexion à avoir et, malheureusement, je dis malheureusement et je ne suis pas le seul à le dire, il y a de nombreux artistes qui le disent aussi, les secteurs de l’industrie culturelle n’ont pas voulu réfléchir en dehors de leur modèle traditionnel : je produis un bien que je vends à des gens, un par un, et voilà quelle est l’économie de la culture qui, dans les années 70-80, a permis un très gros bénéfice, notamment à l’industrie du rock qui s’est créée à ce moment-là et qui, de manière très intéressante, était une industrie dont les acheteurs étaient les complices, qui aimaient leur propre industrie. Or, avec l’irruption de l’Internet, il y a une rupture entre les producteurs et les acheteurs. Au lieu d’avoir raisonné sur comment empêcher cette rupture, les gens de la culture ont fait ça : 2006, c’est la Sacem.

Projection de Les hordes de barbares, financé par la Sacem en 2006.

C’est sûr que quand on traite ses clients de sauterelles, ce n’est pas évident qu’on se fasse des amis. Donc on a là une vraie question qui est permanente parce que d’un autre côté il y a des gens qui refusent de penser que la culture a besoin d’une économie. Il faut bien qu’on paie les créateurs mais aussi les chaînes intermédiaires, les gens qui diffusent, les producteurs, les éditeurs, enfin tous ces gens-là ont besoin d’avoir une économie. Et la gratuité n’est pas, et j’y reviendrai tout à l’heure, le modèle économique principal.

uatr==33’ 25== Alors Internet, le numérique plus généralement, j’aurais tendance à dire Internet c’est de la technique ; le numérique c’est de la technologie, c’est-à-dire c’est la technique plus le discours qui accompagne cette technique. Très important les discours ; il ne faut pas croire que le discours se surimpose mais que la seule chose importante c’est la technique. Il y a toujours une interaction entre le discours et la technique et c’est ce qu’on appelle la technologie en général, c’est justement cette interaction entre le discours et la technique. Je pense que le numérique c’est ça, c’est l’interaction entre le discours sur les nouveaux outils informatiques ou Internet qu’on a mis en place et les utopies dont j’ai parlé mais aussi les dystopies telles qu’elles se mettent en place.

Le discours principal de l’Internet c’est le discours de la rupture, en anglais la disruption et qui, mieux que Steve Jobs, peut le présenter ? Nous sommes là en 2007.

Steve Jobs : This is a day I’ve looking forward to for two-and-a-half years. [Applaudissements] Every once in a while, a revolutionary product comes along that changes everything. And Apple has been — well, first of all, one’s very fortunate if you get to work on just one of these in your career. Apple’s been very fortunate. It’s been able to introduce a few of these into the world.

Hervé Le Crosnier : Je traduis rapidement : Apple a vraiment eu la chance d’être là quand il a fallu changer le monde.

Steve Jobs : 1984, we introduced the Macintosh. It didn’t just change Apple. It changed the whole computer industry. [Applaudissements]

Hervé Le Crosnier : Macintosh n’a pas seulement changé Apple mais ça a changé toute l’industrie de l’informatique.

Steve Jobs : In 2001, we introduced the first iPod, and it didn’t just change the way we all listen to music, it changed the entire music industry.

Hervé Le Crosnier : Le iPod, je ne suis pas sûr que vous l’ayez connu quand vous étiez petits, ça n’a pas seulement changé la manière dont on écoute la musique, mais ça a changé toute l’industrie de la musique.

Steve Jobs : Well, today, we’re introducing three revolutionary products of this class.

Hervé Le Crosnier : Donc aujourd’hui je vous présente trois produits révolutionnaires.

Steve Jobs : The first one is a widescreen iPod with touch controls. [Applaudissements]
The second is a revolutionary mobile phone. [Applaudissements]
And the third is a breakthrough Internet communications device.[Applaudissements]
So, three things: a widescreen iPod with touch controls; a revolutionary mobile phone; and a breakthrough Internet communications device. [Applaudissements]
An iPod, a phone, and an Internet communicator. An iPod, a phone … are you getting it? [Applaudissements]
These are not three separate devices, this is one device, and we are calling it iPhone.[Applaudissements]

Hervé Le Crosnier : Voilà, depuis c’est devenu notre outil au quotidien.
Ce qui est intéressant dans la vidéo précédente, je pense, c’est le spectacle. On est dans un monde du spectacle, et quand je vous disais que la technique n’était rien sans le discours qui allait avec la technique, les conférences Apple sont peut-être le symbole majeur de tout ça et Steve Jobs était vraiment un grand gars du spectacle ; c’était un homme de spectacle, pas seulement un ingénieur, pas seulement un génie du marketing, mais c’était un homme de spectacle. La deuxième chose intéressante c’est de savoir qui était dans la salle, qui applaudissait ? C’étaient les journalistes spécialisés. Donc on voit là une industrie qui présente un produit, qui transforme cette présentation en spectacle et qui s’adresse aux journalistes qui vont devoir faire le compte-rendu, le bilan de ce nouveau produit. En fait, ils vont faire le bilan de ce spectacle et ils vont faire le bilan de la manière donc ce spectacle va les avoir touchés au point qu’en tant que journalistes ils se mettent à applaudir dans une conférence. Et ce phénomène-là est présent tout le temps dans la présentation des nouveaux produits du monde numérique. Donc ça crée quelque chose d’assez significatif qui est qu’on a des journalistes qui deviennent des relais de la volonté portée par les industries et non plus des regards critiques. C’est en train de changer, mais le problème c’est qu’ils sont en train de basculer complètement de l’autre côté, où il n’y a plus parfois que de la critique, où le monde de l’Internet et du numérique serait devenu complètement noir.

Donc cet outil que nous avons tout le temps, en fait il masque, je pense, trois choses que je voudrais préciser dès le départ qui sont Internet, les services et les serveurs. Parce que dans les médias en général on a tendance à tout confondre : « je l’ai lu sur Internet » ou « les internets » ou « c’est la faute à Internet ». Enfin vous voyez ! C’est comme si Internet était devenu en soi quelque chose d’unitaire, de global, à prendre ou à laisser. Ce qui n’est pas si simple que ça, il y a plusieurs niveaux.

Internet lui-même c’est avant tout l’interconnexion de réseaux. C’est la manière dont on va faire fonctionner ensemble des outils différents. Et là aussi, ce qui est intéressant, c’est que ces outils différents sont pour la plupart privés. L’ordinateur qu’on utilise ou le téléphone mobile nous appartiennent ; le réseau sur lequel va transférer l’information appartient à Orange, à SFR, à Free, enfin c’est privé. Les câbles sous-marins sont privés ; les serveurs eux-mêmes sont privés : ils appartiennent à Google, à Facebook, etc. Donc cet ensemble de choses privées est obligé à marcher en commun grâce aux protocoles de l’Internet. C’est-à-dire ce qui est la force de l’Internet c’est d’avoir inventé des protocoles qui, d’une manière imposée à chaque constructeur, à chaque maillon d’une chaîne qui est souvent privée, qui a donc des intérêts privés, on va y revenir tout à l’heure, mais obligés à travailler ensemble. C’est la logique qu’on appelle celle des biens communs ou des communs et Internet est, de ce point de vue-là, un commun, c’est-à-dire une infrastructure globale commune, mais Internet c’est encore une fois pas le matériel, ce sont les protocoles et les protocoles vous sont expliqués dans cette vidéo pédagogique. Vous voyez à la fin tous les gens qui ont financé.

Projection de la vidéo The Internet revealed, https://www.youtube.com/watch?v=laF6U29Cx7g [1]

Voix off : Que vous soyez en ligne pour chatter avec un ami ou envoyer des e-mails, passer une commande pour un livre, consulter la météo, regarder un film ou encore étudier la guerre du Péloponnèse, on dirait qu’il n’y a qu’un seul fil qui vous connecte directement à ce que vous souhaitez. Mais un milliard d’autres personnes sont connectées à un milliard d’autres choses en même temps. Comment cela marche-t-il ? En 50 ans.
Imaginez le réseau comme un jeu, un jeu ne fonctionne que si on respecte des règles, sinon on ne s’amuse pas beaucoup. Si vous amenez deux ordinateurs ou plus à jouer ensemble, vous avez un réseau. Si votre ami fait la même chose, voici un autre réseau. Mais si vous acceptez tous les deux que vos réseaux fonctionnent de la même manière, vous pouvez alors les connecter ensemble et vous avez un inter réseau. Les règles suivies s’appellent le protocole internet. Tant qu’il est respecté autant d’appareils et de réseaux peuvent être ajoutés jusqu’à ce que le monde entier soit connecté. C’est ce que représente l’Internet : un réseau de réseaux qui se partagent les uns les autres.
Chaque appareil sur Internet a sa propre adresse.
Tout ce que vous envoyez sur Internet n’est en fait qu’un message d’un appareil à un autre, mais il ne se déplace pas en un bloc. Ce message est pulvérisé en minuscules paquets de données, chacun emballé avec des infos sur ce qu’il est, d’où il provient et où il va. De cette manière, un message peut prendre différents chemins pour arriver à destination. Parce qu’il suit le même protocole, l’appareil récepteur sait comment reconstituer le message en un morceau. La force d’internet réside dans le fait qu’il soit décentralisé avec de nombreuses connexions possibles ; il n’existe pas un point de défaillance. Si un chemin est en surcharge ou bien cassé, vos données prendront tout simplement un chemin différent, même lorsqu’une large partie de l’Internet est décimée, votre message trouvera toujours un chemin alternatif.
Mais voyons comment vos données vont d’un réseau à l’autre si vous utilisez un fournisseur d’accès à Internet et votre ami un autre fournisseur ? Quelques entreprises établissent des connexions privées entre elles pour échanger du trafic, mais de plus en plus de trafic passe par des plateformes partagées qu’on appelle points d’échange internet. Un point d’échange internet est une infrastructure sur laquelle de nombreuses organisations se rassemblent pour interconnecter leur technologie ; elles peuvent être des fournisseurs d’accès, des fournisseurs de contenus, des maisons de presse, des sites de réseaux sociaux, des opérateurs Télécoms. En un mot, toute organisation reposant sur du trafic peut bénéficier d’un point d’échange.
En se connectant sur l’infrastructure commune, ces organisations font des économies et le trafic échangé entre elles passe plus vite et de façon plus efficace.
Traditionnellement les fournisseurs se vendaient l’accès à leurs réseaux respectifs, mais pour beaucoup de fournisseurs qui échangent régulièrement du trafic, ce procédé achat-vente apportait plus de gestion que voulue. Beaucoup d’entre eux ont compris qu’en trouvant un juste milieu, les coûts de chacun allaient baisser et que la fluidité du trafic s’améliorerait. Les fournisseurs peuvent, grâce à une seule connexion à la plateforme, échanger avec bon nombre de participants. Cette façon de faire est appelée le peering et cela rend Internet plus rapide et plus abordable pour tous. Les participants du point d’échange concluent des accords entre eux dans une perspective de bénéfice mutuel. Ainsi le système de peering tend à se réguler lui-même. On peut penser que les entreprises abandonnent d’une certaine manière leurs services, mais en fait chacune apporte sa part d’une solution globale dont ses clients ont besoin à savoir échanger du trafic de la manière la plus fiable et efficace.
L’Internet est ouvert, décentralisé et complètement neutre. Sa force vient de sa périphérie et non d’un cœur. Aucune organisation ne contrôle le système et c’est ce qui permet qu’il fonctionne aussi bien. En acceptant de coopérer nous participons tous à la réalisation d’Internet. Voilà comment fonctionne Internet.

46’ 15

Voilà. En quelques minutes,