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'''Titre :''' Culture numérique - introduction - 1ère partie
Publié [https://www.april.org/humanites-numeriques-culture-numerique-introduction-1re-partie-herve-le-crosnier ici] - juillet 2018
 
'''Intervenant :''' Hervé Le Crosnier
 
'''Lieu :''' Caen -  Centre d'enseignement multimédia universitaire
 
'''Date :''' septembre 2017
 
'''Durée :''' 56 min
 
'''[https://www.canal-u.tv/video/centre_d_enseignement_multimedia_universitaire_c_e_m_u/01a_culture_numerique_introduction_1ere_partie_cn17_18.37249 Visionner la vidéo]'''
 
'''Licence de la transcription :''' [http://www.gnu.org/licenses/licenses.html#VerbatimCopying Verbatim]
 
'''NB :''' <em>transcription réalisée par nos soins. Les positions exprimées sont celles des intervenants et ne rejoignent pas forcément celles de l'April.</em>
 
'''Statut :''' Transcrit MO
 
===Transcription===
 
On m’a demandé un challenge qui est d’arriver en un peu moins de deux heures, parce qu’on va faire une petite pas quand même, à introduire ce que sont, ce que peut être la culture numérique.
 
===Définir la culture numérique===
 
J’ai choisi comme première image de cette définition quelqu’un qui vient de changer de statut : vous savez que Mario n’est plus plombier, que c’est toute votre jeunesse qui est en train de disparaître.
 
Pourquoi parler de Mario en culture numérique ? Parce qu’en fait la culture numérique c’est à la fois une culture générale pour le 21e siècle, nous allons le voir par la suite, mais c’est aussi de la pop culture ou de la pop philosophie. Il ne se passe un jour sans que, en ouvrant un journal, en regardant une télévision, on ne s’aperçoive qu’il y a des questions numériques qui sont posées dans toutes les interventions. Ce matin <em>Le Temps</em>, le grand journal de Genève, titrait à sa Une « Comment l’agriculture suisse se met au numérique ». Vous voyez : tous les sujets aujourd’hui sont complètement confrontés à cette question du numérique. Et en même temps pour nous, pour nos pratiques quotidiennes, le numérique c’est plus proche de Mario, c’est plus proche des jeux, c’est plus proche de notre usage du téléphone, des médias sociaux, etc.
 
Ce qui est une difficulté aussi pour parler de la culture numérique c’est, bien évidemment, que vous êtes plongés dedans. Vous êtes plongés dedans et vous avez l’impression donc qu’il n’y a rien à apprendre puisque vous êtes déjà plongés ; vous savez très bien vous servir de Snapchat, peut-être même mieux que moi parce que je n’aime pas Snapchat. Donc voilà ! À quoi ça sert d’apprendre la culture numérique ?
 
Donc ça va être un peu l’objectif aujourd’hui, c’est de vous montrer c’est qu’il faut qu’on arrive à comprendre que chaque activité numérique – vous en faites, j’en fais, et ce n’est pas forcément les mêmes, et des tas de gens, vous avez vu donc les agriculteurs suisses sont en train de s’y mettre, ils font des activités numériques, mais ce n’est pas forcément les mêmes –, mais derrière il y a toute une série d’enjeux qui se retrouvent parmi toutes ces activités. Donc ce qui est important c’est d’être capable de regarder la culture numérique, non pas apprendre comment on s’en sert mais apprendre selon quel angle de vue on peut analyser les phénomènes numériques qui se déroulent sous nos yeux, qui forgent, vous le savez bien, la société d’aujourd’hui. Vous n’êtes pas sans savoir que le président du pays le plus riche et le plus actif dans le monde a mené la campagne sur Twitter et sur Facebook et donc vous savez bien, qu’en fait, toutes nos activités passent maintenant par les réseaux numériques.
 
====Angles de vue====
 
Après il faut le regarder selon plusieurs angles de vue.
<ul>
<li>Il y a un angle économique ; je pense qu’on ne peut pas oublier que derrière il y a de l’économie ; que parmi les entreprises les plus riches de la planète, parmi les dix premières, il y en a sept qui viennent du monde numérique. On ne peut pas non plus ignorer que ça représente. C’est-à-dire qu’il y a un marché, je vais y revenir tout à l’heure, donc à partir du moment où il y a beaucoup d’argent, il faut bien que quelqu’un donne cet argent et, en même temps, pour la majeure partie de vos activités, vous avez l’impression que c’est gratuit. Donc ça pose quand même là une question de la nature même de cette économie du numérique.</li>
 
<li>Il y a un angle de vue social. Social aux deux sens du mot : vos relations sociales et puis le social, les conditions de travail, l’avenir du travail, le remplacement je n’y crois pas trop, mais au moins la modification du travail par l’apport de l’intelligence artificielle et des robots.</li>
 
<li>Il y a l’aspect de la culture. La culture au sens traditionnel, la culture lettrée, je vais y revenir un peu tout à l’heure, comment est-ce qu’elle est profondément modifiée par l’irruption du numérique.</li>
 
<li>Il y a un angle de vue politique, bien évidemment. Vous savez certainement que Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook, est en train de préparer sa campagne électorale de 2020.</li>
 
<li>Il y a un angle de vue historique. Alors là je sais que j’ai du mal, parce que vous êtes en plus des jeunes qui sortez du lycée, à faire penser que tous ces appareils numériques que vous utilisez au quotidien sont en réalité très récents. C’est-à-dire pour vous, vous êtes nés avec Google donc c’est un peu plus compliqué, mais pour une grande partie des gens ce sont des choses qui ont eu une histoire. Et retourner sur l’histoire, se poser des questions sur comment on en est arrivé-là, c’est souvent un bon moyen de comprendre ce qu’on peut faire à partir d’aujourd’hui pour préparer demain.</li>
 
<li>Il y a un aspect de géopolitique, c’est-à-dire qu’il y a un rééquilibrage du monde qui se fait au travers des usages numériques et il ne faut pas l’oublier. Je vais y revenir aussi, tous ces éléments-là.</li>
 
<li>Et enfin il y a des aspects pratiques. Quelles sont les pratiques au quotidien, ce que font les gens, en fait, avec leurs appareils numériques.</li>
</ul>
 
====Objectifs====
 
Mais derrière il ne suffit pas d’avoir plusieurs points de vue, plusieurs angles de vue pour analyser l’objet « culture numérique », mais il faut aussi avoir des objectifs. Quel est l’objectif de la culture numérique ? À quoi ça va servir ?
 
<ul>
<li>J’ai mis en tête l’émancipation. Comme toute culture, elle sert principalement à favoriser l’autonomie des gens ; ils deviennent autonomes en comprenant le monde dans lequel ils sont plongés.</li>
 
<li>Comprenant, moi j’ai écrit critique. Pourquoi la critique ? La critique ce n’est pas forcément dire du mal. La critique c’est avoir un regard en recul. Je me recule, je regarde et je dis « Ah ben là, ça c’est bien, ça c’est moins bien. Ça avance aux intérêts de x ou aux intérêts de y ; les intérêts de x et y ne sont pas tout à fait les mêmes. Je ne suis pas convaincu que les intérêts de l’usager de Facebook soient les mêmes que ceux de Mark Zuckerberg ; je ne suis pas convaincu que les intérêts de l’usager de Google soient les mêmes que ceux des dirigeants de Google.</li>
 
<li>L’autre objectif c’est l’influence et l’influence c’est l’objectif qu’ont, en fait, tous les gens qui vont financer la culture numérique, qui vont financer des outils numériques. Ils ont un objectif d’influence, je vais y revenir, j’appelle ça l’industrie de l’influence.</li>
 
<li>Il y en a d’autres qui ont un objectif marketing. C’est-à-dire ils regardent la culture numérique, ils produisent des livres très intéressants sur la culture numérique, sur les pratiques des gens, sur leurs usages, sur leur capacité à suivre un système numérique et donc, finalement, à verser de l’argent, à verser leur obole à cette immense économie, mais ils le font du point de vue de l’incitation du contrôle sur l’usager. Donc ce que j’appelle l’approche marketing.</li>
 
<li>Enfin, il y a une approche de citoyenneté, c’est-à-dire à partir du moment où est d’accord avec les prémisses que j’ai posées tout à l’heure c’est-à-dire le fait que nous sommes plongés dans le monde numérique : ce n’est plus aujourd’hui un outil qui nous est extérieur, qu’on mobiliserait de temps en temps ; ce n’est pas un ordinateur qui est dans une grande salle blanche et qui nous sert pour faire les calculs pour envoyer un homme sur la lune. Non, non, c’est un monde qui existe, dans lequel nous sommes plongés et donc que devient la citoyenneté ? Et dans cet aspect de citoyenneté que devient la citoyenneté mondiale ? Là aussi, un autre aspect. Vous rentrez à l’université, vous allez débuter en culture numérique ; vous allez travailler des humanités numériques, je vous conseille de penser la mondialisation. Penser le monde comme un seul monde et, dans ce cadre-là, tenir compte à la fois des conflits, des divergences, mais aussi des convergences, des pratiques communes.</li>
</ul>
 
====Digital Natives====
 
Autre mythe qu’il faut évacuer, peut-être dès le début, c’est celui des <em>digital natives</em>. Cette idée que vous, parce que vous êtes nés à l’époque où ça existait déjà, vous sauriez parfaitement vous débrouiller avec les appareils numériques. Ça c’est un mythe marketing et on comprend très bien qui a intérêt à développer ce mythe-là : ce sont tous ceux qui vous vendent l’informatique magique ; c’est-à-dire tous ceux qui disent : « Il n’y a pas de problème, c’est facile. Faites et ne vous posez pas de questions ». Oubliez l’aspect critique de la culture numérique, de vous poser des questions : comment ça marche ? Pourquoi ça marche ? Qui gagne quelque chose quand ça marche ? Qu’est-ce qu’on me cache quand ça marche ? Qu’est-ce que je ne peux pas faire qui est aussi important que de savoir ce qu’on peut faire ? Donc ce mythe des <em>digital natives</em>.
 
Il y a autre mythe c’est de croire qu’il y a uniformité des gens à cause de leur âge. Mais non, vous êtes tous différents ici. Mais en plus, ici vous êtes relativement homogènes ; vous êtes une classe de L1 en Lettres à l’université de Caen ; c’est relativement homogène. Mais à l’échelle de l’ensemble des pratiques de la jeunesse, dans notre pays, en Europe, dans le monde entier, il y a d’énormes différences et d’énormes contradictions.
 
Enfin, j’aime beaucoup la phrase de Eszter Hargittai que j’ai mise en bas des diapositives qui dit qu’on a plus souvent à faire à « des naïfs du numérique » qu’à des « natifs du numérique ».
 
À ce propos je voulais dire que les diapositives vous seront accessibles. Elles seront sur le site du CEMU, après vous pourrez les retrouver.
 
[Projection d’un extrait d’une vidéo]
 
Je voudrais vous faire deviner ce qui se passe dans cette vidéo. À votre avis qu’est-ce que se passe là ?
 
Pokémon. Ouais, exactement. On est à New-York et ce sont tous ces gens il y a un an ; un an ! Vous vous rendez compte ; un siècle ! Ça s’est passé il y a un an et on n’en parle plus aujourd’hui, mais à l’époque vous étiez tous en train de lancer vos Pokémon sur le prof parce qu’il avait un gros Pokémon d’écrit sur le ventre.
 
Donc on est quand même là aussi dans cette pop culture numérique qui est de comprendre deux choses. La première c’est qu’il n’y a plus de distinction entre le monde réel et le monde virtuel. C’est ça que nous a montré <em>Pokémon Go</em>, c’est-à-dire l’idée que quand vous regardez le monde réel, au même endroit il y a des éléments virtuels qui se mettent en place.
 
Et le deuxième élément c’est l’importance des cartes dans la géographie du numérique. C’est-à-dire à l’intérieur du numérique la majeure partie des applications aujourd’hui sont liées à de la géolocalisation. Où êtes-vous avec l’appareil que vous utilisez ? Et comment on va gérer avec vous les déplacements de votre appareil et donc de vous-même par voie de conséquence.
 
Enfin, il y a peut-être une troisième leçon, c’est qu’en un an on a oublié. C’était sympa <em>Pokémon Go</em> il y a un an ; aujourd’hui on a complètement oublié.
 
En même temps l’économie qui a été générée, les bénéfices de Nintendo, etc., tout ça continue d’exister et va se répercuter sur d’autres jeux, d’autres éléments, d’autres succès, donc on est non seulement dans une industrie de la pop culture, mais on est aussi dans une industrie de la mode.
 
==11’ 45==
 
===La culture===
 
Culture on en parle. Le terme de culture a deux sens, en fait.
 
C’est une notion anthropologique. Qu’est-ce qui fait qu’on a culture commune qui se manifeste par exemple dans la manière de manger, dans le type de plat que l’on écoute, dans le type de poésie, dans la vivacité ou la lenteur de l’ensemble de nos activités, etc., qui forment des groupes homogènes. Ça c’est un aspect anthropologique et on voit bien que la culture numérique a à voir avec cet aspect-là, avec l’aspect de nos pratiques, l’uniformisation de nos pratiques au travers des outils numériques, du type d’échange et de contact et de réseau social qui va se mettre en place.
 
Et la deuxième interprétation, la deuxième acception de la culture, c’est une notion lettrée. Là, la culture lettrée. Mais on voit bien là aussi avec le numérique qu’on a à la fois l’ancienne culture lettrée qui devient numérisée, y compris la musique classique, la numérisation des livres, les radios qui deviennent des podcasts et ainsi de suite, donc la numérisation de l’ancienne activité de culture lettrée, mais aussi, et ça c’est tout aussi intéressant peut-être même beaucoup plus, l’émergence d’une nouvelle culture lettrée, de nouvelles pratiques, de nouvelles manières d’échanger, de nouvelles vidéos, de nouveaux podcasts justement faits par des gens, les youtubeurs, les podcasteurs ; enfin vous voyez toute une série de nouvelle culture qu’on pourrait appeler aussi un développement de la culture participative, parce que la majeure partie de cette nouvelle culture qui émerge de l’Internet est d’emblée quelque chose de collectif, quelque chose qui se passe par le réseau et qui interagit entre le spectateur et l’émetteur de culture.
 
Peut-être le grand basculement pour la culture lettrée, c’est qu’il n’y a plus quelqu’un qui est en haut de l’estrade et qui parle à un public, mais il y a une interaction permanente entre les émetteurs de culture, donc les gens qui font du son, de la musique, de la vidéo, du texte, etc., et les récepteurs de la culture qui ne sont plus considérés comme des individus passifs ; ce qu’on l’appelle la culture participative.
 
====La longue traîne====
 
Dernier point dans mon introduction un peu générale, c’est peut-être une courbe qui me semble très importante à garder en tête pour l’ensemble des cours de culture numérique que vous allez avoir cette année. Cette courbe-là, en abscisse, vous avez le rang. Ici, il y a le morceau de musique le plus écouté, puis un peu moins écouté, puis un peu moins écouté, et puis là il y a tous les morceaux de musique très peu écoutés. Ce sont les rangs, l’ordre, le premier jusqu’au dernier. Et puis en ordonnée, c’est le nombre de fois que le morceau de musique a été écouté, la fréquence.
 
Et on peut distinguer sur une telle courbe trois zones, très simples : il y a une zone de l’audience ; presque tout le monde écoute les mêmes morceaux de musique au même moment. Presque tout le monde lit les mêmes livres au même moment, on appelle ça les best-sellers. Presque tout le monde regarde les mêmes films au même moment, ce sont les blockbusters, et ainsi de suite. Donc il y a une zone qui va concentrer, en fait, l’ensemble de l’activité culturelle.
 
Il y a une autre zone, qu’on appelle la zone de la longue traîne, qui consiste en énormément d’activités culturelles, de livres, de disques, de films, de textes, de blogs, mais qui sont lus par un nombre relativement faible de personnes. Donc c’est une longue traîne, sur lesquels, en fait, on a tendance à penser qu’il faudrait être le Zorro de la culture, c’est-à-dire qu’il faudrait dire « Ah ouais, c’est scandaleux, il faut les monter ! » Non ! Plus vous allez faire monter les gens de la longue traîne et plus la traîne va s’allonger parce que d’autres personnes vont se mettre à écrire, à faire de la musique, à tout ça. Il restera toujours : c’est indispensable pour la valeur de la culture qu’il y ait de la diversité culturelle, donc qu’il y ait cette longue traîne. C’est aussi indispensable pour la culture du numérique, celle dont je vous dis qu’il y a une relation entre l’émetteur de culture et le récepteur, que les amateurs puissent se servir des appareils numériques. Qu’il y ait donc des blogs faits par des amateurs, qu’il y ait de la vidéo faite part des amateurs, qu’il y ait de la musique faite par des amateurs, qu’il y ait des photographies faites par des amateurs et ainsi de suite. Ils n’espèrent globalement pas être lus, avoir une économie, mais bien être présents et construire cette culture participative.
 
Et puis entre les deux il y a la zone de la diversité culturelle. Disons que comme il y a suffisamment de gens qui vont regarder, écouter, lire, on peut espérer qu’il y a une économie derrière et que donc ça va favoriser. Là, globalement, ce sont des gens dont entend parler mais qui ne sont pas dans le <em>Top 50</em>. Des films qu’on va voir quand même, les films d’art et d’essai, des choses comme ça. Cest sur cette zone-là qu’il faut penser des politiques culturelles. Ce n’est pas la peine de les penser sur la zone d’audience, là le marché se débrouille très bien : et sur la zone de la longue traîne non plus ; il faut trouver des modèles économiques pour cette longue traîne, mais ce sont presque des modèles au cas par cas.
 
Et il faut toujours garder cette idée en tête. Quand on parle d’une culture quelconque, en fait on a tendance à focaliser tous spontanément sur cette zone de l’audience où il y a énormément d’écoute, très peu, en réalité, de production culturelle, ou bien à être sur la longue traîne. Mais la chose importante c’est peut-être l’entre deux.
 
===Séisme===
 
Sur ces éléments d’introduction, je voudrais dire à quel point l’irruption du numérique a provoqué un séisme. C’est-à-dire globalement toutes les activités ont été touchées par l’irruption du numérique. Les industries sont modifiées : regardez tout à l’heure pour la photographie. Il y a des nouvelles industries, ce qu’on appelle les <em>pure players</em>, Google, Facebook, Amazon ; ce ne sont pas des petits rigolos ; ce sont des gens qui viennent sur le numérique et qui, à part de ça, vont disrupter, c’est le terme à la mode, donc vont modifier, en réalité, les industries qui étaient déjà en place et les modèles aussi d’usage qui étaient déjà en place.
 
Il y a des rapports de force mondiaux qui sont modifiés. Là aussi la montée en puissance de l’Asie dans le numérique est quelque chose d’absolument exceptionnel, j’y reviendrai tout à l’heure.
 
Et puis il y a des rapports de force politiques. Je vous disais tout à l’heure quand même, si vous avez remarqué, dans les dix dernières années, la plupart des gens qui ont été élus ont commencé par l’annoncer sur Twitter avant de l’annoncer à la télévision. C’est quand même un changement assez radical.
 
====Photographie====
 
[Projection d’une publicité Kodak Instamatic]
 
Attends un temps magique. Souvenirs magnifiques. Instamatic. Oh ! Chargeur super pratique. Quelques secondes et clic. Instamatic. Clic couleurs féériques. En noir et banc classique. Instamatic. Ah ! Pratique clair électrique. Pour un seul flash cubique. Instamatic. C’est photo fantasmatique, un appareil unique. Instamatic Ah ! Ah ! Ah ! Clic ! Clac ! Clic ! Clac ! Clic ! Clac ! Merci Kodak !
 
<b>Hervé Le Crosnier : </b>Voilà. Donc on est 1963, c’était la publicité de l’Instamatic de Kodak. Kodak, il faut vous rendre compte que c’était la plus grande entreprise mondiale du 20e siècle. Toutes les familles avaient un Kodak chez elles pour prendre des photos de famille. C’était l’industrie qui servait à tout le monde, qui était l’industrie de la joie, celle du souvenir, celle de la manière dont on allait garder trace du passé.
 
Maintenant, tout a changé et vous remarquerez que dans cette publicité pour l’iPhone, les premiers gestes sont de faire des selfies, c’est-à-dire de se prendre soi-même dans toutes les circonstances, toutes les situations, avec une massivité de la production de photos, avec la création de collections aussi. Donc on peut gérer à ce moment-là plusieurs photos en collection. Et puis l’aspect d’immédiateté de la photographie. Là où auparavant il fallait développer un film, ce qui prenait beaucoup de temps, là où aujourd’hui on la regarde presque immédiatement et on la pose sur Facebook à peu près aussi vite. Donc on est dans une situation ! Et Kodak n’existe plus. Et Kodak n’existe plus ! Un élément important d’une industrie majeure qui vient de disparaître. En dix ans Kodak a disparu.
 
==21’ 28==
 
====Rupture====
 
Cette industrie aime la rupture.

Dernière version du 11 juillet 2018 à 12:31


Publié ici - juillet 2018