« Le numérique à l'école, entre technophobie et technophilie, une question de forme scolaire. » : différence entre les versions

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==13’ 56 Enjeux et institutions==
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<b>Nathalie : </b>À écouter ce retour historique
<b>Nathalie : </b>À écouter ce retour historique, deux choses me viennent. À chaque fois, je trouve que ça questionne quelque chose qui est plus grand que nous et là on arrive à une dimension presque sidérale avec toutes les évolutions technologiques sur ce numérique. J'ai une question : étant donné la fulgurance de ces innovations, je me demande quelle est la mesure dans laquelle notre cerveau est toujours un tout petit peu en deçà du potentiel de ces machines et qu'il nous faut un petit temps pour nous acculturer et comprendre quels sont les dangers et les bienfaits de tout ce qui nous est proposé.
 
<b>Louis Derrac : </b>Oui, totalement. C'est d'ailleurs un des trucs qu'il faut garder en tête, c'est souvent par ça que je commence : on est sur quelque chose a été fulgurant et qui reste récent, donc on a peu de recul. Sur certains sujets, il commence à y avoir maintenant des méta-études qui sont des compilations d'études et qui permettent d'y voir un peu plus clair sur certains aspects du numérique, des aspects positifs et des aspects négatifs.<br/>
Un élément, par exemple, c'est que clairement l'outil numérique est une technologie comme l'a été l'écriture, en fait. C'est un outil de stockage qui joue sur notre manière de nous représenter le monde et de l'oublier aussi : comme on peut le décharger quelque part on peut l'oublier, à l'inverse des peuples qui, encore aujourd'hui, sont sur des traditions 100 % orales et pour qui il n'y a pas cette option technologique de déstocker en fait. Il y a maintenant des choses qui commencent à être étudiés. C'est intéressant. J’’ai l'impression qu'on est un peu à un âge de raison du numérique parce qu'on commence à avoir ce recul de chercheurs, notamment des sciences humaines et sociales, qui, avant, n'avaient pas le temps d'étudier quelque chose qui était en perpétuelle mutation. Il y a les potentielles disruptions du métavers, il y a la réalité virtuelle, en ce moment il y a les intelligences artificielles, ChatGPT et autres LLM, <em>language learning model</em> qui amènent d'éventuelles disruptions, mais jusqu'à maintenant et aujourd'hui, pour le moment, on est dans un une relative stagnation de l'innovation.
 
<b>Nathalie : </b>En tout cas, une relative continuité.
 
<b>Louis Derrac : </b>Oui, une relative continuité, ce qui rend la tâche plus facile, pour des chercheurs, d'étudier sur cinq/dix ans des cohortes et de faire des analyses. On arrive, maintenant, à avoir quand même un peu d'infos. Ton titre c'est « entre technophobie et technophilie », ce qui m'amène à un positionnement technocritique dans le sens où on peut maintenant étudier le fait que, bien que les origines des technologies numériques qui ont été très décentralisées par des gens qui souhaitaient l'émancipation des individus, etc., aujourd'hui force est de constater que cette puissance numérique a été, petit à petit, récupérée et capturée par quelques très grandes entreprises et quelques États qui, les uns et les autres peuvent nous alerter : d'un côté on a l'économie de l'attention, le modèle économique du capitalisme de surveillance qui consiste, finalement, à gagner de l'argent par les données qui sont stockées sur nous ; des modèles de plus en plus fermés, dont on ne peut plus trop sortir ; des modèles qui reposent beaucoup sur l'économie de l'attention et un certain nombre d’algorithmes, en tout cas des algorithmes qui sont qualifiés d'addictifs, c'est-à-dire qui reproduisent des mécanismes qui sont utilisés dans les casinos avec les principes de machines à sous. Plein de mécanismes dont on démontre empiriquement qu’ils maintiennent attentifs des utilisateurs. Là je pense notamment aux grandes entreprises qui reposent sur la publicité, puisque c'est leur modèle économique : faire en sorte que leurs clients passent un maximum de temps sur l'appli et soient, le plus possible, disposés pour les publicités.<br/>
D'un autre côté on a les États qui, après avoir eu un moment d'incompréhension vis-à-vis de ce monde numérique très libertaire parce que c'est aussi un peu la culture des pionniers : des libertaires aux États-Unis, anarchistes en France, c’était une culture très contestataire, une pop culture qui a été petit à petit régulée. N'étant pas du tout un spécialiste, évidemment, certainement qu'il fallait réguler une partie parce que, ce que les pionniers faisaient mine de ne pas comprendre, une fois qu'Internet et le Web se démocratiseraient, on y retrouverait le meilleur et le pire de l'humain. À un moment, on ne peut pas dire que c'est une zone de non-droit, une sorte de Far-West numérique, ce qui était dans la pensée des libertaires, notamment américains : Internet devait être un espace dont les États ne se mêlent pas. En même temps, les États ont beaucoup régulé, les ayants-droits, donc toutes les questions de propriété intellectuelle se sont retrouvées et maintenant on assiste aussi à un mouvement de surveillance qu’on appelle la surveillance de masse avec les révélations Snowden en 2013, qui démontrent les capacités maintenant de surveillance des États. En ce moment, en France, on a plein de lois sécuritaires, de la vidéosurveillance se met en place dans de plus en plus de villes, avec les Jeux olympiques des tests grandeur nature vont être faits à des échelles immenses avec des millions de personnes.<br/>
D'un côté et de l'autre, du côté des grosses entreprises et du côté des États, il y a motif à technocritique.
 
<b>Nathalie : </b>Si on entre dans les murs de l'école, les collègues se posent beaucoup de questions, je vais parler des technophobes plutôt que des technophiles. Les craintes sont toujours autour du grand remplacement, du manque de temps, de légitimité, en passant par le manque de formation. Finalement, l’interrogation tourne autour de notre place et de notre singularité en tant qu'enseignant. Pour toi, un enseignant qui utilise du numérique devrait ne pas avoir peur de quoi ? L'idée pour moi, dans cette question, c'est de démonter un peu les peurs qu'il y a de ce grand remplacement, comme tu le disais au tout début, dont on a eu peur à tout moment, finalement, depuis Edison.<br/>
Comment essaye-t-on de déconstruire ça pour aller et, dans les questions suivantes, on ira vers ça, vers cette technocritique dont tu parles pour savoir ce qu’on fait, finalement, avec nos élèves qui font partie de ce monde avec du numérique ?
 
<b>Louis Derrac : </b>OK. Déjà, je dirais que je ne pense vraiment pas que les enseignants sont technophobes. Pour connaître des gens technophobes, on ne peut pas dire qu'une profession pour laquelle les études de l'Éducation nationale montrent que 90 % ou 92 % d'entre eux utilisent quotidiennement les outils numériques pour préparer leurs cours, faire des recherches, etc., soient technophobes. C'est un point avec lequel on peut être en désaccord, mais je me porte un peu en faux avec l'idée que les enseignants seraient une population en galère avec le numérique. Encore une fois, quand on observe les usages de la population et qu’on s'intéresse – c'est un des sujets sur lesquels je travaille un peu, les questions d'exclusion du numérique, y compris des jeunes, des jeunes qui sont très à l'aise avec leur smartphone mais incapables d'envoyer un mail avec les codes, de réaliser un CV, de faire une démarche administrative, etc., on voit qu'on a des sortes d'exclusions multiples qui ne sont même pas générationnelles, ça nous amènera peut-être à ce qu'il faut faire à l'école, on est sorti de cet imaginaire d'un digital natif –, les profs sont 91 % à utiliser quotidiennement ou, en tout cas, très régulièrement le numérique pour préparer leurs cours, ça veut dire qu'ils sont capables de faire des recherches poussées, c'est-à-dire que tous ont une maîtrise autodidacte de la recherche d'informations plutôt poussée. Bref ! Même si, peut-être, ils ne sont pas technophiles, pour moi ils ne sont pas technophobes.
 
<b>Nathalie : </b>Merci de le préciser comme ça, c’est important.
 
<b>Louis Derrac : </b>En tout cas, je le pense. Après, ça n'empêche pas, peut-être, que 5 % d'entre eux sont technophobes, au sens de la technophobie en mode « si ça ne tenait qu'à nous, on casserait les ordis parce qu’on estime que ces machines sont un danger pour nous ». Je pense que c'est une petite minorité des enseignants.<br/>
Après, que les enseignants s'interrogent sur toutes ces choses numériques qui rentrent dans l'école, pour le coup je le comprends très bien. Il y a plein de raisons à cela. Pour te répondre, surtout en ce moment où on voit qu’il y a clairement des percées dans le domaine des intelligences artificielles sur le plan technologique, ce qui n'empêche pas, après que ça pose énormément de questions éthiques, économiques ; on pourrait se poser la question : OK, ça marche mais est-ce qu'on en veut ? Pour le moment, clairement, on ne se pose pas la question de cette manière-là, mais même avec ces disruptions-là, je ne suis pas très inquiet pour le métier d'enseignant, on trouve des tonnes de méta-études très intéressantes, ce qui est très rassurant pour les enseignants. Je renvoie à un ouvrage qui, pour moi, a été vraiment un peu une claque et, en même temps, un moment où ça m'a conforté dans beaucoup d'intuitions que j'avais sans pouvoir les démontrer, c'est le livre <em>Failure to Disrupt</em> de Justin Reich, qui est un techno-pédagogue au MIT, qui se qualifie lui-même plutôt comme un technophile, qu'on ne peut pas accuser de technophobie réactionnaire qui cherche à confirmer son biais. Si ça t’intéresse, j'ai fait une recension assez longue de son livre, en français, ce qui peut être un moyen de rentrer vraiment très facilement dans ce qu'il a fait. Il étudie pas mal de méta-études pour démontrer, en gros, comment les technologies ne révolutionneront jamais l'école avec un certain nombre de raisons qui sont un peu indépassables. Je l’ai moins en tête qu'avant, je te passerai l'article. Il a notamment étudié les MOOC.<br/>
Les MOOC ont été quand même un moment où, pareil, les gens disaient « dans dix ans il n’y aura plus d’universités, ce sera ringard. Les gens regarderont les cours de Harvard, de Stanford, des meilleurs profs du monde ». Ce qu’on n'avait pas compris c'est que l'école ce n'est pas tant la transmission du savoir que le lieu, l'espace-temps, où plusieurs personnes ensemble se motivent pour accéder à du savoir. Tu peux prendre par tous les biais les technologies actuelles, y compris ChatGPT et compagnie, OK, mais si t'es pas motivé pour aller apprendre avec ChatGPT, ce n'est pas cette technologie qui va remplacer l'indispensabilité de l'enseignant pour faire naître le désir d'apprendre, la motivation d'apprendre. On a vu que ce désir d'apprendre est hyper-sociologiquement situé : quand tu es d’une classe favorisée, avec des parents qui te poussent, le désir d'apprendre est peut-être plus spontané.<br/>
Ce que Justin Reich a vu des études qu'il a compilées sur les MOOC, c'est que les gens qui suivaient des MOOC étaient déjà des gens surdiplômés, donc déjà très minoritaire parce que, en pourcentage, les gens surdiplômés sont minoritaires, ils ont déjà appris donc ils savent réapprendre, ils sont capables d'organiser seuls leur stratégie d'apprentissage. Bref, pour toutes ces raisons ce n'est pas du tout généralisable. Ça m'a vraiment interpellé quand on voit aujourd'hui, entre nous, les investissements qu'ils ont faits.<br/>
Je vais voir si ça me revient, il a étudié pas mal d'études qui étudiaient elles-mêmes l'apprentissage adaptatif, c'est-à-dire, en gros, un exerciseur qui, grâce à des algos plus ou moins perfectionnés, selon les erreurs que tu as faites propose autre chose. Il y a un peu un arbre de décision et, si tu vas très vite pour faire tel exercice, ça montre que globalement tu as compris la notion, donc c'est retenu et après on te propose tels exercices. En fait, toutes les études montrent que ça ne marche pas. De mémoire, il dit qu’une des raisons pour lesquelles ça ne marche pas c'est que ces exerciseurs ne peuvent que t'apprendre des trucs très simples : en maths, ça ne peut que t’apprendre à calculer bêtement. Sauf que, aujourd'hui on n'a plus besoin de calculer bêtement, à la rigueur on a besoin de raisonner. Mais faire raisonner, c'est peut-être là que les LLM vont faire passer à un niveau d'après parce qu’on pourra peut-être raisonner, c'est là où il y aura peut-être un truc. En tout cas, il disait que, pour le moment, on butait sur cette question : même face à des outils d'apprentissage adaptatif il faut qu’il y ait un désir d'apprendre et une motivation.<br/>
Pour cela, je suis pas très inquiet par rapport à cette crainte de l’enseignant d'être remplacé.
 
<b>Nathalie : </b>À t'écouter, je me dis qu’avec le recul on arrive toujours à être critique, nuancé et finalement à se dire « ça va aller, on n'avait pas à avoir si peur que ça ». N'empêche qu’au présent, quand une innovation arrive dans notre vie, il y a des discours alarmistes très forts, des discours qui vont très loin. Hier j'écoutais, je n’ai pas encore écouté la totalité, un podcast avec Laurent Alexandre, le fondateur de Doctossimo, il parlait de ChatGPT 3 ou 4 et des LLM, des<em>large langage models</em>, modèles de langage large, en gros, et il affirmait comme ça, haut et fort, que ce type de technologie allait révolutionner l'apprentissage de la lecture, que les élèves allaient tous pouvoir apprendre à lire. Et là à je me dis « waouh ! »<br/>
Avec le recul on est capable d'avoir un discours plus nuancé mais au présent, n'empêche qu’on se prend ces discours l'annonce dit « qu'est-ce que c'est ? »
 
==30’ 50==
 
<b>Louis Derrac : </b>C'est là que l'histoire

Version du 24 octobre 2023 à 06:21


Titre : Le numérique à l'école, entre technophobie et technophilie, une question de forme scolaire.

Intervenant·e·s : Louis Derrac - Nathalie

Lieu : En ligne - Être prof - L'entretien

Date : 2 septembre 2023

Durée : 59 min 33

Vidéo

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration : À Prévoir

NB : transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Transcription

Nathalie : Le numérique à l'école, en voilà un sujet qui fait toujours parler. Si vous voulez faire discuter des gens, des enseignants, lancez le sujet, ça marche à tous les coups. Entre technophilie, technophobie, notre monde, donc forcément le monde éducatif, est bousculé dans ses pratiques. Du coup, je suis très heureuse de recevoir Louis Derrac pour parler de la chose numérique.
Louis, dis-nous qui tu es.

Louis Derrac : Bonjour Nathalie. Merci beaucoup de me recevoir ici.
Je suis un acteur de l'éducation au numérique, c’est comme ça je me définis. Par un hasard des choses, je me suis retrouvé dans ce monde-là, on pourra y revenir. Ça fait presque 12 ans, maintenant, que je travaille sur cette question, en ayant d'abord commencé plus précisément par le sujet de l'éducation aux médias et à l'information. Ensuite, j'ai ouvert le sujet en passant à cette question de culture numérique, l'acculturation numérique, que j'ouvre maintenant à la question de l'éducation au numérique. Je suis indépendant depuis cinq ans et j'accompagne divers acteurs et actrices de cet immense sujet.

Définition des termes

Nathalie : Super. Tu parles, sauf erreur de ma part, de la chose numérique. Pourquoi utilises-tu ce terme ?

Louis Derrac : Je ne sais plus trop quand ça m'est venu et je ne sais pas s'il faut le ramener à quelqu'un d'autre qu'il faudrait créditer pour cet usage, mais certainement, puisque, comme on dit, on n'est jamais le premier à avoir pensé à quelque chose.
Un des problèmes qu'on a quand on parle du numérique c'est qu'on est face à un terme qui, sémantiquement, ne veut rien dire. Il est intéressant de rappeler, de dire que c'était d'abord un adjectif quelconque puisqu'il qualifiait simplement ce qui relève des nombres, ce qui se représente en nombres. On a donc utilisé cet adjectif avant l'informatique. On parlait d'une supériorité numérique quand une armée avait plus de bonshommes d'un côté que de l'autre, on parlait de calcul numérique parce qu’on faisait des calculs avec des nombres. Cet adjectif est ensuite devenu technique quand l'informatique a commencé à représenter l'information sous forme de nombres.
Pour finir cette petite présentation, parce que c'est vrai que c'est intéressant, l'adjectif qui était un adjectif technique : on parlait d'un ordinateur numérique parce qu’on était sur un ordinateur qui transmettait des informations sous forme de nombres, on était sur un appareil photo numérique puisque, à l'inverse d'un appareil photo argentique, on transmettait des photos stockées sous forme de nombres ; on a eu cet adjectif technique. Cet adjectif technique, parce que le numérique s'est développé, s'est inséré dans tous les pans de la société, est redevenu un adjectif assez général : on parle de société numérique, on parle d'école numérique et là on peut se demander ce que ça veut dire. Est-ce qu’une école numérique est une école qui transmet de l'information sous forme de nombres ? On voit que l'adjectif a changé de sens. Et enfin, c'est une particularité française, on a substantifié l'adjectif, on a transformé un adjectif en sujet, puisqu'on est capable de dire « le numérique ».
J'ai donc voulu dire « la chose numérique » parce que, justement, c'était intéressant de dire que le numérique n'avait aucun sens, par contre il y a bien une chose numérique et la chose qui est bien c'est que ça peut amener à un imaginaire d'un objet protéiforme. C'était dans ce sens-là.

Contexte historique

Nathalie : Merci pour cette petite pause sémantique qui est vraiment intéressante. Revenir à la source des mots qu'on utilise est toujours porteur de beaucoup de sens pour voir l'évolution qu'on a vis-à-vis des choses.
Je veux bien que tu nous emmènes par un petit passage historique. Tu nous l’as fait d'un point de vue sémantique, mais là, est-ce qu'on pourrait justement parler de l'histoire de cette chose numérique et de la chose numérique éducative en ayant en tête toutes les peurs qui sont associées, finalement, depuis toujours ?

Louis Derrac : C'est un exercice pas évident que tu me demandes.

Nathalie : Non, je sais.

Louis Derrac : Je vais faire ce que je peux parce que je ne suis pas du tout historien, je le dis d'emblée, je suis plutôt un vulgarisateur avec un profil très généraliste sur l'éducation au numérique. En général, je sais un peu de tout, mais je ne sais tout de rien, c'est pareil pour la dimension historique et encore plus pour l'histoire du numérique éducatif parce que là on est vraiment dans un truc très précis, mais il y a des gens qui ont fait un travail, Bruno Devauchelle, on peut aller sur son blog trouver vraiment des éléments puisque lui a vécu, en plus, cette histoire.
En tout cas, le numérique, tu as effectivement raison, c'est comme la sémantique, c'est une des choses à laquelle je viens, pareil, au hasard de mes errances de réflexion. C'est clair que maintenant, j'en suis persuadé, le fait de connaître l'histoire c'est indispensable parce qu'on a tendance à être totalement amnésique, en fait tout le temps, notamment en matière de technologie. On a tendance à craindre les drames et espérer des révolutions, alors que dix ans avant on craignait d'autres drames et on espérait d'autres révolutions et, à chaque fois, les espoirs des uns sont « déçus », entre guillemets, les craintes des autres sont calmées et c'est perpétuel et c’est pareil pour le numérique éducatif. Des chercheurs étudient les promesses des EdTech depuis Edison : on disait que la radio allait rendre les livres et les enseignants quasi obsolètes puisqu’elle permettrait de diffuser la connaissance en masse. Pareil après pour la vidéo. Bref !

Pour essayer de faire une histoire en essayant de le faire hyper-accéléré, pour moi le numérique c'est la rencontre de plusieurs ensembles de technologies, notamment deux ensembles. D'un côté l'informatique, la création de ces superordinateurs à la base, ces immenses machines qui prenaient des salles entières. On va dire, pour simplifier, que ça a commencé pendant la Seconde Guerre mondiale.
L'ordinateur c'est une machine à calculer. J'aime bien dire, d'un point de vue historique, que le besoin de calcul est né, on va dire pour romancer, peut-être que je me trompe, mais j'ai l'impression qu'il est venu de la sédentarisation. Dès qu'on s'est sédentarisé, on a eu des choses à calculer, les stocks, dès qu'il y a eu des sortes d'États, des embryons d'États, il y avait la paye des armées. Bref, il y avait du calcul, c'était compliqué, il fallait donc trouver des méthodes, au début on a fait des trucs très simples. Au 17e siècle, à la Renaissance, on a eu les débuts des États modernes, avec des impôts complexes. On peut ramener à des machines à calculer comme la pascaline de Blaise Pascal dont le père était précepteur d'impôts, il y a donc vraiment un lien avec un besoin concret d'aller chercher les impôts, donc de faire des calculs pour savoir combien aller chercher.
D'un côté on a ces ordinateurs qui naissent du besoin de calcul. Pendant la Seconde Guerre mondiale on avait besoin d'énormément de calcul pour les calculs balistiques, tout ce qui était canons, artillerie, etc.
D'un autre côté, les questions de décryptage des renseignements, il y a un film un peu connu, Imitation Game, qui raconte l'histoire romancée d'Alan Turing et de la manière dont, pendant la Seconde Guerre mondiale il a contribué à la création d'un des premiers ordinateurs autour de cette question de comment on calcule assez vite pour craquer, à la journée, la clé de chiffrement des ennemis.
Donc d'un côté l'ordinateur, besoin de calcul, et de l'autre Internet, besoin de communiquer qui, lui aussi, ramène à une histoire des télécommunications. On a eu les époques où on avait des phares optiques, limite on peut penser aux Indiens qui avaient leurs feux. Après il y a eu le télégraphe, le télégraphe électrique quand est arrivée l'électricité, le morse, d’ailleurs on a eu des premiers câbles atlantiques avec le télégraphe. J'écoutais un podcast où on disait comment on s'informait avant. C'est intéressant de se rappeler que dès le début du 20e siècle, il y avait l'élection américaine par exemple un dimanche et nous, le lundi matin, on savait les résultats parce que le dimanche soir, aux États-Unis, l'information passait dans le câble transatlantique en télégraphe et les gens qui étaient de l'autre côté de l'Atlantique écoutaient le truc en morse, le traduisaient : le président Machin a été élu, stop, blablabla, stop. Ça allait quand même assez vite. Aujourd'hui, évidemment, on sait quasiment en temps réel.
Ces besoins de télécommunications ont amené, notamment l'armée américaine, à investir lourdement dans des infrastructures de communication qui ont d'abord été Arpanet, Arpa parce que ça venait de l'ARPAaméricaine, cette agence de recherche qui est née de la guerre froide aussi, de ce moment de tension : les Russes ont été les premiers à envoyer, dans cette course, d'abord un chien, le premier satellite Spoutnik. L'histoire c’est vraiment à chaque fois du détail, en tout cas ils ont mis une claque à ce moment-là aux États-Unis qui se sont dit « il ne faut plus qu'on laisse passer ça », ils ont créé la NASA et la DARPA, la NASA pour l'espace, l’ARPA est devenue la DARPA pour l'armée de terre et ils leur ont donné des milliards. C'est important de le rappeler, parce que c'est aussi une des réalités du numérique : ça a été beaucoup subventionné, notamment financé par l'armée américaine.
Ils ont permis à des chercheurs et à des universitaires de développer ce réseau, cet ancêtre d'Internet. Je vais accélérer, ça a intéressé un certain nombre de gens, des universitaires qui pouvaient partager des informations et, en fait, ça a aussi intéressé une communauté de hippies, de geeks, de hackers, qui ont vu en l'ordinateur et en Internet des moyens d'émancipation. À l'époque, c'était assez notable parce que l'ordinateur c'était vraiment très cher, un super ordinateur c'était des millions, c'était réservé aux grandes universités, aux énormes bureaucraties, c'était donc big browser déjà à l'époque. C'était Big Blue pour caractériser IBM, donc les premiers de la Silicon Valley, Apple et les autres, se sont positionnés contre cette sorte de bureaucratie qui utilisait des ordinateurs pour un peu informatiser le monde. La pub très connue d’Apple, lancée en 1984 en référence au livre d’Orwell, c'était de dire que grâce à l'ordinateur personnel, 1984 ne serait pas comme 1984 parce que l'ordinateur personnel serait l'outil d'émancipation individuelle.
Ça a été un peu remarquable parce que l'ordinateur personnel puis Internet qui s'est démocratisé, puis l'arrivée du Web qui a aussi contribué à démocratiser, a fait qu’en très peu de temps, finalement, dans l'histoire, le réseau internet, le Web et l'ordinateur personnel se sont insérés dans les foyers, sans parler du smartphone en 2007 avec le premier iPhone qui a été le dernier maillon. L'ordinateur personnel restait un outil – on pourra y revenir, c'est hyper-important dans l'école – plutôt de sachant avec un clavier donc de l'écrit, l'écrit n'étant pas un domaine dans lequel toute une population est forcément à l'aise. Le smartphone a été l'achèvement de cette immense démocratisation. On a vu que le numérique regroupe plein de choses. C'est important de rappeler que c'est à la fois quelque chose qui a été fulgurant puisque, finalement, l'ordinateur personnel c'est les années 80, le smartphone c'est seulement 2007, la démocratisation de la 3G en France c’est 2010/2011. On a l'impression qu'on ne sait plus faire sans et que tout le monde a toujours eu ça mais, en fait, ça n'a qu’une douzaine d'années !

13’ 56 Enjeux et institutions

Nathalie : À écouter ce retour historique, deux choses me viennent. À chaque fois, je trouve que ça questionne quelque chose qui est plus grand que nous et là on arrive à une dimension presque sidérale avec toutes les évolutions technologiques sur ce numérique. J'ai une question : étant donné la fulgurance de ces innovations, je me demande quelle est la mesure dans laquelle notre cerveau est toujours un tout petit peu en deçà du potentiel de ces machines et qu'il nous faut un petit temps pour nous acculturer et comprendre quels sont les dangers et les bienfaits de tout ce qui nous est proposé.

Louis Derrac : Oui, totalement. C'est d'ailleurs un des trucs qu'il faut garder en tête, c'est souvent par ça que je commence : on est sur quelque chose a été fulgurant et qui reste récent, donc on a peu de recul. Sur certains sujets, il commence à y avoir maintenant des méta-études qui sont des compilations d'études et qui permettent d'y voir un peu plus clair sur certains aspects du numérique, des aspects positifs et des aspects négatifs.
Un élément, par exemple, c'est que clairement l'outil numérique est une technologie comme l'a été l'écriture, en fait. C'est un outil de stockage qui joue sur notre manière de nous représenter le monde et de l'oublier aussi : comme on peut le décharger quelque part on peut l'oublier, à l'inverse des peuples qui, encore aujourd'hui, sont sur des traditions 100 % orales et pour qui il n'y a pas cette option technologique de déstocker en fait. Il y a maintenant des choses qui commencent à être étudiés. C'est intéressant. J’’ai l'impression qu'on est un peu à un âge de raison du numérique parce qu'on commence à avoir ce recul de chercheurs, notamment des sciences humaines et sociales, qui, avant, n'avaient pas le temps d'étudier quelque chose qui était en perpétuelle mutation. Il y a les potentielles disruptions du métavers, il y a la réalité virtuelle, en ce moment il y a les intelligences artificielles, ChatGPT et autres LLM, language learning model qui amènent d'éventuelles disruptions, mais jusqu'à maintenant et aujourd'hui, pour le moment, on est dans un une relative stagnation de l'innovation.

Nathalie : En tout cas, une relative continuité.

Louis Derrac : Oui, une relative continuité, ce qui rend la tâche plus facile, pour des chercheurs, d'étudier sur cinq/dix ans des cohortes et de faire des analyses. On arrive, maintenant, à avoir quand même un peu d'infos. Ton titre c'est « entre technophobie et technophilie », ce qui m'amène à un positionnement technocritique dans le sens où on peut maintenant étudier le fait que, bien que les origines des technologies numériques qui ont été très décentralisées par des gens qui souhaitaient l'émancipation des individus, etc., aujourd'hui force est de constater que cette puissance numérique a été, petit à petit, récupérée et capturée par quelques très grandes entreprises et quelques États qui, les uns et les autres peuvent nous alerter : d'un côté on a l'économie de l'attention, le modèle économique du capitalisme de surveillance qui consiste, finalement, à gagner de l'argent par les données qui sont stockées sur nous ; des modèles de plus en plus fermés, dont on ne peut plus trop sortir ; des modèles qui reposent beaucoup sur l'économie de l'attention et un certain nombre d’algorithmes, en tout cas des algorithmes qui sont qualifiés d'addictifs, c'est-à-dire qui reproduisent des mécanismes qui sont utilisés dans les casinos avec les principes de machines à sous. Plein de mécanismes dont on démontre empiriquement qu’ils maintiennent attentifs des utilisateurs. Là je pense notamment aux grandes entreprises qui reposent sur la publicité, puisque c'est leur modèle économique : faire en sorte que leurs clients passent un maximum de temps sur l'appli et soient, le plus possible, disposés pour les publicités.
D'un autre côté on a les États qui, après avoir eu un moment d'incompréhension vis-à-vis de ce monde numérique très libertaire parce que c'est aussi un peu la culture des pionniers : des libertaires aux États-Unis, anarchistes en France, c’était une culture très contestataire, une pop culture qui a été petit à petit régulée. N'étant pas du tout un spécialiste, évidemment, certainement qu'il fallait réguler une partie parce que, ce que les pionniers faisaient mine de ne pas comprendre, une fois qu'Internet et le Web se démocratiseraient, on y retrouverait le meilleur et le pire de l'humain. À un moment, on ne peut pas dire que c'est une zone de non-droit, une sorte de Far-West numérique, ce qui était dans la pensée des libertaires, notamment américains : Internet devait être un espace dont les États ne se mêlent pas. En même temps, les États ont beaucoup régulé, les ayants-droits, donc toutes les questions de propriété intellectuelle se sont retrouvées et maintenant on assiste aussi à un mouvement de surveillance qu’on appelle la surveillance de masse avec les révélations Snowden en 2013, qui démontrent les capacités maintenant de surveillance des États. En ce moment, en France, on a plein de lois sécuritaires, de la vidéosurveillance se met en place dans de plus en plus de villes, avec les Jeux olympiques des tests grandeur nature vont être faits à des échelles immenses avec des millions de personnes.
D'un côté et de l'autre, du côté des grosses entreprises et du côté des États, il y a motif à technocritique.

Nathalie : Si on entre dans les murs de l'école, les collègues se posent beaucoup de questions, je vais parler des technophobes plutôt que des technophiles. Les craintes sont toujours autour du grand remplacement, du manque de temps, de légitimité, en passant par le manque de formation. Finalement, l’interrogation tourne autour de notre place et de notre singularité en tant qu'enseignant. Pour toi, un enseignant qui utilise du numérique devrait ne pas avoir peur de quoi ? L'idée pour moi, dans cette question, c'est de démonter un peu les peurs qu'il y a de ce grand remplacement, comme tu le disais au tout début, dont on a eu peur à tout moment, finalement, depuis Edison.
Comment essaye-t-on de déconstruire ça pour aller et, dans les questions suivantes, on ira vers ça, vers cette technocritique dont tu parles pour savoir ce qu’on fait, finalement, avec nos élèves qui font partie de ce monde avec du numérique ?

Louis Derrac : OK. Déjà, je dirais que je ne pense vraiment pas que les enseignants sont technophobes. Pour connaître des gens technophobes, on ne peut pas dire qu'une profession pour laquelle les études de l'Éducation nationale montrent que 90 % ou 92 % d'entre eux utilisent quotidiennement les outils numériques pour préparer leurs cours, faire des recherches, etc., soient technophobes. C'est un point avec lequel on peut être en désaccord, mais je me porte un peu en faux avec l'idée que les enseignants seraient une population en galère avec le numérique. Encore une fois, quand on observe les usages de la population et qu’on s'intéresse – c'est un des sujets sur lesquels je travaille un peu, les questions d'exclusion du numérique, y compris des jeunes, des jeunes qui sont très à l'aise avec leur smartphone mais incapables d'envoyer un mail avec les codes, de réaliser un CV, de faire une démarche administrative, etc., on voit qu'on a des sortes d'exclusions multiples qui ne sont même pas générationnelles, ça nous amènera peut-être à ce qu'il faut faire à l'école, on est sorti de cet imaginaire d'un digital natif –, les profs sont 91 % à utiliser quotidiennement ou, en tout cas, très régulièrement le numérique pour préparer leurs cours, ça veut dire qu'ils sont capables de faire des recherches poussées, c'est-à-dire que tous ont une maîtrise autodidacte de la recherche d'informations plutôt poussée. Bref ! Même si, peut-être, ils ne sont pas technophiles, pour moi ils ne sont pas technophobes.

Nathalie : Merci de le préciser comme ça, c’est important.

Louis Derrac : En tout cas, je le pense. Après, ça n'empêche pas, peut-être, que 5 % d'entre eux sont technophobes, au sens de la technophobie en mode « si ça ne tenait qu'à nous, on casserait les ordis parce qu’on estime que ces machines sont un danger pour nous ». Je pense que c'est une petite minorité des enseignants.
Après, que les enseignants s'interrogent sur toutes ces choses numériques qui rentrent dans l'école, pour le coup je le comprends très bien. Il y a plein de raisons à cela. Pour te répondre, surtout en ce moment où on voit qu’il y a clairement des percées dans le domaine des intelligences artificielles sur le plan technologique, ce qui n'empêche pas, après que ça pose énormément de questions éthiques, économiques ; on pourrait se poser la question : OK, ça marche mais est-ce qu'on en veut ? Pour le moment, clairement, on ne se pose pas la question de cette manière-là, mais même avec ces disruptions-là, je ne suis pas très inquiet pour le métier d'enseignant, on trouve des tonnes de méta-études très intéressantes, ce qui est très rassurant pour les enseignants. Je renvoie à un ouvrage qui, pour moi, a été vraiment un peu une claque et, en même temps, un moment où ça m'a conforté dans beaucoup d'intuitions que j'avais sans pouvoir les démontrer, c'est le livre Failure to Disrupt de Justin Reich, qui est un techno-pédagogue au MIT, qui se qualifie lui-même plutôt comme un technophile, qu'on ne peut pas accuser de technophobie réactionnaire qui cherche à confirmer son biais. Si ça t’intéresse, j'ai fait une recension assez longue de son livre, en français, ce qui peut être un moyen de rentrer vraiment très facilement dans ce qu'il a fait. Il étudie pas mal de méta-études pour démontrer, en gros, comment les technologies ne révolutionneront jamais l'école avec un certain nombre de raisons qui sont un peu indépassables. Je l’ai moins en tête qu'avant, je te passerai l'article. Il a notamment étudié les MOOC.
Les MOOC ont été quand même un moment où, pareil, les gens disaient « dans dix ans il n’y aura plus d’universités, ce sera ringard. Les gens regarderont les cours de Harvard, de Stanford, des meilleurs profs du monde ». Ce qu’on n'avait pas compris c'est que l'école ce n'est pas tant la transmission du savoir que le lieu, l'espace-temps, où plusieurs personnes ensemble se motivent pour accéder à du savoir. Tu peux prendre par tous les biais les technologies actuelles, y compris ChatGPT et compagnie, OK, mais si t'es pas motivé pour aller apprendre avec ChatGPT, ce n'est pas cette technologie qui va remplacer l'indispensabilité de l'enseignant pour faire naître le désir d'apprendre, la motivation d'apprendre. On a vu que ce désir d'apprendre est hyper-sociologiquement situé : quand tu es d’une classe favorisée, avec des parents qui te poussent, le désir d'apprendre est peut-être plus spontané.
Ce que Justin Reich a vu des études qu'il a compilées sur les MOOC, c'est que les gens qui suivaient des MOOC étaient déjà des gens surdiplômés, donc déjà très minoritaire parce que, en pourcentage, les gens surdiplômés sont minoritaires, ils ont déjà appris donc ils savent réapprendre, ils sont capables d'organiser seuls leur stratégie d'apprentissage. Bref, pour toutes ces raisons ce n'est pas du tout généralisable. Ça m'a vraiment interpellé quand on voit aujourd'hui, entre nous, les investissements qu'ils ont faits.
Je vais voir si ça me revient, il a étudié pas mal d'études qui étudiaient elles-mêmes l'apprentissage adaptatif, c'est-à-dire, en gros, un exerciseur qui, grâce à des algos plus ou moins perfectionnés, selon les erreurs que tu as faites propose autre chose. Il y a un peu un arbre de décision et, si tu vas très vite pour faire tel exercice, ça montre que globalement tu as compris la notion, donc c'est retenu et après on te propose tels exercices. En fait, toutes les études montrent que ça ne marche pas. De mémoire, il dit qu’une des raisons pour lesquelles ça ne marche pas c'est que ces exerciseurs ne peuvent que t'apprendre des trucs très simples : en maths, ça ne peut que t’apprendre à calculer bêtement. Sauf que, aujourd'hui on n'a plus besoin de calculer bêtement, à la rigueur on a besoin de raisonner. Mais faire raisonner, c'est peut-être là que les LLM vont faire passer à un niveau d'après parce qu’on pourra peut-être raisonner, c'est là où il y aura peut-être un truc. En tout cas, il disait que, pour le moment, on butait sur cette question : même face à des outils d'apprentissage adaptatif il faut qu’il y ait un désir d'apprendre et une motivation.
Pour cela, je suis pas très inquiet par rapport à cette crainte de l’enseignant d'être remplacé.

Nathalie : À t'écouter, je me dis qu’avec le recul on arrive toujours à être critique, nuancé et finalement à se dire « ça va aller, on n'avait pas à avoir si peur que ça ». N'empêche qu’au présent, quand une innovation arrive dans notre vie, il y a des discours alarmistes très forts, des discours qui vont très loin. Hier j'écoutais, je n’ai pas encore écouté la totalité, un podcast avec Laurent Alexandre, le fondateur de Doctossimo, il parlait de ChatGPT 3 ou 4 et des LLM, deslarge langage models, modèles de langage large, en gros, et il affirmait comme ça, haut et fort, que ce type de technologie allait révolutionner l'apprentissage de la lecture, que les élèves allaient tous pouvoir apprendre à lire. Et là à je me dis « waouh ! »
Avec le recul on est capable d'avoir un discours plus nuancé mais au présent, n'empêche qu’on se prend ces discours l'annonce dit « qu'est-ce que c'est ? »

30’ 50

Louis Derrac : C'est là que l'histoire