« Européennes : "La régulation doit permettre aux PME d'exister", Sven Franck, chef de file Volt » : différence entre les versions

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<b>Delphine Sabattier : </b>Bonjour. Durant tout le mois de mai <em>Politiques Numériques</em> sera en spécial pour des interviews de 30 minutes environ, avec un candidat tête de liste ou colistier. Ce sera l’occasion de découvrir leur vision pour l’Europe numérique de demain, leur appréhension des enjeux numériques dans l’espace européen et puis leur projet, précisément dans l’un de ces domaines : on parlera soit de cybersécurité, bouclier numérique, soit de résilience technologique, compétitivité numérique, soit d’énergie, innovation, sobriété numérique, ou encore de démocratie numérique avec ces sujets autour de l’éthique, de la régulation.<br/>
Mon premier invité aujourd’hui est Sven Franck. Bonjour.
<b>Sven Franck : </b>Bonjour.
<b>Delphine Sabattier : </b>Tête de liste du parti Volt France et vous avez choisi de nous adresser plus particulièrement le sujet de la compétitivité et puis cette résilience technologique qu’on appelle de nos vœux au niveau européen.<br/>
On va commencer, déjà, par des présentations, peut-être. Parlez-nous un peu de vous Sven. On va tout de suite l’entendre à votre accent : vous êtes né en Allemagne.
<b>Sven Franck : </b>Exactement, je suis Allemand, de Bavière, j’habite à Lille depuis 2012. Professionnellement, je travaille dans une entreprise de logiciels libres où je gère un projet de recherche innovation soit français soit européen, c’était aussi mon sujet principal pendant mes études, gestion d’innovation. Je m’intéresse au sujet du logiciel libre, aux réseaux, au <em>cloud</em>, à tous ces enjeux.
<b>Delphine Sabattier : </b>Plus qu’intéressé, vous travaillez vraiment sur ces sujets au quotidien, vous êtes un expert technique.
<b>Sven Franck : </b>Exactement. Oui, expert administratif et technique, parce que les projets européens, comme les projets français, ce sont toujours plusieurs partenaires qui doivent travailler sur un sujet, donc j’essaye d’assurer que le projet va dans le sens qu’il faut, à travers les frontières ou ici, en France.
<b>Delphine Sabattier : </b>Quand est-ce que vous vous engagez en politique ? À quel moment vous vous dites « je veux pas simplement porter ces sujets tout seul ou à travers mon entreprise, je veux que ça porte une voix différente en Europe. » ?
<b>Sven Franck : </b>De mon côté, je suis membre de Volt depuis 2018, c’est la première fois que je m’engageais dans un parti politique.
<b>Delphine Sabattier : </b>Qu’est-ce qui vous a décidé ?
<b>Sven Franck : </b>Après le premier tour de Macron contre Le Pen, je me suis dit « en tant qu’Allemand je ne peux pas voter, mais je cherche néanmoins à m’impliquer pour éviter que nous nous trouvions avec un gouvernement d’extrême droite ». C’est donc à ce moment que j’ai commencé à regarder. J’ai rencontré Volt un peu après, ça me parlait parce que je suis Allemand en France, ma femme est slovène, je dis toujours que je suis un Européen. Volt est un mouvement qui existe dans tous les pays en Europe, avec un programme commun et ça me parle, à mes convictions.
<b>Delphine Sabattier : </b>Qu’est-ce que c’est que Volt, précisément, le projet Volt.
<b>Sven Franck : </b>C’est un mouvement fondé par trois étudiants, après le référendum sur le Brexit, qui se battent contre l’extrême droite, pour plus d’implication des citoyens dans la politique, notamment la jeunesse, et également pour avancer sur les projets européens et les grands enjeux ensemble. Aujourd’hui, nous sommes dans 30 pays en Europe avec 30 000 membres, nous avons une plateforme avec un programme commun, ce qui, pour nous, est essentiel pour avancer, parce que, notamment aux élections européennes, on ne va pas très loin avec les partis politiques nationaux avec leurs agendas nationaux.
<b>Delphine Sabattier : </b>C’est comme cela que ça se passe aujourd’hui.
<b>Sven Franck : </b>Exactement. Donc, nous essayons de présenter la prochaine itération de la politique européenne, avec un parti politique européen qui n’existe pas aujourd’hui. Nous sommes organisés avec une organisation à Bruxelles, ??? [3 min 58], et après avec des chapitres nationaux. Nous militons pour des partis politiques européens avec des programmes paneuropéens parce que, comme ça, nous avons un consensus de ce qu’on veut de la Suède au Portugal ; comme ça, nous militons pour ces objectifs.
<b>Delphine Sabattier : </b>C’est aussi ce qui essaye de faire la Commission européenne, le Parlement européen. On voit la difficulté, quand même, à 27, de s’entendre.
<b>Sven Franck : </b>Bien entendu, nous aussi nous cherchons un compromis. Je donne toujours l’exemple de la position sur le nucléaire, parce qu’à l’époque la moitié des pays, avec l’Allemagne, étaient contraires, l’autre moitié, avec la France, étaient pour et puis il faut trouver un compromis.
<b>Delphine Sabattier : </b>Et on le trouve ? Vous le trouvez au sein de Volt ?
<b>Sven Franck : </b>Oui, nous l’avons nous l’avons trouvé : on pourra sortir du nucléaire quand que nous aurons des énergies renouvelables stables. Comme ça, en Allemagne, on peut militer pour plus de renouvelable et, en France, on peut dire aussi qu’on soutient le nucléaire comme énergie de transition.
<b>Delphine Sabattier : </b>Très bien. Alors votre vision de l’Europe numérique ? Aujourd’hui et demain évidemment. Aujourd’hui, d’abord un constat.
<b>Sven Franck : </b>Donc, les deux. Aujourd’hui, nous avons un marché unique commun, mais, en réalité, ce sont 27 pays différents : je ne peux pas ouvrir facilement une filiale dans un autre pays européen ; c’est quelque chose que nous voulons changer. Je donne toujours l’exemple : si je veux enregistrer une marque, aujourd’hui c’est facile parce qu’il y a le EUIPO [<em>European Union Intellectual Property Office</em>], donc, avec un enregistrement je peux enregistrer une marque dans les 27 pays. C’est important, pour nous, d’aller aussi dans cette direction pour créer des filiales, pour créer des entreprises et ça touche aussi le numérique. Pour nous le moto de l’Europe c’est d’être unis dans la diversité, donc, dans le domaine du numérique, il faut aussi prendre en compte cette diversité.<br/>
Nous avons trois valeurs ou trois idées : l’une c’est l’interopérabilité. On ne peut pas imposer à tout le monde de parler anglais en Europe, ça ne va pas fonctionner, donc il faut aussi éviter d’introduire des standards ou des normes qui sont peut-être comme l’anglais, pas européennes, pour, ensuite, demander à tous les acteurs numériques de les suivre. Pour nous c’est plutôt, une traduction avec ??? [6 min 30], donc on peut traduire chaque langue dans notre langue si, deuxième objectif pour nous, c’est <em>open source</em>, si la grammaire et le vocabulaire sont ouverts et accessibles.<br/>
C’est, pour nous, l’idée qu’il faut pousser aussi dans le domaine du numérique.
<b>Delphine Sabattier : </b>Ça veut dire passer par des lois contraignantes qui imposent cette interopérabilité des services numériques, que les données puissent être transférées d’un service à un autre librement ?
<b>Sven Franck : </b>Pas contraignantes, plutôt s’assurer que nous nous ne trouvons pas avec une somme énorme de standards. Par exemple, au travail, nous avons plusieurs projets de recherche où nous essayons de connecter des fournisseurs différents du <em>cloud</em> avec leur propre technologie : pour dire je peux faire tourner un <em>cloud</em> à nous chez un autre fournisseur du <em>cloud</em>, pour avoir cette interopérabilité. En ce moment nous le faisons juste au niveau de la France mais l’idée, dans l’avenir, c’est d’avoir ça aussi à l’échelle européenne. Comme je dis, le marché européen ce sont 27 pays différents, il faut aller vers plus d’interopérabilité pour permettre aussi aux acteurs, en Europe, de travailler dans tous les États membres.
<b>Delphine Sabattier : </b>On n’a pas forcément la décision là-dessus, le politique ne peut pas forcément le décider si ce n’est pas contraignant par la loi. Vous abordez la question du logiciel libre, « il faut que les logiciels soient ouverts, libres », on ne peut pas imposer cela, à moins de vraiment l’inscrire dans la loi et d’en faire quelque chose de contraignant, mais j’imagine que ce n’est pas ce que vous envisagez.
<b>Sven Franck : </b>Nous proposons, par exemple, d’utiliser plus de logiciels libres dans le domaine public. Au Brésil, dans les années 80/90, c’est une loi qui a dit « tous les logiciels publics doivent être des logiciels libres ». Je pense qu’on peut aller dans cette direction : ne pas de dire qu’il faut 100 % de Libre, mais qu’il faut avoir de l’espace pour les logiciels libres et aussi pour les fournisseurs européens.
<b>Delphine Sabattier : </b>Aujourd’hui, la politique française vis-à-vis du Libre vous semble intéressante, suffisamment audacieuse ou trop timorée ? Parce qu’il y a une stratégie <em>open source</em> au niveau de l’État, aujourd’hui en France.
<b>Sven Franck : </b>Ça dépend d’un côté de ce qu’on entend par <em>open source</em> parce qu’il y a des définitions différentes. Après, est-ce qu’il y a une place pour les fournisseurs européens ?
Avec Volt, nous disons que c’est bien d’avoir un libre-échange et d’avoir des marchés libres, mais si, à la fin, aucune entreprise européenne existante ne peut participer à ce marché, ce n’est pas l’idéal. Pour nous, il faut de l’espace pour les fournisseurs européens du <em>cloud</em>, du logiciel libre ; on veut assurer cela aussi avec une régulation au niveau européen.
<b>Delphine Sabattier : </b>Justement, c’est donc le sujet que vous avez choisi de développer avec nous parmi les quatre que je vous ai proposés : comment faire pour développer cette résilience technologique et la compétitivité de l’Europe dans l’espace numérique ? Qu’est-ce que vous avez à proposer très concrètement ?
<b>Sven Franck : </b>Pour nous, ça passe par un <em>Small Business Act</em>, comme aux États-Unis où il est un <em>Small Business Act</em> qui donne 23 % de commande publique aux PME américaines. Nous estimons nécessaire une régulation, une loi similaire à l’échelle européenne.
<b>Delphine Sabattier : </b>Quel serait le pourcentage ? Combien d’argent public ? Faut-il des quotas ?
<b>Sven Franck : </b>Disons qu’il faut trouver le moyen de le rendre possible. Dans notre programme, nous parlons de 25 %, donc un quart de commande publique, mais on va aussi plus loin avec d’autres propositions donc, ce n’est pas juste une commande publique. Pour nous, il faut un accompagnement de nos PME à la commercialisation de leurs produits parce que aujourd’hui la France l’Europe aussi, mettent beaucoup d’argent sur l’innovation mais l’étape suivante, la commercialisation, est très difficile. Si le public devient le premier client, c’est plus facile aussi, après, d’aller à l’industrie. C’est donc l’objectif numéro un avec le <em>Small Business Act</em>.<br/>
Le deuxième objectif, c’est d’éviter des régulations qui vont mettre les PME en désavantage vis-à-vis des grandes entreprises. Notre travail c’est, par exemple, le <em>Cyber Resilience Act</em> qui est passé 2023, et la première version, proposée par la Commission, était très contraignante pour les fournisseurs de logiciel libre en France en Europe parce qu’elle mettait la responsabilité sur les fournisseurs de logiciels libres pour chaque utilisateur qui utilise un logiciel.
<b>Delphine Sabattier : </b>Une responsabilité sur la protection, en fait. C’est ça ? C’est une responsabilité sur la cybersécurité du logiciel qui va être utilisé on ne sait pas par qui, on ne sait pas comment et on ne sait pas quand, donc, là, ça met en difficulté la communauté des développeurs <em>open source</em>.
<b>Sven Franck : </b>Exactement. Aux États-Unis, une législation similaire exclut notamment les fournisseurs de logiciels libres et met plutôt l’accent sur la partie qui crée un produit et le met sur le marché. Si je crée un logiciel avec 10 000 composants, c’est de ma responsabilité de m’assurer que ces composants sont sécures. Vous avez peut-être vu avec la XZ <em>library</em>, il y a quelques semaines, dans laquelle une <em>back door</em> a été trouvée. En théorie, si je suis la première proposition du <em>Cyber Resilience Act</em>, c’était le développeur qui a fait cette librairie qui portait la responsabilité. De cette façon, tout le monde va arrêter de créer des logiciels libres parce que, aujourd’hui, ce sont des petites entreprises, des développeurs en mode solo. C’est donc ça aussi la résilience, pour revenir au sujet.
Il faut créer un écosystème qui permette l’innovation, qui permette la création de nouvelles technologies, il faut éviter d’avoir une régulation qui permette, à la fin, seulement aux plus grandes boîtes d’exister, parce que, pour un Google et un Amazon pas de problèmes, elles vont remplir tous les toutes les réglementations et toutes les exigences, mais pour une petite entreprise, pour une PME, c’est beaucoup plus compliqué.
<b>Delphine Sabattier : </b>Et ça coûte beaucoup plus cher.
<b>Sven Franck : </b>Exactement. Donc, pour nous, c’est important de s’assurer que les réglementations qui sont passées au niveau européen permet aussi aux PME d’exister, dans le numérique mais aussi dans les autres domaines.
==13’ 27==
<b>Delphine Sabattier : </b>Au niveau

Version du 20 mai 2024 à 11:37


Titre : Européennes : "La régulation doit permettre aux PME d'exister", Sven Franck, chef de file Volt

Intervenant : Sven Franck - Delphine Sabattier

Lieu : Podcast Politiques Numériques, alias POL/N

Date : 10 mai 2024

Durée : 23 min

Podcast

Présentation du podcast

Licence de la transcription : Verbatim

Illustration : À prévoir

NB : Transcription réalisée par nos soins, fidèle aux propos des intervenant·e·s mais rendant le discours fluide.
Les positions exprimées sont celles des personnes qui interviennent et ne rejoignent pas nécessairement celles de l'April, qui ne sera en aucun cas tenue responsable de leurs propos.

Transcription

Delphine Sabattier : Bonjour. Durant tout le mois de mai Politiques Numériques sera en spécial pour des interviews de 30 minutes environ, avec un candidat tête de liste ou colistier. Ce sera l’occasion de découvrir leur vision pour l’Europe numérique de demain, leur appréhension des enjeux numériques dans l’espace européen et puis leur projet, précisément dans l’un de ces domaines : on parlera soit de cybersécurité, bouclier numérique, soit de résilience technologique, compétitivité numérique, soit d’énergie, innovation, sobriété numérique, ou encore de démocratie numérique avec ces sujets autour de l’éthique, de la régulation.
Mon premier invité aujourd’hui est Sven Franck. Bonjour.

Sven Franck : Bonjour.

Delphine Sabattier : Tête de liste du parti Volt France et vous avez choisi de nous adresser plus particulièrement le sujet de la compétitivité et puis cette résilience technologique qu’on appelle de nos vœux au niveau européen.
On va commencer, déjà, par des présentations, peut-être. Parlez-nous un peu de vous Sven. On va tout de suite l’entendre à votre accent : vous êtes né en Allemagne.

Sven Franck : Exactement, je suis Allemand, de Bavière, j’habite à Lille depuis 2012. Professionnellement, je travaille dans une entreprise de logiciels libres où je gère un projet de recherche innovation soit français soit européen, c’était aussi mon sujet principal pendant mes études, gestion d’innovation. Je m’intéresse au sujet du logiciel libre, aux réseaux, au cloud, à tous ces enjeux.

Delphine Sabattier : Plus qu’intéressé, vous travaillez vraiment sur ces sujets au quotidien, vous êtes un expert technique.

Sven Franck : Exactement. Oui, expert administratif et technique, parce que les projets européens, comme les projets français, ce sont toujours plusieurs partenaires qui doivent travailler sur un sujet, donc j’essaye d’assurer que le projet va dans le sens qu’il faut, à travers les frontières ou ici, en France.

Delphine Sabattier : Quand est-ce que vous vous engagez en politique ? À quel moment vous vous dites « je veux pas simplement porter ces sujets tout seul ou à travers mon entreprise, je veux que ça porte une voix différente en Europe. » ?

Sven Franck : De mon côté, je suis membre de Volt depuis 2018, c’est la première fois que je m’engageais dans un parti politique.

Delphine Sabattier : Qu’est-ce qui vous a décidé ?

Sven Franck : Après le premier tour de Macron contre Le Pen, je me suis dit « en tant qu’Allemand je ne peux pas voter, mais je cherche néanmoins à m’impliquer pour éviter que nous nous trouvions avec un gouvernement d’extrême droite ». C’est donc à ce moment que j’ai commencé à regarder. J’ai rencontré Volt un peu après, ça me parlait parce que je suis Allemand en France, ma femme est slovène, je dis toujours que je suis un Européen. Volt est un mouvement qui existe dans tous les pays en Europe, avec un programme commun et ça me parle, à mes convictions.

Delphine Sabattier : Qu’est-ce que c’est que Volt, précisément, le projet Volt.

Sven Franck : C’est un mouvement fondé par trois étudiants, après le référendum sur le Brexit, qui se battent contre l’extrême droite, pour plus d’implication des citoyens dans la politique, notamment la jeunesse, et également pour avancer sur les projets européens et les grands enjeux ensemble. Aujourd’hui, nous sommes dans 30 pays en Europe avec 30 000 membres, nous avons une plateforme avec un programme commun, ce qui, pour nous, est essentiel pour avancer, parce que, notamment aux élections européennes, on ne va pas très loin avec les partis politiques nationaux avec leurs agendas nationaux.

Delphine Sabattier : C’est comme cela que ça se passe aujourd’hui.

Sven Franck : Exactement. Donc, nous essayons de présenter la prochaine itération de la politique européenne, avec un parti politique européen qui n’existe pas aujourd’hui. Nous sommes organisés avec une organisation à Bruxelles, ??? [3 min 58], et après avec des chapitres nationaux. Nous militons pour des partis politiques européens avec des programmes paneuropéens parce que, comme ça, nous avons un consensus de ce qu’on veut de la Suède au Portugal ; comme ça, nous militons pour ces objectifs.

Delphine Sabattier : C’est aussi ce qui essaye de faire la Commission européenne, le Parlement européen. On voit la difficulté, quand même, à 27, de s’entendre.

Sven Franck : Bien entendu, nous aussi nous cherchons un compromis. Je donne toujours l’exemple de la position sur le nucléaire, parce qu’à l’époque la moitié des pays, avec l’Allemagne, étaient contraires, l’autre moitié, avec la France, étaient pour et puis il faut trouver un compromis.

Delphine Sabattier : Et on le trouve ? Vous le trouvez au sein de Volt ?

Sven Franck : Oui, nous l’avons nous l’avons trouvé : on pourra sortir du nucléaire quand que nous aurons des énergies renouvelables stables. Comme ça, en Allemagne, on peut militer pour plus de renouvelable et, en France, on peut dire aussi qu’on soutient le nucléaire comme énergie de transition.

Delphine Sabattier : Très bien. Alors votre vision de l’Europe numérique ? Aujourd’hui et demain évidemment. Aujourd’hui, d’abord un constat.

Sven Franck : Donc, les deux. Aujourd’hui, nous avons un marché unique commun, mais, en réalité, ce sont 27 pays différents : je ne peux pas ouvrir facilement une filiale dans un autre pays européen ; c’est quelque chose que nous voulons changer. Je donne toujours l’exemple : si je veux enregistrer une marque, aujourd’hui c’est facile parce qu’il y a le EUIPO [European Union Intellectual Property Office], donc, avec un enregistrement je peux enregistrer une marque dans les 27 pays. C’est important, pour nous, d’aller aussi dans cette direction pour créer des filiales, pour créer des entreprises et ça touche aussi le numérique. Pour nous le moto de l’Europe c’est d’être unis dans la diversité, donc, dans le domaine du numérique, il faut aussi prendre en compte cette diversité.
Nous avons trois valeurs ou trois idées : l’une c’est l’interopérabilité. On ne peut pas imposer à tout le monde de parler anglais en Europe, ça ne va pas fonctionner, donc il faut aussi éviter d’introduire des standards ou des normes qui sont peut-être comme l’anglais, pas européennes, pour, ensuite, demander à tous les acteurs numériques de les suivre. Pour nous c’est plutôt, une traduction avec ??? [6 min 30], donc on peut traduire chaque langue dans notre langue si, deuxième objectif pour nous, c’est open source, si la grammaire et le vocabulaire sont ouverts et accessibles.
C’est, pour nous, l’idée qu’il faut pousser aussi dans le domaine du numérique.

Delphine Sabattier : Ça veut dire passer par des lois contraignantes qui imposent cette interopérabilité des services numériques, que les données puissent être transférées d’un service à un autre librement ?

Sven Franck : Pas contraignantes, plutôt s’assurer que nous nous ne trouvons pas avec une somme énorme de standards. Par exemple, au travail, nous avons plusieurs projets de recherche où nous essayons de connecter des fournisseurs différents du cloud avec leur propre technologie : pour dire je peux faire tourner un cloud à nous chez un autre fournisseur du cloud, pour avoir cette interopérabilité. En ce moment nous le faisons juste au niveau de la France mais l’idée, dans l’avenir, c’est d’avoir ça aussi à l’échelle européenne. Comme je dis, le marché européen ce sont 27 pays différents, il faut aller vers plus d’interopérabilité pour permettre aussi aux acteurs, en Europe, de travailler dans tous les États membres.

Delphine Sabattier : On n’a pas forcément la décision là-dessus, le politique ne peut pas forcément le décider si ce n’est pas contraignant par la loi. Vous abordez la question du logiciel libre, « il faut que les logiciels soient ouverts, libres », on ne peut pas imposer cela, à moins de vraiment l’inscrire dans la loi et d’en faire quelque chose de contraignant, mais j’imagine que ce n’est pas ce que vous envisagez.

Sven Franck : Nous proposons, par exemple, d’utiliser plus de logiciels libres dans le domaine public. Au Brésil, dans les années 80/90, c’est une loi qui a dit « tous les logiciels publics doivent être des logiciels libres ». Je pense qu’on peut aller dans cette direction : ne pas de dire qu’il faut 100 % de Libre, mais qu’il faut avoir de l’espace pour les logiciels libres et aussi pour les fournisseurs européens.

Delphine Sabattier : Aujourd’hui, la politique française vis-à-vis du Libre vous semble intéressante, suffisamment audacieuse ou trop timorée ? Parce qu’il y a une stratégie open source au niveau de l’État, aujourd’hui en France.

Sven Franck : Ça dépend d’un côté de ce qu’on entend par open source parce qu’il y a des définitions différentes. Après, est-ce qu’il y a une place pour les fournisseurs européens ? Avec Volt, nous disons que c’est bien d’avoir un libre-échange et d’avoir des marchés libres, mais si, à la fin, aucune entreprise européenne existante ne peut participer à ce marché, ce n’est pas l’idéal. Pour nous, il faut de l’espace pour les fournisseurs européens du cloud, du logiciel libre ; on veut assurer cela aussi avec une régulation au niveau européen.

Delphine Sabattier : Justement, c’est donc le sujet que vous avez choisi de développer avec nous parmi les quatre que je vous ai proposés : comment faire pour développer cette résilience technologique et la compétitivité de l’Europe dans l’espace numérique ? Qu’est-ce que vous avez à proposer très concrètement ?

Sven Franck : Pour nous, ça passe par un Small Business Act, comme aux États-Unis où il est un Small Business Act qui donne 23 % de commande publique aux PME américaines. Nous estimons nécessaire une régulation, une loi similaire à l’échelle européenne.

Delphine Sabattier : Quel serait le pourcentage ? Combien d’argent public ? Faut-il des quotas ?

Sven Franck : Disons qu’il faut trouver le moyen de le rendre possible. Dans notre programme, nous parlons de 25 %, donc un quart de commande publique, mais on va aussi plus loin avec d’autres propositions donc, ce n’est pas juste une commande publique. Pour nous, il faut un accompagnement de nos PME à la commercialisation de leurs produits parce que aujourd’hui la France l’Europe aussi, mettent beaucoup d’argent sur l’innovation mais l’étape suivante, la commercialisation, est très difficile. Si le public devient le premier client, c’est plus facile aussi, après, d’aller à l’industrie. C’est donc l’objectif numéro un avec le Small Business Act.
Le deuxième objectif, c’est d’éviter des régulations qui vont mettre les PME en désavantage vis-à-vis des grandes entreprises. Notre travail c’est, par exemple, le Cyber Resilience Act qui est passé 2023, et la première version, proposée par la Commission, était très contraignante pour les fournisseurs de logiciel libre en France en Europe parce qu’elle mettait la responsabilité sur les fournisseurs de logiciels libres pour chaque utilisateur qui utilise un logiciel.

Delphine Sabattier : Une responsabilité sur la protection, en fait. C’est ça ? C’est une responsabilité sur la cybersécurité du logiciel qui va être utilisé on ne sait pas par qui, on ne sait pas comment et on ne sait pas quand, donc, là, ça met en difficulté la communauté des développeurs open source.

Sven Franck : Exactement. Aux États-Unis, une législation similaire exclut notamment les fournisseurs de logiciels libres et met plutôt l’accent sur la partie qui crée un produit et le met sur le marché. Si je crée un logiciel avec 10 000 composants, c’est de ma responsabilité de m’assurer que ces composants sont sécures. Vous avez peut-être vu avec la XZ library, il y a quelques semaines, dans laquelle une back door a été trouvée. En théorie, si je suis la première proposition du Cyber Resilience Act, c’était le développeur qui a fait cette librairie qui portait la responsabilité. De cette façon, tout le monde va arrêter de créer des logiciels libres parce que, aujourd’hui, ce sont des petites entreprises, des développeurs en mode solo. C’est donc ça aussi la résilience, pour revenir au sujet. Il faut créer un écosystème qui permette l’innovation, qui permette la création de nouvelles technologies, il faut éviter d’avoir une régulation qui permette, à la fin, seulement aux plus grandes boîtes d’exister, parce que, pour un Google et un Amazon pas de problèmes, elles vont remplir tous les toutes les réglementations et toutes les exigences, mais pour une petite entreprise, pour une PME, c’est beaucoup plus compliqué.

Delphine Sabattier : Et ça coûte beaucoup plus cher.

Sven Franck : Exactement. Donc, pour nous, c’est important de s’assurer que les réglementations qui sont passées au niveau européen permet aussi aux PME d’exister, dans le numérique mais aussi dans les autres domaines.

13’ 27

Delphine Sabattier : Au niveau